NOTICE NÉCROLOGIQUE sur
EDOUARD PHILLIPS
INSPECTEUR GÉNÉRAL DES MINES
Par M. Ed. SAUVAGE, Ingénieur des mines, Professeur à l'École nationale supérieure des mines.

Publié dans Annales des Mines, 8e série, vol 19, 1891.

Tous les amis de Phillips, tous ceux qui l'avaient vu prendre une part si active aux travaux de l'Exposition universelle, ont été tristement émus par la nouvelle imprévue de sa mort, dans les derniers jours de 1889. Les Annales des mines ont rapporté les paroles prononcées sur sa tombe par M. Résal. Plusieurs notices ont été consacrées à la vie et aux travaux du regretté savant : l'une, par M. H. Léauté, a été présentée à la séance de l'Académie des sciences, le 17 novembre 1890 ; une autre, par M. Ed. Collignon, a paru dans le Bulletin de la Société d'encouragement de janvier 1890. Cette seconde notice a été reproduite en tête du t. I du Congrès de mécanique appliquée. Les articles nécrologiques publiés dans la Revue chronométrique (Paris), par M. Saunier (janvier 1890, p. 9), dans le Journal suisse d'horlogerie d'après M. Gaspari (avril 1890, p. 291), nous montrent combien l'industrie de l'horlogerie apprécie les travaux de Phillips. Une notice sur l'oeuvre du regretté savant doit trouver également sa place dans les Annales des mines, qui ont reçu plusieurs de ses mémoires les plus importants.

La vie de Phillips a été consacrée tout entière à l'étude et au travail: devenu son maître au sortir même de l'enfance, il commence sans hésitation, et sans défaillance cette existence laborieuse avec une énergie, une persévérance qui ne devaient jamais l'abandonner : seule la mort peut interrompre le cours de ses travaux. Hors des études qui sont sa vie presque entière, nous avons peu d'événements à rapporter ; son existence, si bien remplie, s'écoula tranquille et douce. Comme les peuples heureux, souvent les hommes heureux n'ont pas d'histoire, car leur bonheur est fait de la tendresse constante de leur famille, de l'amitié de tous ceux qui les approchent, de l'estime de tous ceux qui les connaissent et surtout de leur sagesse qui leur fait apprécier ces biens, les plus précieux de tous, trop souvent dédaignes par les esprits inquiets.

Edouard Phillips naquit à Paris, le 21 mai 1821. Son père, qui était Anglais, habitait Paris où il avait épousé une Française. Phillips eut le malheur de perdre jeune ses parents : à seize ans, il se trouvait orphelin avec son frère Charles. Ces deux jeunes gens, habitant Paris, riches, sous la direction de leur grand'mère seule, ne se laissèrent pas détourner des travaux sérieux, donnant ainsi un louable exemple de raison et de caractère bien trempé ; tous deux se préparèrent à l'Ecole polytechnique. Edouard, le plus jeune, laissa toutefois son aîné concourir seul, le premier, dans la crainte d'être reçu sans lui. Quoique Anglais, ils pouvaient à cette époque se présenter à l'École polytechnique, où ils se firent natulariser français. Tous les deux sortirent dans les services civils: Edouard [X 1840], classé second de sa promotion, comme Ingénieur des mines ; Charles [X 1839], comme Ingénieur des ponts et chaussées.

Entré à l'École des mines à la fin de 1842, Éd. Phillips fut chargé, en 1846, du sous-arrondissement minéralogique de Carcassonne, et, dans la même année, nommé professeur de mécanique et d'exploitation des mines à l'École des mineurs de Saint-Étienne. En 1847, il eut le service des appareils à vapeur de la Seine; en 1849, il se fit recevoir docteur es sciences mathématiques ; puis il fut chargé du contrôle, pour l'État, du matériel et de l'exploitation technique du chemin de fer de l'Est et de quelques autres lignes ; mais il quitta bientôt les services administratifs. Pendant plusieurs années, à partir de 1852, il fut ingénieur du matériel du chemin de fer de l'Ouest, puis ingénieur en chef du matériel et de la voie du chemin de fer Grand-Central. Il reprit d'ailleurs bientôt les fonctions de professeur, qu'il avait exercées à ses débuts ; il enseigna la mécanique et la physique aux élèves de l'année préparatoire à l'École des mines, de 1852 à 1854. Plus tard, il fit les cours de mécanique qui devaient l'illustrer comme professeur, à l'École centrale de 1864 à 1875, à l'École polytechnique de 1866 à 1879, époque où il prit à l'École polytechnique les fonctions d'examinateur qu'il conserva jusqu'à sa mort. Il avait été nommé Ingénieur en chef des mines le 1er janvier 1867, et Inspecteur général le 16 novembre 1882.

Outre ses importantes fonctions de professeur, qui l'occupaient beaucoup, car il faisait à la fois deux cours considérables, qu'il tenait à modifier chaque année, il prit part, depuis son retour à Paris, à de nombreuses commissions, telles que la commission centrale des machines à vapeur, le comité de l'exploitation technique des chemins de fer, la commission du mètre, les jurys des expositions universelles, etc. En 1868, il fut élu comme successeur de Foucault, à l'Académie des sciences, après avoir été déjà présenté par la section de mécanique comme successeur de Cauchy, en 1858, et de Clapeyron en 1865.

Sa vie privée était simple et consacrée à sa famille et à ses amis intimes. Il travaillait à ses grands mémoires le matin, surtout de bonne heure. Il rédigeait ces mémoires dans un temps relativement court, parce qu'il y réfléchissait souvent, même au milieu du monde: toutefois ses travaux ne l'empêchaient nullement de prendre volontiers part à la gaieté de ceux qui l'entouraient.

Son aménité et sa bienveillance le faisaient aimer de tous ceux qui l'approchaient ; comme professeur, comme examinateur, il avait également conquis l'affection de ses élèves, qui appréciaient la lucidité de ses cours, la peine qu'il prenait pour les perfectioner sans cesse, son équité et la douceur avec laquelle il conduisait ses interrogations.

L'année de l'Exposition fut extrêmement fatigante pour lui : à ses examens de l'École polytechnique, s'ajoutèrent les séances des jurys, les congrès auxquels il prit une part des plus actives en qualité de président ; il ne put que fort tard aller prendre un peu de repos dans sa terre de Narmont, où il devait succomber, le 14 décembre 1889, aux atteintes d'un mal presque foudroyant, causé en partie peut-être, par ses excessives fatigues.

Si nous citons enfin les grands événements de sa vie, son mariage, la naissance de ses trois enfants, la perte cruelle de l'un d'eux, son seul fils, âgé de huit ans, nous aurons, en quelques lignes, terminé îa biographie si simple de Phillips. Mais l'examen de ses travaux nous arrêtera plus longtemps, si sommaire qu'il soit; car peu d'hommes ont eu pour le travail la même ardeur et la même facilité.

Le premier travail d'Edouard Phillips, alors élève ingénieur, publié dans les Annales des mines en 1845, a pour titre : Mémoire sur le gisement, l'exploitation, la préparation mécanique et le traitement métallurgique des minerais de plomb de Bleiberg, en Carinthie ; c'est un bon mémoire d'élève, où les divers points mentionnés au titre sont examinés avec méthode. Le calcul des moments pour une machine d'extraction à tambours coniques, desservant un plan incliné (p. 261), montre l'intérêt que prenait déjà l'auteur du mémoire aux questions de mécanique. Une machine à colonne d'eau, actionnant des pompes, est aussi l'objet d'une étude attentive (p. 267).

Les deux travaux publiés ensuite par Phillips dans les Annales rapportent des expériences entreprises de concert avec son ami et camarade d'école Rivot : Phillips avait en effet d'abord suivi Rivot dans l'étude de la chimie et de la métallurgie. L'un de ces travaux (Annales des mines, 4° s., t. XIII, p. 251} a pour objet la description d'un nouveau procédé de traitement métallurgique des minerais de cuivre ; après quelques essais infructueux pour décomposer le sulfate de cuivre en fusion par le courant de piles Bunsen, les auteurs avaient réussi à le réduire au réverbère après grillage, par le fer. Ce travail a été analysé par Pelouze, qui déclare que ces recherches, longues et difficiles, ont exigé de leurs auteurs autant d'habileté que de persévérance. L'autre travail (4e s., t. XIV, p. 57) fait connaître la conductibilité électrique de diverses roches à de hautes températures. A Saint-Etienne,il avait exécuté de délicates analyses d'acier.

Ces mémoires, ainsi que tous ses travaux jusqu'à l'année 1864, ont été analysés dans une brochure sur ses titres scientifiques, publiée chez Gauthier-Villars.

Citons encore quelques travaux secondaires de Phillips qui remontent à la même époque : un rapport à la commission centrale des machines à vapeur contient la relation de quelques expériences entreprises pour savoir « si les tôles de chaudières peuvent se surchauffer pendant les arrêts des machines, et produire une vaporisation dangereuse lors de la remise en marche». C'est là une des formes bizarres de la théorie de la vaporisation rapide et dangereuse par suite du contact de l'eau avec des tôles chaudes. On a répété bien des fois depuis lors que l'alimentation d'une chaudière, dont les tôles ont rougi par suite du manque d'eau, pouvait produire une explosion pour cette raison. Le raisonnement indiquait cependant que la quantité de chaleur que pouvaient céder à l'eau les tôles échauffées était faible ; de récentes expériences de l'association de propriétaires d'appareils à vapeur à Manchester, ont montré que, contrairement aux théories anciennes, l'alimentation sur les tôles rouges abaissait en général la pression, loin de l'exagérer, si bien qu'il serait peut-être utile, lorsqu'une chaudière se trouve dans un état dangereux, d'y faire entrer autant d'eau froide que possible pendant qu'on jette les feux.

En qualité de secrétaire-adjoint, Philipps à pris une grande part aux travaux de la commission centrale des machines à vapeur : nous trouvons un de ses rapports sur une soupape Lemonnier et Vallée, dans les Annales des Mines.

Dans les Comptes rendus de 1851, il décrit un appareil de jauge installé à la gare de Chartres, et consistant en un jeu de deux soupapes, l'une d'admission et l'autre de décharge, manoeuvrées alternativement de manière à remplir et à vider une cuve de capacité déterminée.

Un rapport fait à la Société d'encouragement par Callon, déclare cet appareil ingénieusement combiné ; il est très exact, sans demander de surveillance, et « fonctionne presque comme un instrument de précision ».

Le premier travail important de Phillips touchant la mécanique appliquée a été présenté à l'Académie en 1850. C'est son important ouvrage sur les Ressorts en acier employés dans le matériel des chemins de fer, il est divisé en trois chapitres, traitant de la théorie mathématique des ressorts, des formes les plus convenables à leur donner et des règles pour les calculer ; et d'expériences sur l'élasticité de l'acier. En outre, pour rendre plus facile remploi dans les bureaux d'études de ses formules théoriques, Phillips a publié un Manuel pratique, rédigé sons sa direction par M. Bournique, chef du matériel roulant du chemin de fer de l'Ouest. Ce manuel est encore aujourd'hui d'un usage fréquent.

Les ressorts étudiés dans cet ouvrage sont ceux composés de lames, seuls en usage à cette époque pour la suspension des véhicules et pour leurs appareils de choc et de traction. Nous voyons dans le rapport fort détaillé de Combes à l'Académie, sur le mémoire de Phillips qu'il n'existait alors qu'un seul travail théorique sur la question, limitée au cas des feuilles d'égale épaisseur, et établi d'après des formules de Clapeyron. En donnant la théorie complète du ressort à lames, en étudiant l'effet de toutes les dispositions qu'on peut lui donner, Phillips a rendu un grand service à la science et aux constructeurs du matériel des chemins de fer.

Les résultats de la théorie de Philipps, ainsi qu'il le dit dans son mémoire, ont été vérifiés dans les cas les plus divers, par des expériences directes, avec un degré de précision extrême, et qui paraît indiquer dans l'acier un état d'élasticité bien plus parfait que dans le fer ou dans la fonte.

Il indique d'abord les deux qualités d'un ressort ;

La première est la flexibilité, c'est-à-dire la flexion ou diminution de flèche que le ressort éprouve sous un effort détermine. La raideur est la propriété inverse.

La seconde est la résistance propre du ressort, c'est-à-dire la plus grande charge ou le plus grand choc que celui-ci puisse supporter sans que son élasticité en soit altérée.

La flexibilité et la résistance que doivent avoir un ressort étant imposées, comment doit-on construire ce ressort? Le problème ainsi posé admet une infinité de solutions ; il faut, d'ailleurs, que la fatigue maxima de l'acier composant le ressort ne dépasse pas un nombre déterminé de kilogrammes par mètre cube. Parmi tous les ressorts possédant les propriétés demandées, on choisira celui qui exige le moins de matière, dont le poids est minimum.

La théorie du ressort est déduite par Phillips des lois simples de l'élasticité : il admet qu'une feuille de ressort se comporte comme une lame prismatique, c'est-à-dire qu'au milieu de son épaisseur se trouve un cylindre qui serait le lieu géométrique des fibres neutres, lesquelles ne seraient ni allongées ni raccourcies par un effort transversal tendant à faire fléchir la lame, et par rapport auquel les fibres qui sont d'un côté seraient allongées, et celles de l'autre raccourcies ; de plus, que les allongements et raccourcissements se font sans que les fibres glissent les unes sur les autres.

Cette hypothèse, universellement admise, permet le calcul du rayon de courbure en un point quelconque d'un ressort sous charge, en considérant successivement les positions de chaque lame dépassant les lames suivantes plus courtes.

La variation de la courbure de chaque lame produite par la charge étant connue, on en déduit immédiatement l'expression des allongements et raccourcissements proportionnels en un point quelconque d'un ressort sous charge. Phillips calcule ensuite la pression et le frottement qui ont lieu entre les lames d'un ressort.

Un point important est l'étude des oscillations du ressort : Phillips démontre que le temps d'une oscillation est le même que pour un pendule dont la longueur serait égale à la flexion du ressort supposé en équilibre sous sa charge ; il donne aussi la formule de l'amplitude de l'oscillation, qui est d'autant plus grande que le ressort est plus chargé. De deux ressorts oscillants sous une même charge, celui qui est le plus flexible oscille plus lentement et l'amplitude de ses excursions est plus grande.

Enfin, pour les ressorts de choc, Phillips établit que si F H est le travail moteur servant de mesure au choc produisant une flexion i, une charge 2 F H/i posée sur le ressort produirait la même flexion.

Les savants calculs de Philipps l'amènent à poser toutes les règles à suivre pour la construction d'un ressort.

Les flexions sont à très peu près proportionnelles aux charges, et la nature de la courbe de fabrication n'a aucune influence sur la flexion ; elle n'a qu'une influence peu sensible et négligeable sur les allongements ou raccourcissements proportionnels. Il est donc naturel de choisir la forme la plus simple, en arc de cercle.

Le ressort doit être construit de manière à pouvoir être complètement aplati sans que la limite d'élasticité de l'acier soit dépassée : on prend souvent pour cette charge d'aplatissement le double de la charge normale du ressort.

Pour que les allongements proportionnels soient les mêmes dans toutes les feuilles du ressort aplati, il faut que l'épaisseur de chaque feuille soit égale à son rayon de fabrication multiplié par deux fois l'allongement proportionnel maximum : en d'autres termes, les épaisseurs des feuilles doivent être proportionnelles à leurs rayons de fabrication. Comme il est commode de prendre des feuilles toutes de méme épaisseur, cette règle conduit à les cintrer toutes suivant le même rayon ; mais pour assembler les feuilles au contact, il faut alors les serrer par leur milieu et leur donner ainsi une certaine tension avant l'application de toute charge.

Ajoutons toutefois que, pour les ressorts de grande longueur, on dépasse souvent l'aplatissement complet sous la charge d'épreuve; le ressort se plie alors en sens inverse. Certains ressorts sont même construits avec des lames rectilignes lorsqu'elles ne supportent aucune charge.

L'étagement d'une feuille, ou quantité dont elle doit dépasser à chaque extrémité la feuille contiguë, est approximativement M/(P r) , M étant le moment d'élasticité de la feuille, r le rayon de fabrication, 2 P la force nécessaire pour l'aplatissement.

Enfin si l'on veut répartir avec une régularité absolue les efforts dans les lames d'acier, les extrémités étagées des lames doivent être amincies suivant une certaine loi; l'ordonnée verticale en un point quelconque d'un profil aminci variera comme la racine cubique de la distance de ce point à l'extrémité (la plus voisine) de la feuille amincie.

Phillips étudie toutes les dispositions qu'on peut donner aux ressorts, en employant des feuilles d'épaisseur égale ou inégale, en leur donnant à chacune une courbure primitive suivant un même rayon, suivant un rayon proportionnel à leur épaisseur quand celle-ci varie, suivant un rayon qui croît, d'une lame à la suivante, de l'épaisseur de la lame. On peut donner aussi à une ou plusieurs feuilles extrêmes une épaisseur beaucoup plus forte qu'aux autres et les disposer de manière qu'elles n'entrent en action que lors des grandes flexions : c'est le ressort à auxiliaire, imaginé par Phillips, l'auxiliaire étant en somme un second ressort de secours, qui n'entre en jeu que lors des flexions anormales et qui a une bien moindre flexibilité. Ce type de ressort a reçu des applications assez étendues.

Phillips déduit de ses formules une propriété intéressante des ressorts ayant même flexibilité et même résistance absolue ; s'ils sont construits avec des feuilles de même épaisseur, ils ont tous le même volume ; ce volume serait plus grand si l'épaisseur des feuilles décroissait du haut en bas du ressort.

L'étude des ressorts a naturellement conduit Phillips à l'examen et à la détermination expérimentale des propriétés élastiques du métal qui les compose. L'acier trempé qui sert à la confection des ressorts est remarquable par les grands allongements qu'il peut prendre sans déformation permanente; les aciers essayés par Phillips s'allongent de 4 à 5 millimètres par mètre, sans dépasser la limite d'élasticité, et atteignent 6 ou 8 millimètres, en ne conservant qu'une faible déformation permanente. Les aciers supérieurs aujourd'hui employés donnent couramment des allongements élastiques de 6 millimètres : on les fait travailler normalement avec une extension et une compression de 3 millimètres.

Quant à l'effort que supporte la fibre ainsi allongée, il dépend du coefficient d'élasticité, qui est moyennement de 20.000 kilogrammes par millimètre carré. La fibre allongée de 6 millimètres par mètre supporte alors 120 kilogrammes par millimètre carre. Si le coefficient d'élasticité est plus élevé, l'effort est plus grand encore : Phillips rapporte des expériences où l'acier supportait, sans rupture, 190 kilogrammes par millimètre carré.

La question des ressorts l'a encore occupé quelques années plus tard : les Comptes rendus de 1858 contiennent une note sur le travail des forces élastiques dans l'intérieur des corps solides et particulièrement des ressorts. Dans les Comptes rendus de 1857 il n'a pas de peine à démontrer l'impossibilité de munir les trains de chemins de fer, à l'avant et à l'arrière, de ressorts suffisants pour éviter les chocs destructeurs en cas de collision. Par contre, les heurtoirs des gares, qu'on n'aborde guère qu'à vitesse fort réduite, peuvent porter des ressorts suffisants pour amortir la force vive des véhicules.

On paraît toutefois avoir obtenu de meilleurs effets par l'emploi de freins hydrauliques, montés sur des pistons à longue course, qui ont l'avantage de ne pas renvoyer en arrière le train qui les heurte.

Une année à peine après le grand travail sur les ressorts paraît l'étude de la coulisse de Stephenson. C'est en 1842 qu'avait été construit le premier de ces appareils qui remplaçait les anciens mécanismes à barres indépendantes, et qui fut, dit Couche après Clarke, un trait de génie. Non seulement la coulisse donnait un moyen facile et sûr de changer le sens de la marche en faisant conduire le tiroir par l'une ou l'autre barre d'excentrique, mais en outre, placée dans ses positions intermédiaire de relevage, elle déterminait une série de distributions distinctes avec degrés différents de détente. Aussi Phillips peut dire, en 1853, que la coulisse de Stephenson est un appareil d'un emploi presque universel dans les machines locomotives, et qui est d'un usage fréquent dans les machines de bateau et dans les machines fixes. Plusieurs types de coulisses ont été imaginés à la suite de celle de Stephenson, notamment les dispositions bien connues de Gooch (coulisse retournée) et d'Allan (coulisse droite). Plus récemment, des mécanismes divers ont été inventés en grand nombre pour les machines à tiroir et changement de marche. Mais la coulisse primitive n'en continue pas moins à être fréquemment appliquée et son fonctionnement est aussi satisfaisant que celui des autres systèmes.

Un mécanisme aussi important méritait un examen approfondi : on ne pouvait se contenter, ni pour l'étude théorique, ni pour l'étude pratique de la distribution des machines, de tâtonnements exécutés sans règle sur des épures compliquées ou à l'aide de modèles ; il était nécessaire d'établir les lois du fonctionnement du système et l'influence de ses divers éléments. La théorie de la distribution par coulisse est bien plus compliquée qu'on ne le croirait en considérant la simplicité et le petit nombre de pièces qui la composent; dans cette théorie on ne détermine pas même les lois rigoureuses du mouvement, mais on procède par approximation: savoir ce qu'on peut négliger sans inconvénient, estimer les degrés d'approximation , ne sont pas l'une des moindres difficultés du problème si bien résolu par Phillips.

Rappelons d'abord de quoi se compose le système : deux excentriques, définis par leur rayon et leur angle de calage (angle du rayon d'excentrique et de la perpendiculaire à la manivelle motrice), commandent chacun une bielle ou barre ; les deux barres s'articulent aux deux extrémités d'une coulisse en arc de cercle, dont la concavité regarde les excentriques. La coulisse est suspendue par une bielle qui s'attache, soit en son milieu, soit à l'une de ses extrémités, à un point que le conducteur de la machine déplace pour obtenir le changement de marche et les différentes détentes : ce point fixe variable est l'extrémité d'un levier calé sur l'arbre de relevage. La coulisse entraîne un point de la tige du tiroir, astreint à se mouvoir sur une ligne droite parallèle à l'axe du cylindre moteur et qui rencontre l'axe de l'arbre de la machine (ou parfois guidé suivant un arc de cercle de grand rayon). Les barres sont dites croisées si elles se croisent effectivement quand le piston est à son point mort le plus voisin de l'arbre, et droites dans le cas contraire.

Phillips établit d'abord, d'une manière fort simple, que le centre instantané de rotation de la coulisse dans une position quelconque, se trouve à l'intersection de la bielle de suspension avec la droite déterminée par le centre de l'arbre et l'intersection des deux barres. Il exprime, en fonction de la rotation correspondante de l'arbre, l'angle infiniment petit de la rotation autour de ce centre. La considération de ce centre permet de tracer facilement l'épure des déplacements de la coulisse pour un tour de l'arbre, en prenant une série de positions voisines.

Passant ensuite à l'examen des avances linéaires du tiroir (l'avance linéaire est la longueur de l'ouverture de la lumière déjà produite par le tiroir au moment où le piston arrive à fond de course), Phillips établit que l'avance linéaire augmente à mesure qu'on dispose la coulisse pour détendre davantage, si les barres sont droites; l'inverse à lieu quand les barres sont croisées : c'est une importante propriété du système. L'égalité des avances linéaires pour la distribution sur les deux faces du piston dans toutes les positions de l'arbre de relevage, détermine le rayon de la coulisse, qui doit être égal à la longueur des barres.

Arrivant à la théorie mathématique de la coulisse, Phillips calcule par approximation l'angle que fait à chaque instant la corde de la coulisse avec la perpendiculaire à l'axe de la tige du tiroir, en intégrant une équation différentielle obtenue par la considération des centres instantanés.

De la connaissance de cet angle, il déduit la formule approximative du déplacement du tiroir par rapport à une position moyenne, qui est la même quelle que soit la situation où l'arbre de relevage est arrêté (autre propriété importante qui se trouve démontrée) : la formule de ce déplacement est une fonction linéaire du sinus et du cosinus de l'angle dont on a tourné la manivelle motrice depuis son point mort ; elle permet de calculer l'angle de rotation répondant à une position donnée du tiroir, et par suite à toutes les phases de la distribution. De cette formule on déduit simplement que le mouvement du tiroir est toujours celui que lui donnerait un certain excentrique fictif, dont on connaît le rayon et l'angle d'avance. La substitution de l'excentrique fictif rend bien plus claire l'étude de la distribution : la formule de Phillips y conduit immédiatement, bien qu'il n'indique pas cette déduction simple. Il calcule, d'après les formules établies, les valeurs des angles de rotation correspondant aux diverses périodes de la distribution, en comparant les barres droites et croisées, tout étant égal d'ailleurs : le rayon de l'excentrique fictif est moindre pour chaque cas avec les barres croisée ; l'angle de calage est moindre aussi. Il en résulte qu'avec les barres croisées, le tiroir passe plus tard aux positions qui terminent l'admission (sauf lorsqu'on s'approche trop du point mort de la coulisse), la détente et l'échappement: l'admission est donc plus longue, l'échappement anticipé et la compression commencent plus tard.

Le cas où les angles d'avance des deux excentriques sont différents est ensuite examiné : il se ramène au cas des avances égales en supposant la manivelle motrice déplacée de la demi-différence. Ce procédé a quelquefois été employé pour réduire un peu la durée de l'admission aux divers crans de la marche en avant, en sacrifiant la marche en arrière.

Le mémoire se termine par plusieurs applications des formules à des distributions construites, choisies comme exemples: on voit que les écarts des quantités calculées et directement mesurées sont minimes. Les calculs sont détaillés avec assez de soin pour qu'on puisse appliquer la méthode sans difficulté à l'étude pratique d'une distribution. Il est en effet important, dans une question de ce genre, de rendre possible l'emploi des formules à tous ceux qui n'ont pas le temps ni le moyen de suivre les déductions théoriques.

Après Phillips, la coulisse de Stephenson a été étudiée par plusieurs savants et ingénieurs, notamment par Weissbach, Zech, Redtenbacher, Zeuner. La théorie de Zeuner est la plus connue : le calcul du sinus de l'angle (angle de la coulisse avec la perpendiculaire à l'axe de la tige du tiroir) se fait sans passer par une équation différentielle, et il est tenu compte de quelques termes secondaires négligés dans la méthode de Phillips.

Zeuner a spécialement recherché la position la plus favorable de l'arbre de relevage, tandis que Phillips s'était contenté d'indiquer le peu d'influence de la suspension sur le tiroir, pourvu qu'elle satisfît à certaines conditions simples. En pratique , on se contente de cet aperçu ; il n'est guère possible de disposer la suspension suivant les règles théoriques déterminées par Zeuner. En somme, le point important est d'abord de démontrer que le mouvement du tiroir est très voisin de celui que lui donnerait un certain excentrique fictif, avec position médiane commune pour tous les crans de marche. La question pratique est alors la détermination des centres de ces excentriques fictifs. Rappelons ici la méthode si simple de M. Guinotte, exposée dans les Annales par M. Herdner : le centre de l'excentrique fictif divise la droite qui joint les centres des excentriques réels comme le point qui conduit le tiroir divise la coulisse. Cette méthode est précieuse pour se former une idée rapide d'une distribution. On peut tracer promptement, avec plus d'exactitude, le lieu des centres des excentriques fictifs, en menant un arc de cercle par les centres des excentriques réels et par le centre de l'excentrique fictif correspondant à la marche au point mort de la coulisse, facile à déterminer par la considération des avances linéaires. .

Après ces simples tâtonnements, le tracé exact à l'aide d'un modèle permet d'arrêter sans incertitude tous les éléments de la distribution. Les formules que nous venons de rappeler se trouvent ainsi de peu d'emploi aujourd'hui, mais cela ne diminue pas leur valeur. C'est grâce aux travaux qui ont fait connaître la valeur des divers éléments de la coulisse de Stephenson, et permis d'en construire un si grand nombre dans d'excellentes conditions, que le problème est aujourd'hui rendu si facile.

Le mémoire de Phillips sur la coulisse de Stephenson a été l'objet d'un rapport de Morin à l'Académie, publié dans les Comptes rendus : Morin signale la grande sagacité de l'auteur dans l'application du calcul à la mécanique, déjà prouvée par de précédents travaux, et constate qu'il a fait faire de nouveaux progrès à l'étude si complexe des effets de la distribution de la vapeur.

Dans une seconde édition de son travail, Phillips ajouta quelques faits nouveaux, notamment une méthode graphique pour fixer très simplement toutes les circonstances de la distribution ; mais là il se rencontra avec Zeuner, qui était arrivé de son côté, et le premier, à ce résultat, ainsi que Phillips le déclare lui-même. De son côté, Zeuner donnait comme point de départ de ses propres recherches le premier mémoire de Phillips. Cette courtoisie et cette aménité devraient toujours régner entre les savants qui s'occupent des mêmes questions, car il est impossible que leurs travaux ne se touchent pas par quelques points, et que certaines découvertes ne soient pas pour ainsi dire simultanées: quelques concessions réciproques éviteraient ces discussions si pénibles qu'on a vues quelquefois naître entre hommes de grand mérite, voués à la recherche de la vérité.

Phillips a étudie aussi la coulisse retournée et indiqué les lois de son mouvement et ses principales propriétés.

En 1855, paraît le troisième grand travail de Philipps consacré au calcul de la résistance des poutres droites, telles que les ponts, les rails, etc., sous l'action d'une charge en mouvement (Annales,5e s., t. 7). Il établit que le mouvement de la charge change d'une manière très notable les conditions du problème de l'équilibre et de la forme de cette poutre à un instant quelconque. Deux chapitres différents traitent les deux cas principaux du problème : le premier relatif aux poutres encastrées par leurs deux extrémités telles qu'un grand nombre de ponts, les rails, etc.; le deuxième se rapportant aux poutres reposant librement, à leurs deux bouts, sur des appuis. La charge est supposée concentrée en un point unique.

Phillips développe avec un talent remarquable les calculs longs et compliqués auxquels il est conduit et arrive aux formules cherchées. Ces formules se simplifient dans l'application, parce que l'on peut négliger l'effet des réactions déterminées par l'inertie de la poutre. Le plus fort allongement se produit au moment où la charge passe au milieu de la longueur. Par exemple, sur un certain rail posé sur deux appuis, l'allongement statique est augmenté d'un tiers sous l'action d'une charge de 6.000 kilogrammes animée d'une vitesse de 20 mètres. Quand ce même rail est encastré, il faut une vitesse de 30 mètres par seconde pour produire le même surcroît de fatigue.

Dans les ponts, on voit dans les deux cas que l'accroissement de l'allongement maximum, comparé à cet allongement et dû au mouvement, est généralement assez faible pour pouvoir être négligé. C'est ce que l'expérience confirme. Le rapport de cet accroissement est, toutes choses égales d'ailleurs, proportionnel à la charge, à l'écartement des points d'appui et au carré de la vitesse, et en raison inverse du moment d'élasticité. Ces résultats sont d'accord avec ce que l'expérience avait fait soupçonner quant à la part d'influence des divers éléments.

Combes, dans son rapport sur ce travail, inséré dans les Comptes rendus (1856), déclare que « le sujet traité par Phillips est d'une grande importance pour le calcul des dimensions des pièces qui entrent dans un grand nombre de constructions modernes. Les solutions qu'il a données sont nouvelles et déduites d'une analyse élégante et correcte. »

Philipps a ajouté quelques indications complémentaires sur le même sujet dans les Comptes rendus de 1858.

Nous arrivons maintenant à l'une des parties capitales de l'oeuvre de Philipps, donnée quelques années plus tard, en 1859. C'est un nouveau travail fondé sur les théories de l'élasticité, l'étude théorique du spiral réglant des chronomètres et des montres ( Extrait dans les Comptes rendus, 1859; Annales, 5e s., t. 20, p. 1; tirage en un volume spécial; Mémoires présentés à l'Académie des sciences, t. XVIII, p. 129; Journal de mathématiques de Liouville, 2e s., t. V, 1860; Rapport par Delaunay, Comptes rendus, 1860, 1er sem., p. 976).

Ce mémoire, dont l'idée vint à Phillips à la suite de conversations avec l'horloger Jacob, en 1858, devait causer une véritable révolution dans l'art de la chronométrie, en substituant une méthode scientifique féconde à d'étroite règles empiriques et à l'imitation servile des tracés obtenus par les maîtres à la suite de longs tâtonnements. Pour son auteur, c'était le point de départ d'une série de savantes études sur tous les détails de la question, études que la mort seule est venue interrompre.

Dans les appareils portatifs qui servent à mesurer le temps, le mouvement est régularisé par un balancier oscillant autour de son axe et relié à un ressort spiral. Le ressort spiral, inventé par Huyghens en 1674, se compose d'un fil en acier ou parfois en autre métal fort mince, dont une extrémité est encastrée dans un piton fixe et l'autre en un point du balancier ; il est ou plat, c'est-à-dire formant une spirale dans un plan, ou cylindrique , c'est-à-dire en forme d'hélice à spires très minces, placées sur un cylindre ayant pour axe l'axe du balancier, et terminé par deux courbes de raccordement se rapprochant de cet axe. Comme pour l'étude des ressorts, Phillips prend comme point de départ la théorie de la résistance des solides élastiques, d'après laquelle on admet l'existence d'un axe neutre central, et le changement de courbure des fibres sans glissement relatif par rapport les unes aux autres. Il détermine d'abord le moment du couple qu'il faudrait appliquer au balancier pour le maintenir contre l'action du spiral après lui avoir fait décrire un angle déterminé à partir de sa position d'équilibre ; il en déduit le calcul de la durée d'une oscillation du balancier. Il recherche ensuite les conditions relatives de l'isochronisme ; pour le spiral cylindrique, l'isochronisme peut être atteint pour les grandes comme pour les petites oscillations, pourvu que le tracé des courbes extrêmes soit fait suivant certaines conditions déterminées par le calcul. Le centre de gravité d'un spiral satisfaisant à ces conditions se trouve sur l'axe même du balancier, le spiral n'exerce aucune pression contre cet axe.

Phillips donne ensuite une méthode pour trouver graphiquement les courbes extrêmes ; il étudie les allongements et raccourcissements proportionnels, l'effet de la température sur le spiral et le moyen de corriger l'influence de ses variations par un certain choix de courbes extrêmes. Il fait voir ensuite que le frottement du balancier ne change pas la durée d'une oscillation, pourvu que l'amplitude des oscillations soit assez grande et que le frottement soit suffisamment petit: la durée d'une demi-oscillation est diminuée par le frottement, tandis que celle de la demi-oscillation suivante est allongée.

Les résultats obtenus par Phillips sont exactement vérifiés par l'expérience ; ils sont d'accord avec les règles formulées par Berthoud en 1768, à la suite de tâtonnements et de raisonnements. Ces règles sont d'ailleurs non seulement vérifiées, mais très utilement complétées par Phillips, notamment par le tracé des courbes extrêmes qui permettent d'obtenir l'isochronisme.

Le mémoire est accompagné d'une série de planches donnant divers types de courbes du spiral, avec tableau de leurs éléments, et de la relation d'une série d'expériences faites à l'appui de la théorie.

Enfin une note annexe est consacrée à la démonstration d'un point théorique intéressant; les principes sur lesquels est fondée l'étude du spiral, et qui rentrent dans la théorie de l'axe neutre, sont non seulement d'accord avec l'expérience, mais avec la théorie mathématique de l'élasticité. La loi de déformation exige bien que la ligne neutre, c'est-à-dire la ligne dont la distance entre deux points infiniment rapprochés quelconques est invariable passe par le centre de gravité de toutes les sections transversales.

En publiant un Manuel pratique sur le spiral, Phillips facilita aux horlogers l'application de sa théorie.

En 1864, parait un mémoire sur le réglage des chronomètres et des montres dans les positions verticales et inclinées. Le réglage des appareils portatifs dans toutes les positions est nécessaire; or, pour peu que le centre de gravité du balancier s'écarte le moins du monde de l'axe géométrique autour duquel il oscille, son poids intervient dans certaines positions de l'appareil, et la durée des vibrations n'est plus due uniquement au spiral. Pour effectuer le réglage, on procède par tâtonnements en ajoutant ou retranchant du poids au balancier. La détermination de la règle à suivre pour ces tâtonnements était d'autant plus intéressante que la méthode pratique consistant à enlever du poids au balancier du côté qui, placé vers le bas, donne de l'avance, doit être appliquée en sens inverse quand l'amplitude de l'oscillation est très grande.

Ce mémoire offre aux mathématiciens une application du principe de la variation des constantes arbitraires, si fécond dans ses applications, principalement à la mécanique céleste, et d'un usage commode dès qu'il s'agit d'évaluer de petites perturbations. L'expérience a, dans ce cas encore, vérifié exactement la théorie. Cette méthode de calcul, appliquée à la détermination des perturbations des planètes, avait été le programme d'une thèse d'astronomie soutenue par Phillips à la Faculté des sciences de Paris, le 22 mars 1849.

Recherchant les perturbations qui troublent l'isochronisme des spiraux construits suivant ses données, Phillips étudie, dans son mémoire à l'Académie du 31 août 1868, l'influence que peuvent avoir les déformations des balanciers circulaires produites par la force centrifuge, lors des grandes amplitudes d'oscillations ; il en résulte un certain retard, qu'on corrigera en réduisant le rayon du balancier, ou en faisant usage de balanciers à lames rectilignes.

Il n'avait jusqu'alors étudié que certaines formes du spiral, les plus usitées : reprenant l'examen du spiral plat, qui n'avait de courbe théorique qu'à son extrémité extérieure, il conseille en 1871, au Locle, l'addition d'une seconde courbe théorique, intérieure, à son autre extrémité; dès 1872, six chronomètres établis avec ce spiral donnent d'excellents résultats : la variation du plat au pendu est réduite à moins d'une seconde par jour, et même à 0,02 seconde pour l'un d'eux, tandis qu'elle est en moyenne de 2 secondes pour les autres spiraux. Un intéressant tableau, joint au mémoire, indique la réduction successive de cette variation, constatée à l'observatoire de Neuchâtel, depuis l'année 1864, où l'on a commencé à suivre les tracés des courbes théoriques de Phillips. L'écart de 8 secondes en 1864, passe à deux secondes en 1872. Les Comptes rendus de 1871 et de 1878 donnent également des détails sur les observations faites à Neuchâtel.

La théorie du spiral plat à seconde courbe théorique est donnée dans les Comptes rendus de 1878.

D'autres recherches complètent l'oeuvre déjà si importante de Phillips : en 1871, M. Grossmann, directeur de l'école d'horlogerie du Locle, avait montré que les deux courbes terminales d'un spiral peuvent être de types différents. Phillips démontre ce résultat et le déduit d'un théorème général; toutes les fois que la forme d'un spiral est telle qu'il n'existe, pendant le mouvement, aucune pression contre l'axe du balancier, il arrive que, pendant le mouvement, le centre de gravité de ce spiral est constamment sur l'axe du balancier.

Cherchant toujours à généraliser autant que possible ses recherches, il étudie le spiral sphérique dans les Comptes rendus de l'Académie des 9 et 16 juin 1879. En 1881, la théorie est étendue au spiral conique et à divers autres, dans un grand travail publié dans le Journal de l'École polytechnique, XLIX° cahier.

Un autre problème important se présente dans l'étude de la marche des balanciers de chronomètres : ces balanciers sont formés de lames bimétalliques pour compenser l'action des variations de température; mais la compensation n'est pas parfaite ; on obtient bien l'égalité de marche pour deux températures extrêmes, mais on a une erreur secondaire aux températures intermédiaires. Le chronomètre réglé pour la température moyenne retarde aux extrêmes. Phillips étudie ce délicat problème ; il reconnaît que la perturbation réelle est égale à la somme algébrique des perturbations dues au spiral seul et au balancier seul, et du produit de ces deux perturbations. Il montre que le choix de la forme du spiral et surtout de la matière qui le compose exerce une influence sur cette erreur secondaire. L'alliage de palladium parait particulièrement avantageux. Cet alliage, riche en palladium (75 p. 100) est assez fréquemment employé aujourd'hui pour les spiraux, où il remplace l'acier ou l'or. Dans les montres ordinaires il a sur l'acier l'avantage de ne pas s'aimanter au voisinage des machines électriques.

La Revue suisse d'horlogerie nous apprend que Phillips avait entrepris, avec M. Callier, de nombreuses expériences sur la compensation, notamment sur les balanciers à lames planes ; mais il n'a jamais voulu publier ses travaux, ne les jugeant pas assez complètement étudiés.

D'autres études, relatives à l'isochronisme, l'occupaient au moment de sa mort : les Comptes rendus de l'Académie des sciences du 26 janvier 1891, nous donnent l'analyse, par M. Wolf, d'un mémoire de Phillips sur le pendule isochrone, mémoire qu'il a laissé entièrement rédigé et qui sera prochainement publié. En ajoutant au pendule ordinaire un petit ressort horizontal, convenablement calculé, on le rend à peu près rigoureusement isochrone pour des oscillations d'une amplitude de 1° à 5°. Ce ressort est encastré à l'une de ses extrémités, et relié à la tige du pendule par une petite bielle, verticale quand cette tige est au repos.

M. Wolf cite des expériences qui confirment la théorie: un pendule ordinaire a donné des différences de 6 secondes par jour, suivant qu'il décrivait de grands ou de petits arcs ; après l'addition du ressort correcteur, les écarts se sont réduits à 14 centièmes par seconde.

Notre rapide examen des travaux de Phillips sur la chronométrie nous montre le rôle brillant de la théorie qu'il a établie : ici la théorie ne se contente pas d'expliquer à peu près, à l'aide d'hypothèses mal établies, avec une lointaine approximation, les phénomènes connus par la pratique, ce qu'elle est trop souvent réduite à faire dans l'étude des machines ; la théorie ici précède la pratique, elle indique les essais à faire, les dispositions à adopter : on peut suivre ses indications sans craindre d'échecs ; elle analyse les plus minimes perturbations des appareils; elle recherche, pour la faire disparaître, la cause d'écarts de quelques centièmes de seconde par jour ; enfin elle permet de réaliser dans les appareils qui mesurent le temps une précision presque égale à celle des calculs astronomiques dont ils fournissent les premiers éléments.

On conçoit donc que de telles études, malgré leur apparente aridité, aient passionné un esprit mathématique tel que celui de Phillips, et qu'il les ait poursuivies avec amour pendant une grande partie de sa vie. Nul n'était donc plus digne que lui de présider le congrès international de chronométrie, tenu à Paris en 1889, congrès où nous voyons à chaque instant signaler les progrès dûs à ces travaux. On trouvera l'allocution de Phillips et des détails sur quelques-uns de ses mémoires dans les Comptes rendus du Congrès, publiés à Paris en 1890.

C'est bien justement aussi que l'on a fait figurer les spiraux de Phillips dans la vitrine des principales inventions françaises à l'Exposition de 1889.

Les études faites sur le spiral devaient encore conduire Phillips à de nouveaux développements. Puisque la théorie du spiral est déduite de la théorie de l'élasticité, réciproquement, les lois du mouvement du spiral permettront de calculer les coefficients élastiques. La formule de la durée des oscillations d'un balancier mû par un spiral donné, établie par Phillips, est la suivante :

T = PI (A L / M)0,5

T est le temps d'une oscillation simple, c'est-à-dire d'une extrémité à l'autre de l'excursion du balancier ; A est le moment d'inertie de celui-ci ; L est la longueur développée du spiral entre ses deux bouts encastrés; et M est le moment d'élasticité de ce spiral.

Cette formule offre une analogie curieuse avec celle du pendule ordinaire qui contient g0,5 en dénominateur. De même que l'observation des oscillations du pendule permet de calculer g, de même les oscillations du spiral donneront le coefficient M pour le métal qui le compose.

On a là un moyen très simple et très exact de déterminer le coefficient d'élasticité des différents corps, et les résultats numériques qu'il a fournis se sont toujours très bien accordés avec ceux résultant des expériences faites antérieurement.

En même temps, on détermine aisément pour chaque substance, la limite d'allongement élastique auquel correspond un allongement permanent.

En effet, si le balancier est écarté d'un angle a de sa position d'équilibre, a étant la mesure de l'arc d'écartement relativement au cercle dont le rayon serait l'unité, l'allongement ou le raccourcissement proportionnel que subit le spiral au même instant est donné par là formule très simple :

i = e a / (2 L)

dans laquelle e est l'épaisseur du spiral et L sa longueur. Une quantité très minime de matière suffit pour cet essai. Les fils qui constituent les spiraux étant de section circulaire et de diamètre d, le coefficient d'élasticité E est donné par la formule :

M = E PI d4 / 64

La limite d'allongement élastique se déduit de la valeur de l'angle a et pour laquelle commence la déformation permanente.

Phillips donne une description des procédés et les résultats des expériences exécutées avec divers métaux, le fer, l'acier, le cuivre, le laiton, l'argent, l'or, le platine, le palladium, l'aluminium, le bronze d'aluminium, le zinc, le nickel, le cobalt. Ces expériences lui avaient révélé les propriétés remarquables du bronze d'aluminium, qui a un fort coefficient d'élasticité avec une limite d'allongement élastique aussi élevée au moins que l'acier (p. 74 du mémoire). Cet alliage commence à être employé depuis quelques années dans les machines.

Plus tard (Compte rendus, 1879), Phillips a indiqué une autre méthode, fondée sur l'équilibre statique, qui supprime toute influence de l'inertie du spiral; quand celui-ci est grand et très dense, ce qui est souvent le cas pour ces expériences, cette inertie, qui n'altère qu'insensiblement l'isochronisme, peut influer notablement sur la durée des oscillations et, par suite, sur la valeur déduite du coefficient d'élasticité. Dans la nouvelle méthode, un fil tendu par un poids, qui passe sur une poulie légère, maintient le spiral dévié d'un angle a à partir de sa position de repos : G étant le moment de la force qui agit sur le spiral, et les autres lettres conservant la même signification,

G = M a/L   et   E= 64 G L / (PI a d4)

Au congrès de mécanique appliquée, en 1889, Phillips a rappelé son ingénieuse méthode pour déterminer les coefficients d'élasticité au moyen du spiral, et a rédigé à ce sujet une note qui a été publiée dans le Compte rendu du Congrès, t. III, p. 1, avec une vue de l'appareil employé.

Un curieux et savant mémoire de Phillips sur les plus délicates questions relatives à l'élasticité des solides a été publié en 1866 (Ammales), sous le titre de : Solution de divers problèmes de mécanique dans lesquels les conditions imposées aux extrémités des corps, au lieu d'être invariables, sont les fonctions données du temps, et où l'on tient compte de l'inertie de toutes les parties du système. Un extrait en avait été donné par l'auteur dans les Comptes rendus de l'Académie, en 1864. Ce travail montre avec quelle puissance Phillips savait mettre en oeuvre toutes les ressources du calcul. Il a été rarement cité. M. Léauté rappelle toutefois que MM. Sébert et Hugoniot, en étudiant les effets du tir sur les affûts des bouches à feu, furent conduits à des recherches analogues et mirent en lumière le travail de Phillips. Le mémoire étudie le mouvement moléculaire de toutes les parties d'une tige, dont une extrémité reçoit un mouvement donné, l'autre étant libre, et où chaque point se meut parallèlement à l'axe de cette tige, notamment d'une tige de piston. Il étudie aussi les efforts qui se développent dans une bielle d'accouplement, dans une manivelle, enfin les vibrations transversales d'une corde tendue.

Toutefois Phillips, ne voyant sans doute pas d'application pratique immédiate pour la construction des machines, de ces recherches théoriques, n'a pas, comme dans d'autres mémoires, indiqué les simplifications qu'on peut admettre, dans les cas usuels, aux formules assez compliquées qu'il donne; il n'a pas, à l'aide d'exemples numériques et d'applications, montré quel parti on peut tirer de ces formules, et quelles corrections elles peuvent introduire aux coefficients généralement en usage. Mais aujourd'hui, comme la vitesse des machines augmente beaucoup, comme on construit des moteurs avec piston à mouvement alternatif, marchant à plus de 600 tours par minute, il pourrait être intéressant de reprendre les formules de Phillips et de les appliquer à l'étude des vibrations et des efforts qui se développent dans les pièces de ces machines.

En 1869, Phillips a donné une intéressante méthode pour déterminer expérimentalement, au moyen de modèles à échelle réduite, la résistance des constructions ou pièces de machines compliquées. Cette méthode a été exposée dans les Mémoires de l'Académie des sciences; Phillips lui-même l'a résumée dans une note au Congrès international de mécanique appliquée.

« Soit a le rapport des dimensions linéaires du modèle et du solide élastique ; C et G les rapports de leurs coefficients d'élasticité et de leurs densités (C et G seront habituellement égaux à 1); et D le rapport des forces agissant sur toute la masse des deux corps et rapportées à l'unité de masse. Il s'agit de déterminer la condition pour que, dans le modèle et dans le corps, deux éléments superficiels homologues quelconques, pris dans la masse, soient soumis à des forces élastiques, parallèles, de même sens, et qui, rapportées à l'unité de surface, soient dans un rapport constant.

« Cette condition est très simple, elle consiste en ce que les forces uniformément réparties par unité de surface, appliquées sur la surface des deux corps, et comparées de l'un à l'autre, doivent être respectivement parallèles, de même sens, et qu'en les supposant rapportées à l'unité de surface, leur rapport soit constant et égal à a G D . Il arrive alors que le rapport des forces élastiques rapportées à l'unité de surface pour deux éléments superficiels homologues de la masse des deux corps est aussi égal à a G D .

« Si, parmi les forces appliquées à la surface, il y en a qui ne soient pas uniformément réparties, mais appliquées chacune en un point, elles doivent être parallèles de même sens et dans un rapport constant égal à a3 G D . Le rapport des forces élastiques, rapportées à l'unité de surface, pour deux éléments superficiels homologues quelconques de la masse des deux corps, est toujours égal à a G D . »

Phillips indique encore dans quel cas les corps déformés restent semblables. Supposons qu'on veuille appliquer la méthode à un corps soumis à la pesanteur seule, un pont de grande dimension par exemple : si le modèle était soumis à la pesanteur également, D serait égal à 1, le rapport des forces élastiques serait a, c'est-à-dire bien trop faible pour qu'elles fussent utilement observables sur le modèle. Mais en substituant à la pesanteur la force centrifuge, on pourra augmenter D autant qu'on voudra : il suffira de faire tourner le modèle autour d'un axe dont il sera suffisamment éloigné : r étant cet éloignement, supposé constant pour tous les points, et o la vitesse angulaire :

D = o2 r / G

Si l'on fait tourner le modèle de telle sorte que D = 1 / a , les forces élastiques seront les mêmes dans le modèle; on pourra les rendre m fois plus fortes en prenant D = m / a

Ainsi un modèle au 50e du pont Britannia serait long de 8m,60 et pèserait 38 kilogrammes; en le faisant tourner à 2,5 tours par seconde autour d'un axe distant moyennement de 2 mètres, le modèle travaillerait comme le pont réel.

Dans la seconde partie du mémoire à l'Académie, Phillips étudie l'addition d'une charge mobile sur le modèle. Il traite ensuite la question du mouvement de solides élastiques semblables : par exemple si l'on construit le modèle, à l'échelle a, d'un volant devant faire n tours par minute, et qu'on veuille soumettre le modèle à une fatigue égale à m fois celle de l'original, il faudra lui faire faire un nombre de tours

n' = n m0,5 / a

L'application de cette ingénieuse méthode, qui ne paraît pas extrêmement difficile, rendrait de grands services soit qu'on n'ait pu exécuter les calculs de résistance d'une pièce compliquée, soit qu'on veuille vérifier les résultats d'une étude.

Si considérables que soient les travaux que nous venons d'analyser, ils ne font pas négliger à Phillips l'étude de la mécanique pure : dans une thèse pour le doctorat à la Faculté de Paris, en 1849, il avait traité le choc des corps solides en ayant égard au frottement; il compléta cette thèse par un mémoire présenté à l'Académie (1853). Dans la même thèse, il étudie les pertes de forces vives relatives dans les chocs de corps solides et dans les changements brusques des liaisons d'un corps solide. Le principe de la moindre action pour les mouvements relatifs, et l'application du principe de d'Alembert à l'étude directe des mouvements relatifs, sont l'objet d'un mémoire à l'Académie, en 1857. Un mémoire, non publié, étudie le profil des digues de réservoir en maçonnerie.

Ses études portent également sur d'autres branches de la mécanique, notamment sur la thermodynamique : nous trouvons dans les Comptes rendus de 1870, une note sur les changements d'état d'un mélange d'une vapeur saturée et de son liquide, suivant une ligne adiabatique ; dans le volume suivant des Comptes rendus, p. 333, une note sur la relation entre les chaleurs spécifiques et les coefficients de dilatation d'un corps quelconque.

Les Comptes rendus des 27 mai et 3 juin 1878 contiennent une étude sur la détermination des chaleurs spécifiques à pression constante et à volume constant, d'un corps quelconque, et sur celle de sa fonction caractéristique. Phillips y recherche notamment les conditions pour que les deux chaleurs spécifiques soient fonctions de la température seule, ainsi que cela a lieu pour les gaz permanents. Il calcule ensuite, en supposant connu l'un ou l'autre coefficient de chaleur spécifique, la fonction caractéristique, ainsi dénommée par M. Massieu, et d'où se déduisent toutes les fonctions de la thermodynamique.

Une courte note dans le t. LXXV des Comptes rendus, p. 1733, est relative à l'écoulement des liquides par grands orifices en mince paroi.

Par tous ses travaux, touchant aux diverses branches de la mécanique, par les importantes déductions qu'il avait tirées de ses recherches, enfin par ses fonctions d'ingénieur au service de l'État, puis des compagnies de chemins de fer, fonctions qui le mettaient à même de bien voir le rôle capital des théories scientifiques dans la pratique des constructions mécaniques, et en même temps les exigences spéciales de cette pratique, Phillips se trouvait admirablement préparé pour l'enseignement que lui confièrent des administrateurs éclairés, à l'Ecole centrale, puis à l'Ecole polytechnique. Nous touchons ici à l'une des parties les plus fécondes de son oeuvre; mais les fruits de ses efforts ne sont plus des mémoires, des livres que nous puissions encore étudier : ce sont les connaissances qu'il a données à ses élèves. Qui peut dire le service que rend à son pays un bon professeur, surtout lorsqu'il s'agit d'une science aussi délicate que la mécanique, où les erreurs sont si faciles à commettre, si difficiles à redresser, quand on n'en connaît pas à fond les principes? Chaque année des centaines d'élèves quittent nos grandes écoles. Est-il indifférent qu'ils en emportent des connaissances nettes et précises, une bonne méthode, le goût de la science, ou au contraire des notions confuses et obscures et le dédain des études qu'ils ont dû faire? Sous ce rapport, l'influence personnelle du professeur est grande, et les examinateurs qui interrogent les élèves à la fin de leurs études le remarquent bien vite. Que de travaux ensuite se produisent, qui n'auraient pas vu le jour, si une graine fertile n'avait été semée par le professeur ; et puis, dans l'exercice de la tâche quotidienne de chacun, quelle est l'importance d'un jugement sain, et de connaissances bien ordonnées! Nous pouvons nous en rendre facilement compte, en remarquant avec quelle peine au contraire nous suppléons à l'enseignement d'une science qui nous a manqué, ou qui était insuffisant.

Phillips n'était pas seulement très savant, il était aussi très bon professeur : ses élèves n'ont pas oublié avec quel soin il préparait toujours ses leçons, avec quelle clarté il les développait. Nous regrettons vivement aujourd'hui qu'il n'en ait pas composé un ouvrage qui nous resterait. Les fragments rédigés de ses leçons que nous possédons sont en effet incomplets et insuffisants; les feuilles autographiées à l'École polytechnique ne donnent pas une idée juste de son enseignement; un travail un peu plus important est son Cours d'hydraulique et d'hydrostatique, rédigé en 1875 par M. Gouilly, son répétiteur à l'École centrale : c'est un bon traité élémentaire, simple et clair dans toutes ses parties. Mais, je le répète, ce n'est pas dans les livres que Phillips, véritable professeur, a laissé le souvenir de ses legons, c'est dans l'esprit de ses nombreux élèves.

Nous arrivons au terme de notre revue des travaux du savant que nous regrettons : nous pouvons encore citer de nombreux rapports qu'il a rédigés sur divers mémoires soumis à l'Académie, les discours qu'il a prononcés aux obsèques de ses collègues Bresse et Rolland, sa notice sur de Saint-Venant, ses allocutions aux congrès qu'il a présidés en 1889, peu de mois avant sa mort.

Nous devons aussi rappeler ses travaux techniques comme ingénieur de chemins de fer, à une époque où bien des types du matériel étaient encore à créer ; il prit une part active à la construction des locomotives et des véhicules de transport, et il eut toujours soin de créer des archives contenant les dessins complets du matériel construit.

Comme le montre la liste de ses travaux, tous mûris et bien établis avant qu'il ne se décidât à les publier, Phillips était un travailleur infatigable. Une autre qualité chez lui doit être signalée, une qualité toujours précieuse chez un homme de son mérite : Phillips aimait la science pour la science, et non pour le bruit qu'on pouvait faire autour de son nom ; en publiant ses travaux, il ne cherchait jamais qu'à les faire connaître aux savants qui voulaient se donner la peine de les rechercher ou aux particuliers auxquels ils pouvaient être utiles; mais jamais aucune recherche de la publicité, aucun désir du bruit, de l'approbation de la masse, aucun effet pour obtenir des distinctions, qui doivent venir le trouver ou bien passer à côté de lui.

Un tel caractère est fait pour plaire : le mérite du savant, de l'homme éminent, est grandi lorsqu'il ne songe qu'à ses études, et aux services qu'il peut rendre; et, sous ce rapport, comme sous d'autres, Phillips mérite de nous servir de modèle : nous l'honorons pour sa modestie autant que pour sa science.