Louis Jean Baptiste PION (1830-1883)

Né le 17/12/1830 à La Côte Saint André (Isère).

Louis PION fut le mari de Emilie BOREL et le père de Louis Emmanuel PION (1880-1912 ; X 1900) qui fut capitaine du génie.

Ancien élève de l'Ecole des Mines de Paris (admis le 15/9/1851 classé 7, breveté le 30/5/1854 classé 6, diplôme délivré le 11/9/1854). Ingénieur civil des mines. Il avait été admissible à Polytechnique.


Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des Mines, Juin-Juillet 1883

Notre association vient de perdre un de ses membres les plus distingués et les plus dévoués : Louis Pion (promotion 1850-1854) est mort le 7 juin à Saint-Chamond après une longue lutte contre le mal qui devait l'emporter.

Sorti brillamment de l'École des Mines en 1854, Louis Pion débute peu de temps après dans le service de la voie de la Compagnie du Nord, mais il abandonne bientôt les chemins de fer pour la métallurgie ; de 1856 à 1862, nous le retrouvons aux forges de Décazeville, puis en 1862 il entre dans la Compagnie des forges et aciéries de la marine (alors établissements Petin-Gaudet) qu'il ne devait plus quitter. Pendant vingt et un ans, de 1862 à 1883, travailleur infatigable et ingénieur de premier ordre, il prend une part prépondérante à toutes les transformations, à tous les progrès qui marquent cette importante période.

Ses débuts dans la Compagnie sont à l'usine de Givors où, de 1862 à 1866, il est chargé de produire les fontes spéciales au coke entrant dans les fabrications déjà si diverses et si délicates des établissements de Rive-de-Gier, d'Assailly et de Saint-Chamond. C'est à cette époque que sont faits en France les premiers essais de préparation des fontes manganésées, jusqu'alors demandées à l'étranger. Notre camarade a le mérite de montrer la voie dans cette difficile fabrication; aussi les services qu'il rend dans la direction de Givors ne tardent pas à le mettre en évidence, et dès 1866 MM. Petin et Gaudet l'appellent à la sous-gérance de la Société.

C'est dans ce poste important que le trouve la nouvelle Société des forges et aciéries de la marine et des chemins de fer; et de 1874 à 1883, c'est-à-dire jusqu'à sa mort, il reste le collaborateur dévoué et éminent de M. de Montgolfier dans tous les travaux entrepris par la Société.

Ces travaux sont nombreux et remarquables, en particulier par la puissance d'outillage dont ils entraînent la création.

A l'usine de Givors, pour répondre aux conditions économiques imposées par les bas prix des produits, les hauts-fourneaux sont modifiés, les appareils de chauffage transformés, la soufflerie doublée, enfin un groupe de deux convertisseurs Bessemer est installé pour la marche exclusive en première fusion.

A Rive-de-Gier, dès 1875, on construit un marteau pilon de 25 tonnes, puissance bien dépassée aujourd'hui, mais remarquable pour l'époque. Plus tard, on adjoint à cette usine un atelier entièrement neuf, spécialement outillé pour la fabrication des roues forgées de wagons et de machines.

A Assailly, l'outillage est entièrement renouvelé, et dans l'aciérie au creuset est installé le chauffage au gaz.

Mais c'est à Saint-Chamond surtout que le développement considérable donné dans ces dernières années à tous les engins de guerre amène les créations les plus importantes.

Pour les blindages, il faut renouveler entièrement l'outiilage, créer des ateliers de finissage, organiser des fabrications nouvelles, et parallèlement, entraîné dans cette lutte perpétuelle de la cuirasse et du canon, il faut penser à l'outillage de forgeage et de la trempe en vue des grosses pièces de l'artillerie de marine. De là la construction du grand atelier des pilons de 80 tonnes, 35 tonnes et 10 tonnes, et de l'ensemble de l'atelier de trempe verticale, chacun avec ses puissants engins de manoeuvre.

Enfin, pour compléter cette longue liste de travaux, vient en dernier lieu l'installation de cette usine nouvelle de l'Adour destinée à décharger celle de Saint-Chamond de la fabrication des rails que le bas prix ne lui permet plus d'aborder dans des conditions satisfaisantes .

Notre regretté camarade laisse donc derrière lui oeuvre de premier ordre comme ingénieur; mais ce n'est pas tout, il laisse aussi au fond du coeur de tous ceux qui l'ont connu des souvenirs qui honorent peut-être plus encore celui qui les a inspirés. C'est qu'en effet il était d'une nature exceptionnellement bonne. Si sa persévérance était grande, du moins sa bienveillance inaltérable en rendait l'action si naturelle que personne ne s'apercevait que sa volonté s'imposât; accessible à tous, toujours prêt à écouter, il avait su inspirer à ses collaborateurs de tous grades la plus absolue confiance dans la loyauté de son caractère; indulgent jusqu'à l'excès, toujours serviable pour qui faisait appel à son concours, on peut dire qu'il était un ami pour tous, aussi était-il aimé de tous.

Tel aussi nous nous le rappelons, également prêt à tous les dévouements pour ses anciens camarades et pour notre association. Nommé un des premiers parmi ses membres correspondants, ses conseils et son appui n'ont jamais fait défaut aux jeunes gens qui se sont adressés à lui. Sa mort laissera donc au milieu de nous un vide bien douloureux.

Le 9 juin, son corps est emmené vers sa dernière demeure ; une foule considérable l'accompagne profondément impressionnée, donnant le plus touchant témoignage de respect et d'attachement.

Devant le cercueil, M. de Montgolfier, son directeur et son ami, retrace en termes éloquents venus du coeur toute cette belle vie de travail et de dévouement, rappelant les qualités rares de sa haute intelligence et tous les services rendus par lui à l'industrie métallurgique.

Au nom de tous les membres de cette industrie, M. Euverte vient à son tour rendre un dernier hommage à l'ingénieur, à l'homme de bien si prématurément frappé.

Il nous reste à nous, ses camarades, de conserver pieusement au milieu de nous son cher souvenir comme un honneur pour notre Association, comme un exemple pour tous.

DUPUIS.



Louis Emmanuel Pion (1880-1912), fils de Louis Pion, élève de l'Ecole polytechnique
(C) Photo collections Ecole Polytechnique