Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1874 ; sorti classé 64ème) et de l'Ecole des Mines de Paris (promotion 1876). Ingénieur civil des mines.
Fils de Pierre GROBOT, employé d'imprimerie, et de Louise BOULOGNE. Né le 7 avril 1856 à Angoulême. Religion catholique.
Publié dans le Bulletin de l'amicale des anciens élèves de l'Ecole des Mines, septembre 1902 :
Le mercredi 20 août dernier, avaient lieu, à Lorette, près de Rive-de-Gier, les obsèques de notre regretté camarade Grobot.
Gustave Grobot, sorti de l'École polytechnique, puis de l'École des Mines, à la tête de sa promotion, a fait toute sa carrière industrielle dans la Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine, aux usines d'Assailly.
Adjoint comme ingénieur au commandant Bouchard, alors Directeur de ces usines, il lui succédait sept années plus tard dans ce poste important, auquel l'avaient rapidement désigné sa haute intelligence et son activité.
Depuis lors, pendant dix-neuf ans, il se consacra, tout entier a ces délicates fonctions, transformant et développant ses ateliers, remaniant ses fabrications suivant les progrès de cette métallurgie si compliquée des aciers fins, à alliages divers ; travailleur infatigable, trop grand travailleur peut-être, car sa santé s'est souvent ressentie du labeur excessif qu'il s'imposait, on le voyait à la fois dirigeant personnellement les recherches si nombreuses que pouvaient provoquer les spécialités de ces usines, et menant de front, en même temps, les études les plus diverses, sciences pures, études géologiques ou mméralogiques; sa physionomie si fine et si sympathique était bien connue dans les réunions techniques de l'Industrie minérale et dans les congrès qui se sont occupés des questions de mines et de métallurgie.
Mais à côté des mérites de l'Ingénieur éminent il y avait surtout chez Grobot les qualités du coeur le plus dévoué et le plus délicat dans son attachement.
Il avait été profondément estimé et aimé de celui qui fut son premier chef, de cet homme si travailleur également et si bon qu'était le commandant Bouchard, il le fut non moins et bien rapidement quand, passé à son tour Directeur, Grobot fut plus directement suivi par M. A. de Montgolfier, l'éminent Directeur général de la Compagnie, homme de si grand coeur, qui sut aussitôt apprécier le caractère élevé de notre camarade. Le collaborateur devint bientôt un ami ; aussi, fut-ce avec une émotion bien vive que M. A. de Montgolfier tant en son nom, qu'au nom de tout le personnel de la Compagnie, et au nom de la foule nombreuse des amis venus jusqu'à Lorette à la triste cérémonie, prononça les paroles suivantes sur le cercueil de notre camarade.
« MESSIEURS,
» Vous n'attendez pas de moi un discours.
» Après les deuils douloureux qui, depuis quelques mois, nous ont si profondément affligés et en présence de cette nouvelle et grande douleur, j'ai le coeur trop déchiré pour parler ici dignement et comme il conviendrait, de l'Ingénieur éminent, du savant distingué dont la brillante carrière a été si brusquement et si tristement interrompue.
» Je veux seulement aujourd'hui, au nom de la Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine, à laquelle M. Grobot était attaché depuis vingt-trois ans, apporter à la mémoire de celui qui fut le Directeur si dévoué, si intelligent de notre usine d'Assailly, l'expression de notre affliction et de nos regrets.
» Je veux aussi personnellement joindre mes larmes à celles de tous les siens dont il était si justement l'orgueil et la joie.
» Gustave Grobot était entré à l'École polytechnique en 1871. Après trois ans passés à l'École des Mines de Paris, il en sortit le premier de sa promotion comme Ingénieur civil des Mines et, sur la recommandation de ses éminents professeurs MM. Haton de la Goupillière et Mallard, il était admis comme Ingénieur à Assailly, sous les ordres de M. le commandant Bouchard, alors Directeur de l'usine. Sept ans après (Grobot n'avait alors que trente-et-un ans) il remplaçait son chef qui venait à Saint-Chamond partager avec M. Pion et moi le lourd fardeau de la Direction générale de la Compagnie.
» M. Grobot, dans ce poste important, justifia la confiance que nous avions mise en lui. Il se consacra tout entier à son oeuvre avec l'esprit de droiture et d'équité qui était le fond de sa nature. Il y donna sans compter son temps, son intelligence et tout son dévouement.
» Sa tâche n'était pas cependant sans présenter des difficultés théoriques et pratiques qui eussent été pour d'autres peut-être insurmontables. Il arrivait à la Direction d'Assailly au moment où il était vaguement question de l'introduction dans les aciers spéciaux de corps nouveaux tels que le tungstène, le chrome, le nickel, etc. Grobot vit de suite le parti qu'industriellement on pouvait en tirer au point de vue de la fabrication des projectiles, des blindages, des tôles pour l'artillerie et la marine. Ses recherches, couronnées de succès, aboutirent bien vite et il eut la satisfaction d'obtenir, avant tout autre, des produits nouveaux, réguliers, irréprochables, qui, tout en faisant avancer la science, contribuèrent grandement au bon renom de notre Société et à la prospérité de ses affaires.
» Je ne puis énumérer ici toutes les innovations, tous les perfectionnements que l'esprit toujours en éveil de notre Directeur a réalisés dans le large cadre où il se mouvait. Il me suffira de dire que successeur des Jackson, importateurs de l'acier en France au commencement du siècle dernier, successeur aussi, dans l'usine d'Assailly, de MM. Petin et Gaudet, les éminents fondateurs de notre Compagnie, il a été, comme l'avaient été, avant lui, MM. Bonnassies et Bouchard, le digne continuateur de leur oeuvre.
» Il ne pouvait pas, Messieurs, en être autrement. Grobot, dans le cours des excellentes études qu'il a faites, avait tout appris et, depuis, n'avait rien oublié. Mathématiques pures, mécanique rationnelle, chimie, physique, minéralogie, géologie, cristallographie, etc., toutes ces sciences lui étaient familières et après sa journée d'ingénieur remplie par la pratique métallurgique, il trouvait dans leur étude un délassement à ses travaux.
» Ah! Messieurs, combien il est triste de penser, que tant de savoir, tant d'intelligence, tant de forces acquises, sont à jamais perdues pour l'industrie et pour la science! Et quels regrets sont les nôtres en voyant une carrière qui promettait tant, si brusquement interrompue.
» Je m'arrête et je me demande quelle parole de consolation il me sera permis d'adresser à la femme chrétienne qui, pendant les six dernières années de sa vie, a été la compagne dévouée et intelligente de notre ami, à celle qui l'a entouré, depuis que sa santé était devenue chancelante, des soins les plus attentifs et les plus éclairés.
» Que dire aussi à son excellente mère, à sa tendre soeur, dont il était la joie, l'orgueil et la vie.
» Dans cette grande douleur, je ne trouve qu'une consolation, celle que nous donne à tous le grand apôtre saint Paul lorsque s'adressant aux Thessaloniens il leur disait :
« Devant la mort, ne vous abandonnez pas a la tristesse comme les autres hommes qui n'ont pas d'espérance. Car si nous croyons que Jésus-Christ est mort et est ensuite ressuscité, nous devons croire aussi que Dieu réunira avec Jésus ceux qui ont cru en lui. »
» C'est dans cette pensée, mon cher Grobot, et avec cette espérance que votre vieux camarade, qui a été votre directeur et votre ami, vous adresse, au nom de vos ingénieurs, de vos contremaîtres, de vos ouvriers, de vos camarades d'école et de tous vos amis, l'adieu des chrétiens qui est au revoir dans la bienheureuse éternité. »
Après cet adieu dit en des termes si touchants, je n'ajouterai que quelques mots de souvenir personnel.
J'avais eu l'occasion de connaître Grobot alors qu'il était encore à l'École des Mines et que, représentant de ses camarades dans le Comité de l'Association amicale des anciens élèves, il venait, avec sa conscience habituelle, assister régulièrement à nos réunions. Une vive et sincère sympathie nous rapprocha dès cette époque, elle devait se transformer en une amitié profonde rendant les quinze années que nous avons passées côte à côte au milieu des mêmes préoccupations, attachés tous deux aux mêmes intérêts industriels; et, dans cette longue collaboration commune, si j'ai pu voir à l'oeuvre les connaissances techniques si étendues de notre camarade, ses qualités de droiture et de dévouement pour tous, j'ai pu surtout apprécier, en ce qui me touche plus personnellement, combien cette affection qu'il me portait pouvait avoir, au moment voulu, de délicates et touchantes attentions, qu'il soit assuré, le pauvre cher ami, que je ne les oublierai jamais.
Entouré de sa famille qu'il aimait tendrement, trop absorbé, peut-être aussi, par les multiples obligations de ses fonctions, notre camarade ne pensa que tard à se marier ; ce fut en 1896, et je me souviens avec quelle confiance nous avions salué les promesses de bonheur et d'avenir que cette union si parfaite avait apportées avec elle et voici que six ans ne se sont point encore écoulés et, déjà, que de changements, que de larmes!
Dans le courant du dernier hiver, qui fut assez dur dans le bassin de la Loire, notre camarade avait été atteint d'une grippe assez sérieuse. Il parut s'en bien remettre et il avait repris, naturellement, ses habitudes de travail trop assidu. Une rechute survint vers la fin du printemps; cette fois on lui imposa le repos et il se rendit avec sa femme et sa fillette dans une station de montagne ; les forces revenaient, on était plein d'espoir, quand par suite d'une malheureuse imprudence dans une course qu'il voulut faire, il prit froid, une broncho-pneumonie se déclara et, en quelques jours, malgré tous les efforts de son entourage, notre pauvre camarade succombait.
Il n'est point de mots qui puissent consoler dans de si douloureuses épreuves. Mais, en rappelant pour les amis si nombreux que Grobot comptait parmi ses camarades, ce que fut sa vie laborieuse et si remplie, de quelle haute estime elle fut entourée par tous, en laissant ici, dans nos annales amicales, un souvenir ému à cet excellent camarade, je remplis d'abord un devoir d'affection qui m'est doux et je veux espérer également que sa famille, si cruellement éprouvée, sa vaillante compagne, sa pauvre mère et son excellente soeur, trouveront quelque adoucissement à leur peine en sentant combien cette peine a été et sera ressentie par tous ceux qui ont connu leur Cher Absent.
E. DUPUIS.