La série Enjeux numériques paraît en mars, juin, septembre et décembre en version papier, et la traduction anglaise intégrale des articles est téléchargeable comme la version française sur notre site www.annales.org. Elle traite des enjeux du numérique pour un public éclairé, mais non nécessairement expert, en croisant les regards technologiques, économiques et sociétaux comme le font les Annales des Mines dans toutes leurs publications.
Les objets connectés, communicants, augmentés, font rêver depuis de nombreuses années. On a longtemps annoncé « la révolution » qu’allait entrainer dans leur sillage tous ces objets. Si leur nombre ne cesse d’augmenter et leurs usages de se développer, si les objets communicants n’ont de cesse d’envahir notre quotidien, peut-on réellement parler de révolution ?
La première difficulté rencontrée pour ce numéro est de poser des définitions. En effet, de nombreux concepts interfèrent et se contredisent, on parle indifféremment dans la presse d’objets connectés, de l’Internet des objets, d’interconnections d’objets, d’objets communicants, de bâtiment intelligent, de "smart city", etc.
Le secteur énergétique est révolutionné par le développement des technologies numériques. La numérisation de ce secteur s’est fortement accélérée ces dernières années. Le numérique transforme la manière dont l’énergie est produite en même temps qu’il marque fortement sa consommation. Les enjeux sont considérables, surtout dans un contexte où le secteur de l’énergie est confronté à la transition énergétique. Si le numérique est indéniablement un des outils à privilégier dans la lutte contre le changement climatique, la question de son impact environnemental agite aussi régulièrement le débat public, avec au centre des discussions la neutralité carbone des data centers et les efforts déployés en matière d’éco-conception des services numériques.
Introduction : Quand tout doit se faire à distance
Maurice RONAI
2020 marque peut-être la date de naissance de cette « société numérique » annoncée depuis les années 1960, sous des vocables déjà datés (« société de l’information », « société en réseaux »). Promue ou attendue par les uns, redoutée par d’autres. Une société numérique mondiale de surcroît, car une très large partie de la planète a vu basculer, en 2020, des pans entiers de la vie économique et sociale dans le numérique.
On peine à imaginer ce qu’aurait été le confinement sans les outils numériques : pour apprendre, travailler, commercer, maintenir et entretenir la sociabilité. Assurer la continuité des services publics et des entreprises. Et pour outiller les initiatives de solidarité des institutions, des associations et des citoyens.
« Faire confiance ». Alors que les rapports sociaux semblent se tendre et les repères hérités de la société industrielle disparaître, alors que le numérique constitue un des principaux facteurs de cette transformation des sociétés modernes, « faire confiance » est un mantra que peu de responsables politiques ou d’experts pourraient prétendre revendiquer. Et pourtant, le déploiement de la société de l’information depuis 30 ans a permis la constitution d’avancées aussi majeures pour le progrès que l’encyclopédie Wikipédia, bâtie par des milliers d’anonymes sans lien personnel entre eux, de nouvelles technologies fondées sur un consensus scientifique global ou le développement d’outils informatiques ouverts, au service de tous.
La confiance dans le monde numérique est une notion mal définie, dans laquelle des intérêts divers se retrouvent, selon que l’on parle de technologies, de contenus ou de contributeurs. Dans de nombreux cas, c’est avant tout une question de règles, de procédures et de standards acceptables par tous et dont le respect conditionne un engagement sincère et sécurisé par chacun. Ces règles sont parfois facilitées par les technologies comme le chiffrement asymétrique, et reposent, dans d’autres cas, sur la pratique des organisations et des individus. Ainsi, à la fin du XXe siècle, alors que la « netiquette » prétendait transposer les standards de la cordialité sociale au monde numérique, ces dernières années ont plutôt mis en lumière les abus, la haine en ligne et le complotisme dans un mouvement de relativisation générale de la vérité par la magie de l’accès instantané, démontrant ainsi la fragilité des mécanismes de confiance dans le numérique.