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N° 122 - Décembre 2015
Une analyse sociotechnique du programme français de réacteurs à neutrons rapides : les formes successives de l’évaluation(1)
Par Claire LE RENARD (2) (3)
EDF R&D ; LinX-SHS, École polytechnique, Université Paris-Saclay ; Université Paris-Est, LISIS, CNRS, ESIEE-Paris, INRA, UPEM
Issu d’une recherche rétrospective sur le programme nucléaire à neutrons rapides français, cet article vise à mettre en évidence, avec des apports méthodologiques de la sociologie des sciences et des techniques, la dynamique de l’évaluation des réacteurs démonstrateurs. Ceux-ci ont pour finalité de démontrer la faisabilité (comportant la sûreté et la viabilité technique et économique) de cette technologie ou « filière », porteuse de la promesse d’une source d’énergie potentiellement inépuisable pour l’avenir. Jusqu’au milieu des années 1970, le besoin d’une telle filière était vu comme urgent et la priorité était d’en prouver la faisabilité « technique » grâce à des réacteurs de démonstration. Mais après le milieu des années 1970, l’évaluation des projets de réacteurs à neutrons rapides cherche à en établir plus largement la viabilité technique et économique, ainsi que la garantie de sûreté. L’analyse du cas de Superphénix montre la difficulté de tenir ensemble les trois éléments de l’évaluation dans un contexte changeant, où les poids respectifs des critères évoluent de manière dynamique : elle appelle à questionner le cahier des charges implicite des démonstrateurs.
1Cet article est une version retravaillée d’un article écrit à l’origine pour la conférence « FR 13/ International Conference on Fast Reactors and Related Fuel Cycles » organisée sous l’égide de l’AIEA, Paris, 4-7 mars 2013.
2Les propos tenus dans cet article n’engagent que son auteur.
3L’auteur tient à remercier ici pour leurs relectures Arthur Jobert, chercheur à EDF R&D, avec qui cette recherche a été réalisée, ainsi que Danièle Verwaerde, Jean-Michel Delbecq et Jean-François Sauvage, alors chefs de projet à EDF, pour le soutien qu’ils ont apporté à cette démarche de recherche « socio-technique ». Que les relecteurs anonymes soient remerciés pour leurs commentaires constructifs. Enfin, je suis reconnaissante vis-à-vis de toutes les personnes interviewées pour avoir accepté de partager leurs souvenirs, leurs témoignages et leurs analyses, parfois critiques, du développement de la technologie des RNR en France, ainsi que leurs archives documentaires personnelles.
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N° 122 - December 2015
A sociotechnical analysis of the French fast-neutron reactor program: Successive assessments
Claire LE RENARD,
engineer/researcher in sociology, Groupe de Recherche Énergie Technologie Société, Électricité de France
This review of the assessments made of France’s fast-neutron reactor program uses methodologies developed by the sociology of science and techniques to shed light on trends in assessing nuclear reactor demonstrations. Assessments were intended to attest the feasability, safety and viability (technical as well as economic) of this technology, which holds promise as a potentially inexhaustible source of energy in the future. Till the mid-1970s, developing the nuclear industry was deemed urgent, and the priority was to prove its “technical” feasability through demonstration reactors. Since that time, the assessment of fast-neutron reactors has sought to confirm their technical and economic viability and vouch for their safety. As an analysis of Superphenix shows, it is difficult to pursue all three objectives, since assessments are conducted in a changing context, as the weights of various criteria are continuously reassigned - whence questions about the implicit set of specifications used by those who perform reactor demonstrations.
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N° 122 - Dezember 2015
Eine soziotechnische Untersuchung zum französischen Reaktorprogramm der schnellen Brüter : die aufeinander folgenden Formen der Evaluation
Claire LE RENARD,
Ingenieurin und Forscherin im Bereich der Soziologie - EDF - Forschung und Entwicklung, ICAME, Forschungsteam für Energie, Technologie und Gesellschaft
Auf der Grundlage einer retrospektiven Untersuchung über das französische Reaktorprogramm der schnellen Brüter möchte dieser Artikel, der auf methodologische Beiträge der Soziologie der Wissenschaften und Techniken zurückgreift, die Dynamik der Bewertung der Demonstrationsreaktoren darstellen. Diese haben das Ziel, die Machbarkeit dieser Technologie (hinsichtlich der Sicherheit und der technischen und wirtschaftlichen Existenzfähigkeit) zu demonstrieren, die als Versprechen einer potenziell unerschöpflichen Energiequelle für die Zukunft galt. Bis Mitte der 1970er Jahre wurde der Bedarf eines solchen Sektors als dringend eingestuft und es gab die Priorität, die „technische“ Machbarkeit mit Demonstrationsreaktoren zu beweisen. Aber nach Mitte der 1970er Jahre zielte die Bewertung der Projekte der schnellen Brüter darauf ab, die technische und wirtschaftliche Lebensfähigkeit sowie die Sicherheitsgarantie auf breiterer Ebene zu bestimmen. Die Analyse des Falls Superphénix zeigt die Schwierigkeit, die drei Elemente der Bewertung in einem sich verändernden Kontext beisammenzuhalten, da sich das jeweilige Gewicht der einzelnen Kriterien in dynamischer Weise entwickelt : die Untersuchung gibt Anlass, das implizite Lastenheft der Demonstratoren in Frage zu stellen.
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N° 122 - Diciembre 2015
Análisis sociotécnico del programa francés de reactores rápidos. Formas sucesivas de la evaluación
Claire LE RENARD,
Ingeniera-investigadora en sociología - EDF I+D/ICAME/Grupo de investigación Energía Tecnología Sociedad
Fruto de una investigación retrospectiva sobre el programa nuclear francés de neutrones rápidos, este artículo busca demostrar, gracias a los aportes metodológicos de la sociología de las ciencias y tecnologías, la dinámica de la evaluación de los reactores demostradores. Su objetivo es demostrar la factibilidad (que incluye la seguridad y la viabilidad técnica y económica) de esta tecnología que promete ser una fuente de energía potencialmente ilimitada para el futuro. Hasta mediados de los años 1970, la importancia de dicho sector era innegable; lo más importante era probar su viabilidad «técnica» mediante reactores de demostración. Pero después de esta época, el interés se centra más ampliamente en la viabilidad técnica y económica de los proyectos de reactores rápidos, así como en la seguridad. El análisis del caso de Superphénix demuestra la dificultad de mantener juntos los tres elementos de evaluación en un contexto cambiante, en el que la importancia respectiva de los criterios evoluciona de forma dinámica. Asimismo, sugiere un cuestionamiento del pliego de condiciones implícito de los demostradores.
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