Hubert CURIEN (1924-2005)


 

Publié dans ABC MINES, bulletin n° 26, juin 2005

Professeur Hubert Curien (1924-2005)

Au moment de la disparition d'Hubert Curien, le dimanche 6 février, notre précédent bulletin était sous presse, et ce n'est donc que dans la présente livraison que nous pouvons rendre hommage à notre prestigieux Membre d'honneur

Biographie par Claude Beaumont, Président d'honneur d'ABC Mines

Hubert Curien naît le 30 octobre 1924 à Cornimont (Vosges). Ses parents sont tous deux fonctionnaires : son père receveur municipal, sa mère, directrice d'école. En 1936, il passe (avec la première place) son certificat d'études, diplôme dont il est resté particulièrement fier. Entré au Lycée d'Epinal en 5e, il doit, à cause de la guerre, revenir au collège de Remiremont où se révèlent son goût pour la science et sa future orientation vers la physique. Il poursuit ensuite ses études à Paris, au lycée Saint Louis. Au cours des vacances de l'été 1944, il entre dans la Résistance et rejoint le maquis local de la Pierre-Piquante.

En 1945, il est reçu à l'Ecole Polytechnique et à l'Ecole Normale Supérieure (E.N.S.) : il opte pour cette dernière. Sur les conseils d'Yves Rocard, il s'oriente vers la Cristallographie et débute ses recherches de futur docteur es sciences au sein du laboratoire de minéralogie de la Sorbonne, très impliqué dans les développements de la radiocristallographie par rayons X. En 1951, il soutient sa thèse sur «l'Etude des ondes élastiques et la diffusion thermique des rayons X dans le réseau cubique centré : application au Fer alpha ». Il est invité, la même année, au prestigieux Congrès Solvay. Il poursuit sa recherche sur la théorie de la diffusion Compton des rayons X dans les cristaux, et sur les défauts dipolaires dans le fluorure de lithium. Il s'intéresse ensuite au diagramme de phase du gallium, dont il découvre, en collaboration, trois phases métastables, beta, gamma, delta, dont il détermine les structures cristallines. Par la suite, Hubert Curien oriente ses recherches sur les macles et leur représentation théorique. Il introduit avec Y. Le Corre (1958) et ensuite Donnay (1959) la théorie des groupes de couleur imaginée par A. V. Choubnikov et propose, avec R. Kern (1957-58) une théorie causale de leur apparition.

Malgré ses charges ultérieures, il restera un scientifique actif, et, en 2001, il écrit un article du plus haut intérêt sur les cristaux dans l'Encyclopedia Universalis.

Un autre aspect, essentiel, de l'activité d'Hubert Curien concerne l'enseignement, auquel il attachait la plus grande importance : il n'a cessé d'enseigner, même lorsqu'il est devenu Ministre chargé de la Recherche. Assistant (1949), Maître de Conférence (1953) puis Professeur (1956) à la Faculté des Sciences de la Sorbonne (puis à l'Université Pierre et Marie Curie à Jussieu), il enseigne la Minéralogie et la Cristallographie, d'abord sous la direction de Charles Mauguin et de Jean Wyart, puis il ouvre de nouveaux enseignements de 3e cycle de Cristallographie à la Sorbonne. De 1954 à 1970, il est en même temps Professeur à l'E.N.S. pour la préparation de l'agrégation de Physique et de Chimie. Il continuera à assurer ses cours de Cristallographie jusqu'en 1994. Ses étudiants se souviennent de son extraordinaire talent d'enseignant et de son éloquence qui rendaient des plus agréables des sujets aussi rébarbatifs que la théorie des groupes, l'analyse tensorielle ou la diffraction des rayons X.

C'est au cours de ces premières années de sa carrière que seront noués des contacts et des amitiés avec ceux des minéralogistes spécialistes de la minéralogie systématique, qui s'intéressent à la recherche et à la définition des nouvelles espèces minérales, puis à leur conservation dans les Musées de Minéralogie, auxquels il apportera son soutien : Claude Guillemin, Henry Schubnel et Pierre Bariand. Et c'est pour le remercier de ce soutien que lui sera dédié, en 1968, un minéral découvert au Gabon, dans le gisement d'uranium de Mounana : la curiénite, Pb(UO2)2 V2O8.5H2O

A partir des années 1960, Hubert Curien accepte des responsabilités administratives de plus en plus importantes. Il devient vite un administrateur estimé de la Recherche et marquera de son passage nombre d'institutions. En 1966, il est nommé directeur scientifique de la physique du C.N.R.S. (Centre National de la Recherche Scientifique) lors de la création du premier collège de direction scientifique. Il devient directeur général du C.N.R.S. en 1969, où il poursuit la mise en place des Laboratoires Associés, des Actions Thématiques Programmées et des Comités des Relations Industrielles, les futurs C.R.I.N. En 1973, il est Délégué Général à la Recherche Scientifique et Technique (D.G.R.S.T.) où il crée les allocations de recherche au bénéfice des jeunes doctorants.

Sa carrière prend une nouvelle orientation en 1976, lorsqu'il accepte la présidence du C.N.E.S. (Centre National d'Etude Spatiales). Il parvient à restaurer la coopération entre les différents partenaires européens, et supervise, fin 1979, le 1er lancement, réussi, de la fusée Ariane. Il crée peu après la société Arianespace qui a ce jour a effectué avec succès plus d'une centaine de lancements. Beaucoup voient, aujourd'hui, en Hubert Curien le "père spirituel" de la fusée européenne. En 1978, il engage le programme SPOT d'observation de la Terre ainsi que le système de localisation Argos. De 1979 à 1984, il est le premier président de l'E.S.A. (Agence Spatiale Européenne), et réussit à convaincre les autres pays membres de donner à l'Europe les moyens de se maintenir dans la course vers l'espace entre les Etats-Unis et l'U.R.S.S. Diplomate, il sait établir et maintenir une coopération étroite avec ces deux géants : avec les soviétiques, il organise en 1982 le vol du premier spationaute français, Jean-Loup Chrétien, puis, avec Etats-Unis, en 1985, le vol de Patrick Baudry sur la navette spatiale.

En 1984, Hubert Curien devient membre du gouvernement, Ministre de la Recherche et de la Technologie. Il assumera cette fonction (son Ministère prenant le nom de Ministère de la Recherche et de l'Espace) sous l'autorité successive de quatre premiers ministres (L. Fabius, M. Rocard, E. Cresson, P. Bérégovoy). Il sait alors à la fois obtenir que la recherche soit une priorité, et que soient maintenus les programmes technologiques. Il réussit à doper les effectifs et les crédits de recherche : de 1988 à 1993, les crédits publics attribués à la recherche ont été augmentés en termes réels de 15% et leur part est passée, en près de 10 ans de 1.97 à 2.42% du PIB, permettant ainsi à notre pays de revenir sur un retard fort préjudiciable. On lui doit la réussite du programme technologique Eurêka. Apprécié par la grande majorité de la classe politique, Hubert Curien a fortement marqué l'histoire de la recherche scientifique française. Il a aussi marqué la recherche européenne : en 1994, il devient président du Conseil du Centre Européen de Recherche Nucléaire (C.E.R.N.). En 1993, il est nommé à l'Académie des sciences dont il devient président de 2001 à 2003. Entre temps, il a été président de la Fondation de France. Il était depuis quelques années membre du Haut Conseil pour la Recherche et pour la Coopération Scientifique et Technologique.

Dans un domaine qui nous est proche, rappelons qu'il a été membre, de 1963 à 1969, du Comité exécutif de l'Union Internationale de Cristallographie et, en 1967, président de la Société Française de Minéralogie, en 1969, président de l'Association Française de Cristallographie. Lorsqu'en 1988, notre association est créée sous l'impulsion de Claude Guillemin et Raymond Fischesser, il en devient vite Membre d'honneur, et en suivra les activités avec intérêt. Il accepte de présider la réunion organisée à l'occasion du 10ème anniversaire d'ABC Mines, et prononce à la séance inaugurale une conférence remarquée sur la place de la cristallographie et de la minéralogie dans la formation des ingénieurs. En 2001, à Châtillon-Coligny, lors de l'inauguration de l'exposition Tonnelier organisée grâce à l'aide de l'Ecole des Mines et d'ABC Mines, il insiste sur la nécessité de maintenir le niveau des collections de minéralogie et souligne que le Musée de Minéralogie de l'Ecole met seul à la disposition du public une collection systématique des espèces minérales et la collection départementale, présentation unique de l'un des éléments de notre patrimoine national.

Sa compétence, sa diplomatie, la réussite des projets complexes qu'il a su mener à bien, et son dévouement exemplaire à la chose publique lui ont valu, de l'Etat, des honneurs amplement mérités : Grand Officier de la Légion d'honneur, titulaire de la Médaille militaire, il était aussi Commandeur de l'Ordre national du Mérite et Commandeur des Palmes académiques. Mais distinctions honorifiques et lourdes responsabilités n'avaient pas altéré ses qualités humaines. Il était resté fidèle à ses origines vosgiennes, dont il avait gardé la simplicité, la résolution, la ténacité. Tout au long de sa vie, il a conservé son amabilité, et, avec son sourire malicieux, un humour dénué de toute malveillance. Ces qualités en faisaient, pour les conférences qu'il acceptait souvent de présenter, un orateur apprécié, agréable à écouter, au ton mesuré, bien éloigné des prises de position péremptoires et des déclarations fracassantes, reconnaissant le mérite et la part des autres dans le succès des opérations qu'il avait dirigées. Il convient également de souligner chez lui une rare disponibilité pour ses amis et ceux qui faisaient appel à lui. Les rencontres qu'il nous était donné de faire chez Claude Guillemin - tous deux étaient de très proches amis, ce dernier habitant Jargeau puis Orléans, non loin de Loury où se trouvait la maison de campagne du ministre - étaient pleines d'intérêt, d'agrément et de bonheur.

La disparition d'Hubert Curien est celle d'un savant estimé de ses pairs, d'un administrateur avisé de la recherche, d'un homme politique respecté de tous, pour beaucoup, d'un ami, et pour notre association d'un Membre d'Honneur qui lui a toujours manifesté un intérêt particulier et apporté un soutien efficace.

Rédigé avec l'aide d'éléments empruntés au «Point», à «La Liberté de l'Est», au « Monde », à l'Association française de Cristallographie et à Jean-Claude Boulliard de l'Université Pierre et Marie Curie.


Note de R. Mahl :

J'avais occupé le poste de responsable de l'énergie et des matières premières à la DGRST, puis au ministère de la recherche, en 1981-1982. J.-P. Chevènement, devenu ministre de la recherche en mai 1981, avait demandé des audits de diverses disciplines scientifiques. Sur le conseil de Philippe Gentilhomme qui travaillait avec moi au ministère, j'avais proposé et obtenu que l'audit des sciences de la terre soit confié à H. Curien, que je ne connaissais d'ailleurs que de réputation. H. Curien mena cette opération d'une main de maître, dans un contexte difficile : luttes d'influence entre Claude Allègre et Haroun Tazieff, tous deux fort influents au sein du Parti socialiste de l'époque mais ayant des opinions totalement divergentes sur la géothermie ou sur les surveillances volcaniques ; mais aussi révoltes de vieux géologues contre la théorie montante de la dérive des continents, contestation vive contre les opérations minières du B.R.G.M. et disparition programmée des crédits d'incitation du ministère pour la recherche géologique. Non seulement H. Curien arriva à calmer les scientifiques, mais il obtint une reconnaissance ministérielle inattendue, quoique provisoire, de ses propositions.

Lorsqu'il devint ministre de la recherche en 1984, il focalisa son action vers la sérénité des chercheurs, leur titularisation dans la fonction publique, l'augmentation des crédits et notamment des bourses, ainsi que certains grands programmes ou organismes (CNES, INRIA) qu'il connaissait bien. Il s'intéressa moins à la recherche industrielle, dont la part s'amenuisa, qu'à la recherche publique ; H. Curien considérait probablement que la recherche industrielle était de la compétence d'autres membres du gouvernement. Je m'intéressais personnellement, de 1984 à 1986, à la création en France d'un véritable réseau de la recherche, destiné dans un premier temps aux chercheurs essentiellement, sur le modèle de l'Arpanet/Internet qui arrivait des Etats-Unis ; hélas le projet resta totalement bloqué (en fait, jusqu'en 1992) car H. Curien évitait d'interférer avec ce qu'il percevait, à tort de mon point de vue, comme étant de la politique industrielle. On voit dans cet exemple que H. Curien cherchait toujours le consensus ; il partait du principe qu'en avançant lentement on soigne sa monture.


Biographie publiée sur le site ecrivosges.2st.fr (Bernard Visse) en 2002 :

1924 : Naissance à Cornimont. Son père est receveur municipal, sa mère directrice d'école.

1944 : Il rejoint le maquis de la Piquante-Pierre.

1945 : Il intègre Normale Sup, se spécialise dans la cristallographie.

1953 : Hubert Curien enseigne à la Sorbonne, puis à l'université Pierre et Marie Curie.

1966 : Il accède à la direction générale du Centre National de la Recherche scientifique (CNRS). Puis à la présidence du Centre européen de recherche nucléaire (CERN).

1976-1983 : Il est président du Centre national d'Études spatiales (CNES).

1984-1986, puis 1988-1993 : Il se voit confier le portefeuille du Ministère de la Recherche.

1994 : Il prend sa retraite d'enseignant.

Il est élu Président de l'Académie des Sciences.

2001 : Hubert Curien fait son entrée dans le Petit Larousse illustré.

Hubert Curien, du diamant à l'éclat des étoiles, par Alain J. Gaspéritsch

Le Vosgien Hubert Curien aura signé un chapitre de l'histoire scientifique de la France. L'actuel président de l'Académie des Sciences, père du lanceur Ariane et éminent cristallographe, fut notamment ministre de la Recherche. Portrait d'un homme d'exception au parcours remarquable...

Superbe désuète des splendeurs de l'Académie des Sciences, à l'Institut de France. Vastes volumes, fastes des décors, cachet discret des huissiers qui siègent à chaque passage et étage, les ans semblent avoir filé depuis la création de l'honorable compagnie en 1666, sous l'égide de Colbert.

Le 23 quai Conti, dans le 6° arrondissement de Paris, à une demie lieue de Notre-Dame, héberge le modeste bureau en rez-de-chaussée de Hubert Curien. De ses origines montagnardes vosgiennes, le président de l'illustre Académie des Sciences a gardé une grande simplicité. Contact chaleureux, sourire avenant, l'ancien ministre de la Recherche est natif de Cornimont. Né d'un père receveur municipal couhanet et d'une mère directrice d'école, il témoigne : "Les Vosgiens sont résolus, on dit parfois têtus, mais ils ne sont pas compliqués. Et puis, ils ont une foi dans les valeurs fondamentales qu'il n'est pas mauvais de partager et de garder à l'esprit".

A 77 ans, Hubert Curien fait son entrée dans le Petit Larousse illustré. "Ce dictionnaire aura joué un rôle essentiel dans ma vie, confie le scientifique. La municipalité de Cornimont, reconnaissante de ma première place cantonale au certificat d'études, m'en avait offert un en 1936. C'est une consécration pour moi d'y figurer à mon tour".

Un certificat d'études dont Hubert Curien se souvient non sans amusement. "Le sujet de la dissertation était la noce au village. Moi, je l'ai décrite comme je l'avais vue, avec notamment les gens attablés au bistrot qui rigolaient fort de voir une couronne blanche sur le front de certaines mariées". Une remarque qui n'est pas du goût du correcteur, sanctionnée dans la notation. "Ce sont les sciences qui me permirent de rester premier et de souffler la place à un garçon de Ventron", signale le farceur.

Le lycée d'Épinal accueille le jeune Hubert Curien en classe de 5°. Mais la seconde guerre mondiale se profile, ce qui vaut à l'élève d'être rapatrié au collège de Remiremont. Rencontre avec un professeur de physique, Lucien Barthélémy. "Pour moi, il a été un guide d'une très grande capacité. Sa méthode consistait à regarder d'abord, puis à réfléchir, et enfin à tenter d'expliquer. C'est de là que m'est venu le goût de la physique".

Sa voie sera technique et scientifique. Sur les conseils de polytechniciens installés dans la vallée de la Moselotte, Hubert Curien intègre le lycée parisien Saint-Louis. Auprès des élèves de l'excellence, il trouve aussitôt une franche camaraderie. Mais durant l'été 1944, le maréchal-ferrant de Cornimont lui demande s'il se sent patriote. Hubert Curien n'hésite pas et rejoint le maquis de la Piquante-Pierre.

"Cette expérience a été extrêmement formatrice, mais certes dangereuse, reconnaît l'ancien résistant. J'ai eu des amis tués ou fusillés. Ce départ dans la vie a été très marquant, mais m'a permis de nouer des amitiés très solides". Les combats sont très durs. Puis c'est la Libération, qui dissout le groupe de maquisards. Retour au lycée Saint-Louis, avec quelques jours de retard.

"Mes copains m'ont demandé ce que j'avais fichu, craignant que je ne sois recalé au concours. Je me suis alors rendu compte que mes camarades de lycée avaient été des spectateurs, le nez dans leurs livres. De la guerre, ils n'avaient connu que les tickets d'alimentation et la malnutrition". En juillet 1945, il est reçu au concours. Deux choix s'offrent à lui : l'École normale supérieure ou Polytechnique. Une faiblesse au genou héritée du maquis décide Hubert Curien à intégrer Normale Sup pour quatre ans.

Le monde de la physique est en pleine révolution. Une aubaine pour le jeune étudiant avide de connaissances. Puis, conseillé par le directeur du laboratoire de physique Yves Rocard, Hubert Curien opte pour la cristallographie.

C'est dans les milieux scientifiques que le chercheur rencontre sa future épouse, Perrine, une astrophysicienne. Son père n'est autre que Georges Dumézil, auquel Hubert Curien voue une véritable admiration. "C'était un linguiste comparatif et un historien très distingué. Il est notamment l'auteur de l'Idéologie tripartie des Indo-Européens et de Mythe et épopée". Perrine lui donnera trois garçons : l'un deviendra polytechnicien, le deuxième normalien, et le troisième artiste peintre.

Professeur à 29 ans, Hubert Curien enseigne à la Sorbonne, puis à l'université Pierre et Marie Curie. En 1966, il accède à la direction générale du Centre National de la Recherche scientifique (CNRS). Les postes à hautes responsabilités s'enchaînent alors. Parmi eux, la présidence du Centre européen de recherche nucléaire (CERN). "Je suis un Européen convaincu. L'Europe de la science existe depuis un demi-siècle".

En 1976, Hubert Curien est propulsé à la présidence du Centre national d'Études spatiales (CNES). "Ces sept années ont été riches d'activités intéressantes et valorisantes. Il fallait réussir la mise en orbite du lanceur Ariane". Il fallait aussi réussir l'envoi de Français dans l'espace. "Valéry Giscard d'Estaing m'avait confié la tâche de recruter le premier cosmonaute français dans le cadre d'une coopération avec l'URSS, raconte le père d'Ariane. Cette responsabilité n'était pas trop compliquée, jusqu'à ce que l'Élysée me rappelle : le Président de la République avait décidé que ce serait une femme. Les Soviétiques ont traîné les pieds. Finalement, c'est Jean-Louis Chrétien qui a été retenu".

Lors d'un lancement réussi à Kourou, Laurent Fabius le remarque. "J'étais monté sur un tonneau pour dire quelques mots comme le veut l'usage. J'ai été accueilli par un tonnerre d'applaudissements. Laurent Fabius, qui devait constituer un nouveau gouvernement, s'est alors dit que s'il me suffisait de monter sur un tonneau pour être acclamé, je ferais un ministre très populaire". De 1984 à 1986, puis de 1988 à 1993, il se voit confier le portefeuille de la Recherche.

L'année 1994 marque un virage dans la vie du remarquable scientifique : "J'ai choisi de cesser les cours magistraux à 70 ans. Depuis Sans famille d'Hector Malot, je suis toujours resté fidèle à l'histoire du vieux chanteur qui cesse de se produire à l'opéra. Je crois moi aussi qu'il ne faut pas s'obstiner à faire des choses quand on les fait moins bien".

Aujourd'hui néanmoins, outre différentes présidences de fondations nationales et internationales, Hubert Curien préside aux destinées de l'Académie des Sciences. Son ambition ? Vulgariser les connaissances scientifiques à destination du grand public.

Dans sa propriété orléanaise, une ou deux fois par semaine, il coupe du bois de chauffage. Dans les Vosges, par sentimentalisme, il a gardé quelques arpents de bois : "Ce ne serait pas raisonnable de vieillir sans être propriétaire de sapins", sourit le Vosgien. Quant à la vie de son département, il y reste très attaché. Car l'ancien résistant reçoit chaque jour son quotidien La Liberté de l'Est, dont il est actionnaire.

Alain J. Gaspéritsch, La Liberté de l'Est du 2 décembre 2001.