Fils de Alexandre Louis Marie MUTEL, professeur, et de Claire Léontine VIVIER.
Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1911 ; entré classé 23, sorti classé 4 sur 215 élèves) et de l'Ecole des mines de Paris. Corps des mines.
Biographie par M. L. DE LAUNAY, Inspecteur général des Mines, Membre de l'Institut. Voir également l'introduction de l'article de Louis de Launay sur les ingénieurs des mines morts au cours de la guerre 1914-18.
Publié dans Annales des Mines, 1922, tome II
Jean Mutel, élève-ingénieur des Mines, capitaine d'artillerie, chevalier de la Légion d'honneur, tué d'un obus sur le front, a donné l'exemple de la grandeur morale et des plus nobles vertus militaires.
Né à Nancy le 30 avril 1891, entré à l'École polytechnique en 1912, il venait d'être nommé élève-ingénieur des Mines quand la guerre éclata. Malgré sa santé précaire, n'écoutant que son enthousiasme de Lorrain, il rejoignit le 16e régiment d'artillerie à Issoire et fit, avec le 13e Corps d'armée, la campagne de Sarrebourg. Dès le 21 août il se distinguait en sauvant, avec une poignée, d'hommes, deux canons abandonnés sous le feu de l'ennemi. Cet exploit lui valut sa première citation à l'ordre de l'armée :
« S'est distingué par sa brillante conduite et sa belle attitude au feu dans les combats du 14 au 25 août 1914. »
(19 septembre 1914. Signé : Dubail.)
Tombé malade de fatigue et évacué a Lyon, il s'y rétablit rapidement et rallia son régiment dans la région d'Ypres. Là, par crainte que sont état de santé ne le fit employer a des postes de seconde ligne, il demanda à entrer dans l'aviation et, le 5 février 1915, fut admis a l'escadrille F 19, où il devint successivement observateur, pilote et commandant. Les réglages d'artillerie exécutés avec une remarquable précision, les photographies des ouvrages ennemis où il se révèle comme un virtuose d'une audace inouïe, le placent déjà, dès 1915, dans la phalange des observateurs héroïques. 11 accomplit toutes ces missions avec une modestie, une conscience et une énergie qui lui valent les deux citations suivantes du général commandant l'artillerie du 13e Corps :
14 août. « Très bon observateur. Le 29 juillet 1915, est resté pendant une heure trente pour régler un tir d'artillerie lourde d'une remarquable précision sur une batterie allemande, malgré un bombardement extrêmement violent de l'artillerie ennemie. »
26 septembre 1915. « A pris de nombreuses photographies des positions allemandes : tranchées, batteries, cantonnements, à faible altitude et malgré le feu intense des batteries et des mitrailleuses ennemies.
« Le 6 septembre 1916, a réglé un tir sur une batterie malgré un violent bombardement et a obtenu des résultats remarquables.
« Officier aviateur distingué dont l'audace et le sang-froid font l'admiration de tous. »
Après avoir photographié toutes les positions allemandes d'Avre à l'Oise et participé à l'affaire de Frise, Mutel suit son escadrille envoyée à Verdun et là, quoique breveté pilote, il vole chaque jour comme observateur en Farman à la recherche des renseignement précieux. Un jour de mars 1916, comme on redoutait une attaque, il part en reconnaissance et aperçoit, derrière le bois de Malancourt, plusieurs bataillons ennemis assés pour l'attaque. Des Fokkers, formant barrage en avant de ces bataillons, le voient et le poursuivent avec rage jusqu'au-dessus d'Esnes, à 5 kilomètres dans nos lignes, ne le lâchant qu'à quelques mètres de hauteur lorsqu'ils le croient abattu. Mutel rapporte au commandement français le renseignement que, dans le combat, il n'a pu envoyer par T. S. F. ; les bataillons ennemis sont dispersés et l'attaque n'a pas lieu.
D'autres fois, il livre des combats acharnés durant une heure pour forcer le barrage de l'aviation ennemie. Il revient rarement sans un avion criblé de balles et d'éclats, quelquefois traversé par des obus entiers. Le 12 mars, il abat avion près de Dombasle, en Argonne, et reçoit la citation suivante à l'ordre de l'Armée :
24 mars 1916 : « Observateur remarquable à tous les points de vue. A donné maintes fois des preuves de son grand courage. Le 12 mars 1916, a abattu dans nos lignes un avion ennemi. » (Signé : Pétain.)
Quelques jours auparavant, le 5 mars 1916, il avait été décoré avec la citation suivante :
« Officier d'une valeur professionnelle remarquable, modèle d'énergie, de courage et de modestie. S'est toujours fait remarquer par sa belle et ferme attitude au feu. Le 21 août 1914, avec l'aide de quelques conducteurs entraînés par son exemple, a sauvé, sous le feu de l'ennemi, deux canons abandonnés. Observateur en avion depuis le 5 février 1915, a totalisé depuis cette date deux cents heures d'observation, affirmant, dans ses nouvelles fonctions, ses exceptionnelles qualités. A eu son appareil atteint vingt fois par les projectiles. Le 25 janvier 1916, attaqué par deux avions allemands et pris à partie par une batterie spéciale, a achevé l'accomplissement de sa mission, rentrant avec un avion criblé de balles et d'éclats d'obus. Déjà cité deux fois à l'ordre. » (Signé : Joffre.)
En octobre 1916, Mutel prend le commandement de l'escadrille F 19 comme lieutenant. Il est promu capitaine le 2 décembre 1916 et donne à son escadrille un élan superbe. Devant Saint-Quentin, en mars 1917, il multiplie les vols a faible altitude. En août 1917, il est à la cote 304. Le 17 août 1917, au cours d'une de ses missions, un obus le frappe mortellement dans la forêt de Hesse, près de Verdun. Rien ne précise mieux son oeuvre que la sublime citation donnée à l'escadrille F 19 quelques semaines après sa mort :
« Ordre de l'Armée. 20 septembre 1917.
« Le Général Commandant la IIe Armée cite à l'ordre de l'armée l'escadrille F 19.
« Escadrille d'élite, a montré sous la direction du capitaine Mutel, modèle de toutes les vertus militaires, mort au champ d'honneur, les plus hauts exemples de vaillance et d'abnégation.
« A réussi plus de 1.000 réglages, 350 reconnaissances photographiques, 125 missions d'infanterie et livré plus de 100 combats; a toujours travaillé en liaison complète avec l'infanterie et l'artillerie malgré le mauvais temps et un vent violent, descendant à très faible altitude pour renseigner le Commandement, a puissamment aidé à la préparation et à l'exécution de l'attaque d'août 1917. A abattu 4 avions ennemis. » (Général Guillaumat.)