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Mai 2009 - Les technologies de l'information et de la communication
Editorial par Pierre Couveinhes,
Rédacteur en chef des Annales des Mines
Lors de la préparation de ce nouveau numéro consacré aux Technologies de l’Information et de la Communication (les TIC), Réalités Industrielles a lancé un redoutable défi à plusieurs experts, en leur demandant d’imaginer à quoi pourrait bien ressembler le monde numérique, dans vingt ans. Deux conclusions peuvent être dégagées de leurs analyses.
La première, c’est qu’il semble acquis que la formidable évolution technologique observée au cours des dernières années va se poursuivre et que la célèbre loi de Moore gardera encore longtemps sa validité : les TIC continueront donc à changer profondément notre vie, et aussi le fonctionnement des entreprises.
La deuxième de ces conclusions est que, très probablement, la vision que nous avons aujourd’hui de l’avenir apparaîtra demain aussi erronée que se sont avérées l’être la plupart des projections faites par le passé : ainsi, dans les années 1980, au début de l’essor du téléphone mobile, l’administration française ne prévoyait qu’une expansion très limitée de cette technologie - elle misait, en revanche, sur un développement considérable du vidéotéléphone fixe…
Quel était donc le constat du précédent numéro de Réalités Industrielles consacré aux TIC (en 2005) ? L’éditorialiste de l’époque soulignait deux traits caractéristiques du développement de ces technologies. Tout d’abord, une convergence générale des matériels et des usages. Celle-ci s’est effectivement poursuivie : le téléphone mobile (ce véritable « couteau suisse » de l’ère des TIC) permet aujourd’hui non seulement de téléphoner, mais aussi de prendre des photos et de ‘tourner’ des vidéos, de les enregistrer et de les visionner, de stocker et d’écouter de la musique, et même de s’orienter, grâce au GPS ! En ce qui concerne les entreprises, cette convergence brouille des frontières, naguère étanches, entre différentes catégories d’opérateurs : ainsi, les sociétés de télévision sont désormais en concurrence avec les opérateurs téléphoniques pour acquérir les droits de diffusion de grands événements sportifs.
Le second trait relevé en 2005 était la possibilité d’une divergence entre les personnes ayant accès aux TIC et ceux qui risquaient d’en être privés, notamment dans les pays du Sud (par l’apparition, en quelque sorte, d’une fracture numérique à l’échelle mondiale). Il semble que cette crainte soit, heureusement, infondée : même si subsistent d’importantes différences entre zones géographiques, l’équipement des pays du Sud en Internet et en téléphonie mobile progresse à un rythme soutenu. Et, dans toutes les parties du monde, les hommes ne semblent pas avoir de grandes difficultés à s’approprier les outils nouveaux que nous offrent les TIC.
De nos jours, c’est sur d’autres plans que se situent les problèmes, semble-t-il. En premier lieu, les TIC remettent en question des modèles économiques existant de longue date, sans proposer d’emblée des modèles de substitution. Elles déstabilisent ainsi certains secteurs d’activité, comme le montre l’exemple caractéristique des droits d’auteur en matière d’œuvres musicales. Mis en difficulté par l’essor des systèmes d’échange peer to peer, les éditeurs de musique ont tenté de rendre impossible la copie (ou le réemploi) des fichiers musicaux – ce qui revient, ainsi que le souligne un des auteurs de ce numéro, à annihiler très précisément les avantages spécifiques apportés par la numérisation. Ce combat d’arrière-garde semble aujourd’hui abandonné, mais la dureté des discussions autour des questions de propriété intellectuelle laisse penser que des difficultés subsisteront, jusqu’à l’émergence d’un nouveau modèle économique qui soit à même de protéger, de manière équilibrée, les intérêts de toutes les parties concernées.
Plus fondamentalement, l’omniprésence des TIC dans notre vie quotidienne soulève, de plus en plus, des questions d’ordre éthique : à l’ère des réseaux sociaux, quelle part de notre vie privée doit-elle impérativement être préservée ? Comment remédier au phénomène inédit des cyber-addictions, que les casinos virtuels ou les jeux de rôle en réseau peuvent générer ? Le désir de se prémunir contre toute forme de risque ne va-t-il pas conduire à mettre chacun d’entre nous sous surveillance ?...
Saurons-nous apporter des réponses satisfaisantes à toutes ces questions et, cela, à un rythme compatible avec celui du déploiement des nouvelles technologies ? Telle apparaît être, aujourd’hui, la principale difficulté.
Mais peut-être cette crainte s’avèrera-t-elle, dans l’avenir, aussi infondée que ne l’ont été maintes autres, exprimées par le passé, à propos des TIC ?…
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