Maurice BIXIO (1836-1906)

Né le 23/2/1836 à Paris. Fils de Jacques Alexandre Bixio, qui fut ministre et député entre 1848 et 1851.

Ancien élève de l'Ecole des Mines de Paris (admis comme élève externe le 9/11/1858 classé 10 ; il démissionne le 5/1/1859). Il n'obtient donc pas le diplôme d'Ingénieur civil des Mines.


Bulletin de l'Association des Anciens Elèves de l'Ecole des Mines de Paris, 1906 :

L'Association amicale des élèves de l'Ecole supérieure des Mines vient de perdre un de ses membres les plus distingués. Maurice Bixio est mort le 4 janvier dans sa soixante-dixième année; il avait occupé de hautes situations dans les affaires. Né le 1er janvier 1836, il fit au collège Sainte-Barbe d'excellentes études ; les douze années qu'il passa dans la vieille maison, où son père, ancien ministre, avait été élevé, lui laissèrent de précieux souvenirs.

Il y a deux ans, au banquet annuel des Anciens Barbistes, rendant hommage aux éducateurs éminents de sa jeunesse, il les remerciait d'avoir ouvert et formé son esprit aux grandes idées de justice, de bonté, de tolérance, de liberté qui l'ont que l'homme remplit dans sa vie tout son devoir envers sa patrie, sa famille et l'humanité.

Au sortir de Sainte-Barbe, Maurice Bixio suivit les cours de l'Ecole des Mines, complétant ainsi sa forte éducation littéraire par de sérieuses études scientifiques.

A la mort de son père, en 1865, il prit la direction de la Librairie agricole, qu'il quitta au bout de trois ans pour se consacrer exclusivement à une importante affaire, la Compagnie générale des voitures, à Paris.

Entre temps était survenue la guerre de 1870. Maurice Bixio fut désigné pour le commandement d'un régiment de marche et décoré à la suite de l'affaire de Montretoul. Puis la confiance de ses concitoyens du VIe arrondissement de Paris l'envoya au Conseil municipal pour y défendre les idées de liberté et de tolérance que l'on savait être celles dominantes de son caractère et de ses opinions ; mais à l'expiration de son mandat, il n'en sollicita pas le renouvellement, pour se consacrer exclusivement aux importantes affaires dont il était chargé. Il devint par la suite administrateur des Chemins de fer du Nord de l'Espagne, de la Banque internationale de Paris, de la Société générale, du Crédit mobilier Espagnol, de la Compagnie générale de traction, de la Compagnie générale des tabacs des Philippines et président du Conseil d'administration de la Compagnie générale des voitures de Paris, etc.

Cette simple énumération témoigne à quel point son activité, sa surprenante capacité de travail, sa haute intelligence étaient appréciées dans le monde des affaires.

Quant à ses qualités morales, elles n'étaient pas moins précieuses; tous ceux qui l'ont aporoché, qui l'ont connu, étaient captivés par son inaltérable bonté, la droiture de son caractère et la fidélité de son amitié. Il ne nous appartient pas de faire l'éloge de Maurice Bixio au point de vue de ses vertus familiales, la profonde douleur de sa veuve, de ses filles et de leurs enfants prouve combien il en était aimé et était digne de l'être

Maurice Bixio, chevalier de la Légion d'honneur en 1871, avait été nommé officier en 1878 et promu au grade de commandeur en 1889 à l'occasion de la remarquable exposition des moyens de transport qu'il avait organisée au Champ-de-Mars.

Au point de vue de notre Association, il lui témoigna toujours un vif intérêt et nous devons rappeler qu'il présida notre banquet annuel du 28 décembre 1889. Nous sommes heureux de pouvoir reproduire le texte de son discours qui par suite de circonstances inconnues, n'a pas été publié dans le bulletin et ne se trouvait pas dans les archives de notre Association. Sa veuve a bien voulu nous le communiquer :

MES CHERS CAMARADES,

J'ai été tellement surpris et flatté de la démarche de notre Président que je me suis trouvé sans défense et dans l'impossibilité de refuser, comme je l'aurais dû, le trop grand honneur qui m'était offert de présider notre banquet annuel.

Vous le savez bien d'ailleurs, il est impossible de résister à notre camarade Petitjean lorsqu'il s'est mis en tête une chose quelconque relative à l'arche sainte de notre Association amicale dont il est le propagateur et l'obstiné défenseur.

Maintenant que j'ai accepté, je suis charmé de me retrouver avec des camarades de plus de trente années et de me reporter par la pensée aux jours heureux de la jeunesse, où nous fréquentions l'Ecole, alma mater, avec l'obscur et séduisant problème de l'avenir devant les yeux.

Nos voies ont bien différé et je suis dans la catégorie des déclassés dont parlait si spirituellement notre camarade Javal, dans le charmant discours qu'il prononçait il y a quelques années à cette place.

C'est le Directeur d'une des grandes industries parisiennes que votre Comité est venu chercher aujourd'hui, alors qu'il aurait pu s'adresser à tant d'ingénieurs distingués et beaucoup plus qualifiés que compte votre annuaire

Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée, et cela a certainement pesé sur moi pour me faire accepter la présidence, de reporter à notre chère Ecole des Mines la part qui lui revient légitimement dans les succès que j'ai pu rencontrer dans ma carrière.

Ils lui sont certainement bien dus, car c'est grâce à l'esprit scientifique, à la méthode de travail, aux enseignements de nos maîtres que j'ai pu introduire à la Compagnie générale des voitures à Paris les méthodes scientifiques sans lesquelles aucune industrie ne peut plus prospérer aujourd'hui.

J'ai reporté bien souvent dans mon coeur un souvenir reconnaissant à notre illustre et regretté maître Rivot, car c'est grâce au goût pour la chimie, puisé dans ses savantes leçons, que j'ai pu créer à la Compagnie des voitures un laboratoire de recherches où se sont faits depuis dix ans des travaux considérables sur l'alimentation des chevaux, intéressants non seulement au point de vue scientifique, mais surtout au point de vue industriel, puisqu'ils ont amené la prospérité de la Compagnie que je dirige.

Vous ayant ainsi justifié ma présence à ce banquet, je laisse à notre camarade Petitjean le soin dont il s'acquitte si bien de vous parler de notre Association et je vous propose, le coeur plein de reconnaissance, de lever nos verres à l'Ecole nationale des Mines, à l'Association de ses anciens élèves.

Cet amical et spirituel discours avait été chaleureusement applaudi par tous les anciens élèves de l'Ecole supérieure des Mines assistant au banquet.

Notre regretté camarade Maurice Bixio nous a donc donné l'exemple d'une existence exceptionnellement bien remplie.

Honorons sa mémoire comme il a fait honneur à l'Ecole.

L. DENIS DE LAGARDE.