Edouard-Alexis BRICHETEAU-MORANDIERE (1839-1896)

Né le 16/8/1839 à Tours.
Fils de Romain BRICHETEAU-MORANDIERE (1809-1875 ; X 1828) dit BRICHETEAU de la MORANDIERE et de Louise Aline THINAULT. Frère de Jules-Émeric-Raoul BRICHETEAU de la MORANDIÈRE

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1858 ; sorti classé 56ème sur 91 élèves) et de l'Ecole des Mines de Paris (promotion 1860 : admis le 6/11/1860 comme élève externe , classé 2, il redouble la 1ère année et démissionne en 1862). Il n'obtient pas le diplôme d'Ingénieur civil des mines. Voir bulletin de notes.


Biographie par E. POLONCEAU.

Extrait des Mémoires de la Société des Ingénieurs civils de France (Bulletin de Avril 1896)

Edouard-Alexis Morandière, décédé le 4 janvier 1896, était né a Tours, le 16 août 1839. Il entra à l'École Polytechnique en 1858, et, comme élève externe, à l'École des Mines de Paris, en 1860. Admis en 1863 à la Compagnie d'Orléans dans le service de la construction comme secrétaire de son père, l'éminent directeur des travaux de la construction du réseau Ouest de la Compagnie d'Orléans, il devint ingénieur de la construction de la ligne d'Auray à Pontivy (31 km), ouverte à l'exploitation le 18 décembre 1864 et de la ligne de Bressuire à Niort (75 km), ouverte le 28 décembre 1868 ; ensuite, il fut chargé de divers travaux à la gare de Sceaux (construction d'une gare a marchandises, du dépôt des machines).

Il dirigeait ces travaux lorsque la guerre éclata ; le génie militaire s'étant adressé à la Compagnie d'Orléans pour avoir des entrepreneurs pour exécuter des redoutes, la Compagnie d'Orléans désigna M. Edouard Morandière pour suivre ces travaux et faciliter l'exécution rapide de la construction des redoutes du moulin Saquet et de la plaine de Gennevilliers. M. Morandière, avec son énergie et sa grande habitude des travaux, rendit les plus grands services au génie militaire. Le général de Chabaud-Latour le proposa pour la croix [de la Légion d'honneur].

Edouard Morandière avait été reçu membre de la Société des Ingénieurs civils de France le 15 avril 1864.

En 1872, le Syndicat des Actionnaires des chemins de fer roumains ayant confié la reconstruction de son réseau à la Société autrichienne I.-R.-P. des chemins de fer de l'Etat, M. Guilloux, ingénieur des Ponts et Chaussées, directeur à la Société autrichienne, fut envoyé comme directeur général et, en avril 1872, il s'adjoignit comme directeur central de la construction M. Edouard Morandière. La tâche était rude : il s'agissait, dans un pays dénué de ressources, de reconstruire 600 km de chemins de fer qui étaient dans un état déplorable, de refaire une dizaine de grands ponts métalliques enlevés par les eaux et de reconstruire complètement à neuf 100 km de ligne et un grand pont métallique. Le tout devait être achevé en sept mois, sous peine de déchéance. Nous étions un certain nombre de Français qui avions à coeur de tenir haut et ferme le drapeau de notre patrie, d'arriver et de montrer aux Roumains qu'ils avaient eu raison de s'adresser à nous pour réédifier une oeuvre que des ingénieurs prussiens avaient laissé tomber en ruine.

Si la réussite de cette affaire est l'oeuvre du directeur général Guilloux qui montra là toutes les hautes qualités qu'il avait comme ingénieur et comme constructeur, certes la plus grande part du succès revient à Edouard Morandière qui, par son activité, son coup d'oeil, l'appréciation exacte de la situation, sut de suite reconnaître que c'était en Moldavie que gisaient les grosses difficultés et, malgré les critiques, put arriver à terminer tous ses travaux dans les délais voulus. Aussi, lorsque les lignes furent définitivement acceptées par le gouvernement roumain, nous autres Français, qui étions là, nous éprouvâmes un réel bonheur de cette victoire technique remportée sur notre vainqueur d'hier, bien que sur d'autres champs de bataille.

Morandière resta à Bucharest pour l'achèvement de travaux complémentaires et des règlements de compte jusqu'à la fin de 1873. Rentré en France, il alla, pour une société financière, faire un voyage d'études au Costa Rica, d'octobre 1875 à mars 1876.

En 1877, il entra aux chemins de fer de l'Etat comme ingénieur et fut chargé des travaux de superstructure, voies et bâtiments de la ligne de Tulle à Clermont-Ferrand.

Il y avait là encore un grand effort à faire. Rien n'était préparé, mais, avec son énergie, Morandière eut bientôt remis tout en activité ; le travail fut positivement enlevé.

Le Gouvernement reconnaissant les services rendus, Edouard Morandière, à l'achèvement de ces travaux, reçut la croix de la Légion d'honneur de son camarade de promotion, M. François Marie Sadi Carnot, alors Ministre des Travaux publics.

De la fin de 1882 jusqu'en 1885, Edouard Morandière occupa, en Cochinchine, les fonctions d'ingénieur de la Compagnie des chemins de fer garantis des Colonies, ligne de Saigon à Mytho. Dans ce pays sans voies de communication, la tâche était difficile. Cette ligne, à voie de 1 m, devait être établie sur la route, mais cette route n'était pas terminée ; les ponts existaient bien, mais comme ils n'avaient pas été établis en vue d'y faire passer un chemin de fer, il fallut les refaire. Dans ces contrées lointaines, au climat meurtrier, les choses les plus simples sont souvent fort difficiles à accomplir. Morandière parvint néanmoins à tout terminer. Il rentrait en France en 1885, mais il revenait très éprouvé par son séjour de près de trois années en Cochinchine.

Il entra alors, en 1887, aux chemins de fer du Sud de la France, comme directeur-adjoint de la Compagnie, chargé de la construction et de la voie, en résidence à Draguignan, et acheva plusieurs lignes; mais, en 1890, après avoir terminé toutes les études, tous les projets de la ligne de Digne de Nice, au moment de l'adjudication, les fonctions de sous-directeur chargé de la construction furent supprimées.

En 1890, il fut chargé d'une mission spéciale en Grèce relative à l'achèvement du percement de l'isthme de Corinthe.

Enfin, en 1893, il fit un voyage d'exploration pour un avant-projet de chemins de fer en Arménie. Surpris à 2000 m par les neiges, il eut une jambe gelée et, malheureusement, ne prit pas, tout de suite, les précautions nécessaires. Il devait payer cher cet oubli, car ce sont les suites de ce triste événement qui, quelques années après, ont contribué à l'enlever à l'affection des siens et de ses amis.

Edouard Morandière, outre une très grande intelligence, avait un caractère charmant : toujours de bonne humeur, confiant dans l'avenir et ne se laissant jamais abattre par les difficultés, il était naturellement aimable et simple, et prenait même plaisir à reporter sur ses collaborateurs tous les succès qu'il obtenait; pensant peu à lui-même et beaucoup à eux, il mettait une certaine insouciance, je dirai peut-être une certaine vanité à se mettre de coté, ce dont beaucoup ont profité. Dans ces temps où l'envie a tant d'adeptes, Morandière sut n'avoir jamais d'envie pour personne et, par l'aménité de son caractère, il sut se concilier l'affection de tous ceux qui l'ont connu, ce qui explique pourquoi sa perte a été si pénible pour tous les siens, et pour ses amis et collègues.

E. POLONCEAU.