La série Responsabilité & Environnement publie trimestriellement des dossiers thématiques sur des sujets concernant les risques, le développement durable ainsi que l’énergie et les matières premières. Piloté par un spécialiste du secteur sous l’égide du Comité de rédaction de la série, chaque dossier présente une large gamme de points de vue complémentaires, en faisant appel à des auteurs issus à la fois de l’enseignement et de la recherche, de l’entreprise, de l’administration ainsi que du monde politique et associatif. Voir la gouvernance de la série
Marc FESNEAU Ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
Quatrième surface forestière en Europe, la forêt française constitue pour notre pays un patrimoine d’avenir. À la fois pompe à carbone et réserve de biodiversité, elle est aussi un espace de développement économique créateur d’emplois et un lieu de reconnexion des citoyens avec la nature. Plus que jamais, la forêt est un élément clef de nos ambitions climatiques, de lutte contre la perte de biodiversité et de réconciliation de la société française avec la ruralité. La capacité de stockage du carbone de nos forêts est essentielle pour répondre aux objectifs de neutralité climatique de demain. Or, depuis quelques années, sous l’effet du réchauffement climatique, la forêt française fait face à des risques naturels et sanitaires sévères qui provoquent le dépérissement de nombreux massifs. Adapter la gestion des forêts aux évolutions du climat pour leur permettre d’être plus résilientes devient une nécessité absolue. Reconstituer des peuplements en capacité de résister aux évolutions du climat permettra de protéger la biodiversité mais aussi d’assurer la production de bois nécessaire à la décarbonation de nombreux autres secteurs de l’économie comme la construction ou l’emballage.
Par Bérold Costa de BEAUREGARD Élu municipal et exploitant forestier
Et Jean-Luc DUNOYER Directeur de projet du Comité Stratégique de Filière Bois
On attend beaucoup de la forêt, tant par les agréments que par les produits qu’elle fournit. Sa gestion soutenable entre les générations, dont le maintien à long terme du puits carbone forestier, demande que la forêt soit vigoureuse, gérée de façon dynamique et que son produit soit pour l’essentiel orienté vers des usages durables. Et l’agrément suppose que la forêt reste belle. La forêt hexagonale s’est remarquablement développée, en surface et en qualité au siècle dernier. Depuis, les dérèglements climatiques plus rapides que l’adaptation naturelle des forêts questionnent la vitalité à terme de nombreux massifs, une tendance aggravée par l’occurrence de crises telles que des incendies ou des attaques d’insectes ravageurs qui modifient brutalement le paysage forestier local. La qualité de produits susceptibles d’entrer dans des usages du bois s’en trouve elle-même modifiée avec une part attendue croissante de « bois de crise ». D’un point de vue social et économique, le renforcement d’une souveraineté industrielle pour la valorisation et transformation du bois issu de cette récolte française est prioritaire, pour la balance commerciale, pour le maintien d’un tissu industriel diffus autant que pour la réduction d’importantes émissions carbone « logistiques ». Ces sujets prennent leur juste place dans la définition de politiques publiques de transition écologique et de transition vers une économie bas carbone. Politiques pour lesquelles il faudra pouvoir projeter et intégrer un scénario de bouclage en temps long entre gestion des forêts, offre de produits et demandes de consommation, avec une vision systémique des équilibres à conserver et une complémentarité maintenue entre de multiples usages pour le bois.
Jacques VERNIER Président du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT)
Des progrès considérables contre la pollution industrielle ont été faits au cours de ces six dernières décennies, il faut bien le reconnaître. En ce qui concerne la pollution atmosphérique, par exemple, les poussières blanches autour des cimenteries, les rejets de fluor des usines d’aluminium de la Maurienne, les rejets de métaux des usines de plomb-zinc du Nord-Pas-de-Calais, les poussières brunâtres de la sidérurgie, les odeurs dégagées par les usines de pâte à papier, les raffineries de pétrole, voire les usines agroalimentaires ne sont plus qu’un mauvais souvenir. Certaines des usines très polluantes du siècle dernier ont certes disparu, mais avant même leur disparition, des progrès avaient été spectaculaires : notons par exemple la performance des cimenteries qui, de 1960 à 1990 avaient diminué leur rejet de poussières de 99 % ou celle des usines d’aluminium qui avaient diminué leur rejet de fluor de 98 %. L’article de la présente revue consacrée à l’évolution des principaux polluants atmosphériques pendant la période suivante, de 1990 à 2022, montre que les progrès se sont poursuivis et que les rejets de certains polluants clés, comme l’oxyde de soufre, se sont effondrés.
Par Philippe MERLE Ingénieur général des Mines, membre permanent du Conseil général de l’Économie
Qu’est-ce qu’une industrie propre ? La question qui fournit le titre à ce numéro n’a à l’évidence pas de réponse absolue. Tout au plus peut-on tenter de répondre aux questions « qu’est-ce qu’une industrie suffisamment propre » ou « qu’est-ce qu’une industrie comparativement propre ». En France, le sujet de la pollution industrielle relève depuis plus d’un siècle du régime des installations classées, primitivement « établissements dangereux, incommodes et insalubres ». C’est dans ce corpus réglementaire que la France a transposé, quand l’Europe s’est intéressée au sujet, les directives d’abord sectorielles, puis unifiées à partir de 2010, traitant de cette importante question.
Joel BARRE Délégué Interministériel au Nouveau Nucléaire, en charge de la supervision des programmes industriels de nouveau nucléaire en France
La France entretient avec l’énergie nucléaire un rapport sans équivalent parmi les autres pays du monde. Depuis l’impulsion donnée par le Général de Gaulle aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, avec l’ordonnance du 18 octobre 1945 créant le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA), en passant par le plan Messmer lancé en 1974, jusqu’à l’annonce d’un programme de construction de réacteurs nucléaires faite par le président de la République à l’occasion de son discours du 10 février 2022 à Belfort, le nucléaire occupe une place de premier plan dans la politique énergétique française.
Certes, les trois dernières décennies ont été moins porteuses pour l’atome en France et ont pu faire croire que le sort du nucléaire était en sursis. Dans un contexte de relative abondance énergétique et de moindre préoccupation quant à la souveraineté énergétique, les accidents de Tchernobyl (1986) et Fukushima (2011) ont conduit une part croissante de l’opinion publique, en France et dans le monde, à s’opposer au nucléaire comme source d’énergie. Le changement de cap s’est opéré en plusieurs étapes au cours des dernières années : d’abord le discours du président de la République au Creusot en décembre 2020 indiquant que l’avenir énergétique de la France passait par le nucléaire et lançant le projet de nouveau porte-avions à propulsion nucléaire, puis la remise par EDF à l’État d’une proposition concernant la construction de 6 réacteurs de technologie EPR2 à l’été 2021, confortée par l’étude technico-économique « Futurs énergétiques 2050 » publiée par RTE à l’automne 2021, et enfin le discours de Belfort en février 2022 traçant la perspective d’un programme de construction de 6 réacteurs de type EPR2, porté par EDF, et la mise à l’étude de la construction de 8 réacteurs additionnels.
Par Vincent LE BIEZ Adjoint au Délégué interministériel au nouveau nucléaire
Et Paul de LAPEYRIÈRE Chargé de mission à la Délégation interministérielle au nouveau nucléaire
Après un hiver pour l’industrie nucléaire, long de presque trois décennies dans les pays occidentaux, l’heure serait-elle venue du « nouveau nucléaire » ? Ce terme recouvre en pratique plusieurs réalités : de nouveaux réacteurs, dits de troisième génération, dont la technologie est déjà maîtrisée et qui répondent à de fortes exigences de sûreté, des réacteurs de technologies nouvelles, dites de quatrième génération visant à utiliser plus efficacement les ressources en matières fissiles et à générer moins de déchets nucléaires, ou encore des réacteurs de petite taille (SMR) dont le modèle économique est basé sur la production de série plutôt que sur l’effet de taille qui avait prévalu jusqu’alors.
Le nouveau nucléaire se distingue du nucléaire existant, c’est-à-dire la base installée (principalement au cours des décennies 1970 à 1990) qui est la deuxième source mondiale d’électricité décarbonée derrière l’hydroélectricité (mais la première en Europe, aux États-Unis ou au Japon) et dont la prolongation de la durée de vie en toute sûreté représente un défi industriel et énergétique majeur. C’est ce qu’on appelle le Grand Carénage pour le parc nucléaire français d’EDF, avec l’ambition d’amener les réacteurs actuels à 60 ans et au-delà. S’il n’en sera pas question dans le présent numéro des Annales des Mines, il est important de préciser que les enjeux et la dynamique nouvelle en faveur du nucléaire ne se réduisent pas au nouveau nucléaire