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N° 41 - Janvier 2006 -
L'homme malade de l'environnement ?
Editorial par François Valérian,
Rédacteur en chef des Annales des Mines
C’est l’une des pensées communes de notre monde occidental : l’environnement rend malade, l’environnement tue. Et chacun de citer le prion de la vache, la pollution dans les villes par temps de grande chaleur, les gaz toxiques d’AZF ou la légionellose. Face à ces craintes, le premier mouvement de la pensée scientifique est inspiré par la prudence : il y a loin de la cause à l’effet. S’il est de plus en plus facile de détecter certains cancers, il est toujours compliqué d’expliquer leur naissance : plusieurs causes s’imbriquent, et le fumeur bricoleur, ancien ouvrier dans une usine chimique, peut aussi bien incriminer son milieu professionnel que sa propre imprudence. Reconstituer les vies, y démêler la part de l’environnement subi et des choix personnels, ne peut se faire efficacement que par des études épidémiologiques de long terme, portant sur des centaines ou des milliers d’individus.
Le travail d’étude est de plus en plus important et sophistiqué : il permet de remonter d’un traitement purement médical du problème à un traitement préventif, d’action sur l’environnement. Tel est l’objectif de certaines directives européennes, et notamment de Reach, qui vise à n’autoriser que des substances chimiques dont la toxicité aura été évaluée. Le débat est vif sur ces directives, et la mise en œuvre en sera longue.
En effet, ce n’est pas seulement la complexité des études nécessaires qui explique la difficulté de l’action publique. Chacun a bien perçu la nature de l’angoisse vis-à-vis des maladies environnementales : l’homme est libre de ne pas fumer, de courir et de moins manger, mais il subit son environnement, et cette fatalité lui pèse lourd. Pour autant, s’agit-il seulement d’améliorer la destinée humaine, comme au début du XX e siècle quand on éradiquait certaines grandes maladies ? Ce serait oublier que derrière l’environnement, on retrouve l’homme qui le façonne, veut des aliments variés en toute saison et donc nourrit les animaux de produits inhabituels, veut avoir frais en été et donc cultive la légionelle, veut bouger commodément et donc pollue les grandes villes.
L’homme favorise l’apparition dans son environnement d’éléments pathogènes, mais il accélère aussi leur propagation en diminuant la biodiversité qui prenait au piège certaines maladies ou leurs vecteurs. La richesse de la nature nous a toujours fourni de quoi nous soigner et mieux vivre. Défendre cette richesse, c’est aussi faire en sorte que l’environnement redevienne favorable à notre santé.
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