Jean-Baptiste MARSAUT (1833-1914)

Ingénieur civil des mines diplômé de l'Ecole des Mineurs de Saint-Etienne.

Sa fille Cécile épousa Frédéric NICOLAS (1860-1929 ; X 1879). Une autre fille, Marguerite, épousa Louis TAUZIN (1856-1921 ; X 1874 corps des mines).


Jean-Baptiste MARSAUT et l'éclairage antigrisouteux

par René SAMUEL-LAJEUNESSE

D'après Grands Mineurs Français, 1948.

Le nom de Marsaut reste attaché à celui de la première lampe de mineur qui soit véritablement de sûreté. Il est bien connu des techniciens de la mine, des étrangers comme des Français.

Marsaut entra à l'Ecole des mines de Saint-Etienne en 1850, à l'âge de dix-sept ans seulement.

A sa sortie de l'école, il passa deux, années aux mines de Vialas, « à chercher de la galène dans des filons, à la débarrasser de sa gangue, à la traiter pour en tirer le plomb d'oeuvre et les lingots d'argent qui faisaient alors la prospérité de ces mines » (Marsaut. Discours du cinquantenaire).

En même temps, il était chargé de la direction de la petite mine de houille de Comberedonde. Cette exploitation était confiée à un maître-mineur qui, selon Marsaut, n'était guère plus fort que lui-même dans le métier.

Le jeune ingénieur passait une semaine chaque mois à « régler les comptes et donner quelques directives de chantiers dans la célèbre couche de Champclauson, avec l'antique boussole carrée, le principal instrument de topographie souterraine de l'époque » (Marsaut. Discours du cinquantenaire).

Dès l'aube de sa carrière, Marsaut s'intéressait à l'importante question de l'éclairage des mines grisouteuses. « Je ne me rappelle ce temps, a-t-il dit, qu'avec une frayeur rétrospective en pensant qu'alors je m'intéressais à produire dans la grosse lampe Davy de La Grand-Combe de petites explosions de grisou pour constater la manière dont ce gaz se comporte dans la lampe de sûreté. C'est bien le cas de dire que s'il faut de la jeunesse pour pratiquer le métier de mineur, pas trop n'en faut. »

Le 1er novembre 1854, sur recommandation de son ancien professeur Parran, Marsaut devenait adjoint de Chalmeton aux mines de Bessèges. Il devait y faire toute sa carrière, épouser une nièce de Chalmeton et lui succéder à la direction de la compagnie.

En 1845, Chalmeton, tout jeune ingénieur, avait pris la mine de Bessèges des mains d'un vieux maître-mineur allemand, le père Christophe. Celui-ci laissait derrière lui un souvenir brûlant : il avait, en gaspillant la belle couche de Saint-Ylide, provoqué un feu souterrain qui devait brûler pendant plus de soixante ans !

Chalmeton avait, en prenant sa suite, aménagé rationnellement les couches de la montagne Saint-Laurent, qui affleuraient au jour et donnaient un charbon gras d'excellente qualité. Lorsqu'après la Révolution de 1848 l'industrie française prit un remarquable essor, la mine était prête pour lui assurer des tonnages substantiels de houille.

Il s'agissait de faire passer l'extraction de 75.000 à 175.000 tonnes pur an. C'est alors que Chalmeton eut besoin d'un adjoint et que Marsaut entra à la Compagnie de Bességes.

L'exploitation préparée par Chalmeton était concentrée dans la montagne Saint-Laurent. L'ossature de la mine comportait simplement deux plans inclinés automoteurs de surface. L'un descendait le charbon du troisième niveau au deuxième, où se trouvait un atelier de criblage primitif et des lavoirs semi-mécaniques qui alimentaient des hauts fourneaux. L'autre amenait le charbon du deuxième niveau au carreau de la mine, où les consommateurs venaient s'approvisionner. Le combustible qui n'était pas écoulé sur place était transporté à Alais sur charrettes, par des routes défoncées. Le chemin de fer ne fut installé qu'en 1858.

Dès son arrivée, Marsaut prépara d'autres sièges d'exploitation : celui de Gréal et celui de Molières, et fonça des puits pour sonder la base de la montage Saint-Laurent.

L'aménagement du siège de Molières posait des problèmes nouveaux. Il s'agissait de couches d'une minceur telle que partout ailleurs on les eût considérées comme inexploitables.

Marsaut fit un voyage d'études à Anzin et en Belgique pour s'initier à la technique d'exploitation des couches minces. A son retour, il sut dépasser ses maîtres et mettre en valeur des couches d'une épaisseur de moins de 0 m 50 grâce à une technique et à un outillage originaux. Il sut notamment utiliser la pression du toit pour faciliter l'abatage, en évitant tout travail pénible de havage ou d'entaillage.

Le siège de Molières, créé entièrement par Marsaut, devait devenir, en dépit de la minceur des couches, le centre le plus important de la Compagnie de Bessèges. Avant Marsaut, Molières n'était qu'un pauvre hameau de quarante habitants. En 1905, c'était un centre industriel important, où travaillaient 1.700 ouvriers.

Chalmeton était absorbé par les activités extra-minières de la Compagnie de Bessèges, qui comptait de nombreux établissements métallurgiques dans le Gard, l'Ardëche (La Voulte) et la Loire (Terrenoire). Pratiquement, dès 1855, Marsaut fut seul à conduire la mine. En 1862, Chalmeton quittait Bessèges pour installer le siège de la direction générale à Nîmes, et Marsaut, âgé d'à peine vingt-neuf ans, était officiellement chargé de la direction de la mine.

A cette époque, il avait réussi à porter la production à 300.000 tonnes par an. Marsaut eut alors à son tour besoin d'adjoints. La mine devint de plus en plus importante.

Marsaut creusa de nombreux puits et les pourvut de puissantes machines à vapeur. Il établit une « colossale ossature » de galeries et travers-bancs qui explorait toute la concession sous les montagnes du Fel, de Saint-Florent et de Montalet. Il introduisit au fond des locomotives.

Il assura le transport du personnel par des « funiculaires souterrains qui rivalisent de confortable et de sécurité avec ceux des Alpes » (Murgue).

Toujours dans le domaine du transport du personnel, qui l'intéressait particulièrement, il inventa un parachute très efficace pour garantir la circulation des ouvriers dans les puits.

Dans le domaine de l'exploitation proprement dite, après avoir imaginé la méthode des grandes tailles en couches très minces, à Molières, il conçut la méthode dite « de chambardement », qui permit de lutter contre un grave danger local, celui des dégagements spontanés de gaz carbonique. L'administration, d'abord hostile à ce procédé, qui consistait à secouer la mine par de fortes charges d'explosifs puissants, finit par le recommander et même par l'imposer dans les mines à dégagements instantanés.

Au jour, Marsaut créa d'importants ateliers de manutention, de préparation, d'épuration et d'agglomération, appropriés au niveau de la production, passée à quelque 500.000 tonnes par an au début du siècle.

Il a installé à Molières une des premières centrales électriques minières.

En somme, Marsaut a vérilablement créé l'exploitation moderne de Bessèges.

'Mais il a aussi rendu service aux mineurs de tous les pays par sa plus belle invention : celle de la cuirasse pour lampe à flamme. Tout au long de sa carrière, il ne cessa d'étudier ce problème de l'éclairage en milieu grisouteux, sur lequel il s'était penché avec sa naïveté d'ingénieur tout frais sorti de l'école. Il fut plus d'une fois grièvement brûlé au cours de ses expériences.

A force d'études, de longues mises au point expérimentales, il finit par préciser « la forme et les dispositions qui donnent aujourd'hui à la lampe de sûreté des mineurs la merveilleuse propriété, que l'on a si longtemps recherchée, d'assurer une sécurité complète dans les milieux inflammables ».

La lampe Marsaut fut reconnue pour efficace par toutes les commissions officielles des pays miniers d'Europe. En particulier, des expériences faites à Frameries par les méticuleux ingénieurs de l'Etat belge les amenèrent à proscrire, après vingt ans d'hésitation, leur lampe nationale et à imposer la lampe du type Marsaut.

Comme chef, Marsaut était du type rude et bourru. Son collaborateur Murgue alla jusqu'à parler, en un banquet officiel en l'honneur de Marsaut, « des épreuves parfois un peu dures d'une longue subordination ».

Cependant, Marsaut savait prendre ses responsabilités et couvrir ses subordonnés. Il inspirait confiance à tout son personnel. On disait : « M. Marsaut est juste; il fait le droit de l'ouvrier. » Il a dit lui-même qu'il s'était toujours préoccupé « de tenir les salaires à la hauteur des meilleurs salaires français, d'écarter par une réglementation disciplinaire large, laissant à l'ouvrier toute son indépendance et sa dignité, toutes les petites choses qui ne font que le froisser sans utilité, comme les mises à pied, les retenues mesquines, les fautes tarifées par des amendes ». C'est avec la même largeur d'esprit qu'il organisa des caisses de secours et de retraites qui servirent de modèle au législateur.

Plus qu'au prix Monthyon, plus qu'à sa croix de la Légion d'honneur, il fut sensible aux marques d'attachement qui lui vinrent de ses ouvriers; en 1883, en pleine période de grèves minières, qui épargnèrent le siège de Molières, il reçut de son personnel ouvrier un bronze d'art; en 1905, lors de la célébration du cinquantenaire de son entrée à la compagnie, les ouvriers participèrent, contre sa volonté, à l'offrande de son propre buste.

A cette occasion, Mazodier, ingénieur en chef des mines de La Grand-Combe, déclarait dans son toast : « On peut résumer votre oeuvre, monsieur Marsaut, en disant que votre existence est un véritable cours d'exploitation des mines. En effet, parmi tous les problèmes que pose cette exploitation, il n'en est presque pas un seul auquel vous n'ayez apporté votre solution personnelle. »


Marsaut fit partie du Conseil municipal de Besseges à partir de 1858. Le maire était d'ailleurs longtemps Félix JOUGUET, ingénieur des mines et père de Emile JOUGUET.