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Novembre 2022 - Hydrogène et décarbonation
L’hydrogène décarboné : une stratégie interministérielle et une gouvernance rénovée
Par Hoang BUI
Secrétariat général pour l’investissement, sous l’autorité du Premier ministre
La France a construit une stratégie Hydrogène qui doit garantir son indépendance. Au travers de cette stratégie qu’elle a dotée de moyens financiers substantiels (8,9 Mds€), elle vise à produire son hydrogène par électrolyse et accélérer le déploiement de sa décarbonation, tout en portant une ambition industrielle d’envergure mondiale. Elle fait ainsi la course dans le peloton de tête.
À la sortie de la crise sanitaire, les services de l’État se sont mis en ordre de bataille et ont adopté une nouvelle gouvernance, où ils travaillent systématiquement en interministériel ‒ un travail à la base des plans d’investissement France Relance, puis France 2030 ‒ et en interaction permanente avec les acteurs privés, au travers notamment du Conseil national de l’hydrogène. La crise du gaz a renforcé encore plus la conviction collective qu’il faut sortir en urgence de notre dépendance aux hydrocarbures fossiles, et ce grâce à l’hydrogène et à nos énergies décarbonées.
Mais la route est encore longue et pavée d’embûches. L’hydrogène est-il toujours la meilleure solution ? Nous sommes-nous lancés trop tôt dans l’électrolyse ? S’agit-il d’un investissement sans regret ? Disposerons-nous d’assez d’électricité et d’équipements « Made in France » pour installer 6,5 GW de capacités d’électrolyse d’ici à 2030 ? Réussirons-nous, grâce à ce déploiement massif, à faire baisser le coût de l’hydrogène décarboné produit ? Pour ce faire, pouvons-nous compter sur l’innovation, l’augmentation de la puissance et des performances des électrolyseurs et la construction de gigafactories d’équipements grâce au soutien financier exceptionnel apporté dans le cadre du programme européen IPCEI, avec pour but d’accompagner le dynamisme de nos industriels ?
Quand nos voisins, l’Espagne ou l’Allemagne, nous pressent d’investir dans des infrastructures de transport d’hydrogène par pipeline, avons-nous raison de dire non en raison des coûts échoués, et ce même si de grands industriels nous le demandent ? Et si la vraie question, c’était plutôt : quand ? C’est-à-dire quand devrions-nous réexaminer la question des infrastructures qui pourraient être nécessaires pour le développement de nos propres bassins d’hydrogène ? L’Allemagne, qui doit importer massivement de l’hydrogène vert, va-t-elle déstabiliser la production européenne locale, et surtout française ? Quels seront le prix de cet hydrogène liquéfié (ou ammoniac) importé via les terminaux de l’Europe du Nord et le coût de sa distribution ? Comment retrouver nos repères économiques alors que le prix de l’électricité, qui représentait jusqu’à présent 70 % du coût de l’hydrogène décarboné produit, a été multiplié par presque 9 (en juillet 2022 par rapport à fin 2020) et que celui du gaz naturel a été multiplié par 6 ?
Et si le plus important, c’était l’équipage ? Notre capacité à nous écouter les uns les autres, à comprendre l’environnement qui nous entoure et les évolutions économiques et techniques pour réajuster en permanence, ensemble, notre route ? Mais aussi notre capacité à savoir changer de cap quand le chemin tracé nous mène à une impasse.
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