Aimé Henry RESAL (1828-1896)

Photo ENSMP

Fils de Aimé RESAL, architecte, et de Marie Antoinette BONNESOEUR. Il épouse Gabrielle Yvonne Charlotte Ursule BERTHOT fille de Jean-Baptiste Eugène BERTHOT (né en 1800 ; X 1819 corps des ponts et chaussées). Voir la lignée polytechnicienne des Berthot-Résal.

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1847 ; sorti classé 2 sur 118 élèves) et de l'Ecole des mines de Paris. Pendant la Révolution de 1848 il fait partie d'un commando qui empêche la foule d'incendier le château de Versailles.
Corps des mines.

Professeur de mécanique à l'École polytechnique (à partir de 1872).
Membre de l'Académie des sciences (1873).
Professeur de construction à l'Ecole des mines (suppléant de COUCHE en 1877 ; titulaire de 1879 à 1896).

Père de Louis Jean Victor Aimé RESAL (1854-1919, X 1872), ingénieur des ponts et chaussées qui enseigna la mécanique à l'Ecole des Ponts, et de Eugène Antoine Lazare RESAL (1859-1938 ; X 1878). Grand-père ou arrière-grand-père de plusieurs polytechniciens.


DISCOURS
PRONONCÉ A L'OCCASION DE LA MORT
DE M. AIMÉ-HENRY RESAL
Inspecteur général des mines, Membre de l'Académie des Sciences
Par M. MAURICE LEVY, Membre de l'Académie des Sciences, Inspecteur général des ponts et chaussées.

(Lu, dans la séance de l'Académie des Sciences du 7 septembre 1896.)

Publié dans Annales des Mines, 9e série, vol. 10, 1896.

Messieurs,

Tous ceux qui s'intéressent à la mécanique en ce qu'elle a d'utile, comme en ce qu elle a d'élevé, prendront part au deuil dont se trouve frappée l'Académie par la mort d'Henry Resal. Avec lui, en effet, s'en va le véritable continuateur de Poncelet, celui de ses disciples qui a le mieux su mettre en valeur les méthodes et les procédés du maître.

Mais Resal était lui-même un maitre, et le rôle de disciple, bien qu'il ne répugnât en rien à sa modestie, n'eût suffi ni à son extraordinaire activité, ni à ses multiples et brillantes facultés. La mécanique appliquée, telle que l'entendait Poncelet, était son domaine de prédilection: mais la mécanique céleste, la physique mathématique, la mathématique pure, la géométrie lui étaient également familières et, dans toutes ces branches de la science, il laisse les marques d'un esprit particulièrement inventif et primesautier.

L'homme n'était pas inférieur au savant. C'était coeur d'or et un caractère d'une inflexible droiture.

Il n'avait rien d'un apôtre. La vertu lui était trop naturelle pour qu'en la pratiquant il se crût autorisé à la prêcher. Plus volontiers, il en eût ri, comme il était disposé à rire de tout. Mais, tout en se riant, il n'a jamais manqué au plus petit de ses devoirs. Il savait les remplir tous gaiement, simplement et surtout sans phrases.

Nous savons tous combien grande était son assiduité à nos séances, et nous, ses confrères de la Section de mécanique, savons avec quel soin méthodique et scrupuleux il s'acquittait de ses devoirs de doyen, sachant très habilement, quand il le fallait, user de sa helle humeur bourguignonne pour faire accepter une grande fermeté. Mais où il a porté le plus haut le sentiment inné du devoir qui le guidait en toutes choses, c'est dans son enseignement. J'en parle savamment, ayant eu, dans ma jeunesse, l'honneur d'être, pendant plusieurs années, sous-répétiteur à l'Ecole Polytechnique. Je tiens son cours pour l'un des plus fructueux qui aient jamais été professés. C'est peut-être de tous, sans même excepter celui si marquant de son éminent devancier Bour, celui qui remplit le mieux la double visée qu'on poursuit à l'École Polytechnique : visée scientifique dans le présent, visée pratique pour l'avenir. Ses exemples sont toujours choisis aux confins de la science la plus solide et de la pratique la p1us moderne. Il les renouvelait sans cesse. Ses successeurs y puiseront longtemps et à pleines mains.

Les théories générales y sont condensées de main de maître, quelques-unes avec autant d'originalité que de simplicité. Je citerai notamment la dynamique des solides, l'hydraulique, la thermodynamique et la theorie de la transmission du travail dans les machines.

C'est un honneur pour une école d'avoir inspiré un tel enseignement, et celui qui l'a conçu méritait grandement reconnaissance de cette école.

Ce n'est pas la forme didactique qu'il faut chercher chez Resal; elle lui était fort indifférente. Nourri de la moelle de la science, il aimait, par-dessus tout, à la servir en substance concentrée. Cette façon d'enseigner exige, de la part des auditeurs, un travail personnel, ce qui est un bien. Tous ceux qui ont voulu se livrer à ce travail se sont trouvés, par le cours de Resal, préparés à toutes les indications, si variées puissent-elles être ou devenir, de la mécanique à l'art de l'ingénieur.

Du reste, ingénieur dans l'âme, il aimait travailler pour ses collègues. « Fils d'architecte, disait-il volontiers, j'ai tenu la truelle avant de savoir tenir une plume. » Et, de fait, c'est en s'amusant à voir manier la truelle sous la direction de son père, architecte à Plombières, que, sans effort et avec un minimum de préparation au collège d'Epinal, puis à Sainte-Barbe, il est arrivé dans les premiers à l'École Polytechnique à l'âge de dix-huit ans. Pour la partie mathématique, il eût été largement prêt à l'âge de seixe ans.

C'était en 1847. Les grandes découvertes d'Ampère en électrodynamique venaient de faire leur entrée dans l'enseignement classique. Resal se prit d'enthousiasme pour elles et en fit l'objet de son premier mémoire, rédigé pendant son séjour même à l'École Polytechnique. Bravais a fait à son jeune élève le grand honneur d'en introduire une partie dans ses leçons.

Egalement pendant qu'il était encore élève, il fit, sur la théorie du frottement dans les engrenages coniques et sans fin, une étude qui fut publiée au Journal de l'Ecole Polytechnique en 1850.

Son ardeur pour la science, comme celle de ses camades, fut un instant suspendue par la révolution de 1848.

Aux journées de juin, il servit en qualité d'aide de camp du général Mellinet.

Sorti second de l'École, il choisit la carrière des Mines. Les sciences appliquées enseignées à l'École des Mines le trouvèrent aussi assidu que les sciences mathématiques sans d'ailleurs le détourner de ces dernières. En 1853 il fut nommé Ingénieur des Mines à Besancon, où il s'occupa de la carte géologique des régions montagneuses de la contrée. L'année suivante, il prit, le grade de docteur es sciences mathématiques.

Sa thèse est la première application faite au globe terrestre du problème de l'équilibre élastique d'une enveloppe sphérique, si magistralement résolu par Lamé. Soutenue devant Cauchy et Lamé lui-même, elle lui valut la protection de ces deux illustres savants, de même que la précocité de ses travaux d'élève lui avait valu, de la part de Poncelet, une amitié qui n'a cessé qu'avec la vie.

En 1855, Resal fut nommé professeur à la Faculté de Besancon. De cet enseignement est sortie non seulement sa Cinématique pure, où, entre autres innovations, on trouve la notion et la théorie de la suraccélération, mais aussi divers travaux théoriques et expérimentaux sur l'horlogerie, travaux qui, avec ceux de Phillips, ont contribué aux progrès de l'horlogerie de précision.

C'est à la même époque, en 1865, qu'il publia son Traité de Mécanique céleste, destiné surtout à rendre plus accessible l'oeuvre de Laplace.

La mort de Delaunay, survenue d'une façon si inopinée en 1872, rendait vacante la chaire de mécanique rationnelle de l'École Polytechnique. Resal se trouvait naturellement désigné pour la remplir. J'ai dit plus haut que la succession, pour lourde qu'elle fût, n'a pas été, il s'en faut, au-dessus de ses forces.

Cette même année, il commençait la publication de son Traité de Mécanique générale en sept volumes, véritable monument élevé à la mécanique rationnelle et à ses applications dans toutes les directions.

C'est là qu'on trouve résumés les mémoires les plus importants de Resal. Peu d'ouvrages sont plus nourris. L'auteur n'y prend pas toujours la peine de coordonner ses idées; il les sème un peu ; mais il y en a beaucoup.

Quelque problème que l'on ait à résoudre, on peut le consulter avec fruit. Tout y est condensé. Parfois, on trouve, en quelques pages, des traits de lumière. Je citerai une Note sur le mouvement des projectiles à l'intérieur d'une arme à feu, où sont, pour la première fois, appliqués avec succès, les principes de la thermodynamique à ce phénomène complexe de la pression développée, par la combustion, dans l'âme d'une arme. On peut dire que là se trouve l'origine de la balistique intérieure contemporaine. Notre confrère Sarrau m'a dit souvent qu'il y a puisé ses premières inspirations sur ce sujet. Au surplus, à la suite de ce travail et de plusieurs autres théoriques ou expérimentaux sur le mouvement des projectiles, le ministère de la Guerre a créé, pour Resal, un poste spécial : Celui d'adjoint au Comité d'artillerie pour les études scientifiques.

Son exposition concise, mais remarquablement nette de la théorie des volants et des régulateurs est certainement aussi le point de départ des travaux les plus remarquables faits, depuis, sur ce sujet délicat.

Une autre Note, insérée aux Compte-rendus, traite d'une façon non moins heureuse un autre sujet nouveau : celui de la propagation d'une onde liquide dans un tube élastique, question qui trouve son application dans les les phénomènes de la circulation du sang et dans les expériences de notre confrère Marey.

Outre ces travaux d'inspiration primesautière et de plein succès, ce vaste ouvrage contient une foule d'applications utiles ou d'exercices intéressants.

En 1873, l'Académie des Sciences ouvrit ses porte à Resal, en lui donnant la succession du baron Dupin. Cett haute distinction n'a fait que surexciter son ardeur au travail. Ses communications à l'Académie ou aux Annales des Mines montrent que son activité ne s'est jamais ralentie. Resal avait deux qualités rarement unies : il travaillait avec une merveilleuse facilité et il travaillait toujours. Le travail était sa seule distraction quand il était bien portant, son seul remède, remède dangereux, quand sa robuste santé a commencé à le trahir.

En 1888, il a publié un Traité de physique mathématique qui a pour objet de résumer cette vaste science, comme il avait précédemment résumé la mécanique céleste.

Il travaillait à la seconde édition de la Mécanique générale, dont les deux premiers volumes ont paru, quand la mort est venue le surprendre.

Depuis plusieurs années, sa santé déclinait visiblement. La maladie qui a fini par l'emporter avait légèrement courbé ce corps autrefois droit et élancé comme les grands chênes des forêts des Vosges, au milieu desquelles s'est passée son enfance ; elle avait pâli et quelque peu attristé ce fin visage qu'on était habitué à voir toujours animé et souriant. Mais rien ne faisait présager une fin prochaine, lorsque, comme tous les ans, il est parti pour aller passer ses vacances en Suisse et en Savoie. Le 29 juin, il m'adressait encore de Saint-Gervais une lettre dans laquelle il me communiquait diverses observations sur un mémoire que l'Académie pourrait être appelée à juger. Cette lettre me montrait qu'il avait toujours l'esprit en éveil et le souci des jugements à rendre par l'Académie.

Vers le milieu du mois d'août, il fut pris d'une violente crise d'atonie intestinale ; sa famille accourut près de lui. Les soins qui lui furent prodigués l'avaient remis assez bien pour qu'il manifestât le désir d'aller visiter l'Exposition de Genève. Mais en route, à Annemasse, il fut repris avec violence telle qu'une opération chirurgicale fut jugée nécessaire. Il succomba peu de jours après, le 22 août. Il a été inhumé, le 25 août, à Etang-sur-Arroux (Saône-et-Loire), lieu de sépulture de famille.

C'est dans ce coin de la Bourgogne qu'il comptait se retirer dans deux ans, lorsqu'il aurait eu droit à sa retraite comme Inspecteur général des Mines. Au lieu du repos bien mérité et qui n'eût pas été l'oisiveté, qu'il y espérait, c'est le repos suprême qu'il y dort à présent. Mais il laisse après lui une oeuvre que je n'ai pu qu'esquisser ici à grands traits et qui assure la survivance de son nom.

Il laisse à ses deux fils le plus précieux de tous les héritages : l'exemple d'une vie consacrée tout entière aux progrès de la science et à ses applications en ce qu'elles ont de plus noble et de plus désintéressé. Cet exemple n'a pas été perdu pour eux, et Resal a eu la joie bien rare de les voir tous deux sortir brillamment de l'Ecole Polytechnique, dans la carrière des Ponts et Chaussées, qu ils parcourent de façon à ajouter encore à la réputation du nom qu'ils portent.

Ces deux fils sont la couronne et la parure d'une mère qui, grâce à des dons exceptionnels, a pu les suivre, non seulement dans leur éducation classique, mais même fort loin dans leur instruction scientifique. Ils seront aussi sa consolation dans la cruelle épreuve qu'elle subit et dans laquelle l'accompagnent les respectueuses sympathies de l'Académie, du monde savant et des ingénieurs.


  Le texte suivant a été publié dans le Bulletin n. 27 de la SABIX (annexe 5) sous la signature de Paul Barbier :

Les BERTHOT-RESAL, une lignée de polytechniciens.

1)- Nicolas Berthot ne fait qu'un court séjour à l'Ecole centrale des travaux publics (fin 1794-juin 1795), mais il sera à l'origine d'une lignée de polytechniciens. Il épouse le 1er janvier 1796 Magdeleine Dumont, le couple aura deux filles, et deux fils polytechniciens : Jean Baptiste Eugène et Charles Jean Baptiste.

2)- Jean Baptiste Eugène Berthot, né le 9 thermidor an VIII, XI819, entré major, sorti 4, ingénieur des Ponts et Chaussées, terminera sa carrière avec le grade d'ingénieur en chef. Père de Jean Baptiste Pol, X 1851, et de Gabrielle Charlotte Ursule.
Charles Jean Baptiste, est né le 2 août 1812, X 1831, entré 117ème, sorti 111ème, affecté dans le corps de l'Artillerie.

3)- Jean Baptiste Pol, fils de Jean Baptiste Eugène Berthot et de Louise Lazarette Ballard, X 1851. Entré 54 , sorti 48 , affecté aux lignes télégraphiques.
Gabrielle Charlotte Ursule Berthot épouse Aimé Henri Résal, X 1847, né à Plombières en 1828, ingénieur des Mines, professeur de mécanique à la faculté de Besançon (1855), à l'Ecole polytechnique et à l'Ecole des mines de Paris (1872). Appelé à Paris en 1870, chargé du service du contrôle des chemins de fer. Elu à l'Académie des sciences en 1873. Le couple donne naissance à deux polytechniciens : Louis Jean Victor Aimé (X 1872) et Eugène Antoine Lazare (X 1878).

4)- Louis Jean Victor Aimé Résal, X 1872, né en 1854 à Besançon, ingénieur des Ponts et Chaussées. Appelé à Paris en 1889, professeur à l'Ecole des Ponts et Chaussées (1893). En 1896 dirige le service de la navigation de la Seine à Paris. On lui doit les ponts Mirabeau et Alexandre III.
Eugène Antoine Lazare Résal, X 1878, né en 1859 à Chailly sur Armançon, ingénieur des Ponts et Chaussées, père de Henri Yonnès Résal (X 1911) et Louis Aimé (X 1919S).

5)- Henri Yonnès Résal, X 1911, né en 1891, ingénieur du Génie maritime, mort pour la France en 1914.
Louis Aimé Résal, X 1919S, né en 1895.


Eugène Antoine Lazare Résal, élève de la promotion 1878 de Polytechnique
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