L'équipe de direction de l'Ecole des mines de Paris en 1973 ; de gauche à droite, Edouard TINCELIN (directeur des études du cycle ingénieur civil des mines), Raymond FISCHESSER, directeur, Pierre LAFFITTE (n° 2 de l'Ecole et responsable de la formation des ingénieurs du corps des mines) et Michel TURPIN, directeur de la recherche. Quelques semaines après la photo, R. FISCHESSER prend sa retraite, P. LAFFITTE devient directeur et Robert PISTRE devient n° 2 de l'Ecole et responsable de la formation des ingénieurs du corps des mines. |
Certains textes de cette page sont extraits du Jubilé du professeur E. Tincelin, publié par la Société de l'Industrie Minérale.
Sommaire de la page :
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Résumé de la biographie de Edouard Tincelin
Edouard Tincelin a passé l'essentiel de sa carrière comme professeur à l'Ecole des mines de Paris, dont il fut également directeur des études pendant 3 ans.
Il est né le 27 décembre 1920 à Andlau et décède le 10 juillet 2010.
Etudiant, il échappe au STO en s'engageant dans les mines de fer de Lorraine. Ce premier contact sera la source d'inspiration de toute sa carrière technico-scientifique.
En 1947, il obtient le diplôme de l'Ecole supérieure de mécanique de Metz. Il commence à travailler dans les mines de fer. C'est là qu'il réfléchit à la stabilité des terrains et aux bienfaits de la technique du boulonnage.
Bientôt, il rassemble ses travaux dans une thèse, soutenue en 1955, et publiée en 1958 par Jouve, éditeur à Paris.
A partir de 1958, il travaille à l'Ecole des mines de Paris, avec Lucien Vielledent, dans l'option "Mines, organisation".
En 1964, il participe à la naissance de la mécanique des roches. Les catastrophes de Clamart, de Malpasset, de Champagnole justifient des études sérieuses sur le sujet !
En 1967, l'Ecole des mines crée officiellement un Centre de mécanique des roches. Jacques Fine, collaborateur de Edouard Tincelin, s'installe à Fontainebleau où un ensemble de terrains et de bâtiments vient d'être cédé par la municipalité à l'Ecole.
Proche de ses élèves, E. Tincelin n'hésite pas à monter sur les barricades en 1968. Mais il doit surtout gérer l'après-mai 68, avec la création de nouveaux enseignements. Le centre de mécanique des roches accueille alors le jeune Claude Riveline, d'abord adjoint de Tincelin, ainsi que le jeune Manuel Bloch, adjoint de Riveline ! Peu après, Riveline deviendra patron du Centre de recherche en gestion de l'Ecole, et Bloch deviendra patron du Centre de calcul, puis du Centre de recherche en informatique.
E. Tincelin s'installe alors à Paris. En 1971, lorsque L. Vielledent devient directeur de l'Ecole des mines de Saint-Etienne, E. Tincelin lui succède comme directeur des études de l'Ecole des mines de Paris. C'est lui qui introduira dans l'enseignement de l'Ecole de nouvelles disciplines comme l'économie industrielle (à distinguer de l'économie politique enseignée par Maurice Allais) ou la sociologie.
En 1974, il cède à Michel Duchêne la responsabilité de l'option de 3ème année "sol et sous-sol". Il prononce la phrase : "Donnez-moi 1 bar et je supporte le monde".
Il prend sa retraite en 1990, âgé de 70 ans. Son jubilé sera fêté en 1994 par de nombreux discours et un ouvrage publié en 2002. Mais il continue à venir travailler à Fontainebleau, presque jusqu'à sa mort. Il reprend alors ses études antérieures sur la stabilité. En 2000, il fête ses 80 ans entre Paris et Montfarville (département de la Manche, presqu'île du Cotentin) où il s'était établi avec son épouse Françoise.
A Montfarville, il s'implique fortement dans la vie de la commune. Élu conseiller municipal le 18 juin 1995, pour un mandat qui s'est terminé le 18 mars 2001, et ayant des problèmes de santé, il ne souhaite pas prolonger son mandat au-delà de 2001. Pendant ces 6 années au Conseil municipal, il sait se faire apprécier au sein d'un conseil municipal, où il apporte toujours sa bonne humeur, ses conseils avisés, judicieux, mais aussi ses connaissances dans de nombreux domaines. Il s'implique beaucoup dans un travail de recherches historiques sur Montfarville, participant ainsi à l'élaboration du journal semestriel (Le Montfarvillais), où sa chronique du passé est très appréciée des habitants de la communes [Son collègue Félix Quentin du conseil municipal a bien voulu nous apporter ces précisions].
La cérémonie religieuse a eu lieu le 15 juillet 2010 en l'Eglise de Monfarville.
Edouard Tincelin a eu de nombreux enfants : Dominique, Luc, Elisabeth, Catherine, Marc, Pierre-Henry et François.
Edouard Tincelin
par Michel Duchêne
Edouard Tincelin nous a quittés l'été dernier au terme d'une vie professionnelle de 50 années bien remplie, largement consacrée aux développements de la Mécanique des Roches. Nous voulons ici lui rendre hommage.
Lors des manifestations de son Jubilé en 1994 (publié par la SIM en 2002 dans Les fascicules de l'Industrie Minérale : De l'art des mines à la Technologie des travaux souterrains), plusieurs personnalités se sont exprimées sur les diverses facettes de son action, depuis son entrée quelque peu forcée (STO) dans les Mines de Fer de Lorraine en 1943 jusqu'à son départ de l'Ecole des Mines de Paris (Mines-Paristech). Nous pouvons trouver dans ces hommages à l'enseignant, au chercheur, à l'industriel, et plus largement au serviteur de l'industrie extractive, de nombreuses références à la Mécanique des roches.
Avec sa thèse en 1955, intitulée " Pressions et Déformations de Terrains dans les Mines de Fer de Lorraine ", on passe de l'art des mines à la mécanique des massifs rocheux miniers. Edouard Tincelin a énormément observé et décrit les phénomènes de déformation du massif rocheux soumis à excavation ; il a ainsi pu comprendre des mécanismes qui nous sont aujourd'hui familiers, au terme d'années de mesures (de pressions avec le vérin plat, de déformations avec extensomètres et convergencemètres) et d'interprétations, avec son équipe de la Chambre syndicale des Mines de fer.
Dans les années 1960 l'introduction de la notion de contraintes a permis à la mécanique des roches minières de rejoindre pleinement la communauté scientifique et d'accéder aux calculs les plus rigoureux. Avec son équipe de l'Ecole des Mines de Paris, à Fontainebleau, Edouard Tincelin a lancé la modélisation et les calculs par éléments finis dès que l'informatique est devenue assez performante dans les années 1970, ce qui lui permettait enfin de connaître la répartition des contraintes autour des excavations.
Citant Jack Pierre Piguet : " des pressions de terrains à la Modélisation en Mécanique des roches, Edouard Tincelin a profondément marqué toute cette histoire, faisant la course en tête dans toutes ces évolutions ".
Edouard Tincelin a été constamment guidé par le souci très concret de concourir au progrès industriel, et à l'amélioration de la sécurité dans les travaux souterrains, ce qui Ta conduit à innover, et pas seulement pour les mines. Il a ainsi contribué à résoudre de nombreux problèmes découlant de l'excavation du sous sol, ce qui lui vaut de la part de Gérard Vouille le qualificatif « industriel » ; et ce, parfois en opposition avec le conservatisme ambiant, ce qui lui vaut de la part de Pierre Laffitte le qualificatif « rebelle ».
Sa « croisade pour le soutènement suspendu » (je cite Gérard Vouille) est probablement le plus bel exemple d'une évolution qui marie les recherches de sécurité et de productivité. A force de recherche et d'expérimentation, il aboutira à un dimensionnement raisonné des boulons et cintres de soutènement. Nous savons que cette évolution s'est poursuivie bien au-delà des mines dans les chantiers de travaux publics : le percement du tunnel routier du Fréjus fut un temps fort pour la généralisation du boulonnage dans presque tous les travaux souterrains.
Son ancrage dans un monde minier qui très vite déborde les seules Mines de Fer, et qui lui demande diagnostics et conseils, lui permet d'identifier les pistes de recherche correspondant aux besoins réels de cette industrie. Je cite encore Gérard Vouille : « C'est ainsi qu'il va stimuler des recherches sur la rhéologie des roches...afin de mieux comprendre les phénomènes de rupture différée dans les mines »... (effondrements spontanés : comment les prévenir ?) et nous devons constater aujourd'hui que « la poursuite de ces recherches a débouché sur les comportements post-rupture, la visco-plasticité, les couplages thermo-hydro-mécaniques, et concrètement sur toute l'industrie du stockage souterrain d'hydrocarbures et de déchets ».
Le souci d'une amélioration de la productivité dans les mines de fer le conduit aussi à lancer des recherches sur l'abattage à l'explosif : l'apparition des détonateurs électriques permettait d'abattre en pleine section, à condition de mettre au point les schémas de tir adéquats, que nous pratiquons toujours ; puis sur l'abattage mécanique : ces recherches s'étendent aujourd'hui dans le domaine du forage pétrolier profond.
Edouard Tincelin a toujours été convaincu de la nécessité de communiquer le résultat de ses réflexions, recherches, intuitions, ce qu'il a fait avec une puissance de conviction étonnante, à destination d'interlocuteurs variés.
Enseignant à l'Ecole des Mines de Paris il a subjugué des générations d'élèves-ingénieurs et d'ingénieurs du Corps des mines, par son seul charisme, bien avant les outils modernes NTIC ; il a su, avant d'autres, et avec Pierre Laffitte, montrer qu'on peut faire de la Recherche dans une Ecole d'ingénieurs. Il a su utiliser son enseignement pour renforcer ses convictions : « enseigner pour être sur d'avoir soi-même bien compris ».
Ingénieur, puis Ingénieur-conseil, dans les mines de Fer où Jean Arthur Varoquaux admire - entre autres - ses qualités d'animateur de groupes, et auprès de l'administration qui le qualifie d' Expert reconnu et écouté lors de toutes les catastrophes telles Clamart, Champagnole ou Malpasset, il a su user de toutes les formulations imagées pour se faire entendre : qui n'a pas retenu l'effet du confinement latéral de 1 bar sur le paquet de cacahouètes ou de café ?
Homme de conviction, aussi bien dans ses engagements personnels que professionnels, il a toujours su mettre en avant l'Homme, y compris dans les confrontations techniques qu'il a suscitées, voire provoquées.
Observation, réflexion, modélisation, expérimentation, communication, illustration, conviction, Homme, voici quelques mots clés pour tenter de saisir la personnalité peu commune d'Edouard Tincelin.
Michel Duchêne
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La plupart des textes donnés ci-dessous ont été recueillis à l'occasion du JUBILÉ EDOUARD TINCELIN, qui a eu lieu le 14 Décembre 1994 après-midi, à l'Ecole des mines de Paris - Amphi L 108.
Voici le programme de ce jubilé :
EDOUARD TINCELIN, L'ENSEIGNANT
par Michel Duchêne
S'il est une qualité que nul ne peut contester à Edouard Tincelin, c'est à coup sûr celle d'enseignant. Car il a été - et continue d'être - un enseignant tout à fait extraordinaire par la force de conviction qui émane de son discours.
Le plus célèbre de ses enseignements porte sur les méthodes d'exploitation des mines souterraines stratiformes dans lesquelles le boulonnage constitue le soutènement principal sinon exclusif.
Le contenu de cet enseignement a varié bien sûr depuis l'époque de la thèse (1955), avec le développement de la " Mécanique des Roches" devenue une science en soi, avec le formidable progrès de productivité des mines de fer de Lorraine (de 5 t/hp en 1950 à 50 t/hp en 1990), avec la mise en œuvre des chambres et piliers foudroyés dans les mines de bauxite, de charbon, avec les mini-tailles et les îlots ... Mais les concepts essentiels sont restés, illustrés par une foule d'anecdotes et d'images toujours frappantes, nourris par l'intuition des phénomènes physiques qu'il observe avec acuité, martelés avec force pour faire comprendre les mystères de la répartition des contraintes dans le massif rocheux. Et la très grande diversité des auditoires de cet enseignement (élèves ingénieurs, ingénieurs de direction ou d'exploitation, agents de maîtrise), ainsi que de quelques autres enseignements (aérage, abattage, gestion ... ), tant en formation initiale que continue, ou dans le cadre de travaux d'expertise, ou dans le cadre de la Recherche, a été à chaque fois l'occasion de multiplier les images didactiques adaptées.
Une forme d'enseignement qu'Edouard Tincelin a particulièrement affectionnée est celle du Stage d'Enseignement. Au cours d'une semaine de visites industrielles, les jeunes élèves fraîchement arrivés à l'École sont amenés à découvrir les différents aspects d'une technologie et du fonctionnement des entreprises. Aussi bien les ingénieurs-élèves du Corps que les élèves ingénieurs civils ont été ainsi projetés dans la réalité de l'entreprise minière, ravis par la qualité des accueils -sans parler des repas ! - étonnés par les discours des ingénieurs rencontrés (sur la technique, sur la gestion, sur les hommes ... ), encore subjugués par les commentaires, remarques, digressions, illustrations, distillés par le maître Tincelin, qui connaît tout le monde et qui est capable de tout expliquer. Au sortir de ce tourbillon, on cesse définitivement d'être des étudiants indifférents au monde : pire, on se sent concerné, on est consterné et confondu de n'avoir pas compris tout cela plus tôt !
L'enseignant fut innovateur et pragmatique lorsqu'il créa en 1967 l'enseignement d'économie descriptive.
Son enseignement incluait le fonctionnement de la mairie de Briey, le mouvement associatif humaniste Vie Nouvelle, ... , répondait au besoin de comprendre l'essentiel d'une comptabilité privée et au désir de comprendre les mécanismes élémentaires de l'Économie de tous les jours. Il élabora dans la ligne des travaux d'Albertini un cours d'économie descriptive en tous points remarquables jusque dans la manière dont il était enseigné: de 1967 à 1980, le cours était en effet donné par deux enseignants simultanément et les binômes Tinschaer, Tinduc, Tindar, Tinbar, ont laissé à tous les élèves de 1ère année de l'École des mines de Paris, des souvenirs impérissables d'amortissements, de création monétaire et de TEE, et " de couvents qui sont des Ménages ".
[ Évidemment TIN pour Tincelin (et les autres ...) ]
Mais l'École des mines ne serait pas l'École des mines s'il n'y avait l'option. Choisie en fin de 1ère année, l'option - Mines par exemple - est nourrie de cours, stages et visites techniques en 2eme année pour s'épanouir en 3eme année dans le traitement approfondi d'un sujet de fin d'études proposé par une entreprise et encore appelé sujet d'option.
Cette pratique est devenue aujourd'hui courante dans toutes les Écoles, mais était quelque peu révolutionnaire dans les années 1960 quand un binôme de deux jeunes - pas encore ingénieurs - débarquait dans une entreprise en posant une foule de questions indiscrètes, prétendant tout vouloir apprendre en quelques semaines à propos du sujet proposé!
Et quand au cours des réunions de mise au point périodique Edouard Tincelin s'associait aux deux élèves pour forcer les réticences des chefs d'entreprise, rien ni personne ne pouvait résister au formidable bouteur qui redéfinissait le sujet et traçait les lignes "évidentes" de solution. Enfin la présentation publique par les élèves de leur travail au début de juillet était toujours une grande manifestation de la profession dont Edouard savait tirer profit.
Ce serait pourtant limiter l'œuvre de l'enseignant Edouard Tincelin si on en restait aux problèmes de la mine: il a toujours en effet manifesté une curiosité extrême pour quantité de sujets et à chaque fois qu'il a voulu aller plus loin dans la compréhension d'une nouvelle discipline, il a tout simplement décidé d'en faire le sujet d'un cours ou d'une conférence: c'est ainsi qu'au début des années 1960, il enseignait avec Lucien Vielledent l'Informatique et la Recherche Opérationnelle , au début des années 1970, la chanson et la musique moderne. J'ai personnellement pu mesurer l'efficacité de cette technique: enseigner pour être sûr d'avoir soi-même compris. A ce stade, il n'y a plus qu'un pas à faire pour lancer des équipes de recherche sur les points qui restent obscurs!
De cet enseignant que plus de trente promotions ont côtoyé, tout le monde a, je crois, retenu quelques points forts:
Ce souci de création a été aussi, ô combien !, un moteur de sa vie personnelle.
La puissance de travail - Infatigable, indémontable, poussant toujours le bouchon un peu plus loin, Edouard Tincelin a eu le privilège - le plaisir aussi je crois -d'épuiser physiquement la plupart de ceux qui ont avec lui effectué ces tournées d'expertise avec visite au fond le matin, discussion l'après-midi, revisite au fond le soir. Et le lendemain matin il rédigeait son rapport entre 5h du matin et l'heure du petit déjeuner. Il faut dire qu'il a la faculté de repos aussi efficace que la faculté de travail: un quart d'heure de voiture au milieu de la journée entraîne automatiquement 10 minutes de sommeil réparateur.
Ce rythme de travail forcené était bien sûr aussi appliqué à la préparation des cours et conférences, toujours réécrits dans les grandes lignes pendant la journée et/ou la nuit qui précède! Cela enlève peut-être un peu de prestige aux improvisations géniales, mais quelle efficacité !
Quelle force de conviction par l'expression, l'intonation, par l'illustration bien avant l'époque des transparents et du multimédia ! Edouard Tincelin préparait ses interventions sur des larges feuilles de papier (aujourd'hui paper-board), par les formules clés qui tétanisent le questionneur - "mais je suis d'accord avec vous" - et par une logique parfois déroutante qui oblige le questionneur à abandonner son propre cheminement pour suivre le sien. Certains en ont parfois eu quelque chagrin, après avoir été désarçonnés, hypnotisés, convertis à la religion Tincelin, sans réussir à retrouver à quel endroit la logique pouvait être mise en défaut! La plupart ont été fascinés - et ravis : on ne compte pas les adorateurs (les fans !) du Maître en pression de terrains, dans les rangs de l'Administration, des états-majors d'entreprises minières, ou des agents de maîtrise des mines. Si j'avais cette même force de persuasion vous seriez tous convaincus de l'importance primordiale de mon propos et craignant d'en perdre une partie essentielle, en train de prendre des notes ! Ce qui n'est heureusement pas le cas ...
Mon cher Edouard, il faudrait beaucoup plus de temps pour dresser un panorama de toutes tes activités. Les orateurs suivants vont compléter, en évoquant différents aspects de l'enseignement de l'art des mines.
Michel Duchêne Professeur responsable de l'option Sol et Sous-sol à l'Ecole des mines de Paris
Les graphiques ci-dessus illustrent l'augmentation de la production, des effectifs, de la productivité et des accidents du travail dans les mines de fer lorraines pendant la période où E. Tincelin fut actif. Ces figures aident à comprendre l'immense effort d'augmentation de la productivité et de la sécurité auquel E. Tincelin fut l'un des principaux contributeurs grâce à sa compétence technique et sa force de conviction.
Extrait de l'ouvrage Les mines de fer de Lorraine, coordonné par Jean-Arthur Varoquaux. UIMM, Paris, 1992. |
LES MINES DE FER, FOYER D'INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES
par Jean-Arthur Varoquaux
Edouard Tincelin, Mesdames, Messieurs, mes chers Amis, a apporté une contribution considérable à ces progrès de l'industrie des mines de fer.
Au nom de toutes les mines de fer françaises, encore en vie ou déjà fermées, je lui en exprime notre vive reconnaissance.
Dès vos études secondaires à Nancy, mon cher Edouard, vous vous êtes intéressé à la mine de fer et à ses mineurs.
Des circonstances familiales vous ont amené à passer souvent vos vacances scolaires en pays minier et à voir vivre les mineurs de près. Au jeu de boules municipal, vous rencontriez des mineurs retraités et les faisiez parler de leur vie et de leur travail à leurs débuts (c'est-à-dire, il y a maintenant plus de cent ans !).
Est-ce que ce sont ces contacts humains qui ont éveillé en vous votre vocation de mineur ?
La débâcle de juin 1940 a précipité et raccourci vos études. Votre famille a été expulsée de Moselle et sans pouvoir recommencer une année de taupe, vous avez dans ces conditions difficiles terminé au plus tôt vos études d'ingénieur.
Lorsque vous avez reçu votre diplôme à la mi-1943, c'était l'époque du Service du Travail Obligatoire, le STO de sinistre mémoire, dont le but était de faire travailler la jeunesse européenne dans les usines produisant des armements pour la Wehrmacht.
Vous êtes entré dans les mines de fer. La profession avait en effet réussi à obtenir des autorités d'occupation que le métier de mineur soit considéré comme prioritaire. Pendant plus de six mois, vous avez travaillé comme mineur et chargeur au fond de la mine de Saint-Pierremont.
Comme vous aviez déjà l'esprit en éveil et tourné vers les améliorations et innovations, vous aviez signalé à votre ingénieur toute une série d'aménagements à apporter au niveau de votre poste de travail pour améliorer la sécurité ou le rendement. A votre surprise, votre ingénieur a en effet appliqué ceux concernant la sécurité des mineurs, mais pas les autres.
Par contre le directeur de la mine, conscient de vos talents d'animateur d'hommes et votre force de conviction vous a proposé de créer un Centre d'Apprentissage pour l'ensemble des mines de Saint-Pierremont et Tucquegnieux.
La Chambre syndicale faisait en effet à l'époque un effort énorme de formation initiale, à la fois :
• pour préparer le personnel qualifié qui pourrait dès la Libération produire en grande quantité le minerai source unique à ce moment-là du métal lotharingien,
• et pour soustraire le plus grand nombre possible de jeunes Français au STO. Vous vous êtes ainsi à 23 ans trouvé à la tête d'un groupe de 150 apprentis, à peine plus jeunes que vous.
Vous connaissant, nous imaginons que cela a dû marcher tout à fait.
Après la Libération, votre ingénieur de Saint-Pierremont est venu vous trouver et vous a tenu à peu près ce langage :
"Je n'ai pas appliqué vos suggestions d'aménagement de votre poste de travail, car je ne voulais pas améliorer nos rendements tant que nous travaillions pour les Allemands, mais maintenant je retourne en Moselle à ma mine, Sainte-Barbe. Venez avec moi comme ingénieur d'exploitation et nous mettrons en œuvre vos idées ".
Et vous y avez fait vos vrais débuts d'ingénieur et d'innovateur, puisque vous avez à Sainte Barbe (devenue La Paix) réalisé avec les moyens du bord le premier jumbo de foration de trous de mines, ce qui a permis de passer de volées de 8 coups de mine mises à feu à la mèche lente à des volées de plus de 30 coups de mine amorcées à l'aide de détonateurs électriques.
Si j'ai un peu insisté sur vos débuts, mon cher Edouard, c'est parce qu'y apparaissent tout de suite vos qualités techniques et humaines hors du commun.
D'abord, votre sens de l'observation et votre curiosité constante qui vous amènent à vous poser constamment des questions : est-ce-que ce mode opératoire est approprié? Est-ce qu'on ne peut pas faire autrement, c'est-à-dire mieux?
Vos connaissances minières qui sont considérables ne sont pas statiques. Elles alimentent perpétuellement un cerveau qui cherche à faire plus et mieux avec moins de fatigue physique et avec une sécurité plus grande.
Puis vos qualités d'animateur de groupe. Vous avez un charisme exceptionnel qui attire et fascine vos interlocuteurs. Vous avez une puissance de conviction considérable, un don de synthèse et d'exposition, un sens pédagogique inné, mais pas uniquement pour faire passer à d'autres des connaissances, mais pour les amener à agir, à participer à une action concrète, à donner le meilleur d'eux-mêmes dans une recherche collective. Je me souviens de ces réunions de tous les ingénieurs des mines de fer de Lorraine que nous tenions deux fois par an. Après votre exposé, il repartaient dans leurs mines, avec un moral tout neuf, prêts à appliquer les améliorations techniques dont vous les aviez entretenus.
Vous êtes vraiment, selon la parole de l'Évangile un "pécheur d'hommes".
Votre carrière dans les mines de fer est la conséquence de tous vos dons.
Quand Robert Le Besnerais mettait en place en 1948 une nouvelle structure de la recherche et du développement dans les mines lorraines, c'est tout naturellement qu'il est allé vous chercher à la mine de Sainte-Barbe pour vous demander de devenir son adjoint. Malheureusement il mourut quelques mois plus tard, mais vous avez alors rejoint le Service technique de la Chambre syndicale.
Vous vous y êtes intéressé à tous les aspects, à toutes les étapes de l'exploitation d'une mine. .
Grâce à vos travaux systématiques, vous avez pu maximiser les schémas de tir à l'oxygène liquide et incidemment comprendre les causes des explosions spontanées des bidons à oxygène liquide et les éliminer.
Dès vos débuts, vous avez cherché à réduire cette cause dramatique d'accidents mortels que sont les chutes de blocs et les effondrements de toits. Vous avez été, dès 1949, l'initiateur dans le bassin des méthodes de boulonnage du toit. Ayant mis au point le boulonnage à la résine, vous avez mené une campagne inlassable pour la généralisation dans les mines de fer, puis au-delà dans les Charbonnages, dans toutes les mines diverses, puis dans les Travaux Publics, convaincu que vous étiez de sauver par ce procédé d'innombrables vies humaines.
Cette action est peut-être, mon cher Edouard, la plus grande, la plus utile de toutes celles que vous avez menées.
Devenu professeur d'Exploitation des Mines en 1959-60 à l'École des mines de Paris puis directeur du Laboratoire de Mécanique des Roches de Fontainebleau, vous avez continué comme Conseil de la profession, à nous aider à résoudre nos problèmes.
J'énumère rapidement quelques-uns de vos travaux:
Permettez-moi, Mesdames, Messieurs, mes chers Amis, de terminer sur une note plus personnelle.
Edouard Tincelin est, avant et surtout, un homme de cœur.
Il y en avait beaucoup dans la profession des mines de fer de Lorraine. Et l'ambiance humaine qui régnait entre les ingénieurs et cadres des diverses sociétés minières était extrêmement agréable pour tous ceux qui ont eu le privilège d'y travailler.
D'autre part, l'ensemble du personnel d'une mine de fer, du directeur au plus modeste des balayeurs, partage des objectifs communs:
Cela ne supprime évidemment pas les litiges internes qui tiennent à la nature des hommes, mais cela les relativise et facilite leur règlement.
Le travail à la mine rapproche et réunit les hommes. Tous aiment leur métier et sont fiers. Dans ce domaine aussi des relations humaines, Edouard Tincelin était en première ligne. Il était apprécié de tous. Son parler franc et direct, sa compétence, son respect des autres en faisant un interlocuteur privilégié et pour beaucoup un ami.
En ce qui me concerne personnellement, imaginons quelque chose de peu vraisemblable. La vie nous a séparé lui et moi et nous restons des mois et des années sans nous rencontrer. Je suis personnellement convaincu que si je me trouvais alors dans une situation grave, il suffirait que je décroche mon téléphone pour dire "Edouard, venez à mon aide, j'ai besoin de vous" pour que vous accourriez.
N'est-ce-pas une marque de vraie amitié?
Mes chers amis, vous m'avez donné l'occasion et j'en suis profondément heureux de rendre hommage aujourd'hui publiquement à cet ingénieur, ce professeur, ce chercheur, ce découvreur exceptionnel que je connais depuis quarante années: "Mon Ami Edouard Tincelin"
Jean-Arthur Varoquaux, Président de la Chambre syndicale des mines de fer en France
LA DÉLOCALISATION DES INSTITUTIONS SCIENTIFIQUES
par Pierre Laffitte
Il m'a été demandé de parler de la délocalisation des activités scientifiques, non seulement dans cette enceinte, mais également au Sénat. Nous débattons en effet aujourd'hui de la loi sur l'aménagement du territoire, et précisément sur ce thème dont je dois vous entretenir, j'ai fait un peu modifier le contenu de la loi. Vous me permettrez cependant de commencer par un autre sujet.
Je voudrais revenir quelques trente et une années en arrière, au moment où j'ai postulé pour être sous-directeur de l'École des mines auprès de Raymond Fischesser. Nous avons formé un trio avec Lucien Vielledent, qui était chargé de l'enseignement et de la direction des études. J'avais en charge les activités concernant la recherche, la gestion des ingénieurs élèves et les sciences sociales.
Edouard Tincelin a été pour moi d'un grand secours. Il est venu me trouver en disant "Ne pourriez-vous pas nous débarrasser de ces "corpsards" ?". Effectivement, l'enseignement du corps des mines demandait une amélioration. Les ingénieurs élèves ou "corpsards" suivaient à l'époque un hybride de première et deuxième année et étaient peu assidus au cours, bien que leurs places fussent parfois réservées au premier rang. Leur manque d'assiduité due à leur différence d'âge, à leur différence de préoccupation, à leur différence de destinée, (les uns devenant des fonctionnaires, les autres ingénieurs dans les industries) posait quelques problèmes. Alors nous avons élaboré ensemble, mon cher Edouard, un certain nombre de stratégies pour faire en sorte que l'on puisse déconnecter quelque peu ces deux populations de nature différente et je crois que finalement nous avons monté de bonnes opérations, surtout grâce au fait que le principe des stages d'initiation qui plongeaient dans le bain industriel ou dans un bain scientifique particulier comme le stage de géologie, permettait de montrer à ces polytechniciens, brillants certes, parce qu'ils sortaient parmi les premiers, qu'ils ne savaient pas tout et qu'ils ignoraient même tout de la réalité industrielle telle qu'elle se présentait au fond d'une mine ou de la réalité scientifique telle qu'elle se présentait quand on était sur le terrain devant un paysage géologique.
Mais il fallait, pour imaginer ceci, une certaine capacité d'innovation. Je trouve, pour ma part, que c'est une des facettes les plus intéressantes de la personnalité d'Edouard Tincelin. Il est au fond, un rebelle à l'état des choses telles qu'elles sont, lorsque, à son avis, elles ne doivent pas être comme elles sont. C'est je crois la grande différence entre les hommes de progrès et les hommes, je dirais, de continuité. Pour ma part, cet état d'esprit que je comprends très bien en tant qu'ancien géologue (qui par nature est un anarchiste), me paraissait inné chez lui. J'ai trouvé à mon arrivée des personnes qui m'ont aidé, avec l'appui de Raymond Fischesser, à promouvoir une idée tout à fait nouvelle, voire révolutionnaire, à savoir que de la recherche pouvait être faite dans une grande École.
Ce n'était certes pas tout à fait nouveau pour l'École des mines puisqu'elle disposait déjà de centres de recherche établis c'est-à-dire possédant des locaux en propre. Mais il y avait aussi beaucoup de mètres carrés occupés, notamment par toutes les collections géologiques, la bibliothèque et par conséquent la contrainte en disponibilité spatiale était très forte. D'autant plus forte que les moyens financiers pour faire de la recherche existaient. Par exemple, j'avais, grâce à un géologue qui était à la DGRST, obtenu la possibilité de disposer de crédits du quatrième plan. Nous avons touché deux millions et demi de francs. Heureusement qu'il y avait Edouard Tincelin et Hubert Pélissonnier. Nous avons dépensé une partie de cet argent pour acheter une microsonde électronique et l'autre partie pour créer un centre de Mécanique des Roches.
À ce Centre de Mécanique des Roches, il fallait, bien sûr, des moyens de calcul. À l'époque, "la guerre civile" existait entre l'Université et les grandes Écoles. Un mouvement, le MNDS : Mouvement National pour le Développement Scientifique, avait investi le domaine de la recherche, il y était clairement dit que les grandes Écoles n'avaient pas à disposer de moyens informatiques. J'ai donc invité Monsieur Lelong, responsable du MNDS, à visiter notre IBM 360-40 du centre de Calcul dans les sous-sols de l'Ecole des mines. Il était pétrifié : " Comment se fait-il qu'une machine aussi puissante soit dans cette école? Comment avez-vous pu avoir cette machine? ". Je lui expliquai que c'était un outil indispensable pour les mécaniciens des roches, pour les géologues. Je lui proposai d'être le Président du comité Scientifique et du développement mathématique auprès de l'École des mines de Paris. Monsieur Lelong a accepté.
Ceci n'a pu se faire que, parce que Edouard Tincelin et certains de ses "sbires" dont Claude Riveline et d'autres étaient conscients qu'une bonne recherche nécessitait de gros moyens. C'est également à Edouard Tincelin que revient l'idée d'un centre de gestion scientifique. Il pensait que la gestion prévisionnelle existait déjà, pourquoi ne pas s'occuper aussi de gestion scientifique. Il est indiscutable qu'un appui important est venu étayer le développement initial de la recherche. D'une part, il fallait lutter contre une opposition due au centralisme historique français pour lequel tout l'enseignement supérieur devait être unique. D'autre part, les industriels eux mêmes n'étaient pas convaincus. Pourquoi l'École des mines de Paris souhaite un corps d'enseignants permanents? Pourquoi, comme l'École des ponts, n'utilise-t-elle pas uniquement des vacataires? Un corps enseignant permanent vieillit, il s'encroûte, il perd la faculté d'inventer. Donc l'industrie ne poussait pas, pas plus d'ailleurs que l'administration, elle par tradition.
Néanmoins, nous avons eu un certain nombre d'appuis. Les choses avancèrent du coté financier, mais elles ne s'arrangeaient pas du coté des mètres carrés. On a équipé des caves, on a même fait des trous du coté de la physique pour mettre sous terre un appareil à hélium liquide. Les limites furent vite atteintes.
Il y avait bien un vieux projet de s'étendre sur place, dans le quartier latin, c'est à-dire de récupérer le terrain dit "des sourds muets" qui est tout à coté de l'Ecole, mais nous avons convenu avec Edouard Tincelin et Raymond Fischesser d'abandonner ce projet et d'aller chercher ailleurs sur cette route N7 de Paris à Antibes en passant par Fontainebleau. Et, nous sommes allés jusqu'à Fontainebleau, nous sommes allés visiter l'établissement "Pic", que nous n'avons finalement pas retenu parce que le maire a proposé un ancien internat de jeunes filles qui était libre.
Nous avons donc déménagé, nous avons construit et c'est comme cela que nous avons pu devenir la première école à avoir une ligne budgétaire sur la recherche et à développer des centres hors de Paris.
Il fallait une sacrée capacité de conviction à un professeur chargé d'une option, chargé de cours à des élèves de première, deuxième et troisième année à Paris, pour convaincre à la fois le Directeur des Etudes que cela ne perturberait pas l'enseignement et les collègues que cela impliquait un lieu de travail à l'extérieur du sacro-saint Quartier latin, et pour résoudre tous les problèmes pratiques que posent le transport des élèves de Paris à Fontainebleau, etc. Cela a été fait et a ainsi montré que c'était possible et depuis des centres se sont également développés près de Corbeil et près d'Antibes.
La délocalisation sur le territoire des Écoles des Mines s'amplifie. Nos Ecoles sœurs ou filles sont maintenant au nombre de cinq : Alès, Albi, Douai, Nantes et Saint-Étienne, et couvrent le territoire. Il suffit que l'on dise "qui veut une École des mines ?" pour que toutes les régions et les villes de France répondent : « nous voulons une Ecole des mines ».
Cela a un sens. Cela signifie que la localisation d'activité scientifique hors Paris existe et avec succès. Mais au départ rien n'était évident. Il n'était pas évident qu'un établissement d'enseignement, certes de grand prestige, mais d'aussi petite taille, au point de vue du nombre d'étudiants puisse effectivement fonctionner avec plusieurs localisations. J'y vois pour ma part, un certain nombre d'avantages, y compris même pour le fonctionnement de l'ensemble du personnel de recherche et administratif et pour l'ensemble des élèves, la mobilité industrielle évidemment une nécessité, ce n'est pas aux mineurs, ici présents, que je vais faire de longs discours sur ce point, mais pour que les élèves considèrent, au moment où ils rentreront dans leur vie professionnelle que la mobilité est nécessaire, encore faut-il que le corps enseignant, l'ensemble des recherches, etc. n'aient pas les yeux fixés sur son mètre carré, que ce soit boulevard Saint-Michel, ou que ce soit rue des Saints-Pères, ou en quelque autre lieu où se trouve une formation professionnelle.
Or, je constate, qu'aujourd'hui encore, l'École des mines de Paris, sur ce point, est très en avance sur les autres Écoles, puisque les localisations prévues en province sont encore, dans beaucoup de cas, des localisations un petit peu fictives.
Je crois pour ma part que cette dispersion géographique, malgré quelques inconvénients de gestion, oblige les gens à réfléchir à leur façon de fonctionner dans différents lieux, et a un certain nombre d'avantages dans la psychologie et dans la micro-culture à l'intérieur de l'entreprise, et c'est probablement une des raisons qui font que le Directeur actuel Jacques Lévy, a une position aussi avancée dans les systèmes de mise en réseaux des Écoles, non seulement des Écoles de Paris, mais sur l'ensemble des Écoles et des Grandes Écoles ou des Universités Techniques Européennes, avec bien entendu l'appui que peuvent lui apporter les programmes spécifiques gérés par la Commission européenne.
Il y a là une philosophie qui place l'ensemble des personnels et l'ensemble des élèves par voie de conséquence et de nos anciens élèves, dans une position dynamique, ouverte sur l'international et très cohérente avec la notion d'industrie minière.
C'est sur ce point que je voulais finir, en disant que cette délocalisation de l'activité scientifique est quelque chose qui prédispose, vraisemblablement, à aller encore plus loin sur le plan international, avec l'accueil d'équipes complètes venant d'autres pays et l'envoi d'équipes complètes vers d'autres pays.
Edouard Tincelin, le chercheur
par Philippe Weber
L'enseignant, le chercheur, l'industriel, voici donc, mon cher Edouard, le prisme à travers lequel on prétend, tel un rayon lumineux, te décomposer ; mais tu sais, mieux que quiconque, que le bonhomme ne se laisse pas facilement décomposer, cataloguer, ni couper en rondelles : " une tranche pour l'enseignant, une tranche pour le chercheur ", l'homme est entier, debout, pas sécable, pas " coupable " et pour tout dire, coupable de rien !
Tes tranches de vie à toi, ce ne sont pas celles-là : la ligne de plus grande pente de ton action, et bien au-delà de la mine, a toujours été celle de la progression, qu'elle soit politique ou sociale, scientifique, technologique.
Combien de fois ne nous as-tu pas rappelé cette devise, " inscrite au frontispice de l'humanité " -te plaisais-tu à dire- :
L'allégorie est claire, le message est fort : il faut enfanter, il faut procréer, il faut progresser, mais l'accouchement, l'émergence de nouvelles idées, puis leur concrétisation, nécessitent sueur et effort ; l'innovation est à ce prix et son prolongement dans la vie des hommes et de la cité fait parfois mal.
Tu as ainsi accouché (heureusement pas toujours dans la douleur) de nombreux travaux de recherche qui coulent dans cette veine qui va de l'art des mines à la science des travaux souterrains.
Cet autre extrait, aussi, tiré du livre de la Genèse :
Voici le mineur qui apparaît déjà sous l'homme !
D'autres, à cette table, parleront, mieux que moi, du chercheur que tu as Sébastiano Pelizza, Charles Fairhurst, témoins, venus de l'étranger, de ta stature internationale.
Tu as su, cher Edouard, mettre au service de ta démarche, énergie et talent quelques instants, sur cette facette de ton talent sans laquelle la recherche demeure stérile : je veux dire ton art de savoir "faire passer le message", de dire les choses avec des images, de transmettre ton expérience. Mon ami Michel Duchêne t'a déjà sacré" grand communicateur" ; et j'ajoute: expert en images, métaphores et autres formules fortes.
La recherche, sans les mots pour la dire, perd sa raison d'être et devient stérile.
Pour moi, tu as ouvert le livre des belles images, en 1963, lorsque, alors jeune professeur à l'Ecole des mines de Paris, tu présentais à tes étudiants les résultats de recherches alors entreprises à la Chambre Syndicale des Mines de Fer, sur l'abattage des roches à l'explosif : il y était joliment question d'ondes de choc en forme de " pommes " ou de " poires " (selon les valeurs respectives des célérités de la détonation et de l'onde de choc dans la roche). Puis, selon la géométrie des surfaces de réflexion, par conjonction des ondes, voilà la roche qui s'ouvre en deux " comme une noix ", ou " comme un drap qu'on déchire ". Ailleurs, plus prosaïquement, mettre de la dynamite dans tel type de roche, c'était " donner de la confiture aux cochons ".
Confiture aux pommes ou aux poires ! Des métaphores alimentaires, il y en eut d'autres ; une bonne partie de la cuisine y passe :
"Sandwichs jambon-beurre " (avec sa variante plus sucrée de la " tartine à la confiture "),
" Mille-feuilles " dont, invariablement, la crème pâtissière s'extrude quand on le mord, images du comportement mécanique de terrains stratifiés. Et aussi, " morceaux de sucre, plus ou moins frettés par le carton d'emballage ", comme allégorie des roches fracturées et renforcées.
" Café sous vide ", pour illustrer de façon simple et lumineuse le rôle d'un (léger) confinement latéral : " Le vide, ça fait 1 bar et encore, s'il est parfait ".
Un bar suffit, 10 tonnes/m2, 1 boulon/m2 (certains t'ont surnommé " Monsieur 1 bar " !) ; en raccourci saisissant, voilà justifiée la pratique du boulonnage,
Huile pour lubrifier les joints rocheux, qui, alors, se détendent brusquement " comme un ressort " : voilà pour le principe des effondrements spontanés.
Plus loin, on quitte la cuisine et son arsenal alimentaire et l'image est celle, plus bucolique, de la botte de foin, du fagot de paille, ligotés, - toujours la pression latérale de confinement ! -
Pour les chambres et piliers, il est question de " fakir sur la planche à clous " : les terrains reposent sur la forêt des petits piliers et l'on comprend le mécanisme plausible du poinçonnement du toit par les piliers. Et quand le fakir se transforme en rouleau compresseur (le rouleau compresseur de la culée de pression latérale, bien sûr), là c'est la catastrophe conduisant à l'effondrement spontané.
Pour éviter la catastrophe, il faut faire passer le rouleau compresseur sur un stot de protection, ou sur des piliers affaissables : et c'est " le coup de l'oreiller ".
Effets sismiques induits par l'effondrement de Roncourt et -disais-tu-, " on a vu les cuisinières en fonte se mettre à tanguer dans les cuisines " : là, le trait est grossi, l'image confine à la caricature, mais la leçon gagne en efficacité.
Certes, l'image ne vaut ni science, ni raisonnement, mais elle les précède, les éclaire, les conforte.
1967, action concertée financée par la DGRST sur la résistance in situ des piliers de mine et l'effet d'échelle : lors d'un essai de mise en charge d'un pilier par vérins plats, devant tout un aréopage d'experts de la Mécanique des Roches française, un pilier s'écaille partiellement ; discussions pour définir l'état du pilier : rompu ? pas rompu ? pré-rupture ? post-rupture ? ; et toi, d'ironiser avec l'humour qui te caractérise, sur les experts qui discutent pour savoir si c'est "cassé ou pas cassé !".
Il n'empêche, tu as ainsi fait œuvre de pionnier dans la connaissance du comportement post-rupture des roches. Tes études sont nombreuses, également, sur la géométrie des travaux miniers, où tu as introduit la notion de " largeur critique ", le fameux :
Et voici le facteur k traqué, de Roncourt (Lorraine) à Gafsa (Tunisie) et de Spring Hill (États-Unis) à Metlaoui (Tunisie) et à Champagnolle (Jura). Tu décris avec précision et dans ton langage fleuri ce qui se passe en cas de dépassement de la fameuse largeur critique : surcharge sur les bords, rupture en cisaillement, chute des terrains, pistonnage et surpression dans les travaux du fond, les cages éjectées du puits " comme un bouchon de champagne ! " ; drame et humour.
Je me souviens de mon ami Gérard Vouille, effectuant de multiples simulations par la méthode des éléments finis, à la quête - théorique - de la fameuse surcharge critique : "Il y a bien un petit quelque chose, mais rien de critique là-dedans " disait-il, le calcul n'allant pas dans le sens indiqué par ton intuition.
Et là, un de tes traits caractéristiques : ta distance par rapport aux calculs par ordinateur :
Au delà de la formule lapidaire, primauté de l'expérience, respect devant les faits, démarche pragmatique, éclairée par les modèles conceptuels, s'ils collent à la réalité. Toute ton approche des effondrements spontanés est une lumineuse mise en perspective de faits d'observation, liés entre eux et mâtinée de sagesse populaire :
car à la Chandeleur, il pleut souvent, surtout en Lorraine ! Et la pluie infiltrée dans le sol, joue le rôle de lubrifiant dans les strates des terrains. Et d'aligner les sept faits d'observation dont la coïncidence provoque l'effondrement : largeur critique, présence d'un banc raide au toit, taux d'exploitation élevé, pluviométrie, etc.
Une démarche originale, sachant marier l'observation, l'analogie, la science, la phénoménologie, dans un cocktail " détonant ". Tiens, à propos de " détonant ", laisse-moi conclure par cet éloge du boutefeu, personnage emblématique de la mine, et dont tu as toi-même si souvent fait l'éloge : le boutefeu était celui des mineurs qui, par ses plus grandes capacités, était choisi par ses pairs pour être responsable des explosifs et mettre à feu la volée d'abattage ; le boutefeu, littéralement, c'est celui qui " boute " le feu, qui " pousse " le feu : c'est l'homme qui pousse " le feu de la connaissance et l'apporte au front de taille sans cesse renouvelé du progrès. Quel sacré boutefeu tu es, mon cher Edouard !
Philippe Weber
Professeur à l'Ecole des mines d'Alès
L'INDUSTRIE MINIERE ET PARA-MINIERE FRANÇAISEpar Claude Mandil Edouard Tincelin, je suis particulièrement heureux de participer à la clôture de votre jubilé pour un nombre important de raisons. La première, et non la moindre, c'est que cela me permet de m'associer à l'hommage qui vous est rendu et cela, à triple titre. Tout d'abord en tant que patron de l'administration des mines. Bien que je sois obligé de consacrer aux questions énergétiques une bonne partie de mon temps, je n'oublie pas que j'occupe le bureau des anciens directeurs des mines (avec une vitrine de minéraux ... ) et je me rends toujours disponible quand on me sollicite sur des affaires minières. Edouard Tincelin, je voudrais vous dire que l'administration des mines vous est très reconnaissante des services que vous avez rendus au pays. D'une part, par vos travaux dans les domaines de la mécanique des roches, des méthodes d'exoitation et du boulonnage, vous avez fait progresser la productivité des mines françaises. Et d'autre part, vous avez été, je n'oserais pas dire de tous temps, l'expert reconnu et écouté de l'administration. On se souvient encore, au ministère, de s interventions au moment des catastrophes de Clamart, de Champagnole et de Malpasset. Et, plus récemment (1985) votre expertise sur les glissements de la colline de la Darboussière, surplombant la bauxite des exploitations de Péchiney et de SABAP, glissements qui menaçaient l'abbaye du Thoronet, fut très précieuse pour l'administration. Autre titre auquel m'associer à cet hommage : en tant que membre du corps des mines. Je fais partie de ces générations d'ingénieurs des mines auxquelles vous avez fait découvrir la mine, auxquelles vous avez fait percevoir la noblesse du métier d'exploitant minier. Et, bien qu'ils ne m'aient pas fait de confidences sur ce point, je ne serais pas surpris que la vocation de certains de mes camarades, qui ont consacré leur vie professionnelle à la mine, ait été initiée par vous. Et enfin, c'est aussi à titre personnel. La seconde raison pour laquelle je suis heureux de participer à cette manifestation, c'est qu'elle me donne l'occasion de souligner que, être un mineur français, c'est maintenant aussi être un mineur à l'étranger. Cela est évident pour des sociétés minières publiques ou privées, telles COGEMA au Canada et au Niger, EMC (Entreprise Minière et Chimique) au Canada, COMILOG au Gabon, IMETAL qui se développe en Afrique du Sud et bien d'autres. Et cela est vrai pour l'ingénierie minière française, qui a su trouver des lieux, à l'étranger, où valoriser ses compétences. Je pense en particulier à Charbonnages de France. Et il ne faut pas oublier notre industrie para-minière, qui, un peu forcée par la conjoncture, me direz-vous, a fait passer la part de son chiffre d'affaires à l'exportation de 55% en 1980 à 70% en 1993. Enfin, "last but not least", il faut bien sûr mentionner les centres de recherche des Ecoles des Mines, et en particulier ceux de l'École des mines de Paris, qui se sont beaucoup ouverts sur l'étranger ces dernières années. Les Ecoles des Mines savent, Edouard Tincelin, ce qu'elles vous doivent sur ce point. Pour terminer, la troisième raison pour laquelle je me réjouis d'être ici, c'est pour dire, et on n'en a pas si souvent l'occasion, que, malgré la décroissance de l'activité minière en France, l'administration des mines travaille ! Elle travaille même beaucoup ! Je cite, pêle-mêle, les principaux chantiers du moment :
Elle s'est adaptée et continuera probablement de s'adapter. Elle se souviendra longtemps du "petit oiseau" (c'est l'étymologie de votre nom, je m'en souviens bien), j'en suis sûr. Et en tous cas, je voudrais vous redire toute la gratitude qu'elle a pour vous.
Claude Mandil
Le titre de cet exposé "Edouard Tincelin l'industriel" ne reflète qu'imparfaitement mon propos, car je ne pense pas qu'on puisse présenter Edouard Tincelin comme un industriel au sens strict mais plutôt comme un homme de science qui a toujours considéré que son activité devait concourir au progrès industriel. Il n'est pas exagéré de dire qu'il a toujours voulu se situer à la limite entre la Science et l'Industrie, s'efforçant de rendre chacun de ces mondes perméable aux méthodes et aux préoccupations de l'autre; ainsi, il s'est toujours voulu industriel exploitant de mines chez les scientifiques et homme de science chez les mineurs. Les clefs de cette dualité se trouvent évidemment dans son histoire personnelle, lorsque les événements le propulsent dans la mine à l'âge où sa formation le destinait à l'intégration des équations différentielles dans le cadre sans surprise d'une classe de "taupe". Ce contact précoce qui lui est imposé avec la réalité de la profession de mineur ne le détourne pas de sa vocation scientifique, mais va l'éloigner définitivement des spéculations abstraites. L'après-guerre le retrouvera ingénieur d'exploitation, mais très vite il sera rattaché au service technique de la Chambre Syndicale des Mines de Fer de France où il suscitera une approche scientifique des problèmes posés par l'exploitation des mines, approche fondée sur l'observation et la mesure et mettant en œuvre les méthodes expérimentales les plus récentes, souvent héritées des travaux publics. Il suffit de se reporter à un exposé qu'il fait en 1951 à la Conférence Internationale sur les Pressions de Terrain qui se tient à Liège pour comprendre que dès cette époque les buts qu'il assigne à la recherche répondent aux préoccupations d'un industriel: "Nous espérons fermement que, de nos études ( ... ) il résultera des améliorations notables de nos méthodes d'exploitation, capables non seulement d'entraîner des répercussions heureuses sur le prix de revient, mais encore d'améliorer la sécurité et même le confort ou les conditions de travail du mineur", En même temps, et dans le même exposé, pour résoudre les problèmes techniques auxquels il est confronté (quelle est la forme de galerie idéale, quel est l'entr'axe optimal entre galeries parallèles, comment dimensionner les stots de protection etc.), il récuse l'empirisme pour conclure à la nécessité "d'entreprendre quelques études d'intérêt plus spéculatif portant notamment sur les contraintes en place dans les mines et les lois de comportement des roches minières lorsqu'elles subissent des contraintes. On voit donc que "l'industriel" n'occulte pas, loin de là, l'homme de science. Il faut s'arrêter un instant sur sa position vis-à-vis de l'empirisme car elle n'est en rien circonstancielle mais, bien au contraire, elle demeurera la ligne directrice de son action dans un milieu où l'on évoque alors plus "l'art" que la science. Cette position, il l'explicite avec force dans sa thèse datant de 1955 et c'est une condamnation sans appel au nom du progrès et de la rentabilité : "Il est indiscutable que la seule connaissance empirique d'un phénomène, industriel ou non, paralyse tous les progrès et freine considérablement les changements de méthode qui pourraient s'imposer". Il va donc sans relâche mesurer pressions et déformations dans les mines de fer de Lorraine, utilisant des techniques récemment mises au point telles que vérin plat, cordes vibrantes etc., ou faisant construire par le service technique de la Chambre syndicale des dispositifs de mesure adaptés à l'environnement minier (mesure d'expansion des terrains, de convergence des galeries etc.). La synthèse de cet énorme travail fera l'objet de sa thèse; les considérations théoriques n'en seront pas absentes mais le chapitre le plus important sera consacré aux règles d'exploitation déduites de cette recherche et concernant les exploitations par dépi-lage, le dimensionnement des stots de protection, les exploitations en couches superposées etc., toutes ces règles demeureront en vigueur jusqu'à la fermeture des mes de fer du bassin lorrain. En évoquant cette période lorraine de l'activité d'Edouard Tincelin, on ne peut évidemment pas passer sous silence sa croisade pour le "soutènement suspendu" comme on l'appelait alors et qui est plus communément désigné actuellement sous le terme de boulonnage: l'accroissement de la sécurité est évidemment l'un de ses objectifs, mais surtout, il a compris d'emblée que la mise en place de ce type de soutènement était susceptible d'être rapidement mécanisée et que son adoption dans les mines de fer de Lorraine entraînerait à coup sûr des gains de productivité substantiels. Lorsqu'il ralliera l'École des mines de Paris, son objectif concernant la recherche ne variera pas : il faut impérativement qu'elle soit un facteur de progrès industriel ce qui n'est possible que si l'analyse des phénomènes est fondée sur des bases objectives (mesures en laboratoire et in situ) permettant d'identifier des lois physiques (déformabilité, critères de rupture, lois de comportement.) lois que l'on peut appliquer au-delà du cadre strict où elles ont été mises en évidence (simulations physiques et numériques). Sa position clef au sein du monde minier où ses conseils et ses diagnostics sont fréquemment sollicités lui permettra d'identifier les pistes de recherche correspondant aux besoins réels de cette industrie ; sa fonction de directeur du Centre de mécanique de roches (qui deviendra ultérieurement Mines-Infrastructures et aujourd'hui Géotechnique et Exploitation du Sous-Sol) lui donnera la possibilité de promouvoir ces recherches au sein du Centre. C'est ainsi qu'il va stimuler les recherches sur la rhéologie des roches afin de mieux comprendre l'origine des ruptures différées souvent si meurtrières dans les mines, de manière à concevoir et à mettre en œuvre les moyens d'auscultation permettant de prévoir l'occurrence de ces phénomènes brutaux .. C'est ainsi qu'il va encourager le développement des méthodes de calcul par éléments finis pour enfin connaître la répartition des contraintes autour des galeries de mine, de manière à déterminer de façon précise les taux de défruitement admissibles. C'est ainsi qu'il va personnellement encadrer des travaux de recherche sur le soutènement afin d'aboutir à un dimensionnement raisonné des boulons et des cintres. C'est ainsi que, sous son impulsion, le Centre va se lancer dans l'étude de l'abattage mécanique des roches dans la perspective d'une généralisation de cette méthode dans les mines, avec l'objectif d'une amélioration de la productivité. Cette enumeration n'est pas exhaustive, mais elle me permettra pour finir de montrer que la plupart de ces thèmes de recherches, considérés initialement dans la perspective d'une amélioration des méthodes d'exploitation des mines, ont connu des développements allant bien au-delà des objectifs qu'Edouard Tincelin leur avait initialement assignés : la poursuite des recherches sur la rhéologie des roches a débouché sur les comportements post-rupture, la viscoplasticité, les couplages thermo-hydro-mécaniques et concrètement sur toute l'industrie du stockage souterrain d'hydrocarbures et de déchets. Le développement des méthodes de calcul numérique est allé de pair avec le développement des ordinateurs, c'est dire le chemin parcouru depuis vingt-cinq ans: un logiciel comme VIPLEF 3D permet maintenant de résoudre des problèmes à la solution desquels Edouard Tincelin n'aurait même pas oser rêver à son congrès de Liège en 1951. Le soutènement par boulonnage est désormais d'un usage courant dans les chantiers de travaux publics et j'ai encore en mémoire les interventions d'Edouard Tincelin pour défendre ce mode de soutènement au cours du percement du tunnel routier du Fréjus. Enfin, les recherches sur l'abattage mécanique se sont poursuivies sans relâche et connaissent actuellement des développements importants dans le domaine des forages pétroliers. On voit donc sur ces exemples que l'ancrage extrêmement solide d'Edouard Tincelin dans l'Industrie Minière n'a en aucune façon limité à ce domaine précis la arche qu'il suscitait, mais que, tout au contraire, il lui a permis d'identifier les vrais problèmes qui se posent dans toutes les industries qui comportent une excavation du sous-sol, et surtout de contribuer à les résoudre : finalement, c'est en cela que l'on peut sans doute le considérer comme un industriel. GÉRARD VOUILLE, Président du Comité français de mécanique des roches
DE LA SÉCURITÉ MINIÈRE À LA SÉCURITÉ INDUSTRIELLE
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