Benoît-Paul-Emile CLAPEYRON (1799-1864)

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Fils de Claude CLAPEYRON, négociant, et de Marie Agathe GODDE (1771-1868).
Il épouse Mélanie VASSEUR, fille naturelle de Pierre-Dominique BAZAINE (1786-1838 ; X 1803, mathématicien, lieutenant général en Russie, inspecteur général des Ponts). Beau-frère de Pierre Dominique dit Adolphe BAZAINE-VASSEUR (1809-1893 ; X 1827, corps des Ponts), et du maréchal François Achille BAZAINE (1811-1888).

Marguerite Laure CLAPEYRON, fille de Benoît-Paul-Emile, épouse en 1860 Pierre Ernest SAGERET de PIGNEROLLES (1837-1870 ; X 1857, ingénieur à la Cie des paquebots transatlantiques, mort de ses blessures dans les Vosges).

Il étudie de 1808 à 1814 chez les Oratoriens du Collège de Juilly. Adolphe MONY, fils de Stéphane, écrit à propos de Clapeyron : "Ami de mon père depuis leur prime jeunesse et d'une amitié que le temps devait sans cesse resserrer, ... , je revois cette allure presque militaire, ces traits rudement modelés et cependant très doux, ce regard clair et franc, quoique toujours un peu distrait par le travail intérieur, ce sourire d'un charme invincible, grâce du vrai, du simple et du bon" ("A Juilly", A. Picard et fils, 1900 ; relaté par Alain Auclair dans sa biographie de Stéphane Mony).

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1816 ; entré classé 18, sorti classé 16 sur 54 élèves) et de l'Ecole des Mines de Paris (entré classé 2 sur 3 élèves). Corps des mines.


Publié dans le LIVRE DU CENTENAIRE (Ecole Polytechnique), 1897, Gauthier-Villars et fils, TOME I, pages 194 et suiv.

CLAPEYRON (Benoît-Paul-Emile) est né à Paris, le 26 février 1799.

Entré à l'Ecole Polytechnique en 1816, il en sortit, en 1818, comme élève-ingénieur des Mines.

A sa sortie de l'École d'application, en 1820, il partit pour la Russie, en compagnie de son antique et ami Lamé, dont il ne cessa d'être le fidèle collaborateur pendant sa longue et active carrière. Les deux jeunes ingénieurs étaient appelés par le gouvernement russe, pour importer et développer, dans ce pays encore neuf, la mécanique théorique et pratique, dont les progrès merveilleux excitaient l'émulation de tous les peuples civilisés.

Indépendamment de nombreux travaux de construction, Clapeyron et Lamé furent chargés de l'enseignement des mathématiques pures et appliquées à l'École des Travaux publics de Saint-Pétersbourg. Ils demeurèrent dix années en Russie.

Lorsque, en 1830, Clapeyron rentra en France, les esprits étaient en pleine effervescence. La locomotive la Fusée, construite par Stephenson, venait de remporter le prix du concours de Rainhill, et les perspectives les plus brillantes s'ouvraient à l'industrie des chemins de fer. Clapeyron n'hésita point à prendre une part active à ce mouvement. Il fut un des principaux promoteurs du railway de Paris à Saint-Germain; il en rédigea les projets et en dirigea la construction. Il fut aussi ingénieur du chemin de fer de Versailles (rive droite), et s'occupa principalement de la construction des machines locomotives. A cette époque, les lois qui régissent les mouvements de ces machines étaient encore mal connues : l'illustre Robert Stephenson, consulté par Emile Pereire, n'osa pas s'engager à fournir des locomotives, qui pussent franchir les rampes de 5 millimètres sur 18 kilomètres de développement que présente la ligne de Versailles. Clapeyron ne recula pas devant ce problème, et les machines furent construites, sur ses plans, par Sharp et Roberts.

De 1837 à 1845, Clapeyron s'occupa des études et projets du chemin de fer du Nord; il coopéra à leur exécution, et il est resté, jusqu'à sa mort, ingénieur-conseil de la Compagnie. C'est vers cette époque qu'il étudia les projets du chemin de fer atmosphérique de Saint-Germain, installation mécanique des plus remarquables, dont l'abandon final ne saurait en rien diminuer le mérite.

En 1852, il prit part, comme conseil, à l'exécution des lignes du Midi.

L'industrie des chemins de fer était alors à créer, pour ainsi dire, de toutes pièces; chaque détail de la construction et de l'exploitation soulevait une multitude de problèmes nouveaux. C'est par l'initiative active et féconde de Clapeyron et de quelques-uns de ses collègues que se constitua cette tradition des chemins de fer, établie aujourd'hui sur des bases tellement solides, qu'on a quelque peine à se représenter les hésitations des débuts. Sous la même impulsion, se formèrent cette légion de mécaniciens, ouvriers, contre-maîtres et patrons, ainsi que ce personnel technique des chemins de fer, dont l'importance dans notre société moderne est incalculable, et auxquels notre pavs doit d'être définitivement affranchi du tribut énorme qu'il payait à l'étranger.

Ce ne fut pas seulement comme ingénieur que Clapeyron exerça son influence ; chez lui, le savant ne se séparait jamais du praticien. C'est ainsi qu'à propos des ponts suspendus et des voûtes en maçonnerie, il sut donner un aspect nouveau aux premiers principes de la statique, et que l'étude des organes solides des constructions le conduisit aux mémoires si remarquables qu'il a publiés sur l'élasticité.

Ayant eu à préparer la reconstruction du pont d'Asnières, détruit lors des événements de 1848, il improvisa en quelques heures une méthode de calcul des poutres continues, méthode d'une simplicité merveilleuse, qui est présentée dans tous les traités classiques sous le nom de théorème des trois moments.

Ses études sur les locomotives l'amenèrent à rechercher comment le travail se produit dans la machine à vapeur, et par quels moyens il peut être augmenté et obtenu avec économie. Clapeyron eut le mérite, non seulement de définir dans ses véritables termes ce problème capital, mais encore d'en donner une solution éminemment pratique. Ce fut lui qui imagina de produire la détente en donnant un peu d'avance à l'excentrique et en augmentant les recouvrements du tiroir de distribution. Il démontra dans toutes leurs conséquences les effets de ces modifications, et en fit immédiatement l'application. La locomotive le Creusôt, qui ne pouvait remonter plus de huit wagons sur la ligne de Versailles, fut par lui mise en état d'en remorquer douze; ce merveilleux résultat avait été obtenu à l'aide de retouches presque imperceptibles, exécutées d'après les indications du calcul. N'est-ce pas là un des plus beaux triomphes de la théorie? La solution trouvée était tellement complète que, depuis un demi-siècle, elle a résisté à toutes les tentatives de perfectionnement : aujourd'hui encore, c'est par l'avance et les recouvrements qu'on règle la distribution des locomotives.

La loyauté et la modestie de l'illustre ingénieur étaient d'ailleurs à la hauteur de son génie. En faisant connaître les résultats de ses recherches, il n'eut garde d'oublier les mérites de ses devanciers, ni d'omettre les noms de Watt et de Reech.

Son esprit embrassait dans toute son étendue le problème si obscur de la production de la puissance motrice. Dans une machine à vapeur, il y a corrélation intime entre la quantité de travail engendrée et la quantité de charbon consommée. Par quels phénomènes se produit cette transformation mystérieuse ?

Cette question, que quelques rares savants s'étaient déjà posée, ne pouvait échapper à l'esprit observateur de Clapeyron. Il eut la bonne fortune de mettre la main sur un petit livre, devenu, grâce à lui, célèbre, mais alors ignoré de tous, les Réflexions sur la puissance motrice du feu, dans lequel Sadi Carnot avait consigné ses méditations sur ce grave sujet. Frappé de la grandeur et de la justesse des vues exposées dans cette brochure, Clapeyron l'étudie, s'en assimile la substance et la développe dans un magnifique travail, qui fait époque dans l'histoire de la science. Ainsi révélée au monde savant, l'oeuvre de Carnot est devenue l'une des assises sur lesquelles s'est élevée une science toute moderne, la théorie mécanique de la chaleur.

Clapeyron suivait avec le plus vif intérêt les recherches auxquelles se livraient de nombreux physiciens, sur la nature et les effets dynamiques de la chaleur. Parmi les hypothèses nouvelles, qui surgissaient de divers côtés, il en était une qui se présentait sous les apparences les plus séduisantes : la chaleur ne serait qu'un mode de mouvement ; ces mouvements moléculaires pourraient se communiquer et se transformer en mouvements finis; de là à la production du travail dans les machines thermiques, il n'y avait qu'un pas. Grâce aux célèbres expériences du physicien anglais Joule, l'équivalence entre la chaleur et l'énergie fut enfin matériellement démontrée. Dès lors, Clapeyron n'hésita plus; avec la grande autorité qui s'attachait à son nom et à ses travaux, il s'empressa de professer la nouvelle doctrine.

Le nom de Clapeyron avait été souvent prononcé dans le sein de l'Académie des Sciences, où ses travaux excitaient une légitime admiration; sa place y était marquée d'avance. Le 22 mars 1858, il fut élu membre de l'Institut, à la place laissée vacante par la mort de l'illustre Cauchy.

A cette époque, Clapeyron occupait, depuis près de quinze ans (depuis le 2 octobre 1844), la chaire du cours de machines à vapeur à l'Ecole des Ponts et Chaussées. Il avait donné à ce cours des développements en rapport avec son importance et une telle solidité de doctrines, qu'aujourd'hui encore ses leçons sont consultées avec intérêt et profit par les ingénieurs les plus expérimentés.

Ceux à qui il a été donné de suivre l'enseignement oral de Clapeyron se souviennent de l'attrait singulier qu'il savait attacher à chacune de ses leçons. Quel que fût le sujet qu'il eût à traiter, son exposé était d'une lucidité parfaite ; parlant sans effort, d'abondance, avec une sorte de bonhomie paternelle, il avait au plus haut degré le talent de faire pénétrer sa science profonde dans l'esprit de ses auditeurs; il leur signalait, avec une sincérité bien rare, l'état actuel de chaque question, la certitude plus ou moins grande de chaque hypothèse, les lacunes ou les imperfections de chaque opinion; c'est avec une égale simplicité qu'il abordait les plus hautes spéculations de la théorie, ou qu'il s'étendait sur les détails du métier, tels que la pose d'un rivet ou la confection d'une pièce de forge.

Comblé d'honneurs, entouré des plus hautes dignités, il aimait à se retrouver dans le milieu modeste de ses élèves, à causer avec eux des chères études qui avaient occupé sa vie entière. Il portait à l'Ecole des Ponts et Chaussées le plus vif attachement, et, malgré les travaux multiples dont il était surchargé, il se fit une douce tâche de venir faire sa leçon jusqu'aux derniers moments de son existence.

Il mourut le 28 janvier 1864. Ce fut un deuil pour le monde savant, et une profonde douleur pour tous ceux qui avaient pu l'approcher. « Depuis 1832, écrivait Emile Pereire, il ne m'a jamais quitté. Je n'ai jamais fait une affaire importante sans le consulter; je n'ai jamais trouvé un jugement plus sûr et plus droit. Sa modestie était si grande et son caractère si bon que je ne lui ai jamais connu un ennemi. »

HIRSCH.


Le général Pierre-Dominique Bazaine (1786-1838 ; X 1803) est un officier du génie et un ingénieur savant. Envoyé en Russie par Napoléon 1er pour créer une Ecole des voies de communication, il y reste jusqu'en 1832 et construit de nombreux ouvrages à Saint-Petersbourg. Sa fille épouse Benoît-Paul-Emile Clapeyron. Il est le père d'un maréchal de France et d'un ingénieur du corps des ponts et chaussées qui a participé à la construction des premières lignes de chemin de fer en France.