N° 3 - Septembre 2018 - Les métiers du droit au défi du numérique
L’accès numérique au droit
Roseline LETTERON
L’accès au droit renvoie à l’idée d’une transparence de la règle de droit et de la manière dont elle est interprétée par les juges. Si l’accès numérique aux textes écrits, lois et décrets, est mis en œuvre avec Légifrance, l'open data des décisions de justice est encore parcellaire et inabouti. Consacré par la loi Lemaire pour une République numérique de 2016, il bouscule les traditions en mettant en cause la suprématie des cours suprêmes dans le contrôle de la jurisprudence, y compris celle des juges du fond. En imposant un anonymat et une prévention de la réidentification des plaideurs et parties, il risque aussi, à terme, de susciter des décisions de justice plus abstraites, détachées de l’appréciation des faits.
Surtout, l'open data interroge notre vision de la justice en laissant entrevoir l’évolution vers une « justice prédictive », les décisions étant rendues par ordinateur à partir d’une modélisation des précédents. Au-delà d’une atteinte au principe de l’examen individuel du dossier et de son incapacité de prendre en considération les éléments les plus subtils de la motivation de la décision, la justice prédictive se caractérise par son caractère conservateur. Entièrement tournée vers le passé, elle risque en effet de scléroser toute évolution jurisprudentielle et de conduire à un droit statique et rigide.
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N° 3 - September 2018 - The legal professions coping with the challenge of digital technology
Digital access to the law
Roseline LETTERON
Access to the law evokes the transparency of the rule of law and of the interpretation of the law by judges. The website Légifrance provides access to French laws and decrees; but open data on court decisions is still piecemeal and incomplete. Enshrined in the 2016 Lemaire Act for a Digital Republic, the principle of open public data is unsettling traditions and raising questions about the supremacy of higher courts to control case law, including decisions by lower-court judges. By requiring anonymity and preventing the identification of the parties to a case, this principle risks eventually making court decisions more abstract, removed from the facts of the case. Above all, it challenges our vision of justice by letting us glimpse a “predictive justice”, whereby computers pronounce decisions by using models built from precedents. What characterizes predictive justice — besides its violation of the principle of an individual examination of cases and its incapacity for factoring into its decisions the finer points that serve as grounds for decisions — is its conservatism. Fully turned toward the past, it risks petrifying jurisprudence, thus making the law static and rigid.
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