Annales des Mines, 7e série tome 11, 1877.
Dans ma très-longue carrière, je n'ai pas trouvé d'homme plus droit, plus capable que M. de Franqueville. Il a été, selon moi, dans le demi-siècle auquel j'ai assisté, l'un des personnages qui ont rendu à la France les services les plus réels et les plus sérieux.
(Lettre de M. Thiers à M. Ch. de Franqueville). |
« Quelqu'un d'entre vous écrira cette vie, qui doit être montrée à tous, ses émules et ses disciples, comme un modèle et un exemple. » - M. Charles de Franqueville, fils de notre regretté directeur général, a bien voulu exprimer le désir que je répondisse à cet appel que M. le ministre des travaux publics nous adressait à tous le jour où, sur une tombe encore ouverte, il prononçait les paroles émues et sympathiques qui ont eu un si grand et si légitime retentissement.
Ingénieur des ponts et chaussées, directeur de l'une des six grandes compagnies de chemins de fer en France, j'ai connu M. de Franqueville pendant trente-trois ans. A plusieurs reprises et dans des circonstances difficiles, j'ai eu l'honneur de discuter avec lui de graves questions. Puisse-je m'acquitter avec succès d'une tâche dont je sens tout le poids !
Presque tout ce qui était à dire sur M. de Franqueville a été exprimé sur sa tombe par M. le ministre des travaux publics, par les représentants les plus élevés du Conseil d'État, du ministère, du conseil général des ponts et chaussées ; tous ont rendu le plus sincère hommage à cet homme de bien, à ce grand administrateur, et il me sera bien difficile de parler après eux.
Enfance de M. de Franqueville. - Alfred-Charles-Ernest Franquet de Franqueville naquit à Cherbourg le 9 mai 1809 ; il était le troisième fils d'Hippolyte-Joseph-Jean Franquet de Franqueville, commissaire principal de la marine. La carrière de ce dernier avait été traversée par de grands malheurs. Échappé, non sans peine, aux massacres de Saint-Domingue, il n'était rentré en France qu'après avoir été fait prisonnier de guerre par les Anglais. Successivement attaché aux ports de Toulon, de Dunkerque et de Cherbourg, signalé partout comme un fonctionnaire excellent, d'une intégrité hors ligne, il épousait en 1803, à Dunkerque, Mlle Adèle Mallès, fille d'un capitaine de vaisseau. Il jouissait à Cherbourg d'une considération universelle et remplissait, dans ce grand port, les fonctions de préfet maritime lorsqu'il fut enlevé subitement à 1 affection des siens, en 1812.
Veuve à vingt-sept ans, Mme de Franqueville restait dans une position affreuse : son mari ne lui laissait aucune fortune et elle avait quatre enfants, dont l'aîné âgé de six ans et le dernier d'un an à peine. Son père venait de mourir et la pension de Mme Malles avait été liquidée à 600 francs ; enfin, son frère, le seul appui qui lui restât, disparaissait quelques mois après, au passage de la Bérésina. Grâce au concours d'amis dévoués, le chiffre réglementaire de la pension de Mme de Franqueville fut élevé de 3oo à 900 francs.
Dans les premiers mois de 1813 elle quitta le bel hôtel de la préfecture maritime de Cherbourg pour aller, avec sa mère et ses enfants, s'installer dans un bien modeste appartement à Paris. En prenant ce parti, la courageuse veuve estimait que, dans cette ville seulement, elle arriverait à donner à ses fils une instruction complète, et elle poursuivit ce but avec la plus ardente tendresse; elle retrouvait d'ailleurs à Paris des amis de sa famille, dont elle comptait réclamer et dont elle obtint l'appui moral, le seul qu'elle désirât.
Une pension de 1.000 francs, accordée par le Roi en 1815, vint diminuer la gêne du pauvre ménage, et deux bourses données, à deux années d'intervalle, permirent de placer les deux fils aînés au collège Louis-le-Grand. Restait le troisième, Ernest, le futur directeur général. L'anxiété de Mme de Franqueville était extrême à son sujet; elle ne savait comment faire pour assurer l'instruction d'un enfant qui montrait les plus heureuses dispositions; elle ne pouvait songer à demander une troisième bourse; un triste événement rendit possible une solution : son fils aîné, Charles, fut enlevé par une cruelle maladie, et la bourse qu'il avait au lycée fut transférée au jeune Ernest.
M. de Franqueville n'a jamais oublié ces temps douloureux, et il ressentait une légitime fierté au souvenir des épreuves soutenues par les siens et par lui. Pauper sum et in laboribus à juventute mea; il a répété souvent ces paroles du Psalmiste à son fils, et celui-ci, en recueillant, pour ses enfants, les souvenirs destinés à faire vivre dans leur mémoire leur grand-père et leur arrière-grand-père, a choisi pour épigraphe ces mots qui résument des vies si honorables.
Collège Louis-le-Grand. - Ernest de Franqueville entrait au collège avec la ferme intention de se distinguer; il n'avait que sept ans, mais il savait que le seul moyen d'adoucir les chagrins de sa mère était de lui apporter des couronnes; pendant neuf années il lui en fournit une ample récolte. Ardent en toutes choses, le premier en classe elle premier au jeu, il n'y avait, disait-on, que les mathématiques auxquelles il ne mordait pas.
En rhétorique, il eut le prix d'honneur. Ses condisciples n'étaient pas cependant des rivaux à dédaigner. L'amiral Rigault de Genouilly, les généraux Soleille et Princeteau, le procureur général Petitjean, MM. Jules Lacroix, Amaury Duval, de Champagny étaient les camarades du jeune de Franqueville, qui comptait parmi ses anciens Drouyn de Lhuys, Jules Janin, Cuvillier-Fleury.
Le baccalauréat es lettres obtenu après la classe de philosophie (Mme de Franqueville tenait fermement à la culture des lettres) , il s'agissait de savoir ce que l'on ferait du brillant lauréat. Deux amis de la famille décidèrent que l'on tenterait l'admission à l'École polytechnique. Ces amis étaient, le premier, un grand-oncle par alliance, l'illustre Beautemps-Beaupré, le fondateur du service hydrographique de la France; le second, l'intrépide général Dubreton, un des plus vaillants chefs de l'armée française pendant la guerre d'Espagne. Ernest de Franqueville fut placé dans l'institution Mayer. 11 y avait bien la question d'argent, toujours si difficile à résoudre; mais l'oncle Beautemps-Beaupré put faire accepter son concours, et tout vint à souhait.
Au bout de moins d'un an de préparation, l'élève qui, au dire de ses premiers maîtres, n'avait pas de dispositions pour les mathématiques, entrait le second à l'École polytechnique. Le chef de la promotion de 1827 était M. Chaperon, qui devait, pendant quarante ans, prendre une part considérable à la construction du réseau des chemins de fer français.
École polytechnique. - Franqueville fut, à l'École, ce qu'il avait été à Louis-le-Grand, un travailleur infatigable, mais un travailleur aimable, de bonne humeur et n'ayant que des amis. Dans la précieuse collection des lettres qu'il a adressées à sa mère, collection conservée par celle-ci comme un de ses plus chers trésors, il existe des billets charmants qui témoignent à la fois de la tendresse inquiète de la mère et du profond amour du fils. On était en 1828. Il y avait souvent des rassemblements dans les rues: Mme de Franqueville se troublait à la pensée de voir son fils traverser de semblables foules; elle le conjurait de suivre, pour rentrer à l'École, des rues bien tranquilles. Un dimanche au soir, le fils, aussitôt arrivé, s'empresse d'écrire à sa mère pour la rassurer; il a suivi ses conseils, lui dit-il avec beaucoup de gaieté; il n'a rencontré sur sa route qu'une seule personne, le crieur public qui vendait la loi contre les attroupements: il l'a abordé pour lui acheter ce document, au risque de devenir ainsi lui-même un fauteur de rassemblements.
Nous ne suivrons pas notre jeune polytechnicien dans ses deux années passées à l'École : à la sortie il obtenait le premier rang. Sur les conseils des vieux amis de sa famille, il choisissait le service des ponts et chaussées, et, le 20 novembre 1829, il était nommé élève ingénieur; il avait alors vingt ans et demi.
La feuille des états de services du jeune ingénieur, qui allait être très rapidement remplie, recevait ainsi une première mention. Pour ne pas interrompre notre récit par des dates trop fréquentes, nous avons résumé, dans un seul tableau, les étapes parcourues par M. de Franqueville dans la hiérarchie des ponts et chaussées, dans l'administration des travaux publics, au Conseil d'État, enfin dans l'ordre de la Légion d'honneur. Ajoutons que toutes ces étapes étaient franchies sans que chez aucun camarade le moindre sentiment de jalousie se soit jamais manifesté.
École des ponts et chaussées. - Mais revenons à l'École des ponts et chaussées. L'instruction donnée dans cette grande École est divisée en deux parts : pendant l'hiver, des leçons, des concours et des examens; pendant l'été, des missions sur de grands chantiers en France et même à l'étranger. Tout est disposé pour enlacer et retenir les jeunes ingénieurs dans les liens d'une camaraderie puissante que l'on a souvent critiquée, mais qui, depuis quatre-vingts ans, repose sur des bases inébranlables : le dévouement au pays, l'honneur et la probité.
Pendant l'hiver, les cours sont faits par des ingénieurs qui, quelquefois sans grande préoccupation de l'art de la parole et par le simple récit de leurs travaux et de leurs luttes, exercent une sérieuse influence sur leurs jeunes auditeurs. Pendant l'été, les ingénieurs accueillent leurs nouveaux camarades de la manière la plus cordiale et les initient à la pratique des grands chantiers et aux règles du service administratif.
La mission, heureux temps ! La jeunesse, plus d'examens ni de concours, pas encore de responsabilité et 142f,5o à dépenser par mois. Pour Franqueville, pour beaucoup d'autres, hier et aujourd'hui, c'était et c'est presque la richesse.
Franqueville eut deux missions. La première en 1830, à Draguignan et à Toulon; la seconde en 1831, à Saint-Lô et en Normandie. Les lettres nombreuses qu'il adressait à sa mère témoignent du bonheur qu'il rencontrait à chaque pas dans cette vie nouvelle; il voyageait, il était accueilli comme un fils ou un frère par les ingénieurs; mais cela ne l'empêchait pas de travailler comme il savait travailler.
Pendant sa mission à Toulon, Franqueville fit la connaissance d'un officier du génie un peu plus âgé que lui, pour lequel il eut toujours une vive affection : c'était le futur maréchal Niel. En attendant leurs hautes destinées, le jeune capitaine et l'élève ingénieur passaient ensemble leurs soirées à jouer aux dominos.
Pendant toute sa vie, Franqueville a été un rigide observateur du devoir; jamais il n'a transigé avec ce qu'il considérait comme la règle. Un bien petit incident, raconté par lui à sa mère, montre quels étaient à ce sujet ses scrupules et ceux de l'oncle Beautemps-Beaupré. Il était à Saint-Lô en mission sous les ordres de M. l'ingénieur en chef Dan de la Vauterie; survient son oncle qui désire l'emmener, le lendemain matin à trois heures, à Granville; mais l'ingénieur en chef était absent; impossible de partir sans autorisation. En vain l'ingénieur ordinaire, l'excellent M. Tostain, dit qu'il n'y a aucun empêchement, qu'il répond du consentement de son chef. Pas d'autorisation, pas de départ ; l'oncle et le neveu se résignent. M. Tostain ne se tient pas pour battu. M. Dan devait rentrer à minuit ; M. Tostain va l'attendre à cette heure si anormale à Saint-Lô et lui conte l'incident. Le brave ingénieur en chef court réveiller Franqueville pour lui dire de partir. Il y a bien peu de chose dans tout ceci; cependant cette fermeté dans le devoir du jeune Franqueville, cette cordialité de Tostain, cette bonté de l'ingénieur en chef, tout cela constitue une histoire bien simple, mais une histoire qui fait honneur à ceux qui en ont été les modestes héros.
Mission au conseil général des ponts et chaussées. - Après avoir terminé ses études à l'Ecole des ponts et chaussées, Franqueville était attaché pour un an au secrétariat du conseil général des ponts et chaussées, avec mission d'assister aux séances.
La mission au conseil, pour parler le langage de l'École, est un poste bien envié et bien enviable. Quelque brillante qu'ait été plus tard la carrière parcourue par les ingénieurs qui ont obtenu cette situation, tous reportent à cette heureuse année le point de départ de leurs succès. Pour un jeune homme ardent au travail, intelligent comme l'était Franqueville et en possession d'une éducation littéraire parfaite, complétée par l'éducation polytechnique qui donne la méthode, il était impossible de trouver une meilleure initiation à la vie pratique et administrative.
Les plus grandes affaires du pays, en fait de travaux publics, arrivent toutes au conseil général des ponts et chaussées. Les influences locales, les bruits extérieurs s'arrêtent, en quelque sorte, à la porte du conseil. Chaque affaire est examinée avec la plus complète indépendance par des hommes qui ont quelquefois cinquante années de services, mais qu'anime toujours la passion du bien public. Franqueville était digne d'écouter de tels hommes (Le conseil général des ponts et chaussées comptait parmi ses membres, en 1832, des hommes dont le pays honore la mémoire: Sganzin, Prony, Tarbé de Vauxclairs, Deschamps, Bérigny, Cavenne, Lamandé, Lamblardie, Polonceau, de Villiers du Terrage).
Le secrétaire du conseil, chef direct du jeune attaché, M. Legrand, qui sous une froideur apparente cachait un coeur excellent, conçut de Franqueville la plus haute opinion et, par une faveur exceptionnelle, le garda une seconde année à Paris.
Traduction du traité de N. Wood sur les chemins de fer. - Franqueville n'avait jamais assez d'ouvrage ; pendant ses années d'école ou de séjour au conseil général, il entreprit de traduire, en collaboration avec ses deux intimes amis, M. de Montricher et M. de Ruolz, un livre qui venait de paraître en Angleterre : Traction on Railroads, by N. Wood.
Il est impossible de songer à écrire une biographie de M. de Franqueville, sans parler de MM. de Montricher et de RÛolz : le premier a attaché son nom à une oeuvre impérissable, le canal de Marseille et le grand aqueduc de Roque-favour ; le second, plus connu encore par ses travaux sur la dorure et l'argenture des métaux par les voies chimiques.
Les trois amis passaient presque toutes leurs soirées ensemble ; on traduisait Nicolas Wood, on faisait de la musique ou des expériences de chimie. Il existe une légende d'un diamant, d'un vrai diamant obtenu par Ja voie humide et trouvé par Montricher au fond d'un bocal oublié; mais on avait oublié en même temps ce que l'on avait mis dans ce bocal, et les trois amis s'épuisèrent en vains efforts pour reproduire la cristallisation du charbon.
Séjour à Soissons. - Il fallut enfin quitter Paris. Franqueville fut envoyé à Soissons le 17 mai 1834, et chargé du service ordinaire de l'arrondissement. C'était une tâche facile. Grâce à son aménité parfaite, le jeune ingénieur eut bientôt les meilleurs rapports avec toutes les autorités de la ville et des environs, et son service fut fait d'une manière digne d'éloges.
Pendant ce séjour à Soissons, Franqueville acheva seul la traduction du livre de Nicolas Wood.
L'ouvrage de N. Wood est à peu près inconnu aujourd'hui; il ne mérite pas cet oubli. On ne saurait contester le bon sens et la perspicacité d'un homme qui écrivait, il y a près d'un demi-siècle, les lignes suivantes : « Les chemins de fer réunissent toutes les qualités nécessaires soit pour le transport des marchandises lourdes ou légères, soit pour le transport des personnes, et par conséquent doivent se substituer aux autres voies de communication partout où l'importance du mouvement commercial permettra d'engager les capitaux qu'exige leur établissement. »
On ne saurait mieux dire aujourd'hui; les chemins de fer constituent un instrument puissant, mais un instrument d'un grand prix ; il est imprudent de l'acquérir lorsque l'on n'a rien à lui donner à faire.
En faisant connaître cet ouvrage au public français, les jeunes traducteurs donnaient eux-mêmes une preuve de discernement; ils appréciaient l'importance des chemins de fer, et leur travail mettait les ingénieurs français au courant des expériences nombreuses faites par les ingénieurs anglais.
Franqueville fournit plusieurs articles à l'Encyclopédie nouvelle, publiée sous les auspices de Pierre Leroux et de Jean Reynaud. Son travail sur les aérostats fut remarqué ; il se terminait par la conclusion suivante :
« Dans l'état actuel de la science, la création d'une navigation aérienne est subordonnée à la découverte d'un nouveau moteur beaucoup moins pesant que tous ceux qui sont connus aujourd'hui. Ce résultat paraît difficile à obtenir, mais il faut se garder de le considérer comme impossible. Combien les hommes n'ont-ils pas vu de prétendues impossibilités entrer dans le domaine de la réalité ! »
Écrites il y a 47 ans, ces lignes sont encore absolument vraies.
M. Legrand n'oubliait pas son jeune collaborateur du conseil ; il l'appela plusieurs fois à Paris et lui confia la rédaction d'exposés des motifs de lois à soumettre aux Chambres. On peut sourire à cette idée d'un ingénieur de 28 ans venant pour se distraire à Paris et trouvant de pareils travaux à préparer ; mais on peut affirmer que la confiance manifestée par M. Legrand était vivement sentie par Franqueville, et que jamais documents administratifs n'ont été rédigés avec plus de verve et de talent.
Nomination au service ordinaire à Paris. - Deux décisions successives fixèrent la résidence de Franqueville à Paris : la première, du 31 juillet 1837, le chargeait de l'arrondissement nord-est de Seine-et-Oise ; la seconde, du 17 mars 1838, lui confiait l'arrondissement est du département de la Seine.
Au moment de son départ de Soissons, le conseil municipal prit la délibération suivante, inscrite sur ses registres :
« Le conseil municipal de Soissons unit avec empressement sa voix à celle de la commission du budget, pour exprimer à M. l'ingénieur des ponts et chaussées toute la reconnaissance des habitants ; la ville conservera de son administration un précieux souvenir. »
Nous n'avons trouvé aucun fait à signaler dans l'année passée dans les deux services que nous venons de désigner; la correspondance de Franqueville avec sa mère va nous faire désormais défaut; mais on ne saurait douter que son service n'ait été irréprochable : il n'était pas homme à laisser une seule affaire en retard.
Entrée au ministère des travaux publics. - M. Legrand cherchait évidemment l'occasion d'appeler auprès de lui un ingénieur dont il appréciait la haute capacité ; un arrêté ministériel, du 23 octobre 1838, nomma Franqueville chef de la section de la navigation et des ports.
Mariage de M. de Franqueville. - Presqu'au même moment, un grand événement se produisit dans sa vie. M. de Franqueville se mariait; il épousait, le 15 décembre 1838, à l'église Notre-Dame de Versailles, Mlle Cécile Belle de Caux. Mme de Franqueville apportait à son mari une grande aisance; c'était pour ce dernier presqu'un souci; il lui faudrait, disait-il, redoubler d'efforts et de travail pour se montrer digne de la fortune. Une seule chose lui plaisait dans la richesse : il pourrait être, en cas de besoin, le Beautemps-Beaupré de ses neveux.
Une personne, à ce moment, recevait à bon droit les félicitations de tous les siens : c'était Mme de Franqueville mère. La tâche si lourde qu'elle avait entreprise 26 ans auparavant était accomplie ; elle avait perdu un de ses enfants, mais les trois autres étaient arrivés à des situations qu'elle n'eût pas osé rêver. Sa fille avait épousé un brillant officier, le fils du lieutenant général baron Dubreton ; son fils Amédée, marié à Mlle Ternaux, suivait, dans les consulats, une carrière honorable; enfin, son fils Ernest avait, dans les ponts et chaussées, un nom déjà connu. De grands chagrins devaient frapper encore cette mère de famille si respectable; mais elle avait suivi l'exemple de la femme forte de l'Évangile, et elle recevait, en ce monde, une première récompense.