TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Troisième série -
T.I (1987)

Jean WYART
Souvenirs : la minéralogie à la Sorbonne entre les deux guerres.

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 27 mai 1987)

M. François Ellenberger et M. Jean Gaudant m'ont demandé d'évoquer devant vous quelques souvenirs sur le Laboratoire de Minéralogie de la Sorbonne dans mes premières années de travail.

La première guerre mondiale n'était pas loin. La Minéralogie et les Sciences de la Terre se sont rapidement transformées dans les quelques vingt années qui ont séparé les deux guerres, et il est intéressant, pour des historiens des sciences, d'évoquer les conditions de cette mutation.

Je n'était pas un minéralogiste de vocation ; et c'est le pur hasard qui m'a conduit vers la cristallographie. Après des études fortement perturbées par la guerre, je suis entré, en 1923, à l'Ecole Normale de la rue d'Ulm. Pendant les deux premières années, les scientifiques préparaient une licence d'enseignement de mathématique et de physique ; ceux qui avaient choisi, comme moi-même, l'option physique, devaient préparer, dans une troisième année, un diplôme d'études supérieures, sorte de thèse de 3ème cycle, avant la quatrième année de préparation à l'agrégation de physique et chimie. C'était une année délicieuse de liberté de travail dans un laboratoire de recherche, sans souci scolaire de préparation à un examen. En juin 1924, il avait été convenu, avec le professeur Eugène Bloch, qui était l'un de nos professeurs de physique, que je travaillerai avec lui sur l'interprétation des spectres optiques et que je reviendrais, après l'agrégation et l'année de service militaire, à l'Ecole en tant qu'agrégé préparateur, pour continuer ce travail en vue d'une thèse de Doctorat. Un jour, Eugène Bloch me fit part du désir d'un professeur de la Sorbonne de faire réaliser des calculs par un ou deux étudiants. Il me conseilla de voir ce professeur. C'est ainsi, qu'avec un camarade mathématicien, je fis connaissance de Charles Mauguin au Laboratoire de Minéralogie de la Sorbonne, un après-midi de juin 1925. Il nous exposa ses problèmes et ses difficultés pour interpréter ses spectres de rayons X. Il fallait, à partir de formules compliquées de trigonométrie sphérique, construire des séries d'abaques. Après quelques tâtonnements, nous nous rendîmes compte, mon camarade et moi, que nous ne pourrions pas mener à bien ces calculs pénibles dans un temps raisonnable. Il me fallut retourner au Laboratoire de Minéralogie pour dire notre renoncement. Ch. Mauguin m'accueillit avec un large sourire en m'expliquant que tous ces calculs étaient devenus inutiles. Il s'était rendu compte que les clichés de rayons X fournissent directement l'espace réciproque (on dit aussi l'espace de Fourier), du milieu cristallin et que, par des constructions géométriques très simples, on peut rapidement identifier la famille de plans réticulaires qui a réfléchi le pinceau de rayons X pour fournir une tache de diffraction. Je passais tout un après-midi avec Mauguin ; c'était un homme affable et simple, à l'esprit remarquablement clair, qui m'expliqua ce qu'était un cristal. Il me montra des clichés de rayons X qui sont parmi les documents les plus beaux de la physique.

En le quittant, après cet entretien, j'étais étonné d'avoir suivi tant de cours de physique et de chimie, à la Sorbonne et à l'Ecole, sans avoir entendu parler des découvertes de Laüe et de Bragg. Je rencontrais très vite Henri Longchambon qui avait été préparateur au Laboratoire de Minéralogie où il avait préparé sa thèse de doctorat pour devenir professeur de minéralogie à Montpellier. (Il fut plus tard doyen de la Faculté des Sciences de Lyon, l'un des directeurs créateurs du C.N.R.S. en 1937, Ministre avec de Gaulle après la guerre). Je lui fis part de mon attrait pour les études de Ch. Mauguin ; il m'encouragea à suivre cette voie nouvelle des rayons X en France. Une fois décidé à m'y engager, je fus embarrassé d'en faire part à Eugène Bloch. Pas du tout rancunier, ce dernier organisa mon année de diplôme auprès de Mauguin.

Le Laboratoire de Minéralogie de la Sorbonne au début du siècle.

Il était dirigé, depuis 1903, par Frédéric Wallerant. Celui-ci avait succédé à Paul Hautefeuille, bien connu par ses travaux sur le rôle des minéralisateurs dans les synthèses minérales. Nous avons encore dans la collection des cristaux obtenus au laboratoire, en particulier des émeraudes magnifiques de quelques millimètres, formées dans les fours de Hautefeuille avec son préparateur Maurice Blondel. J'ai bien connu ce dernier. Il venait souvent au laboratoire admirer la Collection de Minéraux qu'il avait lui-même aménagée. Il me racontait l'installation de la Minéralogie à la Faculté des Sciences dans un vieil immeuble du quartier des Collèges, la démolition de ce quartier pour bâtir la nouvelle Sorbonne, le transfert du laboratoire dans un hangar de la rue des Feuillantines, les grandes discussions sur le lieu de reconstruction des laboratoires et les protestations quasi unanimes quand on avait envisagé de construire la nouvelle Faculté des Sciences sur un vaste emplacement, occupé maintenant par la prison de la Santé, jugé par la plupart des enseignants trop éloigné du centre de Paris. C'est ainsi que notre laboratoire, avec la nouvelle Sorbonne, fut reconstruit sensiblement au même endroit que celui qu'il occupait lors de la création de la chaire de Minéralogie en 1809 par Napoléon. Maurice Blondel avait 94 ans quand il mourut en 1962 ; il était le grand père de Boulanger, professeur de géologie à Amiens, mort prématurément et que beaucoup ici ont bien connu.

Revenons à Frédéric Wallerant. Il était Maître de Conférences à l'Ecole Normale, chargé de la préparation des élèves au Concours de l'Agrégation des Sciences Naturelles, quand il vint à la Sorbonne. Il donna à son enseignement et aux recherches du laboratoire une orientation plus cristallographique, plus physique et avec lui la Minéralogie n'avait plus son aspect prédominant de chimie minérale. Il perfectionna les méthodes d'optique cristalline ; ses travaux sur l'isomorphisme, le polymorphisme, sont encore cités et ses cours d'optique cristalline étaient fidèlement suivis par un auditoire attiré par de magnifiques projections qui nécessitaient un long travail de préparation. Il était préoccupé par des problèmes de théorie sur la structure intime de la matière solide ; lorsque Otto Lehmann, en Allemagne, découvrit les cristaux liquides, il appela auprès de lui, en 1910, Charles Mauguin qui venait de terminer une thèse de Chimie Organique à l'Ecole Normale et qui s'intéressait à la Cristallographie. Celui-ci fit rapidement des découvertes fondamentales sur ce nouvel état de la matière ; il quitta le laboratoire en 1912 pour l'Université de Bordeaux, puis en 1913 pour Nancy où il occupa la chaire de Minéralogie. Il revint à la Sorbonne, auprès de Wallerant, en 1919. Quand, en 1912, Laüe fit sa découverte de la diffraction cristalline des rayons X, Wallerant, avec son ami, le physicien Villars, bien connu pour ses travaux sur la décharge électrique dans les gaz raréfiés, essaya en vain de répéter cette expérience. J'ai eu l'occasion de voir les pièces de son montage ; la haute tension était fournie par une bobine de Rumhkorf, l'ampoule était au centre d'une grande cage en plomb, le pinceau de rayons X était délimité par un collimateur avec deux trous très fins, de sorte qu'il eût fallu des temps de pose considérables pour manifester le phénomène. La guerre, en 1914, mit fin à ces essais. Le préparateur, Tronquoy, qui avait succédé à Mauguin comme préparateur et qui terminait une thèse de pétrographie, fut mobilisé et tué en 1915. Le seul laboratoire, en France, qui, dans les quelques mois qui précédèrent la première guerre mondiale, se signala par des publications remarquables sur la diffraction cristalline et la physique des rayons X, fut celui que Maurice de Broglie avait installé dans son hôtel particulier des Champs Elysées.

Quand je vins, en octobre 1925, pour mon diplôme, le laboratoire de la Sorbonne m'apparut extraordinairement vide. Les travaux pratiques des étudiants étaient assurés une matinée par semaine par l'Abbé Gaudefroy, professeur à l'Institut Catholique, qui était venu, au début de la guerre, remplacer Tronquoy. Les seuls présents étaient Wallerant et Mauguin, avec deux garçons de laboratoire qui ciraient les parquets, nettoyaient et faisaient du laboratoire le plus propre de la Sorbonne. Mauguin m'avait demandé de reproduire des cristaux d'un acétate de zinc que le professeur de chimie minérale, Victor Augé, avait obtenus accidentellement et de les examiner aux rayons X. Il fallait distiller, dans un vide poussé, de l'anhydride acétique sur un sel de zinc dans un long tube de silice, porté à haute température. Très vite, je me suis rendu compte que cette activité chimique indisposait les deux garçons dans leur douce somnolence ; les paillasses étaient encombrées, je salissais, le laboratoire avait une odeur d'acide acétique. J'expliquais à Mauguin que j'irais beaucoup plus vite au laboratoire de l'Ecole Normale, voisin de la Sorbonne, animé, plus vivant, mieux équipé, où je connaissais tout le monde. Je quittais donc la Sorbonne pour y revenir deux mois plus tard, avec de magnifiques octaèdres de l'acétate basique de zinc qu'il fallait soumettre à l'action des rayons X.

Je passais alors l'année la plus fructueuse de ma vie d'étudiant, le plus souvent seul avec Mauguin qui m'a appris la Cristallographie, avec qui j'ai dessiné les tubes à rayons X, les diffractomètres. Nous étions alors le seul laboratoire en France à utiliser les rayons X, à la manière des Bragg, pour déterminer les structures atomiques des cristaux. C'est dire qu'il n'existait dans le commerce aucun appareil et qu'il fallait tout fabriquer.

Mauguin, à son arrivée en 1919, avait dû, aidé par les deux frères Louis, puis Henri Longchambon, installer lui-même les lignes d'arrivée du courant alternatif indispensable pour alimenter les transformateurs de haute tension (la plupart des laboratoires de la Sorbonne ne disposaient que du courant continu réputé moins dangereux que le courant alternatif). Le tube à rayons X, construit d'après nos dessins dans un atelier de mécanique du quartier, était démontable ; il fallait un vide le plus élevé possible que l'on atteignait difficilement avec une pompe moléculaire rotative de Holweck (physicien arrêté et tué par la Gestapo en 1940). Souvent un arc s'allumait ; le filament était brûlé ; il fallait deux heures de travail pour démonter l'appareil, refaire le filament de tungstène, et vider le tube avec une pompe rotative à huile et la pompe Holweck. La réparation ne coûtait que les quelques centimes du fil du tungstène du filament, et le tube était, de ce fait, inusable. Mais cette installation instable de par la mauvaise qualité du vide nécessitait une présence constante ; et il fallait se protéger de l'action nocive des rayons X par un grand écran mobile en plomb.

Le laboratoire n'avait pas d'atelier de mécanique et il avait fallu la foi, l'enthousiasme de Charles Mauguin, convaincu de l'importance des travaux qui se réalisaient en Angleterre avec Sir William Henry Bragg et son fils William Lawrence, pour abandonner ses recherches si fructueuses sur les cristaux liquides et se lancer dans cette voie nouvelle de la radiocristallographie. Et dans tous les milieux scientifiques de l'époque (1925), rares étaient ceux qui croyaient à la structure atomique du chlorure de sodium de William Lawrence Bragg ; essayer de révéler la disposition mutuelle des atomes dans un corps solide apparaissait comme une tentative puérile et inutile. Le directeur du Laboratoire de Chimie de l'Ecole Normale, Lespieau, que nous aimions bien, nous disait, dans ses cours, ses difficultés, au début de sa carrière, pour publier ses résultats car il utilisait la notation atomique et non celle des équivalents. Mais lui-même souriait avec ironie quand je lui disais mon espoir de visualiser les atomes grâce aux courtes longueurs d'onde des rayons X ; et Georges Urbain, le grand chimiste des Terres rares, qui fut l'un de mes professeurs de chimie à la Sorbonne, chez qui avait été fabriqué l'acétate basique de zinc, me dit un jour qu'il ne voyait aucun intérêt "à jouer au bilboquet avec les atomes".

Dans mon année si fructueuse de diplôme, je préparais le certificat de Minéralogie en suivant les cours remarquables de Wallerant et de Mauguin. L'abbé Gaudefroy, avec ses travaux pratiques, me fit connaître et aimer les minéraux.

Et quand, à la fin de l'année scolaire, je quittai le laboratoire pour une année de préparation de l'agrégation de Physique et Chimie, et une année de service militaire, mes deux professeurs me proposèrent de revenir ensuite à la Sorbonne comme assistant pour y préparer une thèse de doctorat. Ils envisagèrent de faire installer, dans la grande pièce qu'ils me réservaient, un nouveau poste de rayons X.

Quand je revins au laboratoire, en octobre 1928, je mis au point l'installation des rayons X, les chambres de diffraction, je participai à l'enseignement en assurant les expériences des cours, en particulier les projections d'optique cristalline du cours de M. Wallerant, tout en dirigeant les travaux pratiques de la trentaine d'étudiants préparant leur licence. La Société française de Minéralogie avait son siège au laboratoire de la Sorbonne, et la tradition voulait que le préparateur en assure la gestion, organise la réunion mensuelle et soit le rédacteur du Bulletin de la Société. Je n'avais aucune aide ; il me fallut du temps pour convaincre M. Wallerant que l'installation d'un téléphone au laboratoire faciliterait mes relations avec l'imprimeur du Bulletin et avec les membres du Bureau de la Société française de Minéralogie. Je vis bientôt arriver avec plaisir deux chercheurs attirés, comme moi, vers la radiocristallographie, Stanislas Goldsztaub et Jean Laval. Les deux garçons de laboratoire, que j'avais connus pendant mon diplôme furent bientôt remplacés, à la suite de leur départ à la retraite, par deux jeunes hommes actifs, dont l'un, bon mécanicien, nous aida dans nos montages.

Le choix de mon sujet de thèse, vu maintenant avec le recul des années, révèle le fossé qui séparait la Physique et la Chimie et la situation inconfortable de la Cristallographie. M. Mauguin m'avait demandé d'étudier un argent orthorhombique à propriétés singulières, préparé par électrolyse dans un laboratoire voisin. Je passais quelques semaines à essayer, en vain, de le reproduire dans les conditions indiquées par son inventeur. Quand je fus convaincu de l'échec de mes tentatives, je pris contact avec l'auteur, j'étudiai ses clichés de rayons X et me rendis vite compte que cet argent à densité particulièrement petite était né d'une erreur grossière d'interprétation des clichés X. Cependant cet argent a été longtemps signalé dans les Traités de Chimie.

M. Wallerant m'avait aussi demandé d'examiner la famille des zéolites qui comprend un grand nombre d'espèces minérales aux propriétés physico-chimiques singulières. Je fus aussitôt attiré par ce sujet. Car, dans tous mes cours de licence, je n'avais jamais entendu parler de silicates. Et Charles Mauguin venait de terminer une étude remarquable sur les micas. Les silicates, par leur insolubilité dans les solvants classiques, par les variations dans leur composition chimique liées à leur isomorphisme, n'étaient étudiés que dans certains laboratoires très spécialisés et surtout par les minéralogistes. Leur analyse chimique, longue et difficile, exigeait au moins 2 grammes de matière dont l'homogénéité, contrôlée au microscope optique, était difficilement réalisée. Et les idées théoriques qui prédominaient au 19ème siècle et dans les premières années de ce siècle, qui considéraient un silicate comme un mélange de sels d'acides siliciques, compliquaient l'interprétation des analyses chimiques. On était conduit à séparer, par exemple, les différents grenats, grossulaire, almandin, mélanite, dans des familles différentes. Cependant, déjà René Just Haüy et surtout Beudant, qui lui succéda dans la chaire de Minéralogie de 1822 à 1840, avaient insisté sur le fait qu'un minéral se définit, non seulement par sa composition chimique, mais aussi par ses caractères cristallographiques. Notons, en passant, que la chaire de Minéralogie, l'une des 6 chaires de la Faculté des Sciences créées par Napoléon en 1809, comprenait tout l'enseignement des Sciences de la Terre. Beudant utilisait déjà la notation atomique de Berzélius alors que, cinquante ans plus tard, des chimistes influents en France, comme Berthelot, ne l'acceptaient pas.

Le travail de Mauguin sur les micas (1928) fut l'un des tous premiers qui bouleversa nos connaissances sur les silicates. Il choisissait des échantillons bien homogènes de différents micas ; sur chacun d'eux il mesurait la densité, réalisait l'analyse chimique, après avoir mesuré les dimensions de la maille élémentaire à l'aide des rayons X, l'étalon de longueur étant la longueur d'onde du rayonnement utilisé. A partir de la composition chimique centésimale et du nombre d'Avogadro, il trouvait aussitôt, sans aucune hypothèse, le nombre des différents atomes qui intervenait dans la maille élémentaire. Pour tous les micas, si divers chimiquement, on trouve que la somme des atomes d'oxygène est égale à 12 pour les micas non fluorés et pour les micas fluorés, c'est la somme des atomes d'oxygène et de fluor qui est égale à 12, alors que le nombre des cations est souvent fractionnaire, ce qui montre que toutes les mailles ne sont pas chimiquement identiques. Les rayons X révèlent une maille moyenne. Comme le grand géochimiste Victor Goldsmith l'avait montré peu avant, ce sont les atomes d'oxygène qui sont les plus volumineux, l'ion O2- ainsi que l'ion F- ayant un diamètre de 2,7 A. Et comme ce sont, dans les silicates, les atomes les plus nombreux, c'est leur arrangement qui caractérise les propriétés cristallographiques du minéral ; les cations, plus petits, se placent dans les lacunes des sphères d'oxygène au contact pour neutraliser l'édifice par leur charge positive. Par exemple, le silicium, Si , se trouve pratiquement toujours dans les silicates, au centre d'un tétraèdre quasi régulier d'oxygène. Mauguin n'avait pas déterminé la structure atomique des micas, c'est-à-dire l'arrangement géométrique des atomes dans la maille élémentaire. Son travail était purement expérimental ; mais il prouvait que l'unité cristallochimique de tous les micas résidait dans cette invariance O + F = 12. Ce n'est qu'un peu plus tard que Linus Pauling publia leur structure atomique.

Pour tous les cristallographes utilisant les rayons X, ce travail de Mauguin fut un modèle. Mais des chimistes, parmi les plus influents, l'ont considéré comme un jeu de physiciens, loin de la réalité chimique où toute matière devait être constituée de "molécules". C'est ainsi que Georges Urbain voulut toujours trouver, dans toute matière cristallisée, une molécule caractéristique. S'il est bien vrai que la molécule chimique de l'état gazeux se retrouve, à peine modifiée, dans les cristaux organiques, il devient artificiel d'isoler dans un cristal de sel gemme, qui est un édifice d'ions Na et Cl , une molécule NaCl ; de même, dans le diamant, où tous les atomes jouent le même rôle, chacun étant au centre d'un tétraèdre lié à 4 autres par des liaisons de covalence, c'est le cristal tout entier qui apparaît alors comme une gigantesque macromolécule.

La plupart des minéralogistes eurent du travail de Mauguin la même opinion que les chimistes pour qui les silicates étaient des sels d'acides siliciques. C'est ainsi que Jean Orcel qui, dans le même temps, terminait sa thèse sur les chlorites, refusa l'aide insistante et désintéressée de Mauguin de soumettre ses échantillons aux rayons X. Mauguin fit alors rapidement sur les chlorites, à partir des analyses chimiques d'Orcel, un travail analogue à celui qu'il avait consacré aux micas et montra que la maille élémentaire, sensiblement la même pour toutes les variétés, comprend 18 atomes d'oxygène, dont l'arrangement géométrique caractérise toutes les chlorites.

L'identification des minéraux.

Dès le début de mes recherches sur les zéolites, je me rendis vite compte que l'identification des échantillons était le plus souvent douteuse. Je fus conduit à mettre au point des mesures rapides et suffisamment précises de caractères physiques comme la densité avec l'aide d'une balance de précision (le 1/100 mg), comme l'indice de réfraction, avec des séries de liquides bien étalonnés, avec, toujours, bien sûr, l'examen des propriétés optiques au microscope polarisant et les clichés de rayons X.

Le grand physicien Aimé Cotton, qui avait été mon professeur de Physique et qui travaillait dans un laboratoire voisin, venait souvent avec un échantillon naturel ou industriel pour que je lui donne tout aussitôt, en quelques minutes, ses caractères physiques, la densité avec 3 chiffres, l'indice de réfraction avec 4 chiffres.

A la même époque, vers 1930, je fis la connaissance des minéralogistes Bannister et Max Hey du British Muséum, qui étudiaient tous deux les zéolites au laboratoire, en même temps qu'ils consacraient une grande partie de leur temps à contrôler les échantillons de cette famille de minéraux de la célèbre collection. Je ne fus pas trop surpris quand ils m'affirmèrent que ce travail pénible de rangement était nécessaire, car la moitié des étiquettes étaient fausses. J'assistais, à l'époque, tous les samedis après-midi au cours d'Alfred Lacroix, au Muséum. Un jour qu'il me montrait un nouvel échantillon qu'il venait de recevoir, qu'il identifiait rapidement, à l'oeil, je lui demandais s'il était certain de son diagnostic ; il me répondit "Quand je vois un chien dans la rue, je dis que c'est un chien". Je dois avouer que sa réponse ne me satisfit pas, malgré le respect profond que je lui portais. Il faut dire aussi que, pour la plupart des minéralogistes, mes recherches comme celles de Mauguin, étaient davantage de la Physique, loin de la Minéralogie.

Lorsque le matin, M. Frédéric Wallerant, arrivait au laboratoire, il me faisait une courte visite. Il était petit, maigre, infirme avec une jambe plus courte que l'autre ; son visage était sévère. Cependant, quand on le connaissait, on s'apercevait que son allure autoritaire masquait une grande bonté. Je lui montrais mes clichés de rayons X, mes montages. Mais quand je lui parlais "atomes", une lueur narquoise s'allumait dans ses yeux. Comme la plupart des chimistes et des minéralogistes, en 1930, il ne croyait pas à la réalité des atomes révélés par les rayons X. Cependant, lui voyait bien l'importance des rayons X qui agissaient comme une sorte de goniomètre puissant pour révéler le réseau cristallin et sa symétrie intime.

J'assistais aussi aux recherches de Ch. Mauguin sur la représentation rationnelle des 230 groupes de symétrie de Schoenflies-Fedoroff. Elles aboutirent à un symbolisme que tous les cristallographes du monde connaissent sous le nom de notation Hermann-Mauguin. Comme les recherches radiocristallographiques se multipliaient dans le monde, la nécessité se faisait sentir d'une présentation mathématique uniforme pour faciliter la compréhension des résultats publiés. A l'initiative du grand cristallographie P. Ewald, mort tout récemment, et de son assistant Hermann, plusieurs savants réputés, W.L. Bragg, Bernal, Mrs Lonsdale, de Grande-Bretagne, les américains Ralph Wyckoff et Linus Pauling se réunirent en Europe et deux fois dans notre laboratoire vers la fin des années 20. J'ai assisté à ces réunions qui aboutirent à un projet de publication de "Tables Internationales pour la détermination des structures cristallines". Je fus chargé de dessiner, pour chacun des groupes de symétrie, deux figures, l'une avec la maille et ses éléments de symétrie, l'autre avec tous les points dits "équivalents", se déduisant les uns des autres par les opérations de symétrie. Je préparais les dessins le jour, tout en surveillant mon tube à rayons X et, deux fois par semaine, un dessinateur industriel venait à la Sorbonne pour, le soir, à 20 h, prendre mes brouillons que je lui expliquais, et il me rapportait les dessins prêts pour l'impression que je vérifiais. Le livre que tous les radiocristallographes ont utilisé chaque jour fut publié dans les années 1930. Plus tard, en 1947, on créa à Londres l'Union Internationale de Cristallographie. On a fait depuis plusieurs éditions des Tables Internationales, fort développées, mais je me réjouis de retrouver, à chaque fois, mes dessins non modifiés.

Quand Wallerant partit en retraite en 1933, Mauguin le remplaça ; et je fus nommé Maître de Conférences.

Alors que l'activité principale du laboratoire se développait avec l'arrivée de chercheurs français et étrangers, j'avais été conduit, à la suite d'un travail sur la structure atomique et le polymorphisme singulier de la leucite, à essayer de reproduire, par voie hydrothermale, ce silicate dans un autoclave du commerce. Je m'aperçut rapidement du grand pouvoir minéralisateur de l'eau intervenant sous pression pour la reproduction de la plupart des silicates des roches superficielles. De telles expériences avaient bien été réalisées à la fin du siècle dernier, en particulier par Charles Friedel, mais l'attention des pétrographes se portait alors sur les diagrammes d'équilibre établis par voie sèche, particulièrement par l'Ecole américaine du Geophysical Survey. Je travaillais d'abord seul, avec un matériel fruste : mes autoclaves étaient fabriqués au laboratoire avec l'un des garçons devenu très habile à partir de tubes de canon D.C.A. réformés. J'avais l'avantage de pouvoir travailler sur de petites quantités de matière, grâce à la puissance d'identification des rayons X. Mon travail solitaire dans cette voie fut profondément modifié à la suite d'un événement singulier qu'avec les années de recul je puis bien raconter. Un lundi matin, vers 10 h, M. Alfred Lacroix me téléphone pour me demander d'identifier un cristal aciculaire, hyalin, de quelques millimètres. J'accepte bien sûr, fort surpris car M. Lacroix était réputé mondialement, avec juste raison, comme l'un des plus grands minéralogistes. Il me fait envoyer son cristal. Il me faut quelques minutes, avec ma balance de précision, pour en déterminer la densité et sa nature, la willémite, Zn2SiO4, grâce à des Tables minéralogiques ; un bref regard au microscope polarisant me montre qu'il s'agit bien d'un minéral rhomboédrique. De sorte qu'une demi-heure plus tard, je téléphonais à M. Lacroix mon diagnostic en lui disant que je le confirmerai avec certitude après le cliché de rayons X que j'avais déjà mis en route. M. Lacroix me demanda, le lendemain, de venir le voir. Il me montra une note très détaillée intitulée "Sur une nouvelle forme de quartz", qu'il aurait présentée la veille pour les Comptes rendus de l'Académie. Les cristaux de willémite lui avaient été donnés par le professeur Albert Michel-Lévy. Ils provenaient d'une expérience sur l'action de l'onde de choc sur un gel de silice pure provoquée par un explosif dans un autoclave en acier. Les cristaux se formaient sur la partie supérieure de l'autoclave après un recuit convenable. Cette aventure eut pour moi trois conséquences importantes. D'abord, elle me conforta dans ma conviction de méfiance dans l'identification qualitative d'un minéral et que dans le moindre doute, il faut faire appel à des mesures. Puis, pour Alfred Lacroix, je cessais d'être le physicien et je devins, jusqu'à sa mort, son ami et souvent son confident. Et elle me fit connaître Albert Michel-Lévy, dont le laboratoire était tout voisin du mien. J'allais le voir et j'appris les conditions de son expérience. Le gel de silice avait été placé dans un tube de laiton d'où provenait le zinc de la willémite. Son but, associé au Général Muraour qui dirigeait le laboratoire de recherches des Poudres, était l'étude des effets des explosions volcaniques sur les roches. Nous décidâmes d'associer nos efforts et ce fut le début d'une amitié profonde et d'une collaboration fructueuse pour moi. Comme s'il était pressé, car il sentait la guerre venir, il lui fallait jeter des coups de sonde dans les différentes voies de la pétrographie. Il disposait d'un atelier et surtout d'un excellent mécanicien, Leriche, que beaucoup ici ont connu, et nous avons reproduit de nombreux minéraux. La guerre interrompit notre collaboration qui ne reprit, à la fin des hostilités, que pour peu de temps, car M. Michel-Lévy fut très malade.

Mon Laboratoire à la Sorbonne s'était équipé. En 1937, j'eus la chance de recruter, grâce à la Caisse des Sciences, qui devint, peu après, le C.N.R.S., un collaborateur technique, déjà âgé, M. Salagnac, dévoué, sympathique et qui devint vite mon ami. Je repris mes expériences avec des autoclaves plus perfectionnés construits au laboratoire et avec une équipe qui s'amplifia avec les années, d'abord avec Mireille Michel-Lévy qui devint Madame Christophe et qui travaille toujours dans le même laboratoire puis Germain Sabatier, qui anima avec Iiyama une équipe qui devint si importante en personnes et en matériel qu'il lui fallut quitter la Sorbonne pour aboutir à Orléans, en laissant cependant Mme Lagache à l'Ecole Normale.

Je voudrais cependant rappeler les critiques, voire l'hostilité, de la plupart des milieux scientifiques français et étrangers quand nous avons publié nos premiers résultats. Comme la plupart des silicates obtenus avec l'action de l'eau supercritique étaient anhydres et que la mode était aux réactions à l'état solide, on a nié l'action de l'eau. On trouve dans le Bulletin de la Société française de Minéralogie une critique à une de mes notes où l'on affirme que l'eau est le phlogistique des anciens. Et je fus même agressé, au Congrès de l'Union Internationale de Géologie à Copenhague, par un minéralogiste très connu qui affirma que nos expériences truquées n'étaient pas reproductibles. Il a fallu que l'Américain Orville retrouve, cinq ans après, certains de nos résultats pour faire cesser les critiques ; mais nous voici loin de mon propos qui devait s'arrêter à la fin de la dernière guerre. J'ajouterai, cependant, que M. Deicha a subi aussi les critiques des pétrographes qui niaient l'action de l'eau pourtant visible dans ses inclusions.

En manière de Conclusion.

Avec ces souvenirs personnels sur la Minéralogie à la Sorbonne dans la vingtaine d'années qui a séparé les deux guerres, j'ai essayé de montrer les difficultés rencontrées pour créer, en France, une Ecole de Radiocristallographie, à l'initiative de Charles Mauguin. Notre retard était considérable sur les équipes de savants éminents dont s'étaient entourés les Bragg en Angleterre. On ne trouvait, dans notre pays, ni tubes à rayons X, ni diffracto-mètres. Il a fallu dessiner tous les appareils, et les faire construire, à l'extérieur de l'Université, car nous n'avions pas d'atelier. Mais surtout, au début, dans les années 20, nos milieux scientifiques, terriblement décimés par la guerre, vieillis, n'acceptaient pas les structures atomiques établies par les Bragg. Sans doute que l'influence de Marcellin Berthelot, qui rejetait "l'hypothèse atomique" et dont l'enseignement se faisait avec la "notation des équivalents" pesait encore sur le monde des chimistes français. Pourtant, dans son enseignement et dans son traité de Minéralogie, Beudant, qui succéda à René-Just Haüy dans notre Chaire de Minéralogie de la Sorbonne, qu'il occupa de 1822 à 1840, utilisa déjà la notation atomique de Berzélius. Mais, en 1925, des chimistes atomiques aussi avancés que Lespieau, Georges Urbain, que j'ai personnellement bien connus, trouvaient saugrenue l'idée de révéler dans un cristal, la nature et les positions mutuelles des atomes. Et Frédéric Wallerant, mon Maître, voyait surtout dans les rayons X le moyen puissant de révéler les propriétés cristallographiques du cristal. Cependant, avec les nombreuses structures qu'établissaient des savants éminents à Londres, au laboratoire de Sir William Henry Bragg et à Manchester, avec Sir Lawrence Bragg, après les travaux de Moseley dans les mois qui ont précédé la guerre, de Niels Bohr sur la structure électronique de l'atome, de Victor Goldschmidt sur la géochimie, les études radiocristallographiques ont peu à peu pénétré, en France, dès 1930, dans les laboratoires de minéralogie et de chimie. L'atome devenait une réalité physique, visible grâce aux rayonnements X dont les longueurs d'onde ont des dimensions comparables. Et comme toutes les sciences sont des sciences de l'atome, les cloisons qui séparaient la physique, la chimie, les sciences de la nature se sont rapidement effondrées. Dans le cristal, les atomes sont quasi-immobiles, interviennent dans un motif qui se répète par translation dans tout le milieu cristallin, et il est beaucoup plus facile d'étudier cet état de la matière avec un pinceau de rayons X de longueur d'onde connue que dans le désordre atomique de l'état gazeux ou liquide. Très vite, avant 1940, on a établi la structure atomique d'un grand nombre de composés de la chimie minérale et des principaux minéraux ; ce sont, pour la plupart, des édifices d'ions et leurs propriétés, leurs classifications qui étaient basées sur des théories inexactes, comme l'idée moléculaire, reçurent une explication lumineuse.

Dans les composés organiques cristallisés, le motif cristallin est généralement la molécule chimique, celle de l'état gazeux. Et les méthodes radiocristallographiques allaient jouer un rôle prédominant dans les tentatives des chimistes pour établir la structure atomique spatiale de leurs produits. Ces recherches n'ont pas cessé depuis de se perfectionner et sont toujours utilisées pour les composés les plus compliqués de la chimie organique et de la biologie moléculaire.

Revenons à la Sorbonne, au laboratoire de Minéralogie et aux laboratoires des Sciences de la Terre, dans les années 1920-1940. La vie, l'activité étaient bouleversées. Il suffisait d'une infime quantité de matière, de l'ordre du milligramme, dont l'homogénéité était aisément contrôlée au microscope polarisant, pour l'identifier à coup sûr par son spectre de rayons X. Nos recherches, nos synthèses sur les silicates s'en trouvaient considérablement simplifiées ; on pouvait multiplier les essais à l'aide de petits autoclaves et de fours électriques, de construction facile. Les méthodes d'analyse chimique, par spectrographie optique, ou aux rayons X, commençaient à se substituer aux méthodes classiques d'analyse chimique, longues, fort coûteuses, qui nécessitaient de trop grandes quantités de matière : au moins 2 grammes pour les silicates. Par exemple, on disposait sur l'anticathode de nos tubes à rayons X démontables, la substance à analyser dissoute dans une perle au borax. Les spectres d'émisssion des rayons X sont simples ; cependant cette méthode d'analyse ne s'est imposée que plus tard, avec la merveilleuse microsonde électronique de Castaing qui fournit, à bas prix, les analyses chimiques des minéraux et des roches à partir de très petites quantités de matière.

En devenant plus précise, la Minéralogie subissait de profondes modifications. Certaines espèces disparaissaient comme les diverses variétés de silice dont les propriétés optiques particulières proviennent de la texture de microcristaux de quartz ; mais de nouveaux minéraux se trouvaient identifiés à coup sûr par leurs propriétés cristallochimiques. Alors qu'au début du 19ème siècle, avec Haüy, on comptait une cinquantaine de minéraux, Beudant décrivait déjà, vers 1830, dans son traité de Minéralogie, 220 espèces bien identifiées par leur composition chimique et leurs propriétés cristallographiques. Et ces dernières années, l'Union Internationale de Minéralogie reconnaît l'existence d'environ 3000 espèces minérales.

Dans la courte période d'entre les deux guerres (20 ans), d'extrême activité sur l'étude de la matière à l'état solide, les travaux théoriques se multipliaient, en particulier ceux se rapportant à la diffraction cristalline des rayons X. Les rayons X ne sont sensibles qu'aux électrons périphériques des atomes et non à leurs noyaux trop lourds. Et très vite, Sir William Henry Bragg avait montré que les clichés de rayonx X fournissaient l'image de Fourier du milieu cristallin. Il établissait ainsi le principe des méthodes dites "directes" qui permettent, à partir de la mesure des intensités des faisceaux de rayons X monochromatiques diffractés, de fournir, en chaque point du milieu, la densité électronique. Les courbes de même densité électronique entourent les noyaux des atomes qui sont ainsi révélés. Quand la composition chimique est simple, la maille est petite et les clichés X ne comprennent qu'un nombre relativement petit de faisceaux diffractés, de l'ordre de la centaine. Mais les calculs itératifs, sont déjà très longs et la méthode devenait inapplicable dès que la composition chimique du motif cristallin se compliquait. Chaque équipe, dans le monde, pour faciliter les calculs, avait ses abaques, ses machines et ce sont les cristallographes qui furent les premiers utilisateurs des ordinateurs. Actuellement, tous les laboratoires de radiocristallographie sont équipés d'ordinateurs puissants qui pilotent les diffractomètres automatiques et qui réalisent rapidement les calculs se rapportant aux composés cristallisés parmi les plus compliqués de la chimie.

Ce bouleversement, cette mutation, en quelques années, des études de la matière solide auxquelles les laboratoires de minéralogie, dont celui de la Sorbonne, ont participé, ont été marqués solennellement, en 1947, par une réunion internationale à Londres à l'invitation de la Royal Society. L'initiative en revenait à Sir Lawrence Bragg, à Laüe et à P.P. Ewald. Il était émouvant, au lendemain de la terrible guerre, d'assister au compte-rendu du représentant de chaque pays sur ses recherches cristallographiques. Et, unanimement, à la fin du Congrès, il fut décidé que serait créée une Union Internationale de Cristallographie. Je fus l'un des membres de la petite commission qui, avec Sir Lawrence Bragg et P.P. Ewald, établirent, au Cavendish Laboratory à Cambridge, les statuts de cette Union dont l'activité, depuis, n'a jamais cessé d'être remarquable.

Cet exposé met aussi en évidence l'importance qu'a prise brusquement la Science depuis la fin de la Première Guerre Mondiale. Pour le souligner, je signalerai le temps considérable qui s'est écoulé entre la découverte de la piézoélectricité, dans notre laboratoire de Minéralogie de la Sorbonne, par les frères Jacques et Pierre Curie, en 1880, et les premières applications industrielles qui ne sont apparues que quelques 40 ans plus tard, et qui, maintenant, se manifestent à chaque instant de notre vie quotidienne. Jacques Curie était alors le préparateur de Charles Friedel qui occupa la chaire de Minéralogie de 1876 à 1884, et eut pour successeur Hautefeuille.