Né à Vitreux le 7/10/1788 (Jura)
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique (promotion 1806 ; sorti classé 73) et de l'Ecole des Mines de Paris. Membre du Corps des mines.
Roussel-Galle fut nommé ingénieur en chef des mines en 1832, et chargé de remplacer Joseph François de Champeaux à la tête du Xème arrondissement minéralogique dont le siège fut transféré à Chaumont.
Le seul moment bien connu de sa carrière est celui où il dirige l'Ecole des mineurs de Saint-Etienne (1835-1852) après la disparition de Beaunier et l'intérim de Delsériès.
Le passage qui suit est extrait de Anne-Françoise GARÇON, Entre l'Etat et l'usine : l'Ecole des Mines de Saint-Etienne au XIXe siècle :
Roussel-Galle qui succéda à Beaunier après l'intérim de Delsériès, mit plus d'un an avant d'accepter d'occuper son poste: « il est sans exemple, monsieur, qu'un ingénieur désigné pour un poste aussi important apporte pareil retard à en prendre possession. [...] Est-ce par complaisance pour M. Delsériès ? [...] je vous déclare que vous ne servez pas ses intérêts. Assurément, si ce n'était pas vous, ce ne sera pas lui qui sera appelé à diriger l'École des mineurs [...] », finit par lui écrire Becquey.
Fénéon, Gruner, Callon, le trio des professeurs, souhaitaient maintenir les élèves dans une dynamique innovante, ils désiraient continuer à leur donner les moyens de saisir les points les plus récents de la théorie et de la pratique, particulièrement en métallurgie. Or, l'enseignement en deux ans, malgré le double cursus mis en place, suffisait de moins en moins à la tâche. Les plus besogneux décrochaient; les meilleurs peinaient a saisir ensemble le meilleur de la théorie et de la pratique. Un premier succès avait été remporté avec le relèvement du programme d'entrée. L'école attirait toujours autant les candidats, et chaque année, cinquante à soixante jeunes gens se présentaient au concours pour une vingtaine de places, ce qui laissait au conseil une marge confortable pour juger des niveaux d'admission. En 1841, toute la géométrie et l'algèbre jusqu'aux équations du second degré avaient été intégrés au programme d'admission avec l'accord du conseil général des Mines. Mais la mesure ne résolvait pas le problème crucial de l'articulation entre les cours et la pratique de terrain. Dans une deuxième année surchargée, au cours de laquelle les élèves devaient assimiler la métallurgie, la mécanique appliquée, l'exploitation des mines, la minéralogie et la géologie, où et comment placer un voyage d'instruction sanctionné par un mémoire ? La question était importante au plan pédagogique, mais aussi au plan administratif du fait que le règlement exigeait le retour de tous les mémoires pour qu'ait lieu la délivrance des brevets. Faute de mieux, on décida en 1840 de le placer durant l'été, mais la mesure se révéla néfaste. Ceux des élèves qui avaient trouvé du travail dès la fin de leur scolarité, négligèrent de rédiger un journal de voyage dont ils ne voyaient plus l'intérêt. Dès 1840, l'école dut attendre six mois avant de pouvoir délivrer les brevets; en 1841, ce fut un an; en 1842, le délai d'attente avait dépassé l'année. Roussel-Galle tenta vainement d'intimider. Les élèves furent frappés d'ajournement jusqu'à la production de leur mémoire de voyage, une mesure qui concerna, par exemple, Maurice en 1846, Bérard et Baroulier en 1847, Luyton en 1848, tous « entrés dans l'industrie immédiatement après leurs études », et, notons-le, tous promis à d'importantes carrières. N'obtenant que de piètres résultats, le directeur brandit l'arme de la rétrogradation, pour Dange par exemple, « qui d'après un classement à sa sortie de l'école pouvait aspirer à un brevet de 2e classe, mais qui n'a pas non plus produit de mémoire de voyage, je pense avec la majorité du conseil qu'il y a lieu de délivrer à cet élève un brevet de 3e classe ». Il fut même question de radiation lorsque le retard devint trop important. Rien n'y fit. Les élèves attachaient peu d'importance à ce brevet qui ne contribuait en rien à améliorer leur situation. Manifestement, l'école était à un tournant. Roussel-Galle était un homme discret, mais obstiné. Il ne craignait pas de résister à la hiérarchie et savait avoir le soutien de Migneron, l'inspecteur général chargé de la région Centre. Or, peut-être depuis 1839, mais certainement depuis 1843, il avait un projet en tête pour sortir l'école de l'impasse où elle se trouvait. Il fallait, à son sens, quitter le local pour un plus vaste, transformer l'école en internat, ajouter une troisième année d'enseignement pour mieux conjuguer théorie et pratique. Les prétentions de plus en plus pesantes de Neyron-Desgranges, la propriétaire des locaux lui servit d'argument pour se mettre en quête d'un lieu à acquérir. En juillet 1844, il avertissait l'administration de sa trouvaille, « la belle propriété de Chantegrillet, [...] sur le flanc d'un coteau qui touche à la ville, loin du bruit qui distrait de l'étude et peut la troubler, au dessus [...] de la fumée et de la poussière qui sont de véritables fléaux pour des collections minéralogiques, des bibliothèques, des modèles de dessin, des instruments de physique et de chimie ». Le lieu était agréable: « dans une atmosphère salubre et exempte des brouillards malsains qui régnent dans la partie basse de la ville pendant une partie de l'hiver; Chantegrillet avec ses jardins et ses ombrages réunirait l'agrément, la salubrité et l'utilité ». Et l'installation se présentait sous un jour moins coûteux que celle en cours : « un puits dans la maison d'habitation et à l'extérieur, une fontaine d'eau limpide et pure qui varie peu selon les saisons, sont de précieuses ressources que n'offre point la propriété de Mme Neyron-Desgranges, où l'on ne peut avoir pour le service de l'école, et en achetant, qu'un filet d'eau assez restreint ». C'était aller sur le terrain de l'administration qui voyait avec inquiétude le gonflement des dépenses de fonctionnement. La propriété offrait des possibilités d'aménagement avec ses espaces verts, un « château » de deux étages pour loger le directeur et les professeurs, et un autre bâtiment de deux étages également, flanqué d'une aile perpendiculaire qui pouvait servir pour l'internat, les salles de cours, les laboratoires, la bibliodièque et la salle de collection. Le tout pour 200000 F. Effrayé par la dépense, Legrand, le directeur des Ponts et Chaussées, répondit « qu'une construction neuve ne coûterait pas beaucoup plus et offrirait au moins l'avantage de dispositions étudiées et combinées pour l'usage spécial auquel elle serait destinée... ». Migneron prit le dossier en main. Il intervint personnellement auprès du ministre des Travaux Publics, puis il dicta à Roussel-Galle la marche à suivre: passer un compromis provisoire avec les vendeurs et le présenter aux Chambres. Quatre années de discussions furent nécessaires néanmoins, quatre années de délai et de patience avant de parvenir au résultat escompté. Le 27 juillet 1847 enfin, les Chambres adoptèrent la loi qui autorisait l'acquisition de la propriété de Chantegrillet. Un tiers seulement du domaine fut affecté à l'école, le reste aliéné aux frais de l'État devant couvrir une partie des frais d'acquisition (280000 F). Le budget des Travaux publics fut augmenté d'un chapitre spécial de manière à faire face aux dépenses d'acquisition et d'aménagement. Après deux années de travaux d'aménagement entre 1848 et 1850, l'école emménagea dans ses nouveaux locaux. Chantegrillet acquis, Roussel-Galle se mit en tête de réaliser la suite de son projet et entreprit des démarches pour obtenir l'enseignement en trois ans et la transformation de l'école en internat. Mais là, tout bascula. Il en avait émis l'idée en 1845 sans résultat; il revint à la charge entre septembre 1850 et février 1851. Est-ce coïncidence? Les tracasseries administratives se multiplièrent exactement à partir de ce moment. L'administration se mit à muter les professeurs à l'emporte-pièce, sans se soucier de l'organisation de l'année scolaire, sans se soucier même de les remplacer, et de la sorte, désorganisa les enseignements. [... Par exemple, le départ anticipé et sans préavis de Grüner] provoqua la colère du directeur. Pourquoi un départ aussi prompt pour « le moins important de tous les services minéralogiques du royaume ? Cette décision qui prive l'École des Mineurs d'un professeur laborieux, capable et expérimenté et dont tous les cours sont faits d'une manière claire et méthodique, nous arrive dans un moment où la présence de M. Gruner nous est indispensable pour achever les cours de métallurgie et divers travaux commencés [...] ». Les ratures abondent sur le brouillon. En rage, manifestement, Roussel-Galle peine à trouver le mot juste: « Dans l'intérêt de l'école, il serait aussi fortement à désirer que le successeur de M. Gruner, s'il remplit ses devoirs avec exactitude ne vînt pas ici comme en passant ainsi qu'on l'annonce pour M. Tournaire. Car indépendamment des connaissances théoriques, il faut, pour bien professer la chimie et surtout la métallurgie une pratique qui ne peut s'acquérir qu'avec du temps, du travail et après avoir beaucoup vu ». Par malchance, l'école dut également faire face au départ de ses professeurs pour la Compagnie des mines de la Loire en pleine expansion. La chaire de chimie fut attribuée à Houpeurt, mais l'arrangement dura à peine six mois: en avril 1848, l'ingénieur quittait l'école pour prendre la direction du Monopole. Roussel-Galle commente, mi-ironique, mi-désabusé: « Heureusement que dans la circonstance actuelle, nous avons pour guide l'excellent résumé du cours de métallurgie de M. Gruner, rédigé par ce professeur lui-même, et que j'ai fait lithographier ces années dernières avec toutes les planches ». Tournaire, récemment arrivé, reçut en partage le cours de chimie... jusqu'à la nomination en septembre 1848 de Pigeon qui depuis quelque mois piaffait d'impatience à Rive-de-Gier, en l'attente de la chaire... de mécanique. Refus de Pigeon en novembre, court passage de Flajolot, puis départ de Tournaire en octobre 1849 : la chaire de chimie demeura vacante jusqu'à l'arrivée en mai 1850 de Labrosse-Luuyt, qui fut autorisé en août, à « accepter pour le compte de la Compagnie des mines de la Loire, la fonction d'ingénieur du canal de Givors ». Il fut remplacé par Furiet dont il apparut rapidement qu'il ne répondait pas aux exigences pédagogiques. La géologie fut touchée à son tour, avec la mise en disponibilité de Fénéon en novembre de la même année. Couronnant le tout, le jeune Benoit qui le remplaça, fut radié du corps en décembre 1851, pour des raisons directement politiques cette fois, l'élève ingénieur ayant refusé son « adhésion aux actes du gouvernement et demandé à ce qu'il soit pourvu à son remplacement en tant que professeur ». Roussel-Galle assura la survie de l'École en puisant dans les ressources locales. L'enseignement des matières principales fut confié aux préparateurs, tous anciens élèves choisis parmi les meilleurs. Janicot, « très versé dans la pratique et la théorie des sciences chimiques et de la métallurgie du fer », occupa la chaire de métallurgie avec talent: « la manière dont il a fait ses leçons a surpassé nos espérances ; il les prépare avec le plus grand soin, s'exprime clairement, procède avec méthode et n'omet rien de ce qu'il convient de connaître ». Luyton « élève très distingué de cette école » fut chargé en novembre 1850 des cours d'algèbre, trigonométrie et géométrie analytique. Mais cela affaiblissait le conseil de l'École. En mars 1851, à peu près exsangue puisqu'il se composait, outre le directeur, de Lan arrivé depuis quelques semaines, de l'étrange Furiet et du jeune Benoît, acculé par le ministre qui exigeait qu'un terme soit mis à l'irrégularité dans la délivrance des brevets, le conseil se décida à proposer trois mesures : 1) terminer au 1er juin les cours et exercices de la seconde année ; 2) suspendre les voyages et les remplacer par des excursions ; 3) étendre le programme d'admission. C'était faire acte d'allégeance. Huit jours plus tard, une ordonnance réglementaire prescrivait des exercices pratiques à accomplir par les élèves dans leurs études, et le 8 avril, le ministre décidait qu'à l'avenir les voyages d'instruction seraient remplacés par ces exercices pratiques. Certainement, il pensait éteindre ainsi la question du cursus en trois ans. Et, avec la plus parfaite hypocrisie, il accorda la fin des cours au 1er juin « sous la réserve expresse de ne point modifier les conditions d'admissibilité », en arguant du fait que « le caractère spécial de l'École des Mines comporte plutôt l'extension de la partie pratique que de la partie théorique. Agir différemment serait s'écarter complètement du but de l'institution ». Tout semblait prêt pour que Saint-Étienne périclite, il ne manquait qu'à choisir entre les scénarios. Un premier, conforme aux désirs profonds des Anciens était qu'elle disparût, qu'il n'existât plus que deux écoles: l'école supérieure à Paris ; l'école de maîtres-mineurs à Alais. Un second, conforme aux voeux de la nouvelle génération, au moins de certains, était qu'elle continuât d'exister mais avec une mission limitée à la formation des gardes-mines et des directeurs d'exploitation. L'association étonnera. Aussi bien, mesurons, par un détour, la profondeur des préjugés sur lequel l'une et l'autre des positions s'appuyaient. L'ordonnance royale de 1843 qui instituait officiellement l'École des Maîtres-Mineurs d'Alais, reconnaissait l'existence de Paris et de Saint-Étienne: « il existe en France deux écoles fondées dans l'intérêt de l'industrie minérale. L'une établie à Paris [...]; la seconde, placée à Saint-Étienne [...] ». Mais la manière dont elle rappelait les objectifs impartis à chacune des deux écoles est instructive de l'état d'esprit qui prévalait au ministère et au service des Mines, sur la question des Écoles. Paris était « destiné à former les ingénieurs des Mines employés par le gouvernement [et] un certain nombre d'élèves externes qui [...] se livrent aux mêmes travaux que les élèves ingénieurs ». Saint-Étienne, avait « pour objet de former des directeurs d'exploitation ». L'énoncé révélait par son point aveugle le conflit de représentations qui courait en arrière-plan. Pas même Paris n'était donnée comme formant des ingénieurs civils : l'épithète est absente. Et à supposer que les élèves externes fussent considérés comme des ingénieurs (c'est seulement dans la partie du texte consacrée à Paris que le terme « ingénieur » est présent), ils venaient, aux termes de la hiérarchie explicitement énoncée, avant les directeurs d'exploitation, avant donc leurs futurs employeurs (c'est seulement dans la partie du texte consacrée à Saint-Étienne que le terme « directeurs » est présent). On devine les raisons du brouillage, l'ampleur et la ténacité des présupposés sous-jacents. Comment placer à égalité une école provinciale et une école parisienne ? Comment placer à égalité une institution destinée à former des ingénieurs du gouvernement, et une institution destinée à former des industriels et des agents secondaires ? L'administration opta là encore pour le statu quo. Le règlement portant organisation du Corps des Mines, qui était en préparation et devint exécutoire en décembre 1851, assura le devenir de l'École puisque le nouveau statut officialisait l'existence des gardes-mines mais sans lever l'ambiguïté des relations avec sa rivale parisienne puisqu'il confortait les deux écoles, Paris et Saint-Étienne, dans le rôle de formation de ces agents. [...] |