N° 107 - Juillet 2022 - Environnement : Face à la longue urgence
« Ce ne sera pas un bang, mais un long gémissement » Brèves réflexions sur une catastrophe au ralenti
Par Jean-Pierre DUPUY
Philosophe, professeur émérite à l’École polytechnique et professeur à l’Université Stanford, Californie
Ce que nous devons peut-être craindre le plus, ce n’est pas une grande catastrophe qui mettrait par là même fin aux maux de notre époque par notre disparition, c’est, au contraire, une longue prolongation et une accentuation de ceux-ci selon une spirale descendante. L’adaptation au changement climatique reposera sur l’incroyable capacité des êtres humains à s’ajuster aux pires conditions de misère et d’oppression. Est-ce ce que nous voulons ? Ce type de « catastrophe au ralenti » peut très bien se terminer par un effondrement brusque. On étudie ici le cas où plus l’on se rapproche de ce moment, plus on a des raisons objectives de croire que l’on en est éloigné. On en déduit que les optimistes se doivent d’être catastrophistes, précisément parce qu’ils sont optimistes. Inversement, on a des raisons de penser que l’optimisme « exubérant » manifesté de façon récurrente par les agents de la crise, gouvernants compris, se nourrit d’un catastrophisme qui ne dit pas son nom.
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N° 107 - July 2022 - Environment: Facing the long emergency
‟It won’t be a bang, but a long moan” Brief reflections on a slow-motion disaster
Jean-Pierre Dupuy,
Philosopher, Professor Emeritus at the École Polytechnique and Professor at Stanford University, California
What we must fear most is not necessarily a huge disaster that will put an end to the evils of our time by discarding our species. It is rather that these evils will go on for long periods of time while their effects will be more and more dreadful as they follow a downward spiral. Adaptation to climate change will rest on the incredible capacity that human beings have to adjust to the worst conditions of hardship and oppression. Is it how we want to live? This kind of ‟slow motion disaster” can very well end in a sudden collapse. This paper examines the case in which the closer we get to this moment, the more we have objective reasons to believe that it is farther away from us. We infer from this case that optimists should be alarmists precisely because they are optimistic. Conversely, there are good reasons to believe that the kind of irrational exuberance displayed by the agents of the crisis, governments included, feeds on a diffuse apocalypticism.
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