Né le 5/2/1867 à Strasbourg, rue de la Nuée Bleue. Mort le 25/12/1945 à Paris (16ème).
Fils de Georges-Emile WEISS, notaire à Phalsbourg, installé à Saint-Cloud après 1870, et de Mme née Emilie BOECKEL (1830-1908). Les ancêtres venaient de LA PETITE PIERRE, village des Vosges du nord (près de Saverne) où le grand-père, Georg Adam dit Biergeorgel WEISS (1789-1861), était brasseur et aubergiste. Paul WEISS avait 2 frères aînés : Théodore WEISS (1851-1942), professeur de chirurgie à Nancy, et Auguste Eugène WEISS (1853-1938 ; X 1872 corps des ponts et chaussées), qui fut attaché au cabinet de Sadi Carnot (1881), puis s'occupa de la construction puis de l'exploitation des chemins de fer de l'Est et en devint finalement l'administrateur (il organisa des mouvements de trains vers le front pendant la guerre). Un neveu de Paul, Pierre WEISS, fut général de division aérienne en 1945 et présida ensuite des associations d'anciens combattants.
La famille WEISS est obligée de quitter l'Alsace en 1871, et Paul Louis n'y retournera après 1918 que pour des brefs séjours.
Paul Louis WEISS épouse, le 28/4/1892 à Paris, Jeanne-Félicie JAVAL, fille de Louis Emile JAVAL, médecin et ingénieur civil des mines, célèbre ophtalmologue, originaire d'une famille juive de Seppois-le-Bas.
Paul Louis WEISS est le père de :
Paul WEISS est ancien élève de Polytechnique (promotion 1886), et de l'Ecole des Mines de Paris (voir bulletin de notes). Membre du corps des mines. Docteur en droit (thèse soutenue en 1901 sur le régime minier en France et en Prusse). Religion luthérienne (protestante).
Lors de son séjour à l'Ecole des mines, il est envoyé en mission dans le Sud de la France et en Allemagne. En 1892, il fait un séjour en Russie, où il retourne brièvement en 1893 pour étudier l'exportation des charbons français par voie maritime.
Il commence sa carrière à Arras en 1892, comme ingénieur d'arrondissement minéralogique. Il s'y lie d'amitié avec Gustave Léon, lui-même ingénieur d'arrondissement à Valenciennes, avec lequel il restera en contact étroit.
En 1899, il est nommé à Paris. Depuis ce moment jusqu'à sa mort, il habite un vaste appartement au 78 bis avenue Henri Martin près du Bois de Boulogne. Il est nommé au Service des carrières de la Seine, d'abord comme adjoint de l'ingénieur en chef et inspecteur général des carrières Wickersheimer, très occupé par des activités politiques.
C'est à ce moment-là que survint la catastrophe minière Courrières.
Son ami Gustave Léon était ingénieur en chef des mines à la tête de l'arrondissement minéralogique d'Arras, et lui laisse la responsabilité opérationnelle des opérations de sauvetage. Il fait ouvrir un passage dans la veine Julie, afin de porter secours aux survivants coincés dans la mine.
Selon sa fille Louise, il était très angoissé devant l'ampleur de la catastrophe et partit sur place pour participer aux sauvetages. Il descendit effectivement avec des sauveteurs venus de Westphalie et dotés d'un équipement technique perfectionné. A plusieurs reprises, il fallut le ramener à la surface affaibli par l'oxyde de carbone. Mais il eut l'intuition d'ordonner un renversement de l'aération, ce qui permit de récupérer 13 survivants guidés par l'air frais, qui avaient pu survivre dans un cul-de-sac pendant 18 jours après l'accident.
A la suite de la catastrophe, il est chargé en 1906 d'une mission d'étude sur les règlements relatifs à l'exploitation des mines à l'étranger. En 1907, il obtient la Légion d'honneur et est nommé ingénieur en chef des mines. Preuve de son esprit de famille, il se fait remettre la décoration le 23/7/1907 par son frère aîné, Auguste Eugène WEISS, alors directeur des Chemins de fer de l'Est et officier de la L.H.
Après le départ de Wickersheimer, il dirige service des carrières de la Seine (1907-1911), poste qu'il cumule avec une fonction d'inspection technique des Chemins de fer de l'Etat.
Il cumule même brièvement sa fonction d'inspecteur général des carrières de la Seine avec celle de chef de l'arrondissement minéralogique de Paris.
Il est alors nommé adjoint pour les questions de mines du directeur des routes, de la navigation et des mines au ministère des travaux publics, auprès de CHARGUÉRAUD.
En 1910, la direction des mines devient autonome sous le nom de Direction des mines, des voies ferrées d'intérêt local et des distributions d'énergie électrique, et Weiss devient l'adjoint de HENRIOT à cette direction (1910-1911), puis directeur des mines à l'Administration centrale (1911-1916) où il succéde à HENRIOT. Louise WEISS raconte que son père était écoeuré par l'attitude des politiciens qui étaient ses patrons, et comme elle exerçait un métier de journaliste, elle publia dans Le Radical des articles dont son père lui procurait la substance, sous le pseudonyme de Louis Lefranc.
En 1912, il fit un voyage en Espagne avec sa fille Louise. L'objectif était d'expertiser des mines d'or. Ils allèrent notamment en Galice, à Ourense, et firent des promenades à cheval dans les hauts plateaux.
La conception de WEISS au sujet du droit minier est libérale et peut être résumée par une citation de sa thèse de doctorat : "le meilleur garant de l'économie dans l'exploitation est l'intérêt même de l'exploitant". Ce n'est pas la conception la plus courante chez les politiciens de l'époque. Cela explique que la préparation de la réforme minière au début de la 1ère guerre mondiale ait été confiée à Léon BLUM, auditeur au Conseil d'Etat et chef de cabinet de Marcel SEMBAT.
Sur le plan de l'approvisionnement de la France en charbon britannique, WEISS s'appuiera notamment sur son ami LÉON, qu'il fait nommer à Londres en 1915.
La pénurie de charbon provoque une crise politique. Marcel SEMBAT est remplacé au poste de ministre par Edouard HERRIOT le 12 décembre 1916. Ce dernier licencie immédiatement Paul Louis WEISS et confie la direction des mines à Paul FRANTZEN, qui ne l'occupera que quelques mois.
En 1916, comme lieutenant-colonel il est chargé de maintenir l'activité des houillères dans les zones non envahies. En février 1917, il est président de la commission des études chimiques de guerre et de la commission militaire des Mines. Il revoit Marcel Sembat à plusieurs reprises jusqu'en 1919, notamment à Chamonix où Sembat a un chalet.
A son départ du ministère, il devient administrateur de la Compagnie Industrielle des Travaux et Entreprises Electriques.
Grâce notamment à son "pantouflage" après la 1ère guerre mondiale, la famille WEISS jouira d'une grande aisance matérielle. Paul WEISS deviendra ainsi un symbole des "deux cents familles", attaqué dans les journaux de gauche à ce titre.
Paul WEISS est ingénieur conseil de la Compagnie des mines de Vicoigne, Noeux et Drocourt de 1919 à 1930, puis président de la Compagnie française des essences synthétiques qui construisit à Liévin une usine transformant la houille en essence, administrateur des mines de Sarre et Moselle, des Forges de la Providence. Il a étudié très sérieusement l'hydrogénation de la houille, qui a été développé en Allemagne pendant la période nazie (procédé de Fischer-Tropsch).
Il exerce également le fonctions de professeur de législation à l'Ecole des mines (1911-1923).
En 1925, il préside l'Union des Mines.
Il écrit des poèmes.
Paul WEISS fut maire de Magny-les-Hameaux (Yvelines) de 1935 à 1940. La famille y possédait une résidence secondaire, dans le hameau de Brouessy. Le peintre Raoul DUFY s'est rendu dans la ferme du château, afin de dessiner sur le vif des porcs qui étaient élevés dans cette ferme. Il fit plusieurs portraits de Louise WEISS. C'est le mari de Jenny WEISS (fille de Paul) qui avait découvert DUFY.
C'est dans cette maison familiale que sa fille Louise décéda en 1983 ; sa fille cadette France l'occupa ensuite.
Déja en 1938, Paul WEISS souffre sérieusement de la maladie de Parkinson dont il mourra en 1945.
Commandeur de la Légion d'honneur (1926).
Selon Louise WEISS, son père était un coléreux. Par exemple, il ne lui donnait qu`avec mauvaise grâce l'argent qu'elle gagnait : "Un matin, son café avalé, mon père , sans un mot, me lança au visage une volée de billets et sortit de la salle à manger en claquant la porte. Je ramassais ces coupures sur le tapis."
Dans un autre épisode, Paul WEISS enferme sa fille dans sa chambre alors que, déja majeure, elle voulait sortir avec un journaliste qui déplaisait au père.
Dans une lettre du 19 aout 1938, Paul WEISS se décrit lui-même comme : "la claire intelligence mais aussi la violence de la passion".
Ces éclats de colère apparaissent également dans les carnets intimes de Marcel SEMBAT : "WEISS avec ses frasques donne beaucoup d'activité un peu désordonnée, mais efficace par à-coups" (8 octobre 1916).
D'après : Louise Weiss, par Célia Bertin, Ed. Albin Michel, 1999, et d'autres sources :
Les ascendants de Paul WEISS étaient des alsaciens protestants. Bernhardt WEISS (décédé en 1655) fut cordonnier et échevin à La Petite Pierre. Le 3ème de ses 5 enfants, Jean-Jacques, fut musicien ; le plus jeune fils de ce dernier, Philippe-Jacques, était boucher et maire de La Petite Pierre ; il avait lui-même 8 enfants dont le dernier, Georges-Adam, avait épousé Christine-Catherine ERCKMANN, tante de Emile ERCKMANN (1826-1890) : c'est le père de Georges-Emile WEISS, le notaire.
La mère de Paul WEISS, Emile BOECKEL, descend de Jacob BOECKEL (né en 1573), tonnelier et drapier, juge forestier, receveur-surveillant de paroisse luthérienne. Les BOECKEL sont tous des notables de Barr (sud du Bas-Rhin). Jonas BOECKEL, ancêtre de Paul WEISS, fut pasteur et maire de ROTHAU, puis pasteur à GUEBWILLER, enfin pasteur à l'Eglise Saint-Thomas (la principale église protestante de Strasbourg, habituellement siège de l'inspection ecclésistique luthérienne). L'un de ses fils, Théodore BOECKEL, était médecin : c'est le grand-père de Paul WEISS.
Georges-Emile WEISS était un clerc de notaire très économe : il économisa longtemps pour acheter une petite étude à Phalsbourg. Puis il en acquit une autre à Strasbourg. Il devint président de la chambre des notaires en 1870, mais révolté contre la domination allemande, il vendit son étude et termina sa vie à Nancy. C'est là qu'il éleva son fils Paul.
Ce texte a été publié en 1964 dans le numéro du Bulletin de l'association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, à l'occasion du centenaire de la création de l'Association :
Major de l'Ecole Polytechnique, mon père, Paul Weiss, est entré à l'Ecole des Mines. Toute sa vie a été consacrée à la Mine, dominée par la passion de la Mine, d'abord au service de l'Etat, ensuite comme Administrateur de grands intérêts privés. De caractère simple et modeste, d'intelligence rapide, Paul Weiss fut un chercheur, un légiste, un bâtisseur.
Quelques dates : en 1892, nommé Ingénieur des Mines à Arras. En 1897, obtient un congé pour l'étude des Mines d'Héraclèe (Turquie). En 1899, l'inspection générale des Carrières du Département de la Seine lui est confiée. La carte de ces carrières n'existait pas. Il la dresse. Au cours de ses recherches, il découvrit le cercueil de l'Amiral Paul Jones, le héros national des Etats-Unis dont le lieu de sépulture était ignoré de tous. Paul Weiss fut invité avec sa femme aux funérailles nationales de l'Amiral en Amérique. Mes parents ne purent s'y rendre, ce qui valut à Madame Paul Weiss la lettre suivante, signée de son Excellence le Général Horace Porter (27 décembre 1905) :
Le nom de votre mari devra toujours être intimement associé à l'événement historique de la récupération des cendres d'un héros de renommée internationale. Dans le compte rendu verbal du travail accompli que j'ai donné au Président Roosevelt au cours de la journée que j'ai passée à sa maison de campagne dès mon retour, je me suis longuement étendu sur la tâche ardue et les travaux accomplis avec un dévouement qui vous a rendu cher à tous les Américains. Si jamais vous venez en ce pays affairé, je serais heureux de vous accueillir dans ma Cité et dans mon cœur.
En l'année 1906, Paul Weiss participa au sauvetage des rescapés de Courrières où 1099 mineurs trouvèrent la mort. Paul Weiss connaissait admirablement les fonds du Pas-de-Calais. Il se rendit spontanément sur place et se mit à la disposition de M. Léon, Ingénieur de l'Etat, pour concourir aux travaux de sauvetage. A ce moment arriva une équipe allemande, munie d'appareils spéciaux encore inconnus en France. Paul Weiss se mit à leur tête et, au péril de sa vie, les guida au fond, où ils trouvèrent les premiers cadavres des malheureux asphyxiés. Cette descente dans la mine ne fut pas la seule. Il remonta plus d'une fois à demi-évanoui. Remarquable technicien, il décida la réouverture d'un barrage d'air, réalisée au prix de cinq jours d'un travail surhumain, du 22 au 27 mars ; le lendemain, 28 mars, guidés par l'air frais, apparurent 13 ouvriers qui avaient vécu 18 jours dans un cul-de-sac que murait littéralement l'oxyde de carbone.
En 1907, Paul Weiss fut nommé Ingénieur en Chef des Mines, en 1910, secrétaire du Conseil Général des Mines, et en 1911 Professeur de Législation à l'Ecole Supérieure des Mines. Après sa thèse de doctorat sur l'exploitation des Mines par l'Etat, il publia plusieurs études sur la législation minière et hydraulique. Ses élèves l'appellaient affectueusement « le Marquis de la Procédure ». Son action au Ministère s'est caractérisée par un effort constant et couronné de succès pour l'accroissement de la production charbonnière nationale ainsi que par des dispositions hardies pour la mise en oeuvre de nos ressources hydro-électriques. Comme le disaient alors les critiques : « il capturait les chevaux sauvages » de nos montagnes.
Quand la Première Guerre Mondiale éclata, Paul Weiss fut chargé d'assurer le ravitaillement en charbon de la population et des usines. Nos mines étaient partiellement envahies. Il comprit toute l'importance de l'aide économique anglaise et fut chargé de mission, en qualité de lieutenant-colonel d'artillerie, auprès des autorités militaires anglaises pour toutes les questions concernant la remise en état des houillères du Pas-de-Calais, au fur et à mesure de leur dégagement. Il fut également accrédité auprès du Général en chef des armées anglaises pour assurer la liaison avec les services britanniques d'inventions relatives à tous nouveaux procédés de guerre.
Passons à l'oeuvre industrielle privée de Paul Weiss. Il l'inaugura en 1918 en développant et reconstruisant les gisements de Vicoine-Noeux et Drocourt, tout en cherchant de nouvelles utilisations pour ses charbons. Il construisit à Beuvry et Drocourt deux puissantes centrales électriques ainsi que d'importantes batteries de fours à coke capables de produire 500 000 tonnes par an. Il prévit la future importance d'une industrie chimique où le charbon interviendrait comme matière première, soit directement, soit par la voie intermédiaire des sous-produits des fours à coke : gaz, goudrons et premiers dérivés. Il participa donc à plusieurs Sociétés fondées à cet effet. Même activité en Lorraine. Sous son impulsion, le bel ensemble minier Sarre et Moselle qui avait dû être abandonné aux Allemands, revint à titre d'indemnité partielle aux Houillères Françaises. Un million de tonnes sous la gestion allemande. Trois millions de tonnes en 1938 sous la gestion française à laquelle il prend part. La grande centrale électrique de Sarre et Moselle qui porte le nom de Paul Weiss fait encore aujourd'hui figure de proue dans l'équipement électrique de la Lorraine.
Mais si la mine était la passion de Paul Weiss, le mineur était aussi l'objet de tous ses soins. Il aimait à développer chez les jeunes ingénieurs l'esprit de prévision et de réalisation qui était sa marque propre. Il tenait à leur assurer des avantages qui leur permettaient de mener une existence digne, exempte de soucis d'avenir. Il voulait également que les ouvriers mineurs fussent des ouvriers privilégiés et poussa tout un ensemble de logements, d'assurances et de retraites dont l'esprit singulièrement en avance sur son temps n'était autre que celui qui anime aujourd'hui toute la législation sociale.
Au total disons que Paul Weiss a représenté par excellence le Grand Mineur de son temps.