La création de la Maison des Mines a été décidée le 10 janvier 1929 lors d'une réunion d'anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris. L'élargissement de la rue Saint-Jacques, décidé par la Ville de Paris, nécessitait la démolition de certaines maisons, et a ainsi rendu la création possible. M. Chesneau a été chargé du projet. Il fallait évidemment trouver des fonds. Le Comité Central des Houillères et le Comité des Forges de France ont institué une "Commission Générale des Ecoles" qui a puissamment aidé à la recherche de fonds.
Le projet a été longtemps retardé par les procédures d'expropriation. Leprince-Ringuet a été choisi comme architecte. La première pierre a été posée le 30 juin 1932, après avoir été bénie par l'abbé Osty, Curé de Saint-Jacques-du-Haut-Pas. Sous la pierre, il a été déposé 3 pièces d'argent : une pièce de 20 F au millisime 1929 et 2 pièces de 10 F au millisime 1932.
Bulletin de l'Association des Anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, 1933 :
L'inauguration a eu lieu le samedi 10 mars 1933, à 15 heures, par M. le Président de la République [Albert LEBRUN].
Voici le texte in extenso du discours prononcé par M. Chesneau, Président du Conseil de la Maison des Mines, Directeur honoraire de l'Ecole :
Monsieur le Président de la République,
Au nom du Conseil d'Administration de « La Maison des Mines », et de tous ceux dont la générosité en a permis la réalisation, j'ai le très grand honneur de vous exprimer la joie reconnaissante que nous éprouvons en vous voyant présider l'inauguration officielle d'une œuvre qui vous touche au cœur, puisque vos appartenez — et nous en sommes fiers — à la grande famille technique de cette « Alma Mater » qu'est notre chère Ecole des Mines, et que c'est pour ses enfants et ceux des « Ecoles soeurs », mal traités par la fortune, que cette Maison a été créée.
Depuis l'époque lointaine de la fondation de ces Ecoles jusqu'à nos jours, leurs dirigeants n'avaient d'autre préoccupation que d'assurer à leurs élèves, dans les bâtiments mêmes de ces écoles, l'outillage scientifique leur permettant d'entrer bien armés dans leurs futures carrières d'ingénieurs. Ils ne s'intéressaient guère à leurs possibilités d'existence au-dehors, cependant que de jeunes camarades dénués de ressources se privaient du nécessaire pour suivre sans trêve l'enseignement de leur école au détriment de leur santé compromise souvent pour de longues années.
Les charges écrasantes de la vie matérielle, aggravées par les conséquences de la grande guerre, nous créent maintenant des préoccupations d'un autre ordre. Ces charges opposent une barrière infranchissable à nombre de candidats reçus à nos grandes Ecoles techniques, si leurs anciens ne leur viennent pas en aide. Cet angoissant problème ne peut être résolu de façon satisfaisante que par la création de maisons où les élèves dépourvus de ressources peuvent trouver le vivre et le couvert dans des conditions très économiques, et c'est à l'inauguration de l'une d'entre elles que nous vous avons conviés aujourd'hui, vous, Monsieur le Président, vous, Monsieur le Ministre des Travaux publics et les hautes personnalités qui vous entourent, et que nous remercions grandement d'avoir répondu à notre appel.
Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs, mes chers camarades,
Permettez-moi de vous retracer à grands traits l'histoire de la fondation et de la réalisation de « La Maison des Mines », si heureuse de vous recevoir en ce moment.
Le désir de venir en aide à nos jeunes camarades déshérités de la fortune nous avait tout d'abord orienté vers la Cité Universitaire qui venait d'être créée pour répondre aux mêmes préoccupations. Mais, avant même que je leur parle de mes intentions, mes élèves — grâce à cette baguette divinatoire que possèdent tous les élèves des Grandes Ecoles quand il s'agit de leurs maîtres — mes élèves venaient m'informer qu'ils désiraient, tous, sans exception, voir fondée « La Maison des Mines « à proximité de leur Ecole, et non dans la lointaine Cité universitaire, de façon à leur permettre d'y venir déjeuner commodément dans l'intervalle, forcément trop court, qui sépare les cours du matin des exercices pratiques de l'après-midi.
Vox populi, vox Dei : nous n'avions qu'à nous incliner, mais encore fallait-il trouver le terrain remplissant ces conditions.
L'élargissement de la rue Saint-Jacques, décidé par la Ville de Paris, a permis à notre dévoué camarade Xavier Lauras, de trouver à ce problème une solution excellente, et par un singulier hasard l'emplacement qu'il a découvert et sur lequel nous nous trouvons, est à deux pas de l'hôtel dans lequel l'élève-ingénieur au Corps des Mines, Albert Lebrun, sorti premier de l'Ecole Polytechnique, en 1892, est venu s'installer en 1893, pour suivre pendant trois ans les cours de l'Ecole des Mines : quel heureux présage pour l'avenir de notre Maison!
Ainsi assurée d'un terrain situé à 300 mètres à peine de l'Ecole des Mines, une réunion d'anciens élèves convoqués par le Directeur, le 10 janvier 1929, décidait avec enthousiasme d'entreprendre sur ce terrain la création de « La Maison des Mines ».
Au cours de cette réunion, le Directeur, après avoir indiqué que cette dépendance de l'Ecole développerait chez ses élèves une atmosphère de discipline et de bonne camaraderie, fit observer que pour élargir le champ de cette formation et éviter les inconvénients d'une maison trop fermée, il y aurait sans doute intérêt à créer si possible la maison assez grande pour que d'autres écoles techniques, de recrutement comparable à celui de l'Ecole des Mines, puissent y trouver aussi les chambres nécessaires à quelques-uns de leurs élèves. Ces écoles pouvant être notamment : celles des Ponts et Chaussées, du Génie Maritime et des Poudres, dont les élèves suivent certains cours ou exercices pratiques de l'Ecole des Mines, et peuvent, à juste titre, être considérés comme des camarades des élèves de notre Ecole. Cette proposition reçut l'assentiment unanime de l'Assemblée, qui décida en outre de prévoir le réfectoire assez étendu pour que les élèves non logés des quatre « Ecoles-sœurs », puissent venir y prendre le déjeuner entre les cours du matin et les exercices de l'après-midi.
Ces résolutions prises, il ne restait plus qu'à trouver les fonds nécessaires pour entreprendre la construction de notre maison.
La « Commission générale des Ecoles », instituée, sous la présidence de notre regretté camarade E. Gruner, par le Comité central des Houillères, et le Comité des Forges de France, nous a singulièrement aidés dans cette recherche, en prenant très largement l'initiative des souscriptions, et permettant ainsi de créer la « Société de la Maison des Mines » suivant le mode prévu par la Loi sur les habitations à bon marché, société qui sera propriétaire de la maison et en assurera le fonctionnement.
La générosité des anciens élèves de l'Ecole des Mines et des Ecoles-soeurs, ainsi que des grands établissements industriels ou financiers s'intéressant à la formation de leurs élèves, a très rapidement fourni l'appoint nécessaire pour la construction envisagée devant comprendre : 110 chambres, dont 80 pour élèves de l'Ecole des Mines, 20 pour ceux des Ponts et Chaussées, et le surplus pour les élèves du Génie maritime et des Poudres.
Les travaux de construction ont été malheureusement retardés par les inévitables difficultés administratives pour l'évacuation et la démolition des maisons expropriées par la Ville de Paris, et ce n'est qu'à la fin de 1931 que les travaux ont pu commencer et se poursuivre avec rapidité. Mais, grâce à l'activité de notre habile architecte, M. Leprince-Ringuet, auteur des maisons d'élèves de l'Ecole Centrale, la pose de la première pierre au niveau de la rue, a pu avoir lieu le 30 juin 1932, et — s'il restait encore beaucoup à faire pour donner à l'édifice son aspect définitif et pouvoir l'inaugurer officiellement — les chambres étaient prêtes à recevoir les élèves le 15 octobre 1933, veille de la rentrée de l'Ecole des Mines, et, dès leur ouverture, elles étaient toutes occupées sans exception : preuve manifeste de l'impatience avec laquelle nos élèves attendaient la réalisation de notre œuvre, et, par conséquent, de la très grande utilité de notre entreprise.
Comme vous pourrez le voir dans un instant en visitant notre Maison, vous constaterez qu'elle est admirablement dotée d'air et de lumière, aussi bien en arrière qu'en façade. Mais pour conserver cet avantage si précieux du côté Ouest, nous avons dû acquérir récemment le terrain qui s'étend entre notre maison et la rue Pierre-Nicole, devant l'Ecole Lavoisier, achat qui nous forcera à recourir encore à nos fondateurs pour amortir cette dette inévitable.
Mais en attendant d'avoir à les remercier à nouveau de leur inlassable générosité, je suis heureux de pouvoir leur présenter ici, au nom de la « Société de la Maison des Mines », ainsi que des élèves si reconnaissants qui l'habitent, l'expression de notre vive gratitude pour la façon admirable dont ils ont compris les devoirs qu'impose à tous la solidarité sociale, en nous permettant de réunir le capital de 6 millions et demi qu'ont coûté le terrain primitif, les substructions dans les Catacombes et la Maison elle-même avec tous ses aménagements.
Grâce à eux, grâce à vous, Monsieur le Président et à vous Messieurs qui représentez si dignement ici nos généreux souscripteurs, nos jeunes camarades des quatre «Ecoles-sœurs», peuvent trouver ici, pour un prix modique, des chambres spacieuses, bien aérées, de nombreuses salles de bain et de douches, des salons de lecture et de jeu, un beau réfectoire, et, en été, la jouissance d'une vaste terrasse ayant une des plus belles vues de Paris. Ils ont donc ici, avec l'absence de soucis matériels, si préjudiciables à de bonnes études, la tranquillité d'esprit nécessaire pour les poursuivre utilement.
La vie en commun dans notre Maison ne pourra qu'accroître chez eux les sentiments de fraternité et d'estime réciproque, cet esprit de corps qui fait la force d'une collectivité ayant reçu la même formation, et maintient ses membres dans le droit chemin, quelles que soient les difficultés que l'avenir leur réserve. Et c'est pour moi une grande satisfaction de penser que l'entreprise, à laquelle j'ai consacré la fin de ma vie contribuera, longtemps après moi, à perpétuer chez cette jeunesse, que j'ai tant aimée, les nobles sentiments de vaillance et de dévouement à la patrie, dont elle a donné de si magnifiques preuves dans le passé.
C'est donc une très belle œuvre que celle de « La Maison des Mines », et à tous ceux, présents ou absents, qui nous ont aidés à la mener à bonne fin, c'est du fond du cœur que j'adresse un grand, un très grand merci!
Ce discours si captivant est vigoureusement applaudi.
M. Albert Lebrun passe ensuite la parole à M. Grosselin, Président de l'Association qui remercie M. Chesneau, Président; M. Lauras, Administrateur-Délégué et M. Leprince-Ringuet, architecte de la maison des Mines, d'avoir mené à bien l'oeuvre entreprise; il remercie aussi tous les souscripteurs et exprime le vœu qu'ils continuent leur effort, afin de munir la Maison d'agréments nouveaux, qui en rendront le séjour agréable aux élèves.
Il se félicite de la voir inaugurer par M. Albert Lebrun et souhaite que cette maison reste le perpétuel symbole de l'Union des Mineurs.
M. le Président de la République passe alors la parole à M. Trébert, délégué des Elèves, qui s'exprime en termes :
Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Ministre,
Mesdames,
Messieurs,
Les Elèves des Ecoles des Mines, des Ponts et Chaussées, du Génie Maritime et des Poudres m'ont chargé d'apporter ici, ce soir, le témoignage de leur très sincère et très respectueuse reconnaissance,
...
M. Trébert est longuement applaudi.
Enfin, à la demande de M. Albert Lebrun, M. Flandin, Ministre des Travaux Publics, improvise une allocution qui fut particulièrement goûtée par la nombreuse et brillante assistance.
Le Président et sa suite, les éminentes personnalités invitées et les familles des camarades ont ensuite parcouru la Maison avec un très vif intérêt, le vaste réfectoire et ses annexes, la bibliothèque, la salle de jeux, la salle réservée pour les banquets de promoioris, les chambres, enfin la belle terrasse avec la table d'orientation d'où l'on domine Paris et ses monuments.
L'Architecte a été vivement et sincèrement félicité et tout le monde a admiré la bonne organisation.
L'Assemblée générale s'est tenue dans la salle du Conseil de l'Ecole, sous la présidence de M. Chesneau, Inspecteur général des Mines; 65 actionnaires étaient présents ou avaient envoyé leurs pouvoirs, représentant 2.919 actions. M. Boulinier et M. Chipart remplissaient les fonctions de scrutateurs.
Le rapport du Conseil est lu par M. Xavier Lauras, Administrateur délégué :
Messieurs,
« Nous avons l'honneur de vous rendre compte des opérations de notre Société pendant l'exercice 1933, le quatrième de notre activité sociale.
« Au cours de cette année 1933, nous avons eu la satisfaction de voir se réaliser d'une façon complète le projet que vous aviez formé pour la maison de famille des élèves de nos grandes écoles. Le 15 octobre dernier, les élèves de l'Ecole des Mines trouvaient prêtes les chambres qu'ils avaient retenues depuis quelques jours. Chacun des heureux candidats admis au concours de 1933, avait été prévenu en temps utile pour lui permettre de retenir sa chambre s'il en avait besoin. Les anciens connaissaient la maison et son règlement depuis longtemps déjà. Les élèves de l'Ecole des Ponts et Chaussées sont arrivés à leur tour dans les derniers jours d'octobre ou le lendemain du 1er novembre. Dès le 23 octobre, le restaurant avait pu être ouvert, et nous savons que nos jeunes camarades ont trouvé dans notre maison de famille, des conditions d'existence qui expliquent la reconnaissance qu'ils ont envers leurs anciens camarades, les amis de la maison, et la grande Industrie Française dont la générosité a assuré le succès de l'œuvre entreprise.
« Les noms des fondateurs des chambres sont inscrits sur les portes et rappelleront aux futurs bénéficiaires de la maison, les noms de ces familles industrielles qui savent accomplir leur devoir social d'une manière... si française : c'est le seul mot qui convienne. Il en résulte d'ailleurs un grand exemple qui se fait connaître au delà de nos frontières.
« Des élèves étrangers, ou ceux qui viennent de la France d'outre-mer ont trouvé place dans notre maison. Ils garderont le souvenir de la vie qu'ils y auront trouvée, et nous aurons ainsi apporté une heureuse contribution à l'œuvre des « Amitiés françaises à l'Etranger ».
« Nous avons eu soin de conserver dans un livre d'or de la maison, tous les documents rappelant l'histoire de sa fondation et tous les noms de ceux qui ont apporté leur obole, si modeste soit-elle, pour assurer sa réalisation.
« Le bilan que nous vous soumettons présente à l'actif
un total de .......................................... 7.030.177,60
...
« L'augmentation du capital porté de 2.000.000 de francs à 2.500.000 francs était représentée, au 31 décembre, par un compte immobilisé clhez nos banquiers, et ne figure pas encore dans le bilan qui vous es.t soumis, ladite augmentation de capital n'ayant été définitivement réalisée et approuvée que le 9 janvier dernier.
« Nous avons constitué tout le dossier nécessaire pour introduire une demande d'un million d'avances, auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations, emprunt qui nous permettra de finir de payer les mémoires des entrepreneurs et le terrain dont il est question ci-dessus, et d'achever ainsi tous les règlements de comptes en attendant de recevoir les donations que nous sommes en droit d'espérer et dont quelques-unes sont déjà promises.
« L'un des Fondateurs les plus attachés à notre œuvre est mort à la veille de voir achevée la maison qu'il avait, à divers titres, voulu voir élevée pour le bien de nos jeunes camarades : M. Edouard Gruner avait été Président de l'Association des Anciens Elèves de l'Ecole des Mines; il représentait auprès de nous le Comité des Houillères dont il avait sollicité pour nous, la grande générosité. Il avait apporté lui-même une importante contribution personnelle en souvenir de son père, Inspecteur général des Mines, dont le nom rappelle le très haut enseignement de l'Ecole des Mines. M. Edouard Gruner laissera parmi nous, le souvenir du généreux dévouement qu'il nous avait apporté.
« Conformément à l'article 11 des statuts, le Conseil a nommé provisoirement Administrateur de la Société : M. Alfred Liénard, Inspecteur général des Mines, Directeur de l'Ecole Nationale des Mines, pour remplacer M. Gruner dans notre Conseil.
« Les pouvoirs confiés à MM. Germain, Ledoux, Taffanel et Parent expirent aussi à l'Assemblée de ce jour. Ils sont rééligibles.
« Cependant, M. Taffanel, qui représentait auprès de nous la Compagnie des Forges de Châtillon-Commentry et Neuves-Maisons, nous a exprimé le désir de ne pas voir renouveler le mandat que vous lui aviez confié, ses importantes fonctions le mettant trop souvent dans l'impossibilité de venir assister aux réunions du Conseil, et nous avons dû nous incliner devant les raisons qu'il a fait valoir. Nous lui restons très reconnaissants du concours qu'il nous avait apporté. Nous vous proposons de nommer à sa place M. Félix Bollaert. De toutes les raisons que nous pourrions indiquer pour justifier sa présence dans notre Conseil, nous ne voulons retenir qu'une générosité exceptionnelle qui a inscrit le nom de sa famille parmi ceux de nos grandes fondations, générosité qui s'ingénie également pour procurer aux élèves pensionnaires de la Maison les jeux et distractions qui viennent apporter un agrément à leurs soirées.
« Nous vous proposons, en conséquence, de renouveler les mandats d'Administrateurs de MM. Germain, Ledoux et Prangey et de nommer administrateurs MM. Félix Bollaert et Liénard.
« Ces mandats devront être valables jusqu'à l'assemblée à tenir en 1937, pour rendre compte de l'exercice 1936.
« Vous aurez aussi à désigner les deux Commissaires chargés de la vérification des comptes de l'exercice 1934. MM. Cheminais et Gosselin sont rééligibles.
Terrains et immeubles................................ 6.100.145,96 Compte d'ordre : terrain Dumenil et Bourasset......... 786.000. » Actionnaires......................................... 24.250. » Dépôts et cautionnements............................. 7.680. » Dépenses année scolaire 1933-1934..................... 54.366,19 Disponible : Caisse et Banque............... . ....... 57.735,45 Total....................... 7.030.177,60Passif Capital ............................................ 2.000.000. » Réserve légale....................................... 5.352,67 Réserve spéciale..................................... 73.842,71 Fondations de chambres............................. 4.090.455,10 Compte d'ordre à payer sur terrain.................... 786.000. » Recettes année scolaire 1933-1934...................... 55.127.30 Profits et Pertes : Report exercice 1932 : 27.858,41 Charges exercice 1933 à passer par Profits et Pertes : 8.458,59 Total : 19.399,82 Total .............. 7.030.177,60Profits et Pertes — Exercice 1933 Intérêts sur comptes en Banques........... 4.800,43 Frais généraux.................. 13.259,02 Balance.............. 8.458,59 Totaux 13.259,02 13.259,02
M. Chesneau, Président de la réunion, prononcé ensuite l'allocution suivante, fréquemment interrompue par les plus vives marques d'approbation :
Mes Chers Camarades,
Je remercie vivement notre cher Président, M. Grosselin, de m'avoir fait l'honneur de m'inviter à présider notre banquet annuel, car il m'a ainsi procuré le très grand plaisir de me trouver au milieu de camarades, dont la plupart ont été mes élèves très chers, et de pouvoir leur dire, une fois de plus, avec quelle joie j'ai consacré l'activité de toute ma vie à notre belle Ecole, sans même que la retraite ait pu m'arrêter dans ce rôle, puisque aussi bien l'entreprise de « La Maison des Mines », à laquelle je me suis voué, a pour but de permettre à beaucoup de ses élèves de poursuivre leurs études avec une tranquillité d'esprit qui en garantit le succès.
C'est aussi pour moi une très grande satisfaction que je dois à M. Grosselin, de pouvoir remercier de tout cœur devant vous, qui les représentez si bien, tous les camarades qui ont contribué personnellement à la réalisation de notre entreprise, et en ont fait ainsi une œuvre de solidarité, vraiment familiale, entre les nouveaux-nés de notre chère Ecole, et ses fils jeunes, mûrs... et même vieux.
Puisque la Maison des Mines, qui vous accueille aujourd'hui est l'objet constant de mes occupations actuelles, vous vous attendez sans doute à ce que le thème de mon allocution soit l'histoire de sa fondation et des efforts qu'il nous a fallu faire pour mener à bien — ou presque — sa réalisation. Mais les lettres de sollicitation, dont je vous ai récemment inondés, vous l'ont apprise à fond, et je ne veux pas vous en infliger la répétition. Je me suis donc demandé si je ne ferais pas mieux de vous parler de « La Maison des Mines » comme je vous ai parlé de notre « Alma Mater », il y a bientôt vingt ans, en vous retraçant à grands traits l'histoire du sol sur lequel nous sommes, et les événements, heureux ou tristes, qui se sont passés autour de cette maison : cet historique représente les titres de noblesse de « La Maison des Mines », et vous allez voir, si vous me permettez de vous les exposer, que ces titres sont très beaux (Nous avons consulté pour cet historique les ouvrages suivants : Une vie de Cité : Paris, par Marcel Poëte (tome I, 1924). - Une paroisse de Paris sous l'ancien régime : Saint-Jacques du Haut-Pas, par l'abbé Grenté (1897). - Promenades dans toutes les rues de Paris, par le Marquis de Rochegude (1910).- Les belles amies du Port-Royal, par Cécile Gazier (1930)).
Nous sommes ici au-dessus des catacombes, nom que l'on a donné aux vides produits, à quelques 20 ou 30 mètres de profondeur, par l'exploitation, pendant plus de 2.000 ans, du calcaire qui a servi à bâtir Paris. Sous nos pieds, à 20 mètres, court un réseau de galeries et de grands espaces vides, dont le remblayage insuffisant, remontant à 1782, nous a obligés à de coûteux travaux de consolidation.
Devant notre Maison, s'allonge un antique chemin gaulois, aménagé par les Romains, après la prise de Paris en 52 avant notre ère, et faisant partie de la route d'Orléans à Senlis, traversant comme aujourd'hui Paris d'un bout à l'autre, presque en ligne droite, par les rues Saint-Jacques, Saint-Martin et leurs faubourgs.
Au moment de la Conquête des Romains, le Paris des, Gaulois, Lutèce, tenait entièrement dans la Cité, mais y était fort à l'étroit. Aussi les conquérants, déjà attirés par le charme de ce Paris naissant, à la croisée de deux grandes routes, l'une fluviale, la Seine, l'autre terrestre, la route d'Orléans à Senlis, voulurent s'y établir, et la rive droite de la Seine étant à cette époque encore très marécageuse, ils jetèrent leur dévolu sur la montagne Sainte-Geneviève. Celle-ci se couvrit rapidement de villas somptueuses, avec un théâtre, des thermes, des arènes, le tout ne débordant que de très peu l'espace compris entre la Seine, la rue Saint-Jacques, appelée alors « Via Superior » ou Grande-Rue, une voie parallèle à celle-ci, sur remplacement du boulevard Saint-Michel, et s'arrêtant au sud, tout près de notre Maison des Mines, la continuation de la route de Lutèce à Orléans étant réservée, suivant la mode romaine, à des tombeaux situés de part et d'autre de la route.
C'est surtout dans le voisinage de notre Maison, peut-être même sous elle, que s'étendait entre la rue Saint-Jacques, la rue Denfer et le boulevard Port-Royal, le véritable sanctuaire sépulcral de la nouvelle Lutèce gallo-romaine.
C'est dans cette région que les fouilles, nécessitées par les constructions des siècles suivants et jusqu'à nos jours, ont fait découvrir le plus grand nombre de monuments funéraires et les plus intéressants, notamment lors de l'installation des Carmélites sur ce terrain au dix-septième siècle.
L'historien Sauval, qui vivait à cet époque, en a décrit un grand nombre, en particulier un ex-voto en bronze, dédié au Dieu Mercure, et un grand bas-relief en pierre, représentant Mithra sacrifiant un taureau, ce qui prouve que le culte du Dieu-Soleil des anciens Perses s'était répandu jusqu'à Lutèce dans les premiers siècles de notre ère.
A ces monuments se rattache l'importante découverte faite l'an dernier, pendant le creusement du terrain pour les fondations de notre Maison.
A neuf mètres de profondeur, sous l'emplacement actuel de la grande porte d'entrée, nos terrassiers ont mis à jour une statue de Mercure, de un mètre de haut, sculptée dans un bloc de pierre, dont le bas forme piédestal, et le haut une niche à toit pointu dans laquelle est encastré le Dieu. Ce Mercure, d'une fort belle prestance, et d'une exécution dénotant un véritable artiste, est accompagné de tous ses attributs : le chapeau ailé, le caducée, et une bourse reposant sur la tête d'un bélier.
La statue était enfouie dans un puits creusé pour l'y cacher, dans le terrain vierge, et recouverte ensuite par les déblais du creusement; aussi a-t-elle été fort peu dégradée. Au moment de l'exhumation, le fond de la niche était recouvert de traits noirs et rouges très apparents, mais que la dessication à l'air a fini par rendre à peu près invisibles.
En raison de l'importance de ce monument pour l'histoire de Lutèce, nous l'avons offert à la Ville de Paris, et il est actuellement installé en belle place dans l'annexe du Musée Carnavalet (14, rue Payenne), récemment aménagée pour les monuments du Vieux Paris, où nous avons pu constater qu'il dépasse de beaucoup, comme conservation et beauté, les autres figures d'Hermès, au nombre de trois, exhumées dans Paris, qui figurent dans ce Musée.
Il est fort possible que notre Mercure provienne d'un temple élevé à ce Dieu sur l'emplacement de notre Maison, car, suivant une ancienne tradition, un temple de Mercure aurait existé dans notre région, et l'on sait, d'après César, que Mercure était le Dieu par excellence des Gaulois. Il est en tout cas certain, d'après la façon dont notre statue a été cachée, qu'on l'a enterrée pour la préserver de toute profanation.
C'est sans doute dans ce but que ses fidèles adorateurs ont voulu la mettre ainsi à l'abri des déprédations des Barbares, qui, vers la fin du troisième siècle, ont envahi et saccagé la ville gallo-romaine de la Montagne Sainte-Geneviève.
C'est vers la même époque, au milieu du troisième siècle que le Christianisme paraît avoir pris naissance à Paris, dans la cité gallo-romaine.
D'après les tombes chrétiennes retrouvées dans les catacombes, il semble que ce soit près des Gobelins que se soient d'abord concentrés les premiers chrétiens de Lutèce. Mais c'est à côté de nous, entre la rue Denfer et la rue Pierre-Nicole, dans une chapelle souterraine, à dix mètres de profondeur, fondée, d'après la tradition de l'Eglise de Paris, par Saint Denis, chef de la première communauté chrétienne, que le vénérable évêque réunissait ses disciples. C'est là aussi que Saint Denis fut pris avec ses compagnons, Rustique et Eleuthère, pour être traîné devant le tribunal du gouverneur. Cette chapelle et la crypte qui la précède se sont fort heureusement conservées jusqu'à nos jours.
Le souvenir de Saint Denis s'est perpétué dans ce sanctuaire jusqu'à nos jours. L'église, élevée au onzième siècle au-dessus de la crypte primitive, a été constamment un lieu de pèlerinage en l'honneur de Saint Denis, jusqu'à la Révolution, et même encore à présent, depuis la restauration de la crypte par les Carmélites. Cette crypte, dans laquelle on descend par un escalier de cinquante-trois marches, est située sous les bâtiments de l'éditeur Nelson, 25, rue Denfert-Rochereau. Elle était jadis éclairée, au moment des pèlerinages, au moyen de torches offertes par le roi: elle l'est maintenant par des lampes électriques, et l'on peut ainsi admirer aisément ce témoin, unique et très beau de l'apparition du Christianisme dans notre capitale.
Depuis le repli de la ville gallo-romaine dans la Cité, à la suite de l'invasion des Barbares, la région de notre Maison, occupée par le Prieuré de Notre-Dame des Champs, ne fut plus guère qu'un terrain de culture où dominait la vigne.
Je n'ai à mentionner jusqu'au treizième siècle que l'occupation du Prieuré par des religieux appelés à Paris pour la garde du précieux oratoire de Saint-Denis : les religieux de Saint-Magloire, fondateurs d'une abbaye, sur l'emplacement de laquelle a été installé l'Institut national des Sourds-Muets, — puis les bénédictins du monastère de Marmoutiers, près de Tours.
Au treizième siècle arrivent dans notre quartier des moines italiens, qui vont jouer un rôle important dans son histoire : les Frères Hospitaliers de Saint-Jacques d'Altopascio (Haut-pas) près de Lucques, ordre militaire et religieux fondé au onzième siècle.
Un riche bourgeois parisien leur avait fait don en 1261 de « deux maisons et autres biens y contenus », sur lesquels ces moines fondèrent l'hôpital de Saint-Jacques, et une chapelle, origine de l'église Saint-Jacques actuelle. C'est de ce moment que date l'appellation de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, donnée à la Grande-Rue.
On était alors à l'époque de la vogue des grands pèlerinages, dont Saint-Jacques de Compostelle était le plus important et le plus couru, et d'innombrables pèlerins venant du Nord de la France, des Flandres et d'Allemagne, passaient alors devant notre Maison pour se rendre au célèbre sanctuaire espagnol.
Il n'est pas douteux que c'est pour secourir ces pèlerins, fatigués par ce long voyage, que les Frères Hospitaliers avaient fondé leur hôpital. Un inventaire de son mobilier nous apprend, en effet, qu'il contenait douze lits pour les hommes, et dix lits pour les femmes, « à l'usage des pellerins venant de Saint-Jacques de Compostelle ». Chaque lit en bois de chêne, était garni d'un traversin en coutil de Bruxelles, avec une couverture de laine blanche. Nous pouvons y voir — avec une certaine restriction — un présage heureux de « La Maison des Mines », destinée à abriter les pèlerins de la Géologie, que sont nos chéris élèves.
L'église définitive de Saint-Jacques commencée en 1586 ne fut entièrement achevée et consacrée que le 6 mai 1683. Durant huit jours, les paroissiens, les chapitres et les communautés de la Ville, se succédèrent pour y célébrer les offices. D'illustres prédicateurs s'y firent entendre : le premier sermon fut donné par l'abbé Fléchier, le dernier par l'abbé de Fénelon, et le Salut de clôture fut présidé par l'archevêque de Paris : François de Harlay de Champvallon.
Vous voyez que le baptême de la paroisse de la « Maison des Mines », n'a pas manqué de parrains illustres.
Nous arrivons enfin à la venue des Carmélites, dernier stade de notre histoire, mais le plus important pour notre Maison, puisque celle-ci s'élève sur le domaine de ces religieuses en empiétant dès aujourd'hui sur leur couvent, et devant même l'entamer bien davantage lorsque nous aurons atteint le terme final de notre entreprise — comme je vous l'indiquerai dans un instant.
Dès le règne d'Henri III, un gentilhomme, Jean de Brétigny, et la Maréchale de Joyeuse avaient essayé d'introduire en France des religieuses carmélites, réformées par Sainte Thérèse d'Avila. Les troubles de la Ligue ne leur permirent pas de réussir, mais leurs idées avaient suscité des adeptes, et après eux, une sainte femme, Mme Acarie, à laquelle était apparue par deux fois Sainte Thérèse, réclamant la fondation d'un Carmel à Paris, parvint avec l'aide de M. de Bérulle, de Saint-François-de-Sales, alors prédicateur à Paris, et de la Duchesse de Longueville, à obtenir d'Henri IV, après maintes difficultés, des lettres patentes, cédant aux Carmélites le prieuré de Notre-Dame-des-Champs, et transférant les occupants de celui-ci au collège de Marmoutiers, près de la Sorbonne.
Des anciens bâtiments, l'église seule fut conservée. Le choeur des religieuses et le monastère furent construits sur le plan des couvents des Carmélites espagnoles. La reine, qui s'était réservé le titre de première fondatrice, fit les frais de l'installation.
Le Carmel de la rue Saint-Jacques acquit rapidement une grande célébrité. Vers le milieu du dix-septième siècle, des demoiselles et des dames de la haute société, et même de la Cour, vinrent s'y consacrer à Dieu, ou chercher un pieux asile dans ses dépendances, pour y vivre dans l'atmosphère du saint couvent.
Mme de Sévigné venait souvent y visiter des amies très chères.
La seconde Mme de Longueville (Anne-Geneviève de Bourbon), l'héroïne de la Fronde et de bien d'autres aventures romanesques, qui avait fait enterrer sa mère et ses deux filles dans l'Eglise des Carmélites, vint habiter une des maisons de celles-ci, après la mort de son fils, le comte de Saint-Paul, tombé héroïquement au passage du Rhin, aux côtés de son oncle, le Grand Condé.
C'est, dans le couvent des Carmélites, et par la porte de la rue Saint-Jacques, voisine de notre maison, qu'est entrée le 19 mars 1674 Mlle de Lavallière pour n'en plus sortir. Après avoir régné sur le cœur de Louis XIV, elle fut la sacristaine du couvent, sous le nom de sœur Louise de la Miséricorde.
Mme de Longueville assista à un an d'intervalle à la « vêture », puis à la « profession » de Mlle de Lavallière, cérémonie à laquelle prêcha Bossuet; et quelques mois après, elle fut l'auditrice de l'Oraison funèbre de Turenne, prononcée par Mascaron, alors évêque de Tulle, dans l'église du Carmel, où le cœur du maréchal avait été apporté après Salzbach : noble cœur, que la princesse de Longueville pouvait se souvenir d'avoir troublé un instant.
Après sa mort, survenue le 15 avril 1679, le corps de Mme de Longueville fut, suivant sa volonté, inhumé dans l'église du Carmel, ses entrailles dans la chapelle de Saint-Jacques, dédiée à Saint-Denis, et son cœur fut porté, par les soins de son frère, le grand Condé, à Port-Royal des Champs.
Telle était la réputation du couvent des Carmélites, pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, qu'à certains jours la Cour et toute la société parisienne y affluaient pour entendre la parole des plus célèbres prédicateurs. C'est là que furent prononcées les oraisons funèbres de la princesse Palatine par Bossuet, et du duc de Montausier par Fléchier.
Avec le XVIIIe siècle, la vie du Carmel de la rue Saint-Jacques devient beaucoup plus calme et, comme les peuples heureux, n'a pas d'histoire jusqu'à la Révolution. Mais, en 1790, le couvent est supprimé, vendu nationalement et démoli en 1797, ainsi que l'église.
En 1802, quelques carmélites rachetèrent une portion de leurs anciens terrains, en bordure de la rue Denfer, et y établirent un nouveau couvent, beaucoup plus petit que l'ancien, avec une chapelle. Le tout a été racheté par un particulier après le nouvel exil des Carmélites en 1901, et il n'en reste que la façade de la chapelle utilisée dans les bâtiments de l'imprimerie Nelson — ainsi, comme je l'ai déjà dit, que la crypte de Saint-Denis, restaurée par les carmélites dans le cours du XIXe siècle.
Quelle était la disposition des bâtiments du Carmel avant leur destruction en 1797 et qu'en reste-t-il?
Le plan de Turgot, prévôt des marchands, établi en perspective cavalière à l'échelle d'environ 1/2000, permet de se rendre compte de l'état de ces bâtiments en 1734, état qui n'avait certainement pas changé depuis le milieu du XVIIe siècle.
On entrait dans le monastère par un grand portail de 3 m. 50 de large, existant encore, rue Saint-Jacques, 282, à deux pas de nous, et dont la vieille porte, à deux vantaux en chêne bardé de fer, est, à n'en pas douter, celle de l'ancien couvent.
Le chemin partant de cette porte traversait tout le couvent jusqu'à la rue Denfer, en longeant d'abord un bel hôtel avec jardin, existant encore, qui devait servir de maison de réception et de parloir pour les étrangers, puis l'église des carmélites et passait enfin entre les deux bâtiments constituant le monastère proprement dit.
Au sud du couvent et jusqu'à la rue de La Bourbe (boulevard de Port-Royal actuel), s'étendaient d'immenses jardins, dont une partie servait de cimetière aux religieuses et au milieu duquel s'élevait une chapelle.
Que reste-t-il de tout cet ensemble? Peu de choses, mais ce peu nous intéresse fort, car c'est lui qui limite à l'ouest notre Maison des mines jusqu'à la rue Pierre-Nicole. L'hôtel est délabré, mais encore intact, son jardin est transformé en garage d'automobiles, mais sa surface est toujours la même. Actuellement, l'hôtel et son ancien jardin font partie d'un ensemble appartenant à un marchand de biens qui nous a offert de nous vendre la partie continuant le terrain de notre Maison, jusqu'à la rue Pierre-Nicole. Nous avons accepté son offre, car si nous l'avions écartée, notre Maison des mines serait à coup sûr bientôt privée d'air et de lumière, pour la moitié de ses chambres, par la construction de maisons à sept étages, comme en est déjà pourvue la rue Pierre-Nicole d'un bout à l'autre.
Il n'y a qu'un petit malheur, c'est que les fonds réunis au début de notre entreprise, qui correspondaient fort bien à la construction de l'édifice, n'ont pas prévu cette éventualité toute récente et sont insuffisants pour couvrir les frais d'achat de ce terrain de plus de 500 mètres carrés. Nous comptons sur l'inlassable générosité de nos fondateurs, camarades et grandes sociétés minières et métallurgiques pour nous mettre à même de conserver à notre Maison « l'air le plus pur et le plus serein de la ville », comme l'a dit Bossuet dans son oraison funèbre d'un des supérieurs de l'Oratoire installé en bordure de la rue Saint Jacques, sur l'emplacement actuel du Val-de-Grâce.
Vous voyez, mes chers camarades, que je n'avais pas tort de vous dire en commençant que l'histoire du sol de la Maison des mines est une très belle histoire, et vous êtes certainement convaincus comme moi que son avenir ne sera pas moins riche que son passé en faits du plus haut intérêt.
Notre Maison est déjà, et sera toujours, remplie d'une jeunesse intelligente et studieuse, ardente au travail, formée de l'élite de nos plus grandes écoles techniques, qui, dégagée pour une grande part des soucis de la vie matérielle, trouvera ici le calme, si propice à un travail fructueux et une atmosphère de franche camaraderie, si réconfortante dans les moments inévitables de lassitude ou de découragement.
Ces jeunes gens contribueront ainsi à maintenir, que dis-je? à rehausser encore le prestige des grandes écoles qui nous les envoient, et vous voyez ainsi que tous les généreux donateurs qui auront participé à la réalisation complète de notre entreprise auront, en même temps, bien travaille chacun pour les Alma Mater dont ils sont les dignes fils.
Mes chers camarades, je vous invite à lever avec moi votre verre pour boire à la prospérité et à la gloire de La Maison des mines.
Après un magistral et triple ban (témoignage de la reconnaissance des bénéficiaires de l'œuvre sociale qu'est la Maison des Mines), S. Exe. M. de Madariaga, Ambassadeur d'Espagne à Paris, venu en camarade, évoque avec un humour très apprécié quelques-uns de ses chers souvenirs d'école.
M. de Madariaga est très applaudi.
Après un essai du nouveau poste de T.S.F., qui venait d'être livré à la Maison des Mines, quelques Camarades font une visite de la Maison, dont ils ont emporté la meilleure impression : bibliothèque, salle de jeux, salle d'escrime, salle de répétition du jazz, chaufferie, chambres; ils s'arrêtent un instant, malgré la rigueur de la température, à contempler, du haut de la vaste terrasse supérieure, Paris tout lumineux, sous les étoiles...
La Maison des Mines a eu des difficultés à équilibrer son budget dans les premières années de son fonctionnement. Ainsi, à l'A.G. du 17 mars 1936, on note que :
Cet exercice est probablement celui qui aura laissé les charges financières les plus lourdes. Nous devions, en effet, légitimement compter sur la loi du 27 juillet 1934 pour bénéficier des avances promises par l'Etat aux entreprises semblables à la nôtre. Tout notre dossier de demande d'emprunt était déjà constitué il y a un an, à pareille époque. Nous avons reçu au cours de l'année 1935 l'accord du ministère de la Santé Publique et l'autorisation d'emprunter 800.000 francs pour finir de payer nos travaux. Le ministère des Finances, sur le vu de cette autorisation, nous a donné également son accord et nous l'a notifié conformément aux règlements.
Enfin, la Ville de Paris a bien voulu nous donner la garantie de remboursement que demandait la Caisse des Dépôts et Consignations. Seuls les délais nécessaires pour l'établissement de toutes les autorisations administratives ont retardé l'établissement du contrat. Nous avons reçu le 14 mars la notification officielle de la garantie donnée par la Ville de Paris et nous pourrons signer prochainement le contrat d'emprunt. Les fonds seront donc très prochainement mis à notre disposition pour terminer tous les règlements de comptes.
La Banque de l'Union des Mines a grandement facilité nos paiements et nous l'en avons vivement remerciée, mais le taux des avances de la Banque de France ayant été très élevé pendant les derniers mois de 1935, les intérêts à notre charge s'en sont trouvés augmentés.
Supplément à La Revue des Ingénieurs, mai 1952 :
LA Maison des Mines, fondée en 1929 comme Société Anonyme d'Habitations à Bon Marché, a pour objet d'assurer le logement et l'entretien aux Elèves des Ecoles des Mines, des Ponts et Chaussées, du Génie Maritime, des Poudres et Salpêtres.
Ce bel immeuble, sis 270 rue Saint-Jacques, comprend 114 chambres, dont 84 sont actuellement occupées par un élève chacune et 30 par deux élèves « binômes ». Ces élèves appartiennent respectivement aux quatre Ecoles indiquées à raison de 78, 56, 2 et 3. De plus, trois frères d'élèves poursuivant des études à Paris, partagent une chambre.
Chaque étage comporte des salles de douches. Au sous-sol, existe un restaurant dont les cuisines et dépendances sont bien outillées. Le restaurant est loué par la Maison des Mines au Comité Parisien des Etudiants, qui le gère au titre de Restaurant Universitaire — ce qui permet aux habitants de la Maison des Mines de bénéficier de repas dont le prix est avantageux, mais dont la consistance ne répond pas toujours comme ou le souhaiterait à l'appétit de jeunes étudiants... Le restaurant sert de très nombreux repas aux étudiants
C'est notre Camarade Charles Bouniol, qui est le Président Directeur Général de la Maison des Mines, dont il assure avec un dévouement et une compétence remarquables le fonctionnement. Il coopère dans cette tâche avec deux Elèves, délégués, l'un par les Mines, l'autre par les Ponts, qui l'aident au mieux des intérêts communs. Un conseil de 15 membres, comprenant 9 anciens de notre Ecole, assiste M. Bouniol.
Le Maison des Mines a pour but de donner aux Elèves des chambres au prix le meilleur, tout en assurant le bon entretien de l'immeuble et du mobilier. Pour les trois trimestres de l'exercice 1951-52, un élève binomé aura payé — chauffage compris — 27.000 francs et un débinomé de 39.500 francs. Si on compare ces prix à ceux payés au Quartier Latin pour des chambres souvent peu confortables, on mesure le service rendu à nos jeunes camarades. L'Association prend à sa charge, sous forme de prêt d'honneur, les loyers de 15 chambres.
En été, les chambres sont louées à des étudiants français ou étrangers, et même à des anciens et à leurs familles qui peuvent être heureux de résoudre à des conditions avantageuses le problème du logement au cours d'un passage à Paris.
La Maison des Mines existe depuis 1932. Il est difficile pour nos Camarades des Promotions plus anciennes de se rendre compte de son importance dans la vie des Mineurs actuellement à l'Ecole. Dans l'ensemble, la moitié environ des Elèves de chaque Promotion habite 270, rue Saint-Jacques. Les autres, habitant chez leurs parents, sont les « externes », mais ces externes mangent très souvent le repas servi par le COPAR dans les locaux de la Maison.
N'est-il pas ensuite naturel de prendre l'ascenceur pour aller déguster un café amoureusement fabriqué par quelque habitant du cinquième ou du septième ? Je soutiens sans rire que ces cafés ont un rôle prédominant dans la connaissance réciproque des Mineurs. Certes, on peut se boucler dans sa « thurne ». comme Vigny dans sa tour d'ivoire, mais le cas est si rare que l'on peut dire que la Maison des Mines, logis des uns, largement ouverte aux autres, est vraiment le foyer, le point de ralliement de tous. D'ailleurs, vu l'exiguité des locaux, nous ne pouvons disposer, comme cela existe à l'Ecole des Mines de Nancy, par exemple, d'une salle de réunion dans les bâtiments de l'Ecole même. Aussi, de facto, la Maison des Mine est le centre des activités mineures.
La bibliothèque, pratiquement réduite à des livres sans intérêt a été remise sur pied cette année sur notre propre budget [celui de l'Association des ancines élèves] et non sur celui de la Maison. Elle compte maintenant 300 volumes ; la Commission des Elèves ne voit là qu'un début. Dans un cabinet du cinquième étage, nous avons créé cette année également une discothèque, constituée uniquement de disques classiques longue durée ; grâce à la discipline de tous, nous pouvons nous targuer d'une grande réussite. Des camarades de Paris, possédant des disques rares, organisent plusieurs fois par mois des auditions qui ont beaucoup de succès. En dehors de ces activités culturelles majeures, les habitants de la Maison des Mines ont à leur disposition un grand nombre de revues et de journaux, un billard, un ping-pong et un piano dont l'état laisse, hélas, à désirer car son âge (20 ans) est avancé et le traitement qu'il subit... inhumain.
Nonobstant ce qui précède, mon intention n'est pas de faire une description idyllique du Mineur habitant la Maison des Mines. Si sa vie se présente sous cet aspect sympathique de chaude camaraderie que j'ai essayé de peindre, il ne faut pas oublier que, pour beaucoup, les conditions matérielles sont dures.
Nos Anciens font de leur mieux pour améliorer ces conditions et les bourses existantes sont la manifestation de leur générosité et de leur esprit d'entraide. Il n'en reste pas moins que la fixation des loyers est un problème très difficile. J'avoue que je n'avais pas, avant d'être le représentant de mes camarades, de notions bien précises sur le salaire des femmes de ménage, le prix des paillassons et la manière d'équilibrer un budget, mais je savais déjà ce qu'il en coûte à une famille pour assurer la subsistance à Paris d'un garçon de mon âge ; et ce coût, vous le savez bien, n'a pas encore été touché par la baisse ! Nous sommes tous hantés par le désir d'être le plus rapidement possible financièrement indépendants de nos parents. Il faut savoir que les thurnes de la Maison des Mines sont aussi des lieux où l'on donne des leçons pour améliorer sa situation en fin de mois ; il ne faudrait pas que cet état de choses prenne une extension exorbitante ; il porterait préjudice au travail que nous demande l'Ecole et que nous prenons au sérieux plus qu'on ne veut le croire. Dans l'intérêt même de nos études, il serait bon que le plus grand nombre possible d'entre nous soient seuls dans leur chambre, calculée à priori pour une personne. L'état de « binômage » est peut-être très formateur ; en tout cas, il n'est pas naturel à notre âge, après trois ans de lycée !
Je suis persuadé que nos Anciens comprennent notre point de vue, peut-être empreint de l'inexpérience de la jeunesse, mais teinté aussi du réalisme des nécessités. Je ne veux pas terminer sur cette note dure. D'autres ont connu des difficultés avant nous et en ont triomphé. Nous ferons comme eux ; nous avons l'enthousiasme des Jeunes ; n'est-ce pas l'esentiel ?
P. MOUSSEL (EMP promotion 1949).