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N° 44 - Octobre 2006 -
La biodiversité : approches plurielles, enjeux réels
Editorial par François Valérian,
Rédacteur en chef des Annales des Mines
La biodiversité est un sujet environnemental exemplaire, dans la mesure où il mêle les travaux scientifiques et les représentations humaines. Face aux interrogations angoissées sur la diminution de la biodiversité, il existe une approche qui autoriserait à ne rien faire en toute sérénité.
Tout d’abord, il est très difficile de définir la biodiversité. Parle-t-on de la diversité des espèces, des écosystèmes qui regroupent eux-mêmes un grand nombre d’espèces, ou des individus à l’intérieur d’une seule espèce ? Si l’on parvenait à s’accorder sur une définition, on ne saurait toujours pas évaluer efficacement la biodiversité. Les progrès scientifiques des dernières décennies nous ont fait mesurer l’étendue de notre ignorance : la plupart des espèces vivantes, particulièrement dans le monde des micro-organismes, nous sont encore inconnues. Enfin la planète, depuis 4,5 milliards d'années qu’elle existe, en serait déjà à sa sixième crise de biodiversité. Des extinctions d’espèces massives sont déjà intervenues entre – 500 et – 65 millions d’années. L’espèce humaine, qui n’en est elle-même qu’au début de son existence, a considérablement modifié, et peut-être réduit, la biodiversité terrestre, mais à l’échelle de la vie planétaire, cette crise sera probablement surmontée comme les autres et le rôle de notre espèce dans l’avenir de la planète est lui-même incertain.
Cela étant dit, l’espèce humaine est douée d’intelligence et de sensibilité, et depuis deux siècles environ en occident, elle s’inquiète de son interaction avec les autres espèces. Si une chouette américaine ou un ours pyrénéen comptent fort peu à l’horizon du million d’années, pour un certain nombre d’êtres humains ils comptent beaucoup, et suscitent l’amour ou la haine. La biodiversité, comme la plupart des sujets environnementaux, devient enjeu de société et de mode de vie : nous construisons trop de routes, trop de villes, et relâchons trop de carbone dans l’atmosphère. Dans le temps comme dans l’espace, les échelles ne sont pas les mêmes : raisonner à l’échelle de l’espèce et de la planète, ce n’est pas raisonner à l’échelle d’un territoire et d’une génération. Mais précisément, les territoires, où se forment les représentations humaines, font aussi l’objet d’investigations scientifiques nouvelles. La biodiversité des grandes villes est bien plus riche qu’on ne croyait, l’Angleterre depuis deux siècles s’est peuplée de plantes exotiques. Le débat sur la biodiversité témoignerait-il de notre crainte des transformations rapides ?
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