N° 42 - Avril 2006 -
L’eau en Afrique : fatalité géographique, enjeux politiques
Editorial par François Valérian,
Rédacteur en chef des Annales des Mines
Dire que l’Afrique manque d’eau confine à la banalité. Une bonne part de la difficulté se trouve dans ce premier constat : l’impression d’entendre parler du même problème depuis des décennies, le sentiment que rien n’y fait, le poids de la fatalité géographique sur le continent le plus pauvre du monde.
Pourtant, des actions sont entreprises, avec des résultats tangibles, dans des pays aussi divers que le Maroc, l’Afrique du Sud ou le Mali. Bien plus modestes que les grands programmes de la « Décennie mondiale de l’eau » ou des « Objectifs du millénaire », elles y contribuent cependant, et font apparaître des besoins qui peuvent contredire nos intuitions courantes.
La technique et l’argent ne font pas tout. Une irrigation excessive peut accroître la salinité des sols et favoriser les maladies de l’eau stagnante. Un pompage mal maîtrisé épuise les ressources. Les pays qui reçoivent le plus d’argent ne sont pas ceux qui permettent à leurs population le meilleur accès à l’eau.
L’Afrique, du fait même de sa pauvreté, est profondément inégalitaire. Ces inégalités, de plus en plus graves, compliquent l’accès à l’eau qui est un enjeu crucial pour les populations les plus pauvres, celles qui se massent dans les villes immenses, ou qui restent dispersées dans des villages d’accès difficile. Inégalité à l’intérieur de l’inégalité, la différence sociale entre hommes et femmes forme aussi un enjeu de taille dans le combat pour l’eau : la plupart des sociétés africaines laissent aux femmes la responsabilité concrète de l’eau de boisson, de cuisine ou de nettoyage, mais ce sont les hommes qui continuent à décider. Donner aux villages plus d’initiatives, ce n’est pas nécessairement résoudre le problème si les femmes continuent à s’y taire.
Ainsi, l’accès à l’eau est avant tout un sujet de réformes politiques et sociales, de meilleure démocratie et de recul des inégalités. C’est sur la base de changements structurels que la technique et les financements peuvent retrouver leur place : une technique d’unités plus petites et de contrôles décentralisés, des financements plus efficaces car adaptés aux besoins locaux.
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