Nous donnons ci-après un bref extrait de l'article de Pierre-Jean CUNAT intitulé Aciers Inoxydables (paru dans Techniques de l'Ingénieur). En effet, cet article montre le rôle joué par certains anciens des Ecoles des mines dans le développement de ces aciers au XIXème siècle.
Découverte et développement des aciers inoxydables
Il faut souligner que, si les aciers inoxydables ont connu l'extraordinaire développement que nous connaissons, cela est dû à la disponibilité à grande échelle des métaux entrant dans leur composition, c'est-à-dire le chrome, le nickel, le molybdène et le manganèse, ce dernier pouvant être utilisé comme substitut au nickel.
De plus ces métaux doivent être économiquement rentables de manière à pouvoir produire l'acier inoxydable à un coût compétitif.
Le chrome
Le chrome occupe le 13e rang des éléments présents dans la croûte terrestre. Sa concentration moyenne y est de l'ordre de 400 p.p.m.
Le principal minerai de chrome, connu sous le nom de chromite, est un spinelle de chrome correspondant à la formule chimique :
(Mg, Fe++) (Cr, Al, Fe+++)2 O4
les principaux gisements de chromite se trouvent en Afrique du Sud (Bushveld), au Kazakhstan et au Zimbabwe. Les réserves mondiales de chrome (chrome contenu) sont estimées à 482 Mt [8]. Elles sont situées en majorité en Afrique du Sud (61,2 %) et au Kazakhstan (20,6 %).
Historique
L'histoire des aciers inoxydables est intimement liée à celle du chrome et aux travaux du chimiste français Nicolas Louis Vauquelin (1763-1889) qui, en 1797, fut le premier à isoler cet élément.
Les premières observations des propriétés « inoxydables » du fer allié au chrome furent faites par Berthier, un autre français. Il montra dès 1821 que l'alliage fer-chrome était d'autant plus résistant à certains acides que sa teneur en chrome était plus élevée. Par contre, la quasi-impossibilité d'abaisser la teneur en carbone de l'alliage constitua un obstacle majeur à son développement.
En 1904, Léon Guillet puis Albert Portevin publièrent une série d'études relatives à la structure et aux propriétés des alliages fer-chrome couvrant les nuances martensitiques à 13 % de chrome et les nuances ferritiques à 17 % de chrome.
En 1909, L. Guillet publia une étude sur les aciers inoxydables au chrome-nickel ou aciers inoxydables austénitiques complétant ainsi ses études précédentes sur les alliages fer-chrome et couvrant pratiquement l'ensemble de la famille des aciers inoxydables. Le métallurgiste allemand W. Giesen [4] fit, de son côté, et à la même époque, des recherches comparables.
Les études de L. Guillet, A. Portevin et W. Giesen permirent ainsi, dès 1909, de classer les aciers inoxydables en fonction de leur structure et de définir les trois familles principales : martensitique, ferritique et austénitique.
Le passage au stade industriel est attribué à Harry Brearley pour les aciers inoxydables martensitiques. Il serait à l'origine de la première élaboration réalisée à Sheffield en 1913.
Un mérite analogue reviendrait aux allemands Benno Strauss et Eduard Maurer pour la production des aciers inoxydables austénitiques et aux américains Frederick Becket et Christian Dantsizen pour celle des aciers inoxydables ferritiques.
La première description de la passivité des aciers inoxydables est attribuée à l'allemand Philipp Monnartz.
Les recherches ultérieures ont notamment porté sur le rôle des éléments d'alliage. Elles ont conduit à la mise au point des nuances à durcissement structural dont les propriétés aux températures élevées ont été mises en évidence par Pierre Chevenard. Enfin, c'est au début des années 1930 que J. Hochmann a découvert les nuances biphasées austénoferritiques appelées de nos jours duplex.
Si la période comprise entre 1904 et 1920 a été riche en travaux de laboratoire, il a fallu attendre presque un demi-siècle pour atteindre un stade véritablement industriel.