Jacques Charles DELACOUR (1924-2003)


Remise de la Légion d'honneur à Jacques DELACOUR, par Hubert CURIEN, ministre de la recherche
Photo coll. privée de M. Gilles DELACOUR


Fils de Robert DELACOUR (10 décembre 1900 - 25 avril 1982, lieutenant de tirailleurs marocains en 1924, il quitte l'armée comme colonel avant d'entreprendre une carrière dans l'industrie - Commandeur de la Légion d'honneur) et de Suzanne COVIAUX (16 août 1905 - 15 mai 1996) fille de Edouard Henri COVIAUX (chef d'escadron, Officier de la Légion d'honneur).

Jacques DELACOUR est né le 11 septembre 1924 à Germersheim (Palatinat, Allemagne). Il décède le 22 mars 2003 à Paris (13ème).

Jacques DELACOUR épouse, le 7 mars 1953, Arlette Emma SCHULZ, fille de Marcel Emile SCHULZ et de Marie Noémie LAURANS, elle-même fille de Albert LAURANS. Arlette DELACOUR est nièce et filleule de Marcel SCHLUMBERGER, qui a créé avec son frère Conrad la multinationale de services pétroliers.
Jacques DELACOUR est le père de Gilles Michel Thierry DELACOUR (né le 30 juillet 1956).

Il est ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1945) et de l'Ecole Supérieure Nationale du Pétrole et des Moteurs (ESNPM).


Publié dans La Jaune et la Rouge, août-septembre 2003

Jacques Delacour 1924-2003, par Raphaël Aris (X 42 B)

On m'a demandé d'écrire cette notice à la mémoire de Jacques Delacour, décédé le 22 mars 2003. D'où me vient cet honneur?

Bien que d'une promotion voisine de la sienne, je ne le connaissais pas beaucoup, ne l'ayant guère rencontré qu'une dizaine de fois dans ma vie et ne connaissant pas personnellement sa famille. Mais chacune de ces rencontres m'a laissé un souvenir inoubliable : celui qui naît de propos échangés en parfaite transparence, où chacun ouvre à l'autre le fond de son coeur. C'est ainsi que je crois pouvoir dire que nous étions profondément amis, de cette amitié qui naît d'une parfaite compréhension mutuelle.

Jacques Delacour a été un grand ingénieur ; de la race de ceux qui créent et qui s'engagent. Quelle qu'ait été sa vocation personnelle, j'imagine que les années qu'il a passées au sein de la Société de Prospection Électrique auprès de Marcel Schlumberger l'ont confirmé dans sa passion pour ce que l'on appelle maintenant la " Recherche et Développement " et qui devrait être l'essence même du métier d'ingénieur.

Entré à l'Institut français du pétrole (IFP) après le décès de Marcel Schlumberger, il y a consacré toute sa carrière comme directeur des programmes de recherches en forage/ production. Parmi les grands projets dont il fut le promoteur, les plus connus sont :

- les conduites flexibles, d'abord conçues comme conduites de forage dans le Flexoforage, qui ont abouti aux conduites de collecte de production de Coflexip ;

- le positionnement dynamique, appliqué d'abord au navire de reconnaissance géotechnique Térébel, dont les développements permettent maintenant de forer au large de l'Angola par 3 000 mètres de fond ;

- le clip riser, tube de connexion entre le fond et la surface à joints clampés ;

- les matériaux composites assurant l'allégement des conduites.

Mais le dernier grand projet qu'il a lancé et dont j'ai longuement parlé avec lui alors que je venais de prendre la présidence du groupement des entreprises parapétrolieres (GEP) fut le pompage polyphasique. Permettant de propulser simultanément un mélange de pétrole, de gaz et d'eau depuis une tête de forage sous-marine jusqu'à une station de traitement située à plusieurs kilomètres de distance, ce nouveau type de pompe, conçu à l'origine avec le concours de Total, a permis de repenser profondément l'architecture de la mise en production des champs d'hydrocarbures sous-marins.

Jacques Delacour était un grand innovateur et nous devons garder en mémoire ce qu'il disait du binôme " Recherche et Développement " : la France sait bien gérer le premier de ces deux termes mais n'accorde pas au second le poids financier et managérial qu'il mérite.

Le souvenir de Marcel Schlumberger, mécanicien avisé ayant su transformer le projet visionnaire de son frère Conrad (X 1898), le physicien, en une réalisation industrielle qui fait encore aujourd'hui du groupe Schlumberger la référence mondiale du parapétrolier, ce souvenir a dû inspirer la stratégie que Jacques Delacour souhaitait appliquer à TIFF en matière d'innovation technologique. Ayant épousé une nièce et filleule de Marcel, il a rendu hommage aux deux frères dans les colonnes de La Jaune et la Rouge (novembre 1992) et était administrateur de la Fondation "Musée Schlumberger" consacrée à la mémoire de ces deux grands précurseurs.

Notre profession commune, le parapétrolier, affronte encore aujourd'hui des défis redoutables pour faire face aux besoins énergétiques d'une population mondiale croissant en nombre et en richesse sans dénaturer son environnement. La France y tient une place bien supérieure à celle que la nature lui a accordée en matière de ressources d'hydrocarbures. Pour maintenir ce rang il importe que l'inspiration qui a guidé Jacques Delacour tout au long de sa carrière fasse école pour tous ceux, et ils sont encore nombreux, qui oeuvrent dans ce domaine ou envisagent de lui consacrer leurs talents.

Comme Conrad et Marcel Schlumberger ont su le faire il y a près d'un siècle, puissions-nous, en France ou dans le cadre européen, combiner le génie visionnaire du premier et le sens industriel du second pour toujours réussir, dans nos matches internationaux de Recherche et Développement, à " transformer l'essai " !

J'ai le sentiment profond qu'en exprimant ce souhait je traduis, quelques mois après qu'il nous ait quittés, le coeur de la pensée de Jacques Delacour.

Raphaël Aris (42 B)

N.B. :J. Delacour a publié dans La Jaune et Rouge d'avril et mai 1993 un "Libre propos" relatant ses aventures pétrolières en URSS et en juin/juillet 1995 un "Libre propos" sur "L'île à hélice" rapprochant le roman de Jules Verne de l'épopée du positionnement dynamique.

Publié dans IREX : Institut pour la recherche appliquée et l'expérimentation en génie civil, no 56, juin 2003 :

Editorial, par Christian BERNARDINI

Je tiens à m'associer à titre personnel à l'hommage que notre Président Jean CHAPON rend dans ce numéro à Jacques DELACOUR en insistant plus particulièrement sur son rôle de Président du Projet National CALIBÉ où son sens de l'organisation, sa rigueur et la pertinence de ces avis et conseils étaient appréciés par tous ceux qui ont eu le plaisir de travailler avec lui. Il avait souhaité qu'un livre rassemble tous les résultats et recommandations, fruits de ce Projet, son voeu sera exhaussé d'ici la fin de l'année accompagné de la préface qu'il avait rédigée avant de nous quitter.

Le triste rappel de cette disparition est pour moi l'occasion au nom de l'IREX de remercier tous ceux qui participent aux activités de l'IREX et aux Projets Nationaux le plus souvent bénévolement personnellement ou pour le compte de leur entreprise qui en acceptant de ne pas être rémunérés à la hauteur des prestations fournies ont su apprécier l'intérêt de cette recherche collective qui permet de mobiliser plus de moyens, plus de compétences pluridisciplinaires afin de la rendre plus efficace.

...

Jacques DELACOUR nous a quittés, le 22 mars 2003,

emporté par une maladie qu'il a affrontée avec son courage et sa sérénité habituels: elle a eu raison de lui, après une série d'opérations après lesquelles nous avions espoir de le voir revenir parmi nous, jusqu'à ce que tombe la triste nouvelle de son décès.

Avec lui, nous perdons à la fois un acteur des plus convaincus et des plus efficaces de la Recherche en Génie Civil et un ami.

Né en 1924, Jacques DELACOUR a été diplômé de l'Ecole Polytechnique (promotion 1945) puis de l'Ecole Supérieure Nationale du Pétrole et des Moteurs en 1949.

Si, dès son entrée dans la vie active, il a montré son intérêt pour la Recherche, ce n'était alors que marginalement dans le secteur du Génie Civil. A sa sortie de l'E.N.S.P.M., il travaille essentiellement dans le secteur pétrolier au sein de la Société de Prospections Electriques aux côtés de Marcel Schlumberger, puis à partir de 1960, à l'Institut Français du Pétrole (I.F.P.) qu'il quittera en 1989, ayant atteint l'âge de la retraite: il a travaillé pendant près de 30 ans dans le même organisme, témoignage éloquent de sa fidélité à cette grande Maison, en même temps que preuve évidente qu'il y a été apprécié: il y a constamment progressé, depuis le poste de Chef de département, Directeur de division, pour être nommé en 1979 Directeur de l'objectif "Ensembles industriels de production", dont il a dirigé tous les travaux en matière de forage et de production pétroliers. Lors de la Cérémonie organisée à sa mémoire le 26 avril 2003 à la Chapelle de l'Ecole Militaire, des voix plus autorisées que la mienne ont rappelé ses brillants états de service à l'I.F.P, et aussi le respect, l'estime et l'affection de sa hiérarchie, de ses collaborateurs et de ses subordonnés, "pour ce chef exigeant, sévère, encore que pouvant se révéler gai compagnon, attentif aux hommes et aux choses, un chef sécurisant". Si ses activités dans le domaine pétrolier l'avaient amené à travailler à des opérations de Génie Civil, c'est véritablement lorsqu'il s'est trouvé en position de "retraité" qu'il s'est engagé dans la Recherche dans ce secteur d'activité.... une retraite "plus administrative" que réelle, tant il a déployé une très grande activité sous les formes les plus diverses. Il a été un membre actif du Conseil d'Orientation de la Recherche en Génie Civil (CORGEC) qui avait, très vite après sa création en 1983, rédigé le schéma directeur de la Recherche dans ce domaine, proposant notamment la procédure des "Projets Nationaux", particulièrement bien adaptée à la recherche appliquée, nécessairement associative puisqu'elle doit s'effectuer sur des ouvrages en grandeur réelle.

Il a été, notamment, l'un des "quatre Mousquetaires" (avec MM. LONDE qui nous a quittés depuis plusieurs années, HABIB et COUPRIE), une équipe dont la compétence et la sagesse ont permis de pousser à fond la réflexion sur les thèmes à entreprendre pour des actions de recherche servant efficacement la technique française.

Il s'est parallèlement impliqué dans l'Institut pour la Recherche Appliquée et l'Expérimentation en Génie Civil (PIREX) dès sa création en 1989, pour en être un acteur polyvalent de la proposition, de la définition et du montage des Projets Nationaux dont le thème général était décidé par le ministère de l'Equipement, conjointement avec celui de la Recherche, dans le cadre d'un programme pluriannuel, arrêté sur proposition du CORGEC puis du RGCU.

Il a été membre assidu et écouté du Comité Scientifique mis en place par l'IREX quelques années après sa création. Mais Jacques DELACOUR était trop actif, trop convaincu de la nécessité d'une action efficace, pour se limiter à un rôle de réflexion - si approfondie et utile fût-elle! Il s'est personnellement impliqué dans l'action de Recherche en acceptant la présidence du Projet National "CALIBÉ" (fabrication et mise en oeuvre des bétons), sachant constituer une équipe à la fois compétente et motivée. Il s'est attaché, non seulement, à ce que ce Projet National produise de précieux résultats, mais il a veillé personnellement à ce qu'ils soient diffusés sous forme d'un livre de synthèse et de recommandations qui sera édité cette année, concrétisation qui lui a permis de "partir" au terme d'une mission complètement et remarquablement accomplie.

Sa connaissance en profondeur des problèmes du Génie Civil en a fait - au cours des derniers mois - l'apôtre aussi éloquent que convaincant de l'absolue nécessité de poursuivre l'effort de Recherche engagé avec le Projet National "KRONOS" dont l'objectif est de permettre de répondre scientifiquement à la difficile question de la détermination du moment où un ouvrage doit être "mis à la réforme" : notamment comment faut-il l'ausculter pour savoir s'il doit et s'il peut encore être renforcé ou réhabilité ? question particulièrement importante au moment où la construction de nouveaux grands ouvrages devient de plus en plus problématique, qu'il s'agisse de mobiliser les ressources financières nécessaires ou de surmonter les oppositions de toutes sortes que suscite désormais tout grand projet.

Là encore, il est "parti" en ayant la satisfaction que son opiniâtre conviction avait permis de mettre en place la structure qui permettra de réfléchir correctement à ce problème et de proposer les actions de recherche nécessaires.

Il a été, durant toute sa carrière d'actif et de "retraité", un Homme de conviction, non par une quelconque velléité d'imposer son point de vue, mais parce qu'il avait arrêté ses propres positions après mûre réflexion et parce qu'il considérait son apostolat comme un-devoir envers les autres, et l'expression d'une simple honnêteté intellectuelle; il s'attachait alors à faire partager ce qu'il avait appris à connaître, en prenant le temps de l'expliquer clairement à ses interlocuteurs, attentif à leur point de vue et ayant la modestie de le prendre en compte s'il lui paraissait valable.

Les qualités humaines et morales que ses compagnons de route à l'I.F.P. ont rappelées le 26 avril à la Chapelle de l'Ecole Militaire, ceux qui ont fait avec Jacques DELACOUR un bout de chemin dans ses activités de Recherche en Génie Civil, les reconnaissent avec la même chaleur. Car pour nous, à l'IREX, Jacques DELACOUR a été, depuis qu'il a participé à nos activités, un Homme qui nous a apporté non seulement une efficace coopération quotidienne, mais aussi et surtout son amitié, une amitié que nous lui rendions sans réserve, la plus solide car elle s'est forgée et chaque jour consolidée dans le travail accompli en commun pour le seul intérêt de la Recherche en Génie Civil et l'indispensable apport qu'elle constitue pour l'Economie de notre Pays.

Puisse ce message dans lequel nous mettons cette sincère et solide amitié, apporter un peu de réconfort à Madame DELACOUR son épouse, à son fils Gilles et à leur famille, en les assurant de notre fidélité à la mémoire de Jacques.

Jean CHAPON
Ingénieur Général (h) des Ponts et Chaussées (X 1948)
Président de l'IREX


Jacques Delacour, élève à l'Ecole polytechnique
Coll. privée Maurice Mermet

Voir aussi : Une technique de prospection minière née en Pays d'Auge, par Jacques Delacour.