Louis Albert LAURANS (1856-1916)

Agrandir la photo

Photo appartenant
à la collection
privée de
Mme Arlette DELACOUR
née SCHULZ,
petite-fille
d'Albert LAURANS


Né le 22/3/1856 à Cresse (Crest) (Drôme). Fils de Hippolyte LAURANS, instituteur communal à l'Ecole protestante de Valence qu'il fonda, et de Marie Anne ARCHINARD, fille d'un petit entrepreneur de Crest, qui a construit notamment le temple de la commune de Beaufort. Hippolyte LAURANS avait auparavant enseigné dans les écoles protestantes de Crest et de Livron ; il vint à Valence afin de faire suivre des études de collège à son fils Louis Albert.
Louis Albert était l'aîné : il eut 2 soeurs, l'aînée mariée à Eugène FAY (banquier à Tournon, Ardèche) ; la 2ème mariée à M. JOURDAN, un des adjoints de Hippolyte LAURANS, descendant d'une famille d'agriculteurs protestants de Cabrières d'Aigues (Vaucluse) qui put présenter le concours de garde-mines grâce aux conseils de Louis Albert LAURANS. Louis Albert avait aussi 2 frères ; l'aîné fit Saint-Cyr, ayant raté Polytechnique à la suite d'une fièvre typhoïde.

Louis Albert épousa en 1888 Emma THIERRY-MIEG (1863-1925), fille de Charles THIERRY-MIEG (1833-1901), grand industriel du textile mulhousien.

Albert LAURANS a eu deux filles. L'aînée, Jeanne LAURANS (née en 1889), épouse de Marcel SCHLUMBERGER (1884-1953) cofondateur avec son frère Conrad de la CGG et de la multinationale de services pétroliers SCHLUMBERGER, et de Marie LAURANS (née en 1890).
La deuxième fille, Marie-Moémie LAURANS, épouse SCHULZ, est la mère de Arlette SCHULZ, nièce et filleule de Marcel SCHLUMBERGER, qui épousa d'abord Jean de DOUVILLÉ MAILLEFEU puis Yves DELACOUR.

Grâce à l'intervention de son père auprès du sénateur Bérenger, Louis Albert LAURANS put avoir une bourse au lycée de Lyon. Il entra ainsi à l'Ecole polytechnique (entré en 1875 classé 3, sorti classé 3 sur 254 élèves) et ensuite à l'Ecole des Mines de Paris (entré classé 3 et sorti classé 2 sur 3 élèves). Il appartient au Corps des mines.


Les informations suivantes concernant Albert LAURANS sont extraites du Dossier des Ingénieurs des Mines (Archives Nationales, cote F14 11414) et nous ont été communiquées par Corinne LAVAL-DUBOUL née LAURANS, son arrière-petite nièce.

Né à Crest (Drôme) 22 mars 1856
Admis à Polytechnique 1er novembre 1875
Elève ingénieur de 3e classe à l'Ecole des Mines 1er octobre 1877
Déclaré hors concours 24 juillet 1880
Chargé du sous arrondissement de Vesoul 1er octobre 1880
Nommé ingénieur ordinaire 3e classe 1er oct. 1880
Chargé en outre de l'intérim du sous arrondissement de Dijon 1er oct. 1880- 1er janvier 1881
Attaché en outre au service des topographies souterraines du bassin houiller de Ronchamp 1er juillet 1882
Chargé du sous arrondissement des mines de St Etienne 1er novembre 1882
Ingénieur ordinaire 2e classe 16 juillet 1883
Chargé à titre d'intérim du cours de physique à l'Ecole des mines de St Etienne 24 nov. 1883- 15 oct. 1885
En congé renouvelable de 5 ans et autorisé à rentrer au service de la société anonyme de la raffinerie C. Say en qualité d'ingénieur attaché à la direction. 1er avril 1886
Autorisé à se rendre en Angleterre en vue de procéder à l'étude des diverses questions relatives aux associations ouvrières, sans traitement. 15 avril 1890
Mis en congé renouvelable de 5 ans autorisé à accepter les fonctions de directeur technique des établissements d'impression sur étoffe de MM. Thierry, Mieg et Cie à Dornach et Mulhouse. 1er janvier 1892
Ingénieur ordinaire 1re classe 1er juillet 1893
Remis en activité, chargé du sous arrondissement de Moulins 1er mai 1894
Chargé du sous arrondissement de Lyon 1er juillet 1896
Chevalier de la Légion d'honneur 28 juillet 1897
Chargé du sous arrondissement d'Alais et de la direction de l'Ecole des maîtres ouvriers mineur. Il recevra en cette dernière qualité une indemnité annuelle de 1000 francs. Il remplira les fonction d'ingénieur en chef. 1er mai 1898
Nommé ingénieur en chef 1er mai 1898
Mis en congé illimité pour entrer au service de la Cie Franco-Russe des ciments de Portland de Guelendjik (Mer Noire) 1er mai 1900
Démissionnaire du corps des mines le 6 mars 1909. Il termine ainsi sa carrière administrative avec le grade d'ingénieur en chef des mines.

Décédé en novembre 1916


Fiche sur sa période à Alès

Marié le 10 janvier 1888, 2 filles, modeste aisance
Instruction : très bonne
Education : très bonne
Caractère : facile
Exactitude et régularité : très satisfaisantes
Zèle et activité : très satisfaisantes
Tenue et conduite privée : très satisfaisantes
Rapports avec les supérieurs les subordonnés les autorités le public : très bons

Observations de l'Inspecteur général des mines en 1899 « M. Laurans remplit d'une façon très satisfaisante les fonctions dont il est chargé à Alais. »


Le 3 mars 1900 il demande depuis Alais à être mis en congé illimité. Ce qui lui est accordé à partir du 1er mai. Il démissionne du corps des Mines le 27 février 1909, mais sans raisons exposées.


Dans la sous chemise « notes diverses » on apprend que la Sté de Gulengick désire lui confier la prospection d'un district minier sur les bords de l'Arax dont la concession vient de lui être accordée par le gouvernement russe à la condition qu'il n'y aura que des capitaux français. « Dans l'intérêt de l'industrie française il serait bon que Laurans soit autorisé à y participer comme il le demande.» (10 février 1900)


Chevalier de la Légion d'honneur en 1897 car il a découvert une nouvelle source à Vichy (apparemment celle des Célestins).


En janvier 1888 Laurans fait savoir au ministère son intention d'épouser Mlle Emma Thierry Mieg, fille de M. Thierry Mieg industriel à Paris, dont l'usine est à Mulhouse.


Dans une lettre du préfet de la Haute Saône du 5 août 1881 on note « il est complètement dévoué à nos institutions Républicaines. »


Son dossier de la Légion d'honneur ne nous apprend peu de choses de plus si ce n'est que c'est Tauzin, chevalier de la Légion d'honneur, ingénieur en chef des Mines, directeur de l'Ecole des Mines de St-Etienne que Laurans a choisi pour procéder à sa réception.



Albert LAURANS et ses camarades de chambre de Polytechnique
(en raison de son bon classement, il a les galons de sergent "crotale")
Photo appartenant à la collection privée de Mme Arlette DELACOUR, sa petite-fille


DISCOURS
PRONONCÉS AUX OBSÈQUES
DE
M. Louis-Albert LAURANS
INGÉNIEUR EN CHEF AU CORPS DES MINES
Né à Crest le 22 mars 1856 et mort à Paris le 9 novembre 1916
à l'âge de 60 ans
Chevalier de la Légion d'Honneur
VICE-PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ DES PHOSPHATES DE GAFSA
PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DES AUTOMOBILES DE PLACE
VICE-PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ DES VOILIERS FRANÇAIS
ADMINISTRATEUR DE LA COMPAGNIE FRANÇAISE DES MINES DE BOR (SERBIE)
ADMINISTRATEUR DE LA COMPAGNIE DES MINES D'OUASTA ET DE MESLOULA
ADMINISTRATEUR DE LA SOCIÉTÉ FRANCO-RUSSE DES CIMENTS PORTLAND DE GUELENDJIK
ADMINISTRATEUR DE LA COMPAGNIE FRANÇAISE D'ÉTUDES ET D'ENTREPRISES
ADMINISTRATEUR DE L'OMNIUM LYONNAIS DE CHEMINS DE FER ET DE TRAMWAYS
ADMINISTRATEUR DE LA COMPAGNIE DES MINES, FONDERIES ET FORGES D'ALAIS
ADMINISTRATEUR DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DES CARBURANTS
ANCIEN PRÉSIDENT DU CHEMIN DE FER ÉLECTRIQUE SOUTERRAIN NORD-SUD DE PARIS
ANCIEN PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ OTTOMANE D'HÉRACLÉE
ANCIEN PRÉSIDENT DE LA BRITISH MOTOR CAB Cie
ANCIEN PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ DES MINES D'OR DU CHATELET
ANCIEN ADMINISTRATEUR DE LA SOCIÉTÉ DES ACCUMTILATEURS TUDOR


DISCOURS
de
M. DOUGADOS, Inspecteur Général des Mines.

Egalement publié dans le Bulletin des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, sept.-oct. 1917, pp. 202 à 204.

Au nom de ses camarades de l'École Polytechnique et de l'École des Mines, je viens rendre un suprême hommage à l'ami que nous venons de perdre. Il est un des ingénieurs qui ont le plus honoré ces deux écoles et le corps des Mines, auquel il a longtemps appartenu.
Car, s'il a consacré la fin de sa vie à la direction de grandes affaires industrielles, il avait auparavant suivi pendant de nombreuses années une carrière administrative où il avait donné aussi toutes les preuves de sa valeur.
Albert LAURANS était né en 1856 dans le sud-est de la France, sur les bords du Rhône. Doué de l'intelligence la plus brillante, il entrait en 1875 à l'École Polytechnique pour en sortir avec le titre d'élève-ingénieur des Mines en 1877. Après trois années employées à suivre à Paris les cours d'application de l'École supérieure des Mines et à faire en France et en Europe des voyages d'étude, il était nommé ingénieur des Mines en 1880. Il débutait en cette qualité à Vesoul, où il s'occupait à la fois des mines de Ronchamp et du contrôle de l'exploitation du chemin de fer de l'Est. Deux ans après, il passait dans le département de la Loire, où il se familiarisait avec l'exploitation des grandes houillères de cette région. Il y était aussi attaché au contrôle de l'exploitation du réseau P.-L.-M. et à la réception du matériel fabriqué pour les chemins de fer construits par l'État. Bientôt même, devenu un maître à son tour, il était en outre chargé de faire des cours à l'École des Mines de Saint-Etienne.
Mais ses goûts le portaient vers les occupations industrielles et il avait pu déjà être apprécié des chefs d'industrie avec qui il s'était trouvé en rapport. Aussi, dès 1886, obtenait-il de l'Administration d'être mis en congé pour venir à Paris, dans la Société de la raffinerie Say, comme ingénieur attaché à la direction.
Il ne devait pas y rester longtemps. C'est à cette époque de sa vie qu'il se maria et son mariage le fit entrer dans une des grandes familles industrielles de l'Alsace. Il quitta alors la raffinerie Say pour aller à Mulhouse s'occuper des établissements Thierry-Mieg et de l'industrie de l'impression sur étoffes.
Albert LAURANS reprit, en 1894, du service dans l'administration comme ingénieur des Mines, à Moulins, d'abord, à Lyon ensuite. Dans ces deux postes, il eut à s'occuper de délicates questions relatives au captage des eaux minérales et en particulier du captage des sources domaniales de Vichy.
En 1897, Albert LAURANS recevait la Croix de la Légion d'Honneur et l'année suivante il quittait Lyon pour aller à Alais prendre le service d'ingénieur en chef avec la direction de l'École des Maîtres mineurs. Il retrouvait dans ce nouveau service les difficiles questions auxquelles donne lieu l'exploitation des grands bassins houillers et qu'il avait déjà étudiées dans la Loire. Il était alors devenu un des ingénieurs en chef les plus en vue du corps des Mines, un de ceux sur lesquels l'Administration comptait le plus.
Grâce aux soins dévoués dont il était entouré, sa santé, qui avait été un moment ébranlée, s'était peu à peu raffermie. Sentant toutes ses forces revenues, il n'hésita pas à tourner de nouveau ses regards vers l'industrie. Il quitta une seconde fois l'administration en 1900 avec un nouveau congé. Mais cette fois c'était pour n'y plus rentrer et quelques années plus tard, il donnait définitivement sa démission.
Cette carrière si variée et où il avait étudié successivement les questions les plus diverses, l'avait remarquablement préparé à aborder l'étude et l'administration des grandes affaires industrielles. Avec, quel succès il le fit, les noms des entreprises dans les conseils desquelles il fut appelé, mines de toute sorte, grande métallurgie, grandes entreprises de transport urbain, le disent assez haut. Il y apportait, en outre de ses connaissances techniques si étendues, de sa grande puissance d'assimilation, les qualités si précieuses de pondération et de bon sens qui étaient la marque caractéristique de son esprit.
Son existence devint alors d'une activité extraordinaire, constamment entrecoupée de voyages en Russie, en Serbie, en Turquie, en Afrique, partout où l'appelaient les nombreuses affaires qui se partageaient son temps.
La tâche qu'il assuma de la sorte devint peu à peu écrasante et ses forces ne purent y suffire. A plusieurs reprises, il fut obligé de prendre du repos, de réduire ses trop nombreuses occupations. Peut-être ne sut-il pas écouter assez ces premiers avertissements d'une santé de nouveau chancelante.
En 1914, la guerre vint ajouter aux fatigues de cette vie de travail tout le poids des préoccupations qu'elle lui apportait pour des affaires situées dans des pays belligérants, les uns envahis, d'autres devenus hostiles. A partir de ce moment, sa santé se mit à décliner rapidement. Il ne fut plus en état de résister au mal qui le minait et qui vient de l'enlever à l'affection des siens à un âge qui pouvait permettre encore l'espoir de nombreuses années.
Dans cette vie, trop courte sans doute, mais cependant si bien remplie d'activités si diverses, Albert LAURANS a montré, partout où il a passé, avec l'esprit le plus lucide, le jugement le plus sûr, le caractère le plus droit, les plus rares qualités du coeur. C'est le souvenir que gardent de lui tous ceux qui l'ont connu.
Puisse la douleur que laisse à sa famille une séparation si cruelle trouver quelque adoucissement dans le témoignage que lui rendent ici par ma voix ses camarades d'école et de carrière, dans l'unanimité des regrets et des sympathies qui entourent son cercueil.


DISCOURS
DE
Monsieur Louis de SEYNES, Administrateur de la Compagnie des Forges d'Alais.

MADAME,

A l'heure où il semble que la France mériterait de voir épargner plus particulièrement ceux qui ne pouvant combattre au front paraissent le plus indispensable à son existence, la maladie d'abord, la mort ensuite nous ont enlevé le précieux concours d'Albert LAURANS.
Si ses convictions et sa foi elles-mêmes nous font un devoir de nous incliner sans chercher à comprendre, nous n'en devons pas moins dire ici que la Compagnie des Forges d'Alais serait la dernière à oublier ce qu'il a fait pour elle. Dans ces moments tragiques où chacun à l'arrière comme à l'avant ne peut avoir qu'une pensée, nous serions bien ingrats en perdant de vue que si nous avons aujourd'hui la satisfaction de collaborer aussi intensivement à la Défense Nationale, c'est qu'en 1903 M. LAURANS voulut bien étudier notre affaire, dire à qui de droit que nos projets loin d'être chimériques comme certains le pensaient étaient des plus réalisables; bref, avec toute l'autorité qui s'attachait à son nom, émettre un jugement qui permît à notre vieille Compagnie de renaître.
Non content de nous voir ainsi mis en état d'aborder le programme de rénovation que nous avions envisagé, il consentit, malgré le labeur écrasant qu'il avait déjà assumé dans d'autres industries, à nous apporter son concours actif d'abord comme ingénieur-conseil, puis comme administrateur et membre du comité de direction. Je ne pourrais parler de sa collaboration sans entrer dans des détails qui ne me paraissent pas avoir place ici dans ces quelques mots d'adieu. Comme pour toutes les affaires qui eurent le bonheur de le posséder, elle fut celle d'un homme qui savait mettre à la portée de tous sa science et appuyer celle-ci sur un sentiment du devoir et une conscience qui en imposaient peut-être encore davantage.
Mais je m'en voudrais de laisser croire à une famille en deuil, à laquelle je veux seulement apporter le témoignage de sympathie de tous les collaborateurs de la Compagnie des Forges d'Alais, que par un sentiment qui ressemblerait à de l'égoïsme nous déplorons surtout la perte de l'homme supérieur que nous étions si lier de compter parmi nous. Tous ceux qui l'ont approché savent qu'il était impossible de connaître Albert LAURANS sans ressentir une attraction que l'on souhaitait bien vite voir se transformer en une véritable amitié. Sous les dehors les plus aimables, et à travers les expressions si fines de sa pensée, l'homme de devoir au coeur chaud perçait à chaque instant. Le charme de sa conversation facilitait singulièrement l'étude des questions qu'on lui soumettait, quelle qu'en fût l'aridité, mais on n'en était pas moins certain pour cela de posséder ensuite la solution la plus juste et la plus sûre, qu'il s'agit de questions techniques ou sociales.
Si son activité n'avait été absorbée par tant de grands travaux, Albert LAURANS eût été le meilleur des arbitres, celui à qui tout le monde aurait voulu avoir recours. Voilà l'ami que nous pleurons, il était impossible de le connaître sans se douter de ce qu'il était aussi dans sa famille, aussi l'ayant certainement connu tout entier parce qu'il a bien voulu nous donner de son intelligence et de son coeur, nous vous demandons la permission de nous associer à votre douleur et de lui dire avec vous " au revoir ".
12 novembre 1916.


DISCOURS
DE
M. BEIGBEDER, Président de la Cie des Phosphates et du Chemin de fer de Gafsa.

MADAME,

Veuillez me permettre, au moment de ce douloureux départ, de dire quelques mots à la mémoire de mon ancien camarade et ami, M. Albert LAURANS.
Si le Président de la Cie des Phosphates et du Chemin de fer de Gafsa peut parler au nom de tout le personnel d'une Compagnie qui vient de perdre son administrateur délégué et vice-président, il sait qu'il est en même temps l'interprète de tant d'autres Sociétés qui ont perdu leur Président, leur administrateur, leur fondateur.
Peu d'hommes ont fourni, dans une vie malheureusement écourtée, une somme de travail aussi considérable. Peu ont abordé des affaires aussi diverses en y laissant une telle marque de leur passage.
Sorti de l'École polytechnique en 1877, en tête de sa promotion, il entra dans le corps des mines où il occupa, après un court passage dans l'industrie privée, divers postes importants, comme ingénieur ordinaire, puis comme ingénieur en chef. En 1900, il entra à la Société Française d'Etudes et d'Entreprises où ses dons remarquables d'ingénieur et d'administrateur purent se montrer et se développer largement. C'est de là qu'il entra à des titres divers dans les entreprises de mines de Gafsa, de Guélendjik (Russie), d'Alais, d'Héraclée (Turquie), du Châtelet, dans les entreprises de transport de l'Omnium Lyonnais, du Nord-Sud, des Voiliers Français, des Automobiles de Place, etc... C'est là qu'il créa de toutes pièces les deux mines d'Ouasta Mesloula et de Bor (Serbie). A côté des hautes qualités de travail, d'intelligence et de volonté indispensables dans ces multiples fondions, il avait une bonté et une bienveillance incomparables et, en outre, une manière alerte et gaie de pratiquer l'accomplissement du devoir qui lui donnaient une action puissante sur son personnel.
C'est ainsi qu'il a accompli de grandes oeuvres et servi particulièrement son pays à l'étranger en faisant connaître et apprécier au loin la manière de travailler des Français.
Pourquoi faut-il qu'une maladie impitoyable soit venue anéantir peu à peu toutes ces belles facultés et nous l'enlever prématurément ?
Nous en avons tous ressenti une profonde douleur et nous tenons à vous dire, Mesdames, et à faire savoir à ses gendres et à ses frères qui sont sous les drapeaux, que nous garderons toujours vivant parmi nous le souvenir des belles, mais trop courtes années qu'il nous a données et de la place qu'il a marquée dans la vie industrielle de notre pays.


ALLOCUTION
prononcée aux obsèques de M. Albert LAURANS
le 12 Novembre 1916 dans l'église de l'Étoile, par M. le pasteur J. VINARD.

Nous sommes réunis pour rendre les derniers devoirs à M. Albert LAURANS, chevalier de la Légion d'Honneur, ingénieur au Corps des Mines, décédé le 9 novembre, à l'âge de 60 ans ; et pour entourer de notre vive sympathie les membres de sa famille dans leur immense épreuve. Il y a douze jours environ, à son retour de la campagne à Paris, le mal qui le minait depuis longtemps et qui s'atténuait, laissant un sérieux espoir de guérison, s'aggrava rapidement d'une façon alarmante. Pour les hommes vaillants comme lui, si le travail est un danger, son interruption en est un autre ; l'inaction forcée, qui avait résulté pour lui des premières atteintes du mal, était peu à peu devenue la cause d'un mal plus grand en le privant de toute occasion de réagir; et la fin est venue, soudaine et inattendue. La mort est, du reste, toujours inattendue; elle nous paraît anormale surtout quand elle met un terme à une existence aussi noble et aussi utile que celle qui vient de s'éteindre.
M. Albert LAURANS devait la haute situation à laquelle il était parvenu, à sa valeur personnelle, à des dons exceptionnels, dont il avait le mérite d'avoir fait l'usage le plus fidèle et le plus persévérant. Combien nous l'admirions dès son enfance, nous, ses aînés, pour son intelligence vive et claire, pour son application inlassable à l'étude, pour ses remarquables progrès à ses premiers débuts, pour tout ce qu'il y avait de charmant dans son caractère, aussi modeste que distingué. Tel je l'ai connu enfant, tel il a été, jeune étudiant, au cours de ses brillantes études, dans son labeur calme et soutenu ; et tel il a toujours été, dans sa longue carrière de vaillance et de bonté. On ne peut songer sans émotion à tout ce qu'il a été comme fils, époux, père, ami fidèle, et comme conducteur d'hommes. Dans ses relations avec ceux qui étaient sous ses ordres, ainsi qu'avec ses collaborateurs, sa délicatesse et son dévouement, aussi bien que son savoir, son intelligence et sa volonté, lui donnaient une grande et aimable autorité. De là, les éminents services qu'il a rendus, et au sujet desquels les représentants des diverses entreprises industrielles et des sociétés, où s'est exercée son action, ont apporté à sa mémoire, il y a un instant, au commencement de ce service religieux, dans la maison mortuaire, un hommage si émouvant. Quand la fatigue et la souffrance ont rendu son activité difficile, il a voulu cependant, comme un bon soldat de l'armée du travail, rester debout jusqu'à la fin, songeant toujours aux autres plus qu'à lui-même. Lorsqu'il était déjà très gravement malade, il a consacré des nuits à un labeur acharné, en outre de ses préoccupations habituelles très absorbantes, pour sauver de la ruine un de ses camarades, dont il pressentait l'innocence et auquel il a fait rendre justice d'une façon irréfutable.
...