Jules ARON (1844-1913)

Né le 18 mai 1844 à Marmoutier (Bas-Rhin). Fils de Léopold ARON et de Rosine LEVI.
Décédé le 29 juin 1913 à son domicile de Paris, 20 avenue de Wagram.

Ingénieur civil des mines de la promotion 1865 de l'Ecole des Mines de Paris.


Bulletin de l'Association des Anciens élèves de l'Ecole des Mines de Paris, Juillet et Août 1913

C'est avec un vif sentiment de regret que nous avons appris la mort de notre excellent camarade Jules ARON, mort subitement le 25 juin dernier.

Jules ARON était sorti de l'École des Mines en 1868 ; il avait débuté comme ingénieur aux Mines de plomb de la Cruz (Espagne), appartenant à la maison Sébastien de Neufville, et quitté ce poste pour prendre part brillamment à la défense nationale en 1870. [Il avait été engagé volontaire et avait fini avec le grade de capitaine d'artillerie].

Après la guerre, il passait quelque temps au laboratoire de l'illustre chimiste Tessier du Motay et, en 1872, entrait comme ingénieur dans la maison de Rothschild frères, où il fit toute sa carrière et où il était encore attaché en qualité d'ingénieur en chef et directeur des affaires industrielles quand la mort est venue le frapper.

C'est donc pendant plus de quarante ans qu'il put, dans cette puissante maison, donner la mesure de sa haute intelligence, d'une sagacité toujours en éveil, d'un jugement absolument sûr, et faire participer cette banque, sous son impulsion, à la création et au développement d'un grand nombre d'affaires dans toutes les branches de l'industrie.

Dans le domaine de la Métallurgie et des Mines, M. ARON s'occupa, au début de sa carrière, des affaires de la Société de Decazeville, dans laquelle sa maison avait d'importants intérêts ; il fut, pendant plus de quarante ans, ingénieur-conseil de la Société d'exploitation des Mines de mercure d'Almaden (Espagne).

Il eut l'occasion de donner des avis, très écoutés, à la grande Société de cuivre de Rio-Tinto dont il fut l'un des premiers à prédire le brillant avenir.

C'est lui également qui, à la suite des prospections des ingénieurs Cumenge, Fuchs et de la Bouglise, a engagé sa maison à prendre un intérêt prépondérant dans l'affaire de Boléo, dont il est resté administrateur depuis sa fondation.

Il a été ingénieur-conseil de la Société de Penarroya pendant plus de trente ans et a toujours été en communion de vues avec ses dirigeants qui ont fait de cette affaire une des plus puissantes exploitations de plomb du monde.

C'est encore sous l'impulsion de M. ARON que s'est développée la grande Société « Le Nickel » (Nouvelle-Calédonie), qui est devenue le principal fournisseur de ce précieux métal.

M. ARON a pris une très grande part au développement de l'industrie électrique dans notre pays et, notamment du transport de force par l'électricité.

C'est sur ses conseils et ceux de M. Sartiaux, directeur de l'exploitation de la Compagnie des chemins de fer du Nord, que furent entrepris, en 1883, les premiers essais de transport de force par M. Marcel Desprez, entre Creil et Paris, et c'est à la suite de ces essais qu'il fut, sur la proposition de M. de Freycinet, promu chevalier de la Légion d'honneur [La décoration lui fut remise le 19 janvier 1887 par le baron Gustave de Rothschild].

M. ARON était, à sa mort, ingénieur-conseil de la Société d'éclairage et de force par l'électricité, administrateur de la Société du travail électrique des métaux et de la transmission de force par l'électricité.

Mais à côté de ces nombreuses entreprises auxquelles il a attaché son nom, sa principale initiative a été le développement des affaires russes de pétrole.

Au moment où M. ARON s'est occupé des affaires de naphte russe, l'exploitation des terrains de Bakou était tout à fait a ses débuts. Dans l'espace de quelques années, il contribua à la formation de la Société de naphte Caspienne et Mer Noire, qui exploita les terrains de Bakou ; de la Société Mazout (distribution de résidus pour le chauffage et d'huile lampante dans toute la Russie) ; du Standard russe, qui développa l'étude des terrains pétrolifères, d'abord à Ilsky (Kouban), puis à Grosny.

En même temps, M. ARON prenait part à la formation de Sociétés de pétrole russe en Angleterre, Allemagne, Belgique, Hollande, de Sociétés de transports maritimes pour l'huile lampante, etc. etc.

Enfin, M. ARON était un des fondateurs et administrateurs de la Société d'armement, d'industrie et de commerce, et de l'Asiatic Petroleum C°, qui expédie de la kérosène en Orient et de la benzine en Europe.

Cette nomenclature un peu sèche montre surabondamment le rôle important qu'a joué M. ARON dans l'évolution de l'industrie mondiale pendant les quarante dernières années, et on peut ajouter, à sa louange, que toutes les affaires qu'il a créées et auxquelles il a collaboré ont donné de brillants résultats.

M. ARON joignait à ses hautes capacités techniques et industrielles une affabilité et un charme qui le faisaient apprécier et aimer de tout le monde ; il se montrait particulièrement bienveillant pour tous les jeunes camarades à la recherche de situations.

Ses conseils étaient aussi très appréciés par le Conseil de perfectionnement de l'École nationale supérieure des Mines, dont il faisait partie depuis sa réorganisation en 1908.

E. P. (ces initiales désignent probablement probablement Emile PARAF, administrateur de la Société Chatillon-Commentry et Neuves-Maisons)