Fils de Louis Erasme DOUVILLÉ, capitaine, et de Victorine VIGNIAUX. Gendre de Justin MAYER-BRISAC (1824-1895 ; X 1843). Père de Robert DOUVILLE. Beau-père de Georges Julien Victor COLSON (1887-1954 ; X 1905) qui fut directeur au ministère des travaux publics et inspecteur général des ponts et chaussées. Arrière-grand-père de Robert BLOT (épousa Anne MASSELIN). Il est décrit dans le registre matricule de Polytechnique comme suit : Cheveux chatains - Front ordinaire - Nez aquilin - Yeux bleus - Bouche moyenne - Menton pointu - Visage ovale - Taille 161 -
Ancien élève de l'Ecole polytechnique (entré classé 3ème sur 133 élèves, major de sortie (en 1835) de la promotion 1863) et de l'Ecole des mines (sorti major d'une promotion de 3 élèves après avoir été 3ème à la fin de la 1ère année et 2ème à la fin de la 2ème année). Corps des mines.
Résumé de la carrière professionnelle :
Bulletin de l'Association des Anciens élèves de l'Ecole des Mines de Paris, 1937-I
Par la mort d'Henri Douvillé, la Géologie et la Paléontologie viennent de perdre le doyen et le chef incontesté de l'Ecole française.
Peu de carrières ont montré une aussi belle unité de développement.
Né à Toulouse le 16 juin 1846, reçu en 1863 à l'Ecole Polytechnique, H. Douville entre en 1865 à l'Ecole des Mines. En 1867, il est attaché au Service de la Carte Géologique et lève les feuilles de Boulogne, Orléans, Gien, Bourges, Nancy et Blois. Après un court séjour en province, à Bourges, puis à Limoges, il revient à Paris, en 1875, comme attaché aux collections de paléontologie de l'Ecole des Mines. Il trouve alors sa vocation et commence véritablement sa carrière scientifique. Nommé professeur de Paléontologie en 1881, il va poursuivre jusqu'à la mort, d'une façon ininterrompue, d'importantes recherches sur les Invertébrés fossiles. Près de 500 notes et mémoires, témoignent de la grandeur du labeur accompli.
Comme attaché à la Carte Géologique, il avait été amené à étudier les terrains tertiaires de l'Orléanais et du Blaisois, et les terrains jurassiques de la périphérie du bassin parisien. Il avait immédiatement senti la nécessité d'appuyer les études statigraphiques sur une connaissance approfondie des fossiles.
Pour établir les parallélismes à longue distance, il recherche les fossiles qui ont varié rapidement, les « bons fossiles », qui permettent d'apprécier des intervalles de courte durée. Il les oppose à ceux qui persistent sans modifications appréciables pendant une ou plusieurs périodes géologiques, les « mauvais fossiles », dont la présence ne donne, au point de vue de l'âge des couches, que des renseignements vagues et sans précision.
Les Ammonites, comme l'avait établi Oppel, permettent d'établir une classification détaillée du Jurassique. Mais elles deviennent relativement rares dans les formations néritiques du Crétacé. Henri Douvillé a montré qu'à ces niveaux, et pour ces périodes, les Rudistes pouvaient rendre les mêmes services que les Ammonites au Jurassique et conduire à des analyses stratigraphiques d'une haute précision. Il a reconstitué leurs enchaînements, précisé dans chaque rameau la distribution verticale des espèces et déterminé leur répartition géographique.
Il étudia, dans le même esprit, l'extension stratigraphique des Orbitolines des terrains crétacés inférieur et moyen. Il montra que le genre Orbitoïdes, tel que le définissait d'Orbigny, correspond à plusieurs sections : Orbitoïdes sensu stricto, Orthophragmina, Lapidocyclina, cantonnées à des niveaux bien déterminés du Crétacé supérieur, du Nummulitique, du Néogène.
Abordant, après Hantcken et de la Harpe, l'étude des Nummulites, il perfectionna les « échelles » proposées par ces savants.
On a maintenant les moyens de suivre les divers horizons de ces terrains tout au long de cette grande mer centrale ou Mésogée, sur l'importance de laquelle, pour le peuplement du globe, H. Douvillé a bien souvent insisté.
Mais, pour ce savant, la Paléontologie n'est pas seulement une branche auxiliaire de la Géologie, c'est surtout et avant tout une branche de la Biologie. Les fossiles ne sont pas seulement les « médailles de la création », ils permettent en outre de reconstituer l'histoire de la vie, à condition de rechercher, au delà de l'animal mort, l'être vivant, organisé, incessamment en action.
Ayant subi profondément l'influence de Gaudry, dont il se proclamait volontiers le disciple, Henri Douvillé a retracé les enchaînements de nombreux groupes d'Invertébrés. Après avoir essayé de ramener à un plan unique la structure si variée des Rudistes, depuis les Diceras jusqu'aux Hippurites, il écrivit une histoire complète de ces formes. Il donna une classification phylogénique des Lamellibranches, qui est un modèle du genre. C'est à lui que sont dus les premiers essais de reconstitution de l'organisation des Ammonites, dont il a tenté d'établir, d'une façon assez convaincante, les ressemblances avec les Argonautes actuels. Il a repris, avec d'intéressants arguments, le problème toujours si discuté du dimorphisme sexuel de ces Céphalopodes. Il a fait connaître les enchaînements des Bélemnites et montré la parfaite régularité de leur évolution. Sur la classification et l'éthologie des Echinides fossiles, Henri Douvillé a émis des considérations tout à fait ingénieuses. Ses travaux sur les Foraminifères l'ont amené, au sujet de la question des affinités entre Protozoaires et Métazoaires, à des vues un peu hasardeuses, mais toujours suggestives.
D'autres parties très attachantes de l'œuvre d'Henri Douvillé sont celles où il étudie les associations animales, symbiose ou parasitisme, non moins fréquentes dans le monde ancien que dans le monde actuel : symbiose d'un Gastropode et d'un Hydractinien, d'un Gastrochoène et d'un Cryptocoenia; ou bien quand il interprète les traces et les empreintes de certains êtres disparus (Taonurus, etc.), leurs actions mécaniques (perforations d'Annélides), etc..
Après ces multiples essais sur les enchaînements et sur les conditions de vie du monde animal au cours des temps géologiques, Henri Douvillé a tenté de définir les causes de l'évolution. Il en était resté à ce point de vue aux idées lamarckiennes, et voyait, dans l'action du milieu sur le vivant, la source de tous les changements des êtres.
Henri Douvillé avait débuté dans la science par la Géologie. Ses nombreux travaux paléonlologiques n'ont pas interrompu cet ordre de recherches. Nous n'en retiendrons ici que ce qui a trait aux Pyrénées : on peut dire qu'il a contribué pour une large part aux modifications des- théories explicatives de la structure de cette chaîne.
Pour apprécier toute l'importance de l'œuvre d'Henri Douvillé, il faut dire un mot des innombrables travaux qu'il a inspirés, ou dont il a facilité l'élaboration. Géologues et paléontologistes ont toujours trouvé en lui un guide ne leur ménageant ni son temps, ni ses conseils. Sa réputation était universelle. De tous les points du globe, on lui adressait des fossiles. Il avait été élu membre de l'Académie des Sciences en 1907; il fut, à deux reprises, président de la Société Géologique de France; il appartenait en outre à plusieurs Académies étrangères.
Il a travaillé jusqu'à son dernier jour. La mort l'a surpris au moment où il allait mettre le point final à une étude sur les Rudistes, la dernière d'une série commencée il y a plus de cinquante ans.
Il a accompli une œuvre immense, écrivant plusieurs chapitres importants de la Paléontologie; il a grandement contribué à l'organisation d'une collection qui est actuellement le principal centre de recherches paléontologiques en France; il laisse le souvenir d'un savant particulièrement bienveillant et l'exemple d'une vie tout entière consacrée à la science.
Henri Douvillé a écrit lui-même en 1903 une notice sur ses propres travaux, que nous reproduisons ci-après
ORGANISATION DES COLLECTIONS DE PALEONTOLOGIE DE L'ÉCOLE DES MINES
J'ai d'abord aidé Bayle dans le classement de ces collections qu'il a laissé inachevé. J'ai dû ensuite les remanier à peu près complètement de manière à pouvoir exposer tontes les espèces existant dans la collection.
Cette collection est probablement la plus importante qui existe en mollusques fossiles et animaux inférieurs ; elle occupe une superficie de près de 1000 mètres carrés et la surface totale d'exposition atteint environ 650 mètres carrés.
La richesse de ses séries a permis d'adopter un classement zoologique par familles et genres ; dans chacun de ces groupes les espèces sont disposées dans leur ordre d'apparition, depuis les plus anciennes, jusqu'aux plus récentes, et les formes actuelles y trouvent leur place naturelle en tète ou plus exactement à la fin de chaque série.
Cette classification permet de se rendre compte d'un seul coup d'oeil de l'histoire de chaque groupe et d'apprécier les variations qu'il a éprouvées dans la suite des temps géologiques ; il permet en outre une détermination précise des fossiles en montrant immédiatement quelle est leur position dans l'échelle chronologique constituée par les formes du même groupe.
L'entretien d'une collection de cette importance, les remaniements continuels nécessités par les progrès de la science, et l'aide donnée à toute personne venant travailler dans les collections absorbent chaque année un temps considérable ; d'autant plus que le personnel attaché à ces collections se réduit à un seul préparateur et à un gardien.
COURS PROFESSE A L'ECOLE DES MINES
Le cours de paléontologie que je professe depuis plus de vingt années comprend 32 leçons ; il a toujours été combiné de manière à donner chaque année aux élèves un résumé complet de l'ensemble de toutes nos connaissances sur les animaux fossiles. Commençant par les formes les plus inférieures et étudiant successivement les animaux de plus en plus élevés en organisation, j'ai cherché à donner une idée du développement progressif de la vie à la surface du globe terrestre, c'est-à-dire à reconstituer l'histoire de la création. J'insiste particulièrement sur les enchaînements des espèces dans les groupes où ils ont pu être établis avec un certain degré de probabilité.
APERÇU GÉNÉRAL
Enchaînements des fossiles
Dès le commencement de mes recherches géologiques, j'ai été frappé de voir que pour déterminer l'âge des couches, il fallait rechercher plutôt les rapports des fossiles que leurs différences, de sorte que les seuls caractères ayant une valeur réelle étaient ceux qui résultaient de la comparaison des formes voisines. En les étudiant à ce point de vue, on voit que les fossiles se disposent dans le temps en séries vraisemblablement continues, de sorte que chaque forme peut être considérée comme résultant de la modification d'une forme plus ancienne et comme donnant naissance à des formes nouvelles plus ou moins différenciées. Ce sont ces relations de phylogénie que notre maître, M. Gaudry, a très heureusement caractérisées par le nom d'enchaînements. Comme il l'a nettement indiqué, il ne s'agit plus pour déterminer l'âge d'une couche de dresser une liste aussi longue que possible de fossiles plus ou moins caractéristiques, mais surtout d'apprécier le degré d'évolution des formes dont les restes se rencontrent dans cette couche.
Les bons et les mauvais fossiles
A ce point de vue les fossiles ont des valeurs très variables : les uns évoluent rapidement et constituent une échelle à échelons très rapprochés, ils permettront d'apprécier des intervalles de courte durée, et on doit les considérer comme de bons fossiles. D'autres, au contraire, et c'est malheureusement le plus grand nombre, ne varient que lentement et persistent sans modifications appréciables pendant une ou plusieurs périodes géologiques, ce sont de mauvais fossiles, dont la présence ne donne au point de vue de l'âge des couches que des renseignements vagues et sans précision. Ce n'est donc pas tant le nombre de fossiles que leur qualité qui devra entrer en ligne de compte ; avant de tirer des conclusions de la présence de tel ou tel fossile, il faudra s'assurer d'abord s'il rentre dans la première catégorie et pour cela se rendre compte des différences qu'il présente avec les formes qui ont précédé et celles qui ont suivi. Ordinairement ce sont les espèces les plus compliquées qui ont varié le plus vite, ou plus exactement ce sont celles dont les variations sont le plus facile à apprécier. On peut citer comme exemples les Echinides, les Goniatites et les Ammonites, avec leurs cloisons si caractéristiques, et aussi les Vertébrés qui jouent le rôle le plus important à partir de l'époque secondaire.
Les Rudistes
Mais les Vertébrés sont presque toujours des fossiles exceptionnels, et les Ammonites si fréquentes dans les terrains jurassiques, deviennent relativement rares à partir du Crétacé moyen. Il était donc d'une grande importance de mettre à la disposition des géologues d'autres séries de bons fossiles. Or, parmi les Mollusques, il est un groupe qui se distingue par l'extrême variété de ses formes et par leur grande complication, c'est celui des Rudistes ; Bayle avait commencé l'étude de quelques-unes de ces formes, il y a longtemps déjà (1855-1859), et avait mis en évidence leur structure fondamentale ; dès 1886, j'ai pu montrer l'unité de constitution de tout ce groupe et la possibilité de le faire dériver d'une forme unique, les Diceras ; j'ai ensuite étudié successivement chacune des branches, montré leur origine et leur développement progressif, et fait voir que plusieurs d'entr'elles pouvaient donner aux géologues des indications aussi précises que les Ammonites elles-mêmes. Parmi les formes les plus remarquables à ce point de vue, il faut citer les Hippurites : ce sont à la fois les formes les plus compliquées et celles qui donnent les meilleures indications sur l'âge des couches ; j'en ai publié une monographie détaillée accompagnée de 34 planches in-4°. L'ensemble du groupe lui-même a été l'objet de 12 mémoires successifs, et le sujet est loin d'être épuisé. Je prépare en ce moment une monographie des Radiolites.
Classification phylogénique
La reconstitution des enchaînements des formes fossiles n'a pas seulement un but pratique, celui de déterminer l'âge des couches, elle présente aussi une importance considérable au point de vue philosophique. C'est qu'en effet elle groupe les êtres dans leur ordre de plus proche parenté ; elle constitue par suite une classification essentiellement naturelle, la seule même qui mérite vraiment ce nom, la seule qui ne soit pas une simple vue de l'esprit, mais qui corresponde à quelque chose de réel, à l'ordre suivant lequel les êtres ont apparu à la surface du globe. Voici ce que j'écrivais à ce sujet en 1890.
« La classification générale (des Ammonites) reste encore bien incertaine malgré les nombreux travaux dont elle a été l'objet dans ces dernières années. C'est peut-être qu'on ne se rend pas un compte suffisamment net du but à atteindre. Sans doute on sait, depuis longtemps, qu'une bonne classification naturelle doit mettre en évidence les affinités réelles des êtres ; d'après Agassiz, elle doit « reproduire l'arrangement systématique de la nature (De l'espèce, p. 10) », « le plan dont les fondements fuirent jetés à l'origine des choses (ibid., p. 8) », « elle ne fait que traduire dans la langue de l'homme les pensées du Créateur (ibid., p. 9). » Ces indications qui paraissent bien vagues par leur généralité même, prennent au contraire un sens net et précis dès l'instant où on admet, la théorie de la descendance : cet arrangement systématique, ce plan de la création, qu'est-ce autre chose en effet que la filiation des êtres ? Voilà le but et l'objet de toute vraie classification; sans doute il est difficile à atteindre, quelques-uns diront même impossible, mais n'est-ce pas déjà beaucoup que de pouvoir nettement définir le point vers lequel doivent tendre nos recherches et nos efforts.
« Dès l'instant où la classification devient un arbre généalogique, les divisions qu'elle emploie, les classes, les ordres, les familles, les genres et les espèces devront en représenter les branches et les rameaux de divers ordres. Sans doute ces termes perdent ainsi leur valeur absolue et n'ont plus qu'une signification relative : les classes seront des troncs jumeaux, les ordres, les maîtresses branches, les familles et les genres, des rameaux de 1er et de 2e ordre ; mais si l'arbre est trop touffu par places, ces divisions seront insuffisantes et il faudra intercaler des sous-ordres, des tribus, peut-être même des sous-genres. Mais tout cela est purement artificiel, ce découpage de l'arbre en morceaux est seulement rendu nécessaire par notre impuissance à en embrasser l'ensemble ; de loin, nous ne voyons que les grandes masses ; si nous voulons en examiner les détails, nous devrons nous rapprocher et alors notre horizon se rétrécira à mesure ; nous couperons des branches de plus en plus petites et nous multiplierons les subdivisions ; c'est là presque une affaire d'appréciation personnelle : telle branche qui, pour un presbyte, sera de grandeur moyenne et pourra correspondre à un genre, paraîtra énorme à un myope et sera pour lui au moins une famille. Sans doute, un tribunal arbitral (s'il en existait) pourrait décider que cette branche est décidément un genre ; mais s'il est un domaine dans lequel le principe d'autorité aura de la difficulté à s'implanter, c'est bien certainement le domaine scientifique. Il est donc à prévoir qu'on ne s'entendra jamais ni sur les espèces, ni sur les sous-genres, ni sur les genres, ni sur les autres divisions employées. Mais au fond, toutes ces divisions étant de pures conceptions de l'esprit, l'inconvénient ne sera pas aussi grand qu'on pourrait le croire et l'arbre lui-même n'en subsistera pas moins, quelle que soit la grandeur des morceaux qu'on y taillera par la pensée. A une condition cependant, c'est que chacune des divisions établies ne représente qu'un seul morceau, branche ou rameau, parce qu'alors en les remettant bout à bout, on pourra reconstituer l'arbre lui-même ; si au contraire on réunit sous un même lien, en une sorte de fagot, des morceaux pris en des points quelconques de l'arbre, toute reconstitution deviendra impossible, tant qu'on n'aura pas défait le fagot. C'est là malheureusement où nous en sommes aujourd'hui : bien des genres étaient hétérogènes et formés d'éléments empruntés à des branches différentes de l'arbre généalogique ; il était indispensable d'en séparer les morceaux, tous les morceaux, et nous sommes maintenant au milieu de tous ces débris enchevêtrés, comme celui qui tenterait de reconstituer un arbre émietté par la cognée du bûcheron. »
La zoologie proprement dite, c'est-à-dire l'étude des animaux vivants, est incapable à elle seule d'établir cette classification phylogénique, c'est la Paléontologie qui est appelée à en fournir les bases.
D'après cette manière de voir, tout groupe vraiment naturel doit représenter un rameau, c'est-à-dire doit avoir une origine unique, qu'il s'agisse d'une classe, d'un ordre, d'une famille, d'un genre ou d'une espèce. Cette conception s'éloigne assez notablement de celle qui est admise par la plupart des zoologues et par un assez grand nombre de paléontologues.
A tous ces points de vue l'étude des Rudistes est d'un grand intérêt, c'est un des rares groupes dont il ait été possible de reconstituer l'arbre généalogique d'une manière à peu près complète.
Répartition des Rudistes
Dans un ordre d'idées tout-à-fait différent, la répartition des Rudistes à la surface de la terre m'a conduit à des conclusions importantes au point de vue de l'histoire du globe.
Partout les Rudistes sont associés à des récifs de coraux, et on doit en conclure que ces animaux vivaient près du rivage à une faible profondeur et dans des eaux d'une température relativement élevée. Ils sont également associés à certains Foraminifères, Orbitolines, Orbitoïdes, Orbitolites, dont les seuls représentants actuels vivent également dans le voisinage des récifs de coraux : les uns et les autres sont répartis à peu près exclusivement de nos jours dans la zone tropicale. On doit en conclure que la zone d'habitat des Rudistes dans les temps géologiques correspondait également à la zone la plus chaude.
La Mésogée
Nous avons donné à cette zone marine le nom de Mésogée : sa largeur plus ou moins grande est en relation avec la plus ou moins grande élévation de la température moyenne et si l'axe des pôles de la terre a réellement changé de position comme le pensent certains géologues, ses déplacements auront entraîné celui de la zone tropicale, c'est-à-dire de la Mésogée. C'est un point qui demandera à être étudié de très près.
La Mésogée a son point de départ dans le Pacifique et elle s'étendait depuis le Pérou, jusqu'au Texas ; de là, elle se dirigeait à l'Est par le golfe du Mexique et la mer des Antilles, traversait l'Atlantique, puis occupait la partie méridionale de l'Eurasie, qu'elle séparait de l'Afrique et de la Lémurie ; elle se prolongeait ensuite par les îles de la Sonde et allait rejoindre l'Océan pacifique.
Cette ceinture marine continue a isolé pendant tout le Crétacé et la plus grande partie du Tertiaire, l'Amérique du Nord de l'Amérique du Sud, l'Eurasie de l'Afrique, et cette séparation a une importance considérable au point de vue du développement des faunes terrestres.
Périodicité des périodes froides
Les limites de la Mésogée en tant que mer chaude, tropicale, ne sont pas restées fixes pendant toute cette période, elles ont éprouvé une série d'oscillations ; ainsi dans l'Europe occidentale, tantôt on les voit remonter au Nord jusqu'à Maëstricht et même jusqu'au Danemark ; tantôt, au contraire, elles redescendent jusque dans le midi de la France. On peut penser que ces oscillations correspondent à des variations de la température moyenne, à des alternances de périodes chaudes et de périodes froides. Ces dernières sont indiquées par la disparition de certaines formes franchement mésogéennes, et il est curieux de constater que les périodes froides correspondent précisément aux limites des étages, à la fin du crétacé et au commencement de l'éocène, à la fin de l'éocène et au commencement du miocène, à la fin du miocène et au commencement du pliocène. Or, c'est également à la fin du pliocène et au commencement du quaternaire que vient se placer la dernière de ces périodes froides, celle qui est connue depuis longtemps sous le nom de période glaciaire.
C'est toujours pendant ces mêmes périodes froides que viennent se placer les grands mouvements de l'écorce terrestre et en particulier le soulèvement des Pyrénées et celui des Alpes.
Cette hypothèse, que nous avons émise tout récemment, nous paraît mériter l'attention des géologues, et si elle est confirmée, elle jetterait un jour nouveau sur l'explication des grands phénomènes géologiques.