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Août 2009 - La voiture individuelle de l'avenir
Editorial par Pierre Couveinhes,
Rédacteur en chef des Annales des Mines
Cela semble désormais évident : la voiture individuelle va devoir évoluer profondément au cours des années à venir, face à la double perspective d’un épuisement progressif des ressources pétrolières et d’un changement climatique redouté. A cet égard, la crise économique que nous traversons a joué, en quelque sorte, un rôle de révélateur, suscitant une prise de conscience chez les utilisateurs d’automobiles et mettant les constructeurs au pied du mur.
Mais à quoi le véhicule individuel de demain ressemblera-t-il, au juste ? Une chose semble certaine : déjà très présente, l’électricité verra son rôle continuer de s’accroître et les véhicules « thermiques » seront amenés, progressivement, à s’« hybrider » avec notamment la généralisation des alterno-démarreurs (systèmes « stop & go ») et celle de la récupération de l’énergie de freinage. Soulignons, à cet égard, que l’électrification de la plupart des organes mécaniques et leur couplage à divers types de capteurs et de calculateurs vont permettre de réaliser des progrès décisifs en matière de sécurité active : afin de prévenir les accidents, ces dispositifs alerteront le conducteur en cas de danger, voire prendront directement en main le véhicule…
La voiture de demain sera-t-elle donc une voiture tout électrique ? Cela n’est pas évident pour tous les types d’usages, tout au moins dans un proche avenir. En effet, pour la même énergie emmagasinée, les batteries d’accumulateurs actuellement disponibles pèsent vingt fois plus que les hydrocarbures liquides. Cela limite l’autonomie des voitures tout électrique à environ 150 km. Leur généralisation nécessite donc la mise en place d’un réseau suffisamment dense d’infrastructures de recharge et/ou de remplacement des batteries, ce qui prendra du temps. Par ailleurs, du point de vue environnemental, il convient de prendre en compte la manière dont a été produite l’électricité avec laquelle on recharge les batteries. Certes, en France, la production d’électricité s’accompagne aujourd’hui d’émissions relativement faibles de CO2 dans l’atmosphère, mais il n’en va pas de même pour la plupart des autres pays, où l’électricité est produite, pour l’essentiel, à partir de combustibles fossiles (fuel, gaz et, surtout, charbon). L’intérêt environnemental du véhicule tout électrique peut donc varier dans de fortes proportions.
En fait, le plus probable est que la voiture individuelle « à tout faire » que nous connaissons aujourd’hui disparaîtra, en même temps que le pétrole abondant et bon marché. Il n’y aura sans doute plus, dans l’avenir, un seul type de voiture individuelle, mais plusieurs, présentant des caractéristiques très différenciées, adaptées aux différents usages. Comme il n’est ni souhaitable - ni même imaginable, pour des raisons financières évidentes - que chacun d’entre nous possède plusieurs de ces véhicules « spécialisés », des services de location (voire de colocation ou d’auto-partage) seront sans doute appelés à se généraliser.
La voiture tout électrique semble la solution idoine pour les déplacements individuels et les livraisons à l’intérieur des grandes villes, où la grande majorité des trajets sont effectués sur de courtes distances et où la réduction de la pollution atmosphérique constitue un enjeu important. Vraisemblablement, son développement se réalisera largement dans le cadre de modes collectifs d’utilisation, comme le laisse augurer le succès des systèmes de location de vélos que met aujourd’hui en place un nombre croissant de grandes agglomérations.
En matière de trajets sur de longues distances, pour lesquels l’autonomie énergétique du véhicule est un facteur décisif, la propulsion thermique n’a certainement pas encore dit son dernier mot et reste susceptible de progrès considérables : les véhicules fonctionnant avec des hydrocarbures liquides (que l’on peut produire à partir de gaz naturel, de charbon ou de biomasse) conserveront durablement une large part de ce marché, tout en s’hybridant progressivement.
Mais peut-être une rupture technologique interviendra-t-elle, qui donnera aux véhicules individuels une physionomie totalement différente de celle que nous leur connaissons aujourd’hui ? A l’instar, par exemple, de ces systèmes de roues intégrant chacune son moteur et sa suspension électriques… A cet égard, la Lohner-Porsche modèle 1901 (dont une gravure illustre ce numéro), avec son moteur thermique couplé à un générateur électrique alimentant des moteurs électriques logés dans les moyeux des roues, ne serait-elle pas être une préfiguration réaliste d’un type possible de voiture individuelle de l’avenir ?
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