N° 3 - Septembre 2018 - Les métiers du droit au défi du numérique
Les facteurs de transformation du droit
Guy CANIVET
Présentée comme un « fait social total », la révolution digitale engendre des transformations majeures du droit dont les facteurs sont multiples. Ils sont d’abord juridiques, en ce qu’ils obligent chacune des matières du droit à prendre en compte l’introduction des techniques d’information et de communication dans les divers domaines de l’activité humaine et, transversalement, invitent le législateur national ou international à réglementer ces techniques elles-mêmes en créant une nouvelle discipline « numérique » du droit. Ils sont ensuite économiques et sociaux, par les profondes mutations entraînées dans la pratique du droit par l’irruption de nouveaux prestataires techniques : les legaltechs qui, proposant à partir de plateformes numériques des services innovants, bouleversent l’économie des professions du droit et déstabilisent la position sociale des juristes. Sur le plan institutionnel, ces facteurs incitent le service public de la justice à revoir tout à la fois ses missions à l’égard de ces nouveaux prestataires du droit et du réglement des litiges en ligne, la répartition de ses moyens, notamment géographiques, ses modes d’accès, l’organisation du procès et la production des jugements. Ces facteurs sont aussi épistémologiques : big data, intelligence artificielle et langage digital altèrent tout à la fois la logique juridique et la nature de la norme. Ces facteurs sont enfin politiques : en permettant un nouveau système de transaction sécurisé par la confiance partagée, sans intermédiaire institué, la blockchain affranchit les opérateurs économiques tout à la fois du droit et de la justice des États. Au total, la conjonction de ces facteurs produit un effet de subversion dont les effets politiques, économiques, éthiques et symboliques sont encore à mesurer.
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N° 3 - September 2018 - The legal professions coping with the challenge of digital technology
Factors underlying the transformation of law
Guy CANIVET
Presented as a “total social fact”, the digital revolution is setting off major changes in the law. The many factors behind these changes have legal implications. They force every field of the law to take account of the introduction of information and communications technology in all human activities; and they induce national or international lawmakers to regulate digital techniques via the creation of a new discipline, digital law. These factors are also economic and social given the deep changes wrought in the practice of the law by the sudden appearance of new service-providers in legal technology. These legaltechs are proposing innovative services on Internet platforms, upsetting the economics of the legal professions and destabilizing the social position of these professionals. At the institutional level, these factors force the public service of justice to review its practices in relation to these new service-providers, the online settlement of disputes, the distribution (in particular geographical) of modes of access, the organization of court hearings and court decisions. These factors are also epistemological: big data, artificial intelligence and digital jargon are altering the nature of legal arguments and norms. Finally, these factors are political: by making possible a new system of transactions secured through shared trust (without a trusted third party), blockchains emancipate economic agents from both the law and justice systems. All in all, the conjunction of these factors is subversive; and the political, economic, ethical and symbolic effects are yet to be gauged.
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