Jules-Émeric-Raoul BRICHETEAU de la MORANDIÈRE (1837-1900)

Fils de Romain BRICHETEAU-MORANDIERE (1809-1875 ; X 1828 ; corps des ponts et chaussées) dit BRICHETEAU de la MORANDIERE et de Louise Aline THINAULT ; petit-fils de Alexis Joseph BRICHETEAU-MORANDIERE et de Eulalie Rosalie ARCHAMBAULT. Frère de Edouard Alexis BRICHETEAU-MORANDIERE (X 1858).

Ecole des mines de Paris (auditeur libre de la promotion 1858).


Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des Mines, juin 1901

Le 4 juillet 1900 s'éteignait, dans sa soixante-troisième année, Jules-Émeric-Raoul Bricheteau de la Morandière.

Cet homme, aimé de tous, était un modeste, toujours prêt à s'effacer aussi bien dans la vie administrative que dans la vie civile et nombre de ses collaborateurs, même des plus anciens, ont appris seulement par les lettres de part, que son nom était précédé de la particule nobiliaire.

Né le 3 octobre 1837, de la Morandière débutait, en 1861, à la Compagnie du Nord, dans le Service de la Traction, après avoir conquis le diplôme de licencié en droit et suivi comme auditeur libre les cours de notre École.

De la Morandière resta neuf années au Nord ; entre temps, en 1867, il avait rempli les fonctions de secrétaire du jury du groupe VI à l'Exposition universelle.

Entré à la Compagnie de l'Ouest en 1870, il y fut successivement inspecteur, puis inspecteur principal attaché à la Direction, et enfin en 1877, ingénieur des études, poste où la mort est venue le frapper après une maladie de quelques mois. Il était chevalier de la Légion d'honneur depuis 1897.

La caractéristique de Morandière était la grande affabilité et la bienveillance légendaire de son caractère. Doué d'une prodigieuse mémoire, il prêtait un concours précieux au Service, par ses connaissances encyclopédiques et la quantité de souvenirs qu'il avait enregistrés d'une façon indélébile.

Il a publié un très grand nombre de notes et de mémoires, tant dans la Revue Générale des Chemins de fer, dont il était un collaborateur assidu - il était d'ailleurs membre du comité de rédaction de cette publication - que dans les Bulletins de la Société des ingénieurs civils, Société pour laquelle il professait un véritable culte, au recrutement de laquelle il a contribué pour une large part et dont il fut secrétaire pendant sept années (1809-1878). Nous citerons entre autres :

Un mémoire sur le matériel et l'exploitation des chemins de fer anglais (1866) ;

Un rapport sur le matériel roulant à l'Exposition universelle de 1867 ;

Divers rapports sur les chemins de fer d'intérêt local (1870);

Les machines locomotives de 1848 à 1898 ;

Les locomotives à l'Exposition de Vienne (1873), en collaboration avec M. Deghilage;

Mémoire sur la construction et l'exploitation des chemins de fer économiques en 1876;

Le pont viaduc de Dundee;

Les ponts et viaducs de la ligne du Gothard ;

Les locomotives à l'Exposition d'Anvers (1886) ;

La constitution du réseau italien (1887) ;

L'Exposition de 1900 nous a montré, à Vincennes, le développement considérable qu'a pris la disposition dite « compound » sur les machines des divers réseaux français ou étrangers : sur 65 locomotives à vapeur exposées, 35 présentaient ce mode d'utilisation de la vapeur, 16 par deux, 1 par trois et 18 par quatre cylindres; dès 1866, de la Morandière proposait d'employer ce procédé et présentait un type de machine à quatre essieux, actionnés deux par deux en compound (machine à trois cylindres).

Citons enfin le parachèvement de l'oeuvre magistrale de son père, inspecteur général des Ponts et Chaussées, directeur de la construction à la Compagnie d'Orléans, décédé en 1875, sans avoir pu terminer son grand ouvrage sur la construction des ponts et viaducs.

Les quelques mots qui précèdent donneront une idée du labeur considérable qui fut l'oeuvre de l'homme de bien dont nous déplorons la perte. Ceux qui, comme nous, ont eu la bonne fortune de l'avoir pu longuement fréquenter, jugeront seuls toute l'importance de la perte que l'industrie des chemins de fer et en particulier la Compagnie de l'Ouest ont faite dans la personne de cet ingénieur; nous voudrions que ce faible tribut d'un dernier hommage, hélas bien tardif, fût une consolation pour les siens et, pour nous tous, nous remémorât à jamais le souvenir d'un modèle à suivre.

F. HUILLIEN