Fils de Jean MATROT et de Madeleine LEDUC. Né le 9/7/1841 à Paris. Mort le 3/8/1896.
Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1860, entré classé 3 et sorti major sur 210 élèves) et de l'Ecole des mines de Paris. Corps des mines.
Publié dans le LIVRE DU CENTENAIRE (Ecole Polytechnique), 1897, Gauthier-Villars et fils, TOME III
Né le 9 juillet 1841, mort le 4 août 1896, il entra aux chemins de fer de l'Etat, comme chef de l'exploitation, dès la constitution de cet organisme, en 1878. On lui doit l'étude et la mise en application des innovations les plus remarquées qui ont été réalisées dans ce service. Directeur depuis l'année 1892, il dut quitter cette situation en décembre 1895, lors de la reconstitution du réseau sous un régime, qui lui enlevait l'autonomie administrative dont il avait joui depuis l'origine.
D'après Les Ingénieurs des mines du XIXème siècle, André THEPOT.
L'origine de l'IDN remonte en fait à 1854. Depuis cette date, existait à Lille une Ecole d'enseignement technique dite des "Arts Industriels et des Mines" que l'on appelait parfois aussi "Ecole professionnelle du Nord". Au début, cette Ecole préparait aux carrières non seulement industrielles mais aussi agricoles et commerciales. Malheureusement les subventions accordées par la ville et le département n'étaient pas suffisantes pour dispenser un enseignement de haute tenue. La rapide diminution du nombre des élèves fut telle qu'il fallut supprimer des cours essentiels. C'est pourquoi, le 15 juin 1860, dans un rapport adressé au préfet, le directeur de l'Ecole proposa de préparer spécialement les élèves aux industries régionales en modifiant profondément les programmes. Ce rapport était accompagné d'une pétition signée par 200 industriels.
A la suite de cette démarche, l'Ecole devint "Ecole Impériale des Arts Industriels et des Mines", en 1864. Ces mesures n'enrayèrent pas sa décadence car les subventions n'étaient pas plus élevées. En 1872, l'Ecole n'avait plus que 15 élèves.
Or, depuis la défaite de 1870, la France et plus particulièrement les industries traditionnelles du Nord se trouvaient privées des ressources des écoles de l'Institut Industriel de Mulhouse. Ceci rendait d'autant plus indispensable une réorganisation de la future IDN. Une commission composée du maire, du président de la Chambre de commerce de Lille et de plusieurs industriels fut constituée en 1872; elle chargea l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées Masquelez (1817-1903 ; X 1837, adjoint au maire de Lille et directeur des travaux municipaux) d'enquêter sur l'organisation des écoles professionnelles d'Alsace et de Belgique. Il fut alors décidé de créer un cours supérieur pour donner en trois ans des ingénieurs pour les industries minières, mécaniques et textiles. Masquelez, devenu directeur, fit appel à Adolphe Matrot, Ingénieur des Mines, comme directeur des Etudes. Ce dernier, qui était en même temps maître de conférences d'analyse et de mécanique à la faculté des Sciences de Lille mit au point le programme d'études des 19 sections et dirigea le recrutement du personnel enseignant d'un établissement qui visait à préparer les jeunes gens à toutes les activités de la région, sous le nom d'Institut Industriel, Agronomique et Commercial du Nord de la France, et prit en 1875 le nom d'Institut Industriel du Nord de la France, après suppression des sections agronomiques et commerciales.
Le Verrier, ingénieur ordinaire fut l'un des premiers enseignants, chargé de l'Exploitation des Mines et de la Physique. Avec Matrot s'instaura une tradition qui voulait que l'ingénieur ordinaire enseigne à l'Institut Industriel. Matrot fut sous-directeur et inspecteur des études de 1873 à 1878 et reprit le cours de Le Verrier. Il fut remplacé dans ces fonctions entre 1878 et 1885 par Olry. Soubeyrand lui succéda entre 1885 et 1891, tout en y enseignant la mécanique. D'autres ingénieurs vinrent ensuite y enseigner : Chapuy (1890-1897), Herscher (1897-1902), Bellanger (1901-1903), Cuvelette (1903-1905), Angles d'Auriac (1905-1912), qui fut aussi sous-directeur et enfin Remy à partir de 1912.
Le nombre d'élèves de l'IDN grimpa de 15 en 1871 à 400 en 1914. L'IDN a par la suite changé de nom, et est devenu l'Ecole Centrale de Lille ; elle compte 965 élèves en 2000. Cette Ecole est décrite notamment sur le site web du CEFI.
Publié dans le Livre du Centenaire de l'Ecole polytechnique, 1794-1894 :
Entré en 1860 à l'Ecole, d'où il sortit le premier, Matrot joignait à une forte instruction scientifique des connaissances littéraires qui lui furent d'un puissant secours dans toute sa carrière. Parlant l'anglais et l'allemand, il put faire de fructueux voyages en Angleterre et en Allemagne, et en rapporta beaucoup de renseignements sur la législation et l'exploitation des Chemins de fer. La guerre le trouva à Lille, où il joignait au service courant minéralogique le contrôle de l'exploitation des Chemins de fer du Nord. Son caractère droit et conciliant lui valut les meilleures relations avec tous les agents de la Compagnie et le service militaire bénéficia largement de cette heureuse entente.
Bientôt, en effet, sans abandonner en rien ses occupations ordinaires, il se voua avec tout l'entrain de son caractère à l'œuvre si difficile de la défense du pays. Ce fut lui qui signala à M. Testelin, commissaire de la Défense, le colonel Farre, récemment nommé Directeur des fortifications à Lille, comme un homme qui se recommandait par des talents tout particuliers. Le colonel Farre, vite apprécié, fut promu général et commissaire adjoint de la Défense nationale. Il nomma Matrot capitaine auxiliaire d'Artillerie, le chargea de diverses missions et, en particulier, de veiller à la réception des armes que l'on essayait de se procurer de tous côtés, ainsi qu'aux mouvements de troupes par les voies ferrées. Le général Faidherbe, en prenant le commandement de l'Armée du Nord, le confirma dans ces fonctions. Après la défaite de Saint-Quentin, il partit pour Bohain et Busigny avec tout le matériel qu'il put réunir et facilita ainsi le retour à Cambrai d'une dizaine de mille hommes du 23e corps qui, sans cela, fussent devenus la proie des Prussiens. Quand il quitta lui-même Busigny, il n'y restait ni un soldat, ni un fusil.
Peu de jours après, lorsque l'on reçut la notification de l'armistice, signé à Versailles, il fut désigné par le général Faidherbe pour accompagner à Amiens, au quartier général de la première Armée allemande, l'officier chargé de régler la ligne de démarcation des avant-postes. Celui-ci, qui n'avait reçu de son Gouvernement aucune indication sur les clauses de l'armistice, souleva diverses difficultés, dont plusieurs parurent fondées au général de Gœben, qui se déclara sans pouvoirs pour rien décider, mais consentit à donner un laisser-passer à un officier français, qui irait prendre des instructions à Paris et à Versailles. Matrot, chargé de cette mission, partit immédiatement et profita de son voyage pour examiner l'état de la voie entre Amiens et Paris.
Au retour, il fut chargé de diriger, de concert avec les agents de la Compagnie du Nord, les trains de ravitaillement dirigés sur Paris, mission rendue difficile par le manque d'habitude de la langue française chez les officiers ou agents prussiens et le peu de connaissance qu'ils avaient de la plupart des exigences d'une exploitation de Chemins de fer. La dextérité de Matrot et la loyauté du général finirent par tout arranger et la presque totalité du service ne tarda pas à être remis à la Compagnie française.
Lorsqu'en 1878 on créa le réseau des Chemins de fer de l'Etat, par la réunion de diverses sections isolées, provenant des Compagnies en déconfiture, telles que celles de la Vendée, des Charentes, d'Orléans à Rouen et à Chalons, de Clermont à Tulle, etc., on en confia l'exploitation à Matrot. Ses efforts réitérés aboutirent à obtenir avec les grandes Compagnies voisines des échanges de lignes qui firent du réseau de l'Etat un ensemble compact, pouvant vivre par lui-même. Il en devint le Directeur en 1892 et conserva cette position pendant trois ans, jusqu'à ce qu'un Ministre incompétent vînt briser une carrière si bien remplie. En quittant des fonctions auxquelles il avait donné dix-huit ans de sa vie, Matrot obtint le grade d'Inspecteur général des Mines et le titre de Directeur honoraire des Chemins de fer de l'Etat; mais il était frappé au cœur et, le 3 août 1896, la mort abattait subitement celle belle organisation.