Fils de Charles Louis OLRY, receveur de l'enregistrement, et de Marguerite Joséphine BAUDIER.
Père de René Henri OLRY (1880-1944 ; X 1900)
Albert OLRY est décrit dans le registre matricule de polytechnique comme : Cheveux chatain foncé - Front haut - Nez ordinaire - Yeux bruns - Bouche moyenne - Menton rond - Visage ovale - Taille 166
Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1866, entré 74ème, sorti classé 3ème sur 134 élèves) et de l'Ecole des Mines de Paris (entré 3ème, sorti 2ème). Corps des mines.
D'après Les Ingénieurs des mines du XIXème siècle, André THEPOT :
Après avoir fait ses premières armes d'ingénieur ordinaire à Chambéry (1872), Olry fut envoyé en 1873 à Valenciennes, où il réalisa la Topographie souterraine du bassin houiller de Valenciennes. Nommé à Lille en 1878, il avait été tout de suite recruté par son chef, Matrot, pour faire un cours de mécanique à l'Institut Industriel du Nord (IDN). Il succéda rapidement à son chef comme sous-directeur et directeur des études (1878) puis devint directeur (1885). Dans ces fonctions, il créa un internat et obtint des subventions privées et publiques qui permirent un nouvel essor à l'Ecole. Devenu ingénieur en chef, Olry quitta, pour un temps, la région du Nord pour assurer d'autres fonctions à Nancy, puis à Saint-Etienne où il dirigea pendant un an l'Ecole des Mines en 1887-88. Il avait cependant gardé des liens avec le milieu industriel du Nord qui le choisit en 1892 comme ingénieur conseil de l'Association des Propriétaires d'appareils à Vapeur du Nord de la France. Et tout naturellement, il devenait administrateur de l'Institut Industriel du Nord en 1905 et le restait jusqu'à sa mort en 1913. (L'IDN a maintenant changé de nom est devenu l'Ecole Centrale de Lille).
Publié dans Annales des Mines, 11ème série tome IV, 1913.
Messieurs,
En venant exprimer ici, au nom de la Commission centrale des machines à vapeur, les regrets qu'elle éprouve de la perte d'un de ses membres les plus anciens, dont elle appréciait hautement la compétence et les services, je me sens d'autant plus ému que je dis adieu en même temps à un compatriote lorrain et à un vieux camarade de l'Ecole polytechnique, et c'est du fond du coeur que je m'unis à la douleur de tous les siens.
Originaire des Vosges, Albert Olry était entré en 1866 à l'Ecole polytechnique, où il n'avait pas tardé à gagner les premiers rangs; il en était sorti élève-ingénieur des Mines, et après une année passée comme ingénieur ordinaire au poste de Chambéry, il était envoyé dans le Nord, où il allait acquérir par l'exercice même de ses fonctions cette compétence spéciale en matière d'appareils à vapeur qui devait être une des caractéristiques de sa carrière administrative et technique et décider de son orientation.
Il passait d'abord cinq années à Valenciennes, où il se familiarisait avec les exploitations minières et commençait, pour le service des Topographies souterraines, l'étude de la portion du bassin houiller comprise dans le département du Nord, qui devait l'occuper pendant des années, et à laquelle il a donné plus tard pour pendant l'étude similaire relative au bassin d'Hardinghen, - oeuvres considérables l'une et l'autre, que je ne pouvais omettre de rappeler, sachant, pour l'avoir vu à l'oeuvre, quelle somme de travail il y a consacrée. En 1878, Olry avait été appelé, de la résidence de Valenciennes, à celle de Lille et chargé, en même temps que d'un arrondissement de contrôle sur le chemin de fer du Nord, d'un des services d'appareils à vapeur les plus importants de la France : les notes ou rapports qu'il a publiés dès cette époque dans les Annales des Mines témoignent de l'intérêt qu'il prenait à ce service et de la compétence dont il y faisait preuve. Il devenait en outre successivement sous-directeur, puis directeur de l'Institut industriel et agronomique du Nord de la France, entrant de plus en plus intimement en contact avec la grande industrie du département et déployant des qualités d'administrateur qui le firent un peu plus tard, après deux années de séjour à Nancy en qualité d'ingénieur on chef, désigner par le Ministre des Travaux publics comme directeur de l'Ecole des Mines de Saint-Etienne : il était survenu à l'Ecole certaines difficultés d'ordre politique et administratif, qui ne laissaient pas d'être préoccupantes, et dont son esprit conciliant, son tact et sa fermeté surent avoir rapidement raison.
Olry ne resta, d'ailleurs, que peu de temps à Saint-Étienne, et vers le milieu de l'année 1888 il venait prendre à la Commission centrale des machines à vapeur les importantes fonctions de rapporteur, occupées avant lui par Michel Lévy, puis, quelques années après, de secrétaire-rapporteur. On sait avec quelle activité et quelle compétence il s'en acquitta, et quelle part considérable il prit à la première série des travaux concernant la révision du décret de 1880. Mais les souvenirs qu'il avait laissés à Lille, l'appréciation que faisaient les industriels de sa valeur technique, lui valaient bientôt un appel de l'Association des propriétaires d'appareils à vapeur du Nord de la France, qui sollicitait ses services à titre d'ingénieur-conseil; et s'il fut autorisé à répondre à cet appel tout en conservant les fonctions d'ingénieur en chef du contrôle des chemins de fer qui lui avaient été confiées par l'Administration des Travaux publics en sus de celles de secrétaire-rapporteur à la Commission centrale, il était impossible de concilier ces dernières avec celles qu'il allait exercer, et il dut, en 1892, se séparer de la Commission.
Il n'y devait rentrer qu'en 1908, après avoir quitté pendant quelques années le service de l'État pour passer dans l'industrie, et alors qu'il avait, depuis quelques mois déjà, demandé et obtenu sa mise à la retraite. Il revenait à la Commission au titre même qui l'avait amené à la quitter seize ans auparavant, comme représentant de l'Association des propriétaires d'appareils à vapeur du Nord de la France, où il était devenu délégué général du Conseil d'Administration. C'est à la fois à ce titre et à celui de membre de la Commission centrale qu'il fut promu, il y a un peu plus d'un an, au grade d'Officier de la Légion d'honneur, qui venait ainsi couronner la longue et fructueuse collaboration apportée par lui à la Commission.
Bien que depuis un certain nombre de mois sa santé fût sérieusement atteinte, son assiduité aux séances de la Commission centrale ne s'est jamais ralentie, et la vivacité avec laquelle, il y a quelques semaines à peine, il prenait encore part à nos discussions prouve combien son esprit était resté alerte et jeune et combien il s'intéressait toujours à toutes les questions que la Commission est appelée à traiter et pour l'étude desquelles elle était heureuse de faire appel à sa compétence.
Olry a donné à la Commission centrale des machines à vapeur ses derniers mois d'activité et l'a jusqu'au bout aidée de ses lumières : elle n'oubliera pas son souvenir, et je suis assuré de me faire l'interprète de tous en offrant à sa famille si cruellement frappée l'hommage de notre profonde sympathie.
Messieurs,
L'homme que nous pleurons aujourd'hui nous était particulièrement cher; il était pour nous non seulement un ingénieur remarquable, un administrateur distingué, mais aussi un grand ami, et j'ai la triste mission de venir lui adresser un dernier adieu, au nom de mes Collègues du Conseil d'administration de l'Association des propriétaires d'appareils à vapeur du Nord de la France.
Bien que lorrain d'origine, M. Olry passa une grande partie de sa carrière dans la région du Nord. Dès le début, il occupa le poste d'Ingénieur des Mines à Valenciennes qu'il quitta pour prendre à Lille les mêmes fonctions, en même temps que celle de sous-directeur de l'Institut industriel du Nord, où il professa, d'ailleurs, avec un talent remarquable, le Cours important de mécanique rationnelle et de mécanique appliquée. Nous nous rappelons tous ce que fut sa gestion, comme Directeur, et l'essor considérable qu'il imprima à cette École technique, qui en ont fait une des premières de France.
Ce fut pendant ce séjour dans le Nord qu'il prit contact avec le monde industriel, et qu'il sut faire apprécier ses qualités éminentes d'Ingénieur et d'Administrateur. Dans toutes les régions d'ailleurs que parcourut M. Olry, il sut s'attirer l'amitié de tous par son aimable bienveillance, sa courtoisie, son esprit alerte et sa science profonde.
A peine avait-il remis sur pied l'Institut industriel du Nord qui traversait une crise à cette époque, qu'il fut chargé, par le Ministère, de prendre la direction de l'Ecole de Saint-Etienne, dont la situation était précaire. Grâce à son caractère aimable et ferme à la fois, M. Olry put aplanir rapidement tous les obstacles, triompher de toutes les difficultés.
Un an après, il rentrait à Paris pour y recevoir les félicitations, combien méritées, du Ministère.
C'est en 1892 que notre Conseil d'administration fit appel au dévouement et à l'intelligence de M. Olry, pour prendre les fonctions de Délégué général. Les éminents services qu'il avait rendus à notre région comme ingénieur du contrôle des appareils à vapeur, sa grande activité, son extrême affabilité, étaient encore présents à la mémoire de tous; aussi son acceptation fut-elle accueillie avec joie parlions, et je puis bien le dire, par tous les Membres de l'Association, dont la plupart avaient eu l'occasion d'apprécier ses qualités maîtresses dans les relations nombreuses existant entre notre organisation et le Service des Mines.
Grâce à son énergique impulsion et à ses hautes capacités, l'Association du Nord acquit un développement véritablement merveilleux.
A son arrivée, elle comptait 3.500 appareils soumis à sa surveillance; elle en compte actuellement 8.500. Tel est le bilan de vingt années d'efforts.
Les bulletins de notre Association sont pleins de travaux et de mémoires, du plus haut intérêt, ayant trait à toutes les questions techniques ou administratives concernant les appareils à vapeur; ils témoignent de l'activité remarquable et de la compétence affirmée de notre Délégué-général.
C'était pour nous un véritable plaisir d'assister aux réunions mensuelles du Conseil d'administration. M. Olry savait, en effet, donner à tous les sujets traités un tel intérêt, une forme si brillante, si séduisante, que nous restions sous le charme, goûtant une véritable jouissance littéraire à écouter sa parole facile et élégante.
Il excellait à dépouiller les questions les plus complexes des détails inutiles qui les obscurcissaient ; il les présentait de telle façon qu'elles apparaissaient claires et limpides, et il en dégageait habilement les caractères essentiels. Sa conversation était des plus intéressantes et grâce à une mémoire prodigieuse, il l'émaillait de souvenirs précis qui en décuplaient l'attrait. Sa plume était aussi merveilleuse et son style était celui des plus distingués écrivains.
J'ai conservé précieusement des lettres qu'il m'écrivait dans une période très triste de ma vie, tant m'avaient ému et consolé les affectueux sentiments de ce grand coeur qui débordait de bonté.
Joignant à sa grande intelligence un jugement sûr, il était pour nous un guide précieux, et nous écoutions religieusement ses avis et ses conseils.
M. Olry a rendu à notre Association les plus grands services et le gouvernement de la République voulut bien enfin le reconnaître en le nommant, l'année dernière, Officier dans l'Ordre de la Légion d'honneur. Notre joie fut grande; il était si apprécié, si aimé de tous, et nous avions espéré que sa santé se serait améliorée. Il n'en a rien été, et nous sommes réduits aujourd'hui à pleurer le départ de ce si bon ami.
Il est de ceux qu'on n'oublie pas ! La place qu'il occupe dans nos coeurs est trop grande, le rôle qu'il a joué au milieu de nous trop important, pour que tout cela s'efface! Nous nous efforcerons de l'imiter un peu ; nous conserverons de lui un impérissable souvenir.
Je souhaite que l'expression si vraie de nos sentiments et de notre profonde sympathie apportent un léger baume dans le coeur des siens qu'il chérissait tant.
Et c'est en pleurant avec les vôtres, mon cher Olry, que je vous dis adieu !
Messieurs,
La mort de notre Collègue est un grand deuil pour la collectivité des Associations de propriétaires d'appareils à vapeur. Nous ne regrettons pas seulement le collègue éclairé qui avait apporté tant d'éclat et d'autorité à nos réunions annuelles, mais encore, et surtout, l'ami sur et dévoué qui avait imprimé a nos Congrès ce caractère d'intimité qui les avait transformés peu à peu en une conférence amicale technique.
En succédant en 1892 à Cornut, dont les grands travaux sont encore présents à l'esprit des Ingénieurs des Associations, Olry continua la collaboration si féconde que la puissante Association du Nord pouvait donner à nos Congrès. Il dirigea plus particulièrement ses travaux dans le domaine de la construction des chaudières. Ses études, toujours très fouillées et largement exposées, resteront un guide sûr et précieux pour la mise en oeuvre des matériaux de générateurs ; elles ont permis de trouver la cause d'avaries restées jusqu'ici inexpliquées, d'en éviter le retour, et de concourir ainsi à l'oeuvre de sécurité qui a toujours été la base de ses recherches.
Ses travaux faisaient loi non seulement en France, mais à l'Étranger, et plus particulièrement dans l'Union internationale des Associations pour la surveillance des chaudières, à laquelle presque toutes les Associations françaises s'étaient rattachées.
Certes, depuis quelque temps, son état de santé préoccupait ses collègues et amis; mais, lui, ne voulait pas s'arrêter. Son ardeur au travail était inlassable ; sa volonté était plus forte que sa santé; jusqu'au dernier moment, il continua ses études; c'est ainsi qu'il s'était inscrit à notre prochain Congrès à la fin de mai pour deux importantes questions; elles resteront pour nous le souvenir du Collègue qui a donné tant de relief à nos Congrès annuels. Les Associations de propriétaires d'appareils à vapeur de France et à l'Etranger lui en resteront profondément reconnaissantes.
Comme je l'ai dit, l'intimité de nos réunions crée entre nous mie réelle amitié. Cette amitié, Olry l'a cultivée et développée, pendant ses vingt années de collaboration, au plus haut degré, et c'est très affectueusement, au nom de mes Collègues français et étrangers, que j'adresse à notre cher ami disparu mes sentiments de profonde émotion. Il laisse parmi nous un vide irréparable !
Ma douloureuse et respectueuse sympathie va aussi à sa famille et surtout à sa veuve, qui accueillait toujours avec tant d'amabilité les Collègues de son mari.
Messieurs,
Le douloureux événement qui nous réunit devant cette tombe met en deuil l'Institut industriel du Nord de la France. M. Olry était en effet Membre du conseil d'administration de cette École, et il y avait, au surplus, rempli de 1878 à 1885 les fonctions de professeur de Mécanique générale, de sous-directeur, puis de directeur. Il avait alors succédé à M. Matrot, puis à M. Masquelez qui furent: celui-ci le fondateur de l'Institut tel qu'il fut compris en 1872, celui-là, l'organisateur des plans d'études qui y furent mis en pratique et en assurèrent le succès.
Ces deux éminents ingénieurs avaient donné au nouvel établissement un brillant essor; néanmoins la tâche qu'assumait M. Olry en en prenant la direction eût été lourde pour tout autre que lui. L'Ecole n'avait encore qu'une centaine d'élèves; elle manquait des ressources indispensables pour faire face aux besoins croissants de l'Enseignement technique dont le développement s'imposait de jour en jour. M. Olry eut à surmonter de grosses difficultés pécuniaires; il dut travailler à intéresser les pouvoirs publics à son oeuvre; il réussit, non sans peine, à obtenir des subventions qui lui permirent de faire faire à l'Institut un pas décisif dans la voie du progrès.
Et quand en 1885, nommé Ingénieur en chef des Mines à Nancy, il dut quitter son poste de Directeur, il éprouva la satisfaction d'enregistrer un glorieux succès à l'actif de l'École; celle-ci obtenait un Diplôme d'honneur et trois Médailles d'or de Collaborateurs à l'Exposition universelle d'Anvers.
L'Institut avait passé par une phase critique, et c'est à M. Olry que revint l'honneur d'en avoir relevé le prestige et assuré l'avenir.
Lorsque vingt ans plus tard, en 1905, l'ancien Directeur revint à Lille, il eut la joie de retrouver son École en pleine prospérité et il lui fut donné de pouvoir encore, comme administrateur, contribuer à en accroître le succès. Sa compétence éprouvée, son inlassable activité, sa grande affabilité, le désignait pour l'étude et l'examen de toutes les questions délicates et ardues de l'Enseignement technique; il fit partie de toutes les Commissions de révision ou de réforme des programmes, et ses avis étaient toujours écoutés.
Il s'attachait d'ailleurs tellement à tout ce qui intéressait l'École que ces jours-ci, la veille de sa mort, ne pouvant se rendre à une séance du Conseil d'administration, il prit à coeur d'écrire - au prix de quels efforts ! - une lettre exposant ses vues sur les questions à traiter, et je dois dire qu'il se trouvait, cette fois encore, en parfaite conformité d'opinion avec ses collègues.
M. Olry a ainsi acquis des titres impérissables à la reconnaissance de l'Institut industriel, et si M. le Préfet du Nord, Président de notre Conseil d'administration, n'avait été retenu dans le département par les obligations impérieuses de sa charge, il serait venu lui-même rendre un suprême hommage à cet homme qui a si bien mérité de notre pays. M. le Préfet me charge de le représenter ici. C'est donc en son nom et au nom de notre Conseil d'administration, au nom aussi et tout spécialement des vétérans de notre corps enseignant qui ont été avec M. Olry les ouvriers de la première heure et qui ont connu avec lui les temps difficiles, que je viens acquitter la dette de reconnaissance que l'Institut industriel a contractée envers l'un de ses plus éminents bienfaiteurs, et que je présente à Mme Olry et à sa famille mes sentiments de respectueuse et douloureuse sympathie.
Messieurs,
Les ingénieurs, anciens élèves de l'Institut industriel du Nord de la France, dont M. Olry fut l'un des plus éminents directeurs, ne m'ont point chargé, en me priant d'être leur interprète, de rappeler ce que fut l'ingénieur distingué, l'industriel remarquable et l'homme puissamment doué que chacun connaissait; ils m'ont simplement chargé d'apporter à sa famille, à ses parents,à ses amis, l'hommage de leur profonde sympathie et d'exposer devant tous quels furent les sentiments affectueux dont jamais ils ne cessèrent d'entourer l'homme de coeur qui vient de disparaître.
Oh! certes! il a rendu bien des services au cours des 25 années et plus qui nous séparent aujourd'hui de l'époque où il eut pour la première fois à s'occuper de l'Institut industriel du Nord; mais ces services, aussi nombreux qu'ils aient été, n'eussent pas suffi pour créer cette atmosphère de chaude et vibrante sympathie qu'il provoquait autour de lui quand il était chez nous.
C'est que, voyez-vous, il savait laisser dans la mémoire de ses obligés autre chose que la satisfaction d'un désir exprimé, que la réalisation d'un rêve ébauché, il savait y laisser une parcelle de lui-même, il savait non seulement donner, mais il savait, mais il tenait aussi à se donner à ceux qu'il aimait.
Dans ce beau vieillard, au front large et intelligent, au regard plein de finesse et de bienveillance, nous nous étions habitués, nous, ses anciens élèves, à placer toute notre confiance, tels de grands fils avec leur père, et lui-même le sentait bien, car il était privé presque autant que nous-mêmes si un malencontreux événement l'empêchait parfois d'assister à l'une quelconque de nos manifestations amicales.
Et à chaque fois, au dessert, de la table d'honneur, il se levait pour parler à ses jeunes amis, comme il aimait à nous appeler; et alors, dès qu'apparaissait au-dessus des têtes sa bonne et souriante physionomie, tout le monde se levait, et l'affectueuse ovation qui lui était faite avant la lettre l'obligeait parfois à garder longtemps le silence.
Et maintenant ! fini !
Tels furent les mots qui, du coeur, montèrent aux lèvres de sos jeunes amis, quand, parmi eux, fut connue la funèbre nouvelle - puis me prenant à part : rien ne peut contre la mort, me dirent-ils; mais, s'il est vrai que rien n'adoucit une douleur comme la sensation de n'être pas seul à l'éprouver, dites bien à ceux qui pleurent, là-bas, notre cher et vénéré maître, dites-leur bien qu'en même temps qu'eux-mêmes, pleurent et souffrent pour la même cause, en tous les points de la France, tous ceux qu'il a aidés, tous ceux qu'il a aimés.
Au nom de tous les anciens élèves que vous avez formés, au nom de tous les ingénieurs sortis de l'Institut industriel du Nord de la France, je vous adresse, ô mon cher Monsieur Olry, le suprême, le dernier adieu.
Messieurs,
C'est le coeur rempli d'une profonde émotion que je viens adresser un suprême adieu à celui dont je fus pendant vingt ans le collaborateur et l'ami.
C'est en effet en 1892 et grâce à l'initiative que j'ai prise et dont je me suis souvent félicité, car elle a eu des résultats heureux et féconds, puisque M. Olry fut appelé à l'Association du Nord à titre de Délégué général.
M. Olry était très connu dans notre région; il avait occupé successivement le poste d'Ingénieur des Mines à Valenciennes et à Lille, et il s'y était créé de nombreuses relations et des amitiés durables. Ce fut à cette époque qu'il prit en mains les rênes de l'Institut industriel comme sous-directeur d'abord, puis comme directeur, et nous nous souvenons tous, professeurs et élèves, des qualités admirables dont il fit preuve dans la période difficile que l'Ecole traversait, et avec quel entrain ot quelle énergie il lui communiqua l'élan nécessaire pour sortir de la pénible situation où elle se débattait et triompher des obstacles qui s'étaient accumulés devant elle.
Ces souvenirs étaient encore très vivaces quand M. Olry vint à Lille, à l'Association ; aussi fut-il accueilli avec beaucoup de sympathie par les Membres du Conseil d'administration et par le personnel. Il ne pouvait en être autrement : on se sentait, en effet, dès qu'on l'avait approché, attiré vers cet homme qui par une des rares faveurs de la Providence, eut le bonheur de réunir en lui toutes les qualités d'esprit et de coeur qui caractérisent l'homme supérieur.
Doué d'une intelligence hors ligne, d'une facilité d'assimilation remarquable, M. Olry eut bientôt fait de se mettre au courant du fonctionnement de l'Association, qu'il connaissait d'ailleurs de longue date et dont il avait su apprécier les services alors qu'il était Ingénieur des Mines dans notre contrée.
Bien que se confinant plus particulièrement dans la partie administrative, il suivait cependant avec grand intérêt les travaux de toute nature qui ont trait au service des chaudières et machines, et c'était un plaisir pour moi de le tenir au courant de nos recherches, des incidents qui surgissent à chaque instant dans notre profession; il était toujours d'un excellent conseil car, chez lui, le bon sens égalait l'intelligence.
Il prenait goût à nos travaux ; il se passionnait pour certaines questions ; son activité prodigieuse était toujours à l'affût d'études auxquelles il s'adonnait avec une véritable jouissance. Il redoutait l'oisiveté et était toujours en quête d'un travail à entreprendre, d'une note à rédiger.
Il n'était jamais plus heureux que lorsque je lui apportais une question nouvelle ou l'occasion de compléter des recherches antérieures. Il avait un talent remarquable d'exposition et d'analyse, excellait dans la mise en relief des plus petits détails dont il tirait, avec la logique impeccable du mathématicien, des conclusions nettes, précises, et des renseignements précieux.
Nos bulletins annuels sont remplis de travaux effectués, dans la collaboration la plus complète, mais chacun d'eux porte l'empreinte particulière que savait donner M. Olry à tout ce qu'il entreprenait. Écrivain merveilleux, il était en même temps doué d'un talent de parole remarquable. C'était enfin un homme de bien et un homme de coeur. C'est pour cette, raison qu'il conquit immédiatement le respect et la sympathie du personnel de notre Association.
Il était juste et bon, accessible à tous, écoutant avec intérêt les requêtes qui lui étaient adressées et y faisant droit dans la mesure du possible. Aussi, tous, ingénieurs, inspecteurs, employés, ne lui ont-ils jamais marchandé leur dévouement et leur zèle.
Lorsque l'an dernier, la nouvelle nous parvint de sa promotion au grade d'Officier de la Légion d'honneur, ce fut une véritable joie parmi nous, et il put alors constater, par les témoignages nombreux et touchants dont il fut l'objet, la sympathie qu'il avait su inspirer à tout le personnel. Nous avons encore présentes à la mémoire les paroles pleines de coeur qu'il nous adressa et la manière émue dont il sut nous dépeindre les sentiments dont son âme était remplie pour ses collaborateurs.
Il avait su créer à Lille, autour de lui, une atmosphère de sympathie dans laquelle il était heureux. Nous étions pour lui une seconde famille, et le bonheur qu'il éprouvait de se trouver parmi nous lui faisait surmonter les fatigues des voyages qu'il entreprenait avec le plus grand courage, presque jusqu'aux derniers moments.
La disparition de M. Olry est, pour nous, irréparable ; elle est pour moi des plus cruelles. Je suis peut-être, après sa famille, celui qui le fréquenta le plus ; il est résulté de cette vie commune, de cette intimité qui dura plus de vingt ans, des sentiments profondément affectueux qui rendent pour moi sa perte aussi douloureuse que celle d'un proche parent. Aussi son souvenir restera-t-il toujours gravé dans nos coeurs. Que sa compagne dévouée, que ses enfants qu'il adorait veuillent bien accepter l'hommage de notre profonde sympathie.
Voir aussi : Bulletin de l'association des ingénieurs de l'IDN, n° 10, décembre 1913, pp 4-13.