La série Réalités Industrielles publie trimestriellement des dossiers thématiques sur des sujets importants pour le développement industriel et économique. Piloté par un spécialiste du secteur sous l’égide du Comité de rédaction de la série, chaque dossier présente une large gamme de points de vue complémentaires, en faisant appel à des auteurs issus à la fois de l’enseignement et de la recherche, de l’entreprise, de l’administration ainsi que du monde politique et associatif. Voir la gouvernance de la série
Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
L’arrivée des biothérapies, c’est-à-dire de médicaments dont les principes actifs sont produits à partir du vivant et issus des recherches les plus fondamentales en biotechnologies, constitue une véritable révolution pour la filière des industries de santé et une opportunité pour la France.
Notre objectif est de développer un écosystème fécond, fondé sur des instituts de recherche fondamentale de niveau mondial, un tissu riche de biotechs, notamment dans le cadre de la French Care, et des laboratoires pharmaceutiques de premier ordre qui produisent en France.
À l’initiative du président de la République, nous déployons depuis deux ans le programme France 2030 en faveur de l’investissement, de l’innovation et de la ré-industrialisation de la France dans des secteurs stratégiques. C’est dans ce cadre que s’inscrit notre stratégie scientifique nationale pour les « biothérapies et bioproduction de thérapies innovantes ». Son ambition est de faire de la France le premier pays européen pour le développement et la production de nouveaux biomédicaments. Pour y parvenir, nous rapprochons la recherche fondamentale et la recherche technologique, par exemple à travers le programme de recherche en biothérapies et bioproduction de thérapies innovantes (PEPR BBTI), qui constitue l’un des trois axes prioritaires de la stratégie du plan Innovation Santé 2030. Nous favorisons également la création d’entreprises et le transfert des innovations réalisées dans l’enseignement supérieur et la recherche via des concours d’innovation financés par l’État. Nous veillons à sécuriser les approvisionnements, en encourageant la production de ces nouvelles molécules en France et en Europe.
Conseiller auprès du directeur scientifique de la
recherche fondamentale du CEA
et
Bernard CELLI,
Vice-président du comité économique des produits de
santé
Biothérapies et bioproductions, ces deux termes sont indissociables et peuvent être vus comme les deux faces d’une même pièce, celle des biomédicaments, ces médicaments dont les principes actifs sont issus du vivant ou produits à partir du vivant. Les biothérapies couvrent un champ large qui va de la recherche à l’utilisation au quotidien du biomédicament dans le soin usuel des patients alors que la bioproduction se consacre à leur production industrielle et leur mise en forme pharmaceutique.
Longtemps, le sujet des biomédicaments a été restreint au champ des spécialistes, chercheurs et cliniciens. Aujourd’hui, alors qu’ils prennent une part majoritaire dans les nouvelles thérapies mises sur le marché, ils deviennent des sujets de sécurité sanitaire et d’accessibilité économique.
Ce numéro vise à donner au lecteur une vue panoramique du sujet au niveau français et plus largement européen et mondial.
Tout d’abord, les biothérapies et la bioproduction constituent aujourd’hui un enjeu national qui fait l’objet du premier chapitre de ce numéro. Environ 95 % des biothérapies utilisées en France sont importées. Dans les faits, seuls cinq biomédicaments sont produits en France. La situation peut apparaître critique quand on réalise que le marché global des biomédicaments passera de 17 à 41 % du marché des produits pharmaceutiques avant la fin de l’actuelle décennie. Ces constats seront présentés dans cette partie et les actions mises en place par l’État développées. En miroir de la vision de l’État, les organisations professionnelles des entreprises du médicament (des grandes entreprises aux start-up) exposeront leur point de vue. L’avenir se joue également au niveau de la recherche qu’elle soit fondamentale, technologique ou clinique et deux grands organismes de recherche publique compléteront le panorama des enjeux nationaux.
Président de la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom)
Il y a des industries outre-mer. Leur part, 13 % du total des emplois (article de Bruno Terrien et Aurélien Truillon, IEDOM/IEOM, chiffre 2021, pp. 7-14) est inférieure à celle constatée en métropole (16 %) ; elle n’est pour autant, ni hors de proportion, ni négligeable. Ce n’est sans doute pas l’intuition première, tant l’économie marchande y est perçue – et c’est la réalité – comme plus restreinte. Ainsi, le secteur marchand emploie 44 % des salariés (donnée en province pour exclure les particularités de la région parisienne, 2016) pour 32 % à la Réunion, 35 % en Martinique, 30 % en Guadeloupe, 18 % en Guyane. De surcroît, les économies ultramarines sont, à l’exception principale de la Nouvelle-Calédonie, très importatrices. Le taux de couverture exportation sur importation des biens est, en 2019, de 14 % en Martinique, 10 % en Guadeloupe et Guyane, 5 % à la Réunion, 1 % à Mayotte.
La présence d’un secteur industriel vient en contre-poids d’un modèle socio-économique très largement fondé sur la présence des administrations et des établissements sanitaires publics. Ces secteurs représentent une part importante de la vie économique et de l’emploi en province ; le phénomène est aggravé outre-mer. Il vient même parfois en solution de crises structurelles. Ainsi, à Saint-Pierre et Miquelon, la réponse au déclin de la pêche a été le développement de l’administration. L’administration exerce aussi, par exemple par le niveau des rémunérations qu’elle verse à de nombreux agents publics, un effet dissuasif à l’embauche dans les entreprises, entre autres celles du secteur industriel, et dégrade leur compétitivité.
Sous-directrice des Matériels de transport, de la Mécanique et de l’Énergie ‒ Service de l’Industrie ‒ Direction générale des Entreprises (DGE)
L’industrie automobile est à la croisée des chemins face au défi de la transition écologique qui génère une complexité inégalée pour la filière.
Le secteur des transports (incluant les transports aérien, ferroviaire, maritime, fluvial de marchandises et autres modes de navigation) est à l’origine d’environ 40 % des émissions totales de CO2 de la France et de 30 % de ses émissions de gaz à effet de serre. Entre 1990 et 2019, les émissions de GES des transports continuent à croître en France (+ 8 %), alors que les émissions de l’ensemble des secteurs (industrie, agriculture, résidentiel et tertiaire, etc.) ont baissé de 20 % sur la même période. Les voitures particulières représentent plus de 50 % des émissions des transports, soit environ 70 Mt CO2 éq.
L’Union européenne a, dans ce contexte, fixé un objectif très ambitieux en adoptant définitivement, le 28 mars dernier, les nouveaux objectifs de réduction des émissions de CO₂ des véhicules légers : ainsi, le règlement obligeant les constructeurs automobiles à ne vendre que des véhicules zéro émission à partir de 2035 sera publié prochainement au Journal officiel de l’UE (au moment où ces lignes sont écrites, en avril 2023).
La crise énergétique que nous connaissons appelle des réponses, et l’État se doit d’être au rendez-vous lorsque des événements exceptionnels se produisent. Il a ainsi joué son rôle au regard des difficultés créées aux entreprises par la crise du Covid-19, par une batterie de dispositifs, au premier rang desquels les prêts garantis par l’État et l’activité partielle. Il doit le jouer encore de manière plus ciblée, avec les conséquences de la guerre d’Ukraine, alors même que le choc des prix de l’énergie présente des défis nouveaux aux entreprises de toute taille, et notamment au socle industriel du pays.
Les réponses sont multiformes : le bouclier tarifaire pour les ménages a permis à la France d’avoir une inflation plus basse de 4 points que la moyenne européenne, réduisant ainsi partiellement et pour un temps la pression sur les salaires. Les guichets d’aides aux entreprises permettront aux industries françaises de voir leur facture diminuer sur la fin 2022 et sur 2023. Les négociations conduites au sein de l’Europe pour faire évoluer les modes d’élaboration des prix de l’électricité ou plafonner ceux du gaz peuvent enfin y contribuer pour le futur. Pour autant, dans l’immédiat, il faut mobiliser les outils existants sur la prévention des difficultés des entreprises et leur accompagnement.
Introduction : Prévenir et traiter les difficultés des entreprises
Par Guillaume CADIOU
Délégué interministériel aux restructurations d’entreprises
Serge CATOIRE
Conseil général de l’Économie
et
Olivier REMY
Conseiller au cabinet du ministre délégué chargé de l’Industrie
Les difficultés d’une entreprise peuvent avoir, selon sa taille, un impact plus ou moins important sur la collectivité humaine qui la compose, sur son bassin d’emploi, sur ses fournisseurs et clients et, globalement, sur la filière dans laquelle elle s’insère.
Limiter cet impact et permettre le meilleur rebond possible pour l’entreprise et ses salariés mobilisent de nombreux spécialistes, tant dans des structures publiques que dans des entités de droit privé, dont l’action va de la détection précoce des difficultés jusqu’au rebond et à la revitalisation.
Le présent numéro de Réalités industrielles (une série des Annales des Mines) vise à dresser un panorama de la diversité et de la qualité des talents qui s’emploient à prévenir et à traiter les difficultés des entreprises.
« Signaux faibles », cette start-up d’État pérennisée en 2019 par une convention interministérielle et pilotée depuis par Élodie Quezel, mobilise au travers d’outils d’intelligence artificielle les données de cinq administrations pour détecter de manière plus précoce les indices permettant d’anticiper les difficultés d’une entreprise. L’amélioration permanente de cet outil et la qualité du dialogue, dont il est le support, entre les différentes administrations concernées permettent une prédiction statistique des défaillances à 18 mois, ce qui permet à ces administrations de déclencher plus tôt les dispositifs d’accompagnement et l’octroi des aides éventuelles.