Photo de Armand Mayer Collection François Mayer |
Né à Paris le 16/1/1894 ; décédé à Paris le 22/12/1986.
Le père de Armand MAYER est Louis MAYER (1868-1941), docteur en droit, avocat, puis conseiller privé du prince Albert Ier de Monaco (et exécuteur testamentaire de ce dernier), et administrateur de l'Institut océanographique, et de l'Institut de paléontologie humaine depuis leur fondation jusqu'à sa mort. Celui-ci est lui-même le fils de Isaac MAYER et de Palmyre LEIB.
La mère de Armand, Charlotte MANNHEIM, est la fille de Charles MANNHEIM, expert en meubles anciens et en objets d'art, et la nièce d'Amédée MANNHEIM (1831-1906, X 1848), inventeur de la règle à calcul et Professeur de Géométrie à l'Ecole Polytechnique de 1864 à 1901.
Armand avait trois frères, dont l'un est mort d'une blessure de guerre en 1916.
Armand est le neveu de Joseph Armand MAYER (1857-1893 ; X 1877), capitaine du génie tué en duel sur l'île de la Jatte. Il était le cousin issu de germain de René MAYER, qui fut ministre à plusieurs reprises.
Armand épouse Marie-Anne SOURY. Il est le père de François Armand MAYER (X 1945, né en 1925, qui épousa Corinne, fille de Robert GIBRAT) et de Philippe-André-Max MAYER (né en 1923 ; HEC ; créateur et directeur de plusieurs sociétés).
Armand est ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1913, dont il est sorti classé 6ème), et de l'Ecole des Mines de Paris (entré le 8 novembre 1919, sorti le 4 avril 1921). Il appartient ainsi au Corps des mines (nommé ingénieur de 3ème classe à titre provisoire à dater du 8/9/1919 par arrêté du 30/12/1919, et à titre définitif le 18/4/1921). Sa promotion de l'Ecole des Mines est particulièrement nombreuse : 22 élèves du corps, incluant des anciens élèves de 3 promotions de Polytechnique dont les études avaient été interrompues par la guerre ainsi que, fait exceptionnel pour l'époque, 3 gardes-mines ayant reçu un avancement.
Spécialiste de la mécanique des sols et de la mécanique des roches. Il comprend très tôt l'importance du rôle des laboratoires dans la géotechnique, et en 1934 il crée le premier laboratoire français de mécanique des sols à qui l'on doit des travaux novateurs, notamment pour l'injection des sols. Des études y sont menées entre autres pour la construction rapide de terrains d'aviation. Passé en Afrique du Nord avec l'accord du chef du réseau "Alliance", il organise la participation française aux travaux sur les aérodromes et met en oeuvre les techniques élaborées en laboratoire. En 1947, il fonde et préside le Centre d'études et de recherches de l'industrie des liants hydrauliques (CERILH). Il participe à la création du Laboratoire de mécanique de l'École polytechnique en 1961 avec J. Mandel professeur de mécanique et P. Habib (X 1945). Président des Comités français de mécanique des sols et de mécanique des roches.
Armand MAYER s'est éteint le 22 Décembre 1986 dans sa 93ème année, et, avec sa disparition, c'est une page de la Mécanique des Sols et de la Mécanique des Roches françaises qui est tournée.
Il était né le 16 Janvier 1894 à Paris, dans une famille d'éducation très stricte où il y eut jusqu'à maintenant des Polytechniciens pendant cinq générations, dont son grand-oncle Amédée MANNHEIM (1831-1906, X 1848), inventeur de la règle à calcul et Professeur de Géométrie à l'Ecole Polytechnique de 1864 à 1901. Cette famille était installée en Lorraine avant la Révolution Française et elle était venue à Paris après la défaite de 1871 pour rester française ; elle avait connu un horrible choc dans un épisode avant-coureur de l'Affaire Dreyfus, lorsque le Capitaine Armand MAYER (1857-1892 ; X 1877), officier polytechnicien trouva la mort dans un duel avec un polémiste de la "Libre Parole" qui avait contesté la place des officiers Israélites dans l'Armée. C'est à ce drame qu'Armand MAYER devait son prénom et aussi le désir de reprendre la place de son oncle en entrant à Polytechnique, en dépit de ses autres dons. En effet, Armand MAYER avait une grande attirance pour la musique, c'était un remarquable pianiste, et il appartient à cette variété de Polytechniciens qui ont hésité entre les mathématiques et la musique. Nul doute que le souvenir de son oncle a pesé sur son choix. Il entra à l'X en 1913, bien entendu pour une courte scolarité, puisque la mobilisation vint saisir rapidement cette génération. Il fit une guerre admirable, deux fois blessé, quatre fois cité, et il la termina comme instructeur et officier de liaison de l'armée américaine.
Après l'Armistice, il reprit ses études et ce n'était pas facile après quatre ans de guerre : le premier cours d'Analyse, en 1919, commençait ainsi : "Messieurs, comme je vous le disais dans la leçon précédente...", ... qui avait eu lieu en 1914. Il sortit de l'Ecole 6ème, dans le Corps des Mines et épousa en 1921 Marie-Anne Soury avec qui il devait former un couple exemplaire, notamment en matière de tolérance car elle était protestante. Seules la seconde guerre pendant laquelle elle fut à Paris le chef de la famille pendant qu'il était en Afrique du Nord, puis la mort de sa femme en 1977 purent les séparer.
Il commença sa carrière dans les Mines de la Sarre, alors sous contrôle Français, et il insista pour passer un an au fond. Là, il s'intéressa aux phénomènes liés à l'exploitation de la houille ; il constata que le charbon pouvait être extrait plus ou moins facilement tout en ayant les mêmes propriétés et apparemment la même résistance mécanique. C'était dû, non pas à la nature du charbon, mais aux contraintes subies in situ par les couches, du fait de ce qu'on a appelé depuis les "pressions de terrain". Ce premier contact avec la plasticité des matériaux devait le conduire, ultérieurement, à la Mécanique des Roches après un long détour dans un domaine relativement plus simple, celui de la plasticité des sols, de la Mécanique des Sols et des Travaux de Fondations, domaine auquel il consacra l'essentiel de son activité scientifique et technique. Mais, Ingénieur des Mines à Paris, les travaux de consolidation des nombreuses carrières de la région parisienne l'ont obligé à conserver toujours le souci des travaux souterrains au rocher ou dans des formations tendres.
La tradition française en Mécanique des Sols n'est pas à décrire ; de Coulomb à Mandel, en passant par Vauban, Poncelet, Résal, Boussinesq, Ravizé, Bonneau, Caquot, des textes définitifs ont été écrits par des Français et on peut dire, sans forfanterie, que le développement du Génie Civil a été l'oeuvre presque exclusive de la France et de l'Angleterre jusqu'au début du XXème siècle. Mais, il nous manquait une composante expérimentale. Certes, il y avait eu au XIXème siècle quelques tentatives vites oubliées, et ce que l'on appelle aujourd'hui, à juste titre, pour le cisaillement des sols, l'appareil de Casagrande, avait déjà été réalisé et utilisé par un français, l'Ingénieur des Ponts et Chaussées COLLIN. Ce ne fut pas le moindre mérite d'Armand MAYER de comprendre plus tôt que d'autres l'importance du rôle des Laboratoires dans la Géotechnique, comme d'ailleurs dans toute technique moderne.
Un laboratoire c'est tout d'abord un endroit où l'on mesure un certain nombre de grandeurs ; c'est très vite un lieu vers lequel converge les nouveaux problèmes de la pratique ; c'est, enfin, un lieu de réflexion où se produit un bouillonnement intellectuel. En 1934, Armand MAYER créa dans les locaux du Bureau Sécuritas, avec l'accord de l'Administration et le concours de la Profession, le premier laboratoire français de Mécanique des Sols, dont la qualité fut rapidement égale aux meilleurs Instituts analogues étrangers avec des travaux novateurs, notamment pour l'injection des sols. Ce laboratoire était rattaché au L.B.T.P., et fut installé Rue Brançion dès 1935 ; il fut créé avec le parrainage du Ministère de l'Education Nationale pour la formation professionnelle. Des études y furent menées dès 1938, sur les techniques routières et pour la construction rapide des terrains d'aviation. La guerre de 1939-1945 fut l'occasion d'appliquer aux armées ces nouvelles techniques.
Armand MAYER fit la seconde guerre mondiale d'une façon qui suscite à nouveau l'admiration. Passé en Afrique du Nord en 1942, en accord avec le Chef du réseau"Alliance", il fut immédiatement intégré dans le corps expéditionnaire et chargé d'organiser la participation française aux travaux alliés sur les aérodromes et bases aériennes avec le rang de Colonel Inspecteur des Travaux de l'Armée de l'Air. Il dirigea ou participa à la remise en état ou à la construction de plusieurs dizaines de terrains d'aviation du théâtre des opérations en Afrique du Nord, en Corse, en Italie et en France métropolitaine, et fut décoré dans l'ordre américain de la "Légion of Merit". Il fut nommé Commandeur de la Légion d'Honneur à titre militaire.
Après sa démobilisation, il revint au Service des Mines, reprit son activité de conseiller scientifique au L.B.T.P., bientôt devenu C.E.B.T.P. Cette position lui permit de participer aux grands travaux de la reconstruction, puis de la modernisation de l'infrastructure française pendant cette période qu'on appelle parfois "Les Trente Glorieuses". Partout, il insuffla l'esprit des nouvelles technologies et de la recherche sur les chantiers et en laboratoire ; le C.E.B.T.P. devint une pépinière de Mécaniciens des Sols, et trois d'entre eux devinrent, ultérieurement, Présidents du Comité Français de Mécanique des Sols.
En 1947, il fonda avec le concours de la Profession, le Centre d'Etudes et de Recherches de l'Industrie des Liants Hydrauliques, dont il assura la Présidence jusqu'en 1966. Le Laboratoire du C.E.R.I.L.H. situé à Paris, Rue de Cronstadt, fut créé à son initiative en 1952. A cette époque, plusieurs accidents spectaculaires s'étaient produits, mettant en cause des ruptures de massifs rocheux, dont la rupture d'un des appuis du barrage de Malpasset et l'effondrement d'une carrière à Clamart. Une sensibilité de l'opinion publique à la Mécanique des Roches existait donc au moment où J. MANDEL, Professeur de Mécanique à l'Ecole, et moi-même, souhaitions y développer un centre de recherches. Armand MAYER participa à la naissance de ce laboratoire en 1961, en aidant à convaincre ses camarades mineurs de la Chambre Syndicale des Mines de Fer de France, du Centre de Recherches des Charbonnages de France et des Mines Domaniales des Potasses d'Alsace, de l'intérêt de recherches coordonnées en Mécanique des Roches dans un laboratoire de l'Ecole. Grâce à son action, ces organismes ainsi que les Cimentiers et la S.N.C.F. financèrent une étude sur le fluage : la première recherche en Mécanique des Roches de ce jeune laboratoire.
Dans cette période, Armand MAYER fit de nombreuses missions à l'étranger, pour l'étude ou la construction de grands ouvrages, barrages en terre, routes, chemins de fer, fondations de ponts, expertises ou visites de laboratoires, aux Etats-Unis, en Afrique, en Amérique du Sud, aux Indes, en Europe de l'Est, en Israël, qui lui permirent de nouer des relations avec les meilleurs spécialistes de la Géotechnique du monde et de participer aux actions internationales, en particulier à l'élaboration des statuts de la nouvelle Société Internationale de Mécanique des Roches. Il y fut, comme dans la Société Internationale de Mécanique des Sols, un ardent défenseur de la langue française. Président, puis Président d'Honneur des Comités Français de Mécanique des Sols et de Mécanique des Roches, il a continué à assister aux réunions de ces deux sociétés presque jusqu'à sa fin, et il y était un conseiller très écouté.
Il continua son activité d'Ingénieur-Conseil jusqu'au-delà de sa 80ème année. Il avait, pour cela, les qualités physiques indispensables à l'inspection des grands chantiers en montagne ou en souterrain. Sa dernière inspection de travaux souterrains eut lieu à la mine de May sur Orne, avant que Géostock ne la transforme en réservoir de produits pétroliers. Il s'agit d'une mine dans un anticlinal, dont l'un des flancs est incliné à presque 45° et dont la visite n'est pas de tout repos, même pour un bon sportif dans la force de l'âge : or, il n'avait alors ... que 80 ans.
Il est vrai qu'il était resté très sportif. A 72 ans, à la suite d'un accident il avait été obligé d'abandonner le tennis et il s'était alors résolument mis au golf, qu'il pratiqua plusieurs fois par semaine ne jusqu'à 91 ans.
Auteur de trois ouvrages techniques, homme de réflexion, ce fut aussi un homme d'action. Ceux qui l'ont accompagné sur le terrain y ont profité de son enseignement : ils ont connu à la fois son courage dans la prise de décision et de responsabilité, sa chaleur et sa façon d'emporter la conviction d'un groupe par son ascendant et par sa logique. Ceux qui l'ont approché conserveront le souvenir de sa bienveillance et de son enthousiasme.