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N° 54 - Avril 2009 -
La responsabilité environnementale et sociétale des entreprises
Editorial par Pierre Couveinhes,
Ingénieur en Chef des Mines
Certes, l’étendue de la responsabilité des entreprises s’est singulièrement accrue depuis cette époque lointaine, et particulièrement au cours des dernières décennies. En vertu du principe « pollueur-payeur », les entreprises doivent encore aujourd’hui, bien sûr, compenser les nuisances qu’elles ont pu directement provoquer, mais le responsable d’une pollution ne peut plus arguer du fait qu’il a respecté toutes les réglementations en vigueur : il peut être condamné au seul motif de ne pas avoir pris les mesures qui auraient permis d’éviter l’accident. Comme le confirme la jurisprudence, il peut même se voir condamné pour avoir seulement créé la possibilité d’un incident environnemental, même si celui-ci ne s’est pas concrétisé. A cet égard, comment traiter le cas de ces nouvelles molécules régulièrement mises sur le marché, dont l’impact sur l’environnement n’est pas encore connu ? Cela nous amène à des considérations mettant en jeu le principe de précaution, des justifications telles que « responsable(s), mais pas coupable(s) » n’étant plus recevables aujourd’hui.
La définition du dommage environnemental a connu, elle aussi, d’importantes extensions successives : des dommages causés aux hommes, on est passé, progressivement, aux dommages portés à un écosystème (par exemple, à une rivière), puis à la notion de préjudice écologique pur (par exemple : une atteinte à la biodiversité).
Cet élargissement des concepts de nuisance et de responsabilité soulève des questions nouvelles, fort complexes, dans les domaines juridique, technique et économique. Plusieurs articles de ce dossier présentent certaines des réponses qui commencent à y être apportées. Par exemple : qui est fondé à représenter la nature devant la justice, afin d’obtenir réparation des atteintes qu’elle peut avoir subies ? Il semble que des organismes privés ou publics (voire des personnes privées) puissent assurer cette fonction, en s’appuyant sur des notions juridiques fort anciennes, telles que le « trouble anormal de voisinage » ou la « contravention de grande voirie ». Autre question, inédite : comment calculer le coût d’une perte de biodiversité ? On apprendra que trois méthodes (au moins) sont en cours de mise au point, qui sont fondées, respectivement, sur : les dommages et intérêts prévus par la loi, la valeur des services rendus par les écosystèmes et, enfin, d‘éventuelles valeurs d’échange …
Dans ce contexte en pleine mutation, quelle est l’attitude des entreprises ? Beaucoup vont de l’avant, comme le démontrent les quelques témoignages rassemblés ici ! Il ne s’agit plus uniquement d’éviter des incidents sur les sites industriels ; les efforts portent désormais sur les produits eux-mêmes et sur leurs procédés de fabrication, afin d’en réduire les effets sur l’environnement. Allant encore plus loin, les entreprises les plus dynamiques s’engagent dans l’« éco-conception » * de leurs produits, qui consiste à en minimiser les impacts environnementaux dès leur conception. Outre le gain en termes d’image apporté à l’entreprise par cette démarche responsable et citoyenne, il en résulte bien souvent pour elle un avantage économique substantiel.
Dans le roman de Saint-Exupéry, le renard dit au petit prince, « Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé».
N’en est-il pas de même pour les entreprises, qui ont su apprivoiser, grâce au progrès technique, de si nombreux produits et procédés nouveaux ?
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