NOTICE NÉCROLOGIQUE sur
EDMOND FUCHS
INGENIEUR EN CHEF DES MINES

Par M. A. DE LAPPARENT, ancien ingénieur des mines.

Publié dans Annales des Mines, 8e série vol 17, 1890.

Parmi les privilèges que le Corps des Mines doit à son mode particulier de recrutement, il en est un que peu de corporations pourraient se flatter de posséder au même degré : c'est l'avantage de compter dans ses rangs bon nombre de ces intelligences d'élite, qui ne se laissent enfermer dans les limites d'aucune spécialité, et peuvent, non seulement se mouvoir à l'aise dans les domaines les plus divers de la science proprement dite, mais encore s'adonner avec succès, soit à la culture des arts, soit à celle des lettres.

Parfois, il est vrai, cette remarquable variété d'aptitudes a sa contre-partie dans un défaut d'équilibre physique. La lame, comme on dit, use le fourreau; il semble que les facultés cérébrales aient absorbé à leur profit une trop grande part des énergies corporelles et que le reste de l'organisme ne garde plus, contre les dangers , une force de résistance suffisante. De fait, l'histoire du Corps des Mines offre de trop fréquents exemples morts prématurées, qui viennent enlever à la fleur de l'âge, souvent à la sortie de l'École ou à l'Ecole même, des jeunes hommes à qui leurs débuts semblaient promettre la plus brillante carrière.

Si quelqu'un paraissait destiné à braver, mieux que tout autre, ce genre de péril, c'était bien l'éminent ingénieur de qui nous entreprenons de retracer l'existence. Tout en le gratifiant de qualités intellectuelles aussi brillantes que variées, la Providence l'avait taillé en hercule. En contemplant cette haute stature, ces larges épaules, ce visage encadré d'une abondante chevelure, éclairé par deux grands yeux, à la fois lumineux et doux, et sur lequel s'épanouissait volontiers le sourire le plus franc et le plus bienveillant, il semblait vraiment qu'on fut en présence d'un homme fort dans toute la rigueur de l'expression. Hélas! cette puissance exceptionnelle contenait en elle-même un germe de faiblesse. Habitué à défier les dangers, à ne jamais compter avec la fatigue ; incapable d'une mesure à laquelle répugnaient un esprit et un coeur trop généreux, en même temps que son corps en croyait pouvoir impunément secouer le joug, Fuchs devait abuser de ses forces, au point de perdre rapidement le bénéfice de sa magnifique constitution. La mort le guettait, en quelque sorte, depuis des années, et un jour est venu où elle l'a terrassé tout d'un coup, après lui avoir à peine permis de dépasser le demi-siècle. Mais du moins elle ne l'a pas pris au dépourvu. Son âme n'avait jamais cessé d'être prête, et l'incroyable activité qu'il a toujours déployée fait de sa carrière, si prématuré qu'en ait été le dénouement, l'une des plus remplies que le Corps des Mines ait connues.

Philippe-Jacques-Edmond Fuchs naquit à Strasbourg, le 1er avril 1837. Son enfance et sa jeunesse s'écoulèrent tout entières dans cette belle province d'Alsace, à laquelle il appartenait de toutes façons, par sa famille, par son tempérament, par ses goûts. Il grandit ainsi à l'ombre des Vosges, dont les magnifiques forêts et les poétiques vallées trouvaient en lui un admirateur enthousiaste; au bord du Rhin, français alors et sur les flots rapides duquel il aimait à s'aventurer en barque; enfin dans ces plantureuses campagnes où l'Ill serpente, et qui se déploient, si larges et si riantes, au pied de la piontagne, avec les cimes de la Forêt Noire pour horizon lointain.

Un tel milieu, dans un pays rempli de souvenirs, de traditions et même de légendes, était bien fait pour favoriser l'épanouissement d'une nature à la fois puissante et douce, où la vigueur du tempérament s'alliait à une imagination pleine de tendresse, non moins sensible aux charmes de la rêverie sur l'eau, par un beau clair de lune, qu'à la fière satisfaction des marches forcées accomplies, sans repos ni nourriture, à travers les sentiers les plus âpres de la montagne. Mais à cette influence du milieu venait s'en joindre une autre, encore plus efficace, celle de la famille. Pour en apprécier la portée, il faut avoir connu ce père, si profondément respectable dans sa simplicité, esprit libéral et généreux, habitué à chercher, dans la littérature et la poésie, une diversion aux exigences du négoce, que la nécessité seule le déterminait à subir; puis cette sainte mère, au regard si sympathique, dans les yeux de qui la physionomie du fils se retrouvait et s'expliquait du premier coup. Ajoutons-y une soeur aînée, plus Agée que Fuchs de quinze ans, qui fut pour lui comme une seconde mère et qui, elle aussi, a laissé chez tous ceux qui l'ont connue la plus charmante impression de droiture et de bonté. Tels étaient les éducateurs qui, dans un cadre toujours austère et sous les auspices d'une foi chrétienne inébranlable, s'appliquèrent à former le caractère et à développer les aspirations de celui qui, par ses succès de bon aloi, devait etre l'orgueil et la consolation de la famille.

Entré de bonne heure au Gymnase de Strasbourg [Le Gymnase protestant de Strasbourg, qui a connu beaucoup d'élèves ou de professeurs célèbres comme le prix Nobel Albert Schweitzer, est à présent devenu le Lycée Jean Sturm], d'où il passa plus tard au lycée, Fuchs fut constamment à la tête de sa classe. Plein d'ardeur pour l'étude, déployant, dans le respect du plan de travail qu'il s'était tracé, la conscience la plus scrupuleuse, il termina en 1851 son année de philosophie par la conquête du baccalauréat es lettres. Jusqu'alors les études littéraires l'avaient exclusivement absorbé. Le grec et le latin le passionnaient; une heureuse mémoire lui permettait de s'assimiler aussi bien Homère et Virgile que les chefs-d'oeuvre de la littérature allemande ; enfin une exceptionnelle facilité pour les langues, qui plus tard devait lui être d'un si grand secours dans sa carrière de voyageur, lui faisait trouver du charme, non seulement à l'étude de l'anglais et de l'allemand, mais même à celle de l'hébreu. Avec deux de ses amis, il avait fondé une association littéraire où chacun, une fois par semaine, donnait libre carrière à son imagination. Nul mieux que Fuchs n'y excellait à voguer à pleines voiles dans l'idéal. Les vers, qu'il faisait avec une rare aisance, et où se trahissaient souvent les religieuses aspirations de son âme, enfin la musique, pour laquelle il avait un goût très vif, ajoutaient aux satisfactions de cette nature, faite pour les plus nobles jouissances de l'art et du savoir.

De tels débuts semblaient prédisposer Fuchs à tout autre chose qu'à l'étude des mathématiques; et de fait, s'il les avait prises par leurs petits côtés, il eût dû se sentir bien mal à l'aise au milieu de cet appareil de formules inflexibles. Mais à peine les avait-il abordées qu'il y savait apercevoir des merveilles de grandeur et d'harmonie, par lesquelles son esprit fut immédiatement subjugué. Aussi, sans devenir infidèle aux lettres, déploya-t-il, dans ce nouveau genre d'études, une ardeur que récompensait bientôt le diplôme de bachelier es sciences.

Tant de fatigues d'esprit, entremêlées d'exercices corporels, où il faut reconnaître que la prudence était rarement écoutée, faillirent avoir un triste épilogue. Une fièvre typhoïde mit Fuchs à deux doigts de la mort et la convalescence fut aussi longue que pénible. Il n'en reprit pas moins le cours de ses études et, en 1856, le prix d'honneur de mathématiques spéciales attestait avec éclat qu'il n'avait rien perdu de sa supériorité.

Jusqu'alors Fuchs ne s'était mesuré qu'avec ses compatriotes d'Alsace. Les examens d'admission à l'École polytechnique le firent entrer en lice avec toute l'élite scientifique de sa génération. Il ne donna pas tout d'abord sa mesure, comme s'il eût été surpris par ce contact nouveau. Mais, entré à l'École avec le numéro 48, en compagnie de plusieurs de ses meilleurs camarades d'enfance, il s'était si rapidement ressaisi qu'il se voyait classé le troisième à Pâques. Il sortait définitivement, en 1858, avec le numéro 2. A ce moment ses rêves étaient accomplis, et il lui était donné de choisir la carrière des mines, vers laquelle le portaient d'instinct toutes ses prédilections.

Pour la plupart des polytechniciens, l'entrée aux écoles d'application est le signal de la délivrance. Plus de portes fermées; plus de consignes à craindre; plus de travail acharné pour la conquête d'un rang disputé par de trop nombreux concurrents ; mais une vie agréable, intéressante, exempte des rudesses de la discipline et où, sans manquer aux exigences de la carrière, on peut laire aux distractions légitimes une part raisonnable.

Pour Fuchs, le séjour à l'École des mines devait être singulièrement plus austère. Ses parents avaient éprouvé quelques revers de fortune. Il ne voulut pas permettre qu'on s'imposât dans son intérêt de nouveaux sacrifices, et prétendit se suffire désormais à lui-même. Le modique traitement que recevaient alors les élèves-ingénieurs pouvait tout juste subvenir aux frais de leur nourriture ; il fallait encore se loger, se vêtir et pourvoir à mille menues dépenses. Fuchs s'imposa de nombreuses privations, plus méritoires encore pour sa vigoureuse organisation que pour toute autre. Il ne craignit pas de donner des répétitions, sans négliger pour cela aucun de ses devoirs, sans cesser de fréquenter, le soir, la société distinguée dans laquelle sa bonne réputation l'avait fait admettre d'emblée. Surtout il ne négligeait pas d'aller le plus souvent possible, se retremper dans sa chère Alsace, au foyer paternel, au sein de cette vie de famille qui fut toujours son idéal. Combien de fois, pour diminuer la dépense de ce long voyage, ne le vit-on pas effectuer le trajet sur la locomotive, à côté du chauffeur, à la faveur d'une permission qu'il avait su se procurer! C'est ainsi qu'il parvint, non seulement à vivre honorablement sans rien demander aux siens, mais encore à amasser une petite réserve, en vue des voyages qu'il devait faire à la suite de ses deux dernières années d'école, voyages qu'il projetait d'étendre, pour sa propre instruction, bien au delà des limites prescrites par les programmes.

Sa première mission d'élève-ingénieur, accomplie dans l'été de 1860, le conduisit d'abord en Saxe, dans le pays classique des mines métalliques. De là il passa en Bohème, puis en Hongrie, explora le Banat et revint par le Tyrol, partageant son attention entre les mines et les usines métallurgiques. En même temps, la vie des mineurs, les richesses artistiques des musées, le caractère des populations, fournissaient à son esprit curieux le sujet d'observations nombreuses, qu'il aimait à consigner, au jour le jour, dans sa correspondance avec ses parents. Parti d'Alsace, à une époque où cette belle province savait et pouvait allier, à un vif attachement pour la patrie française, une certaine sympathie à l'égard du peuple voisin, dont elle comprenait la langue et aux destinées duquel elle avait été autrefois associée, Fuchs arrivait en Allemagne tout disposé à une bienveillante appréciation des hommes et des choses. Il s'attendait à y trouver, avec la réelle simplicité de vie que les nations germaniques ont généralement conservée, beaucoup de cette élévation d'esprit et de cette soif d'idéal, dont il se sentait rempli et qu'il avait plus d'une fois savourées avec ses compatriotes alsaciens. Sa déception fut vive, comme ses lettres en font foi. La plupart des Allemands qu'il eut l'occasion de fréquenter lui parurent, disons le mot, d'un terre-à-terre extrême ; et ce ne fut pas une de ses moindres surprises d'avoir à constater que ce défaut, loin d'être l'apanage exclusif d'un sexe trop asservi à la bière et au tabac, sévissait non moins gravement, en terre allemande, sur cette portion du genre humain que la nature sensible et aimable de Fuchs eût aimé à voir constamment parée de toutes les grâces et de toutes les délicatesses. De ce jour son patriotisme reçut une consécration nouvelle, et il apprécia mieux encore l'avantage d'appartenir à une nation qui, pour être peu portée vers la rêverie, n'en sait pas moins, à l'occasion, s'enthousiasmer et se dévouer pour de grandes idées, en même temps que chacun y conserve, dans la plupart de ses actes, une élégance qui peut s'appeler un privilège de race.

Le second voyage de Fuchs, entrepris en 1861, en compagnie de ses camarades MM. Keller et Vicaire, eut pour objet l'étude des mines de la Norwège. Hammerfest devait être le terme extrême de la tournée ; mais les trois compagnons y voulurent ajouter, à leurs frais, une pointe au cap Nord; après quoi, traversant la Laponie et la Finlande, ils se rendirent ensemble à Saint-Pétersbourg. C'est dans la première partie de la mission que se place un épisode, où se révèle le caractère aventureux de Fuchs et son absolu mépris du danger. Il avait résolu de faire ascension du Sneehätten, l'une des cimes les plus hautes et les mieux dégagées des monts Scandinaves. Les guides déclaraient l'entreprise impraticable à ce moment. Sur leur refus de l'accompagner, il se hasarda seul à travers un dédale de pierres écroulées, qui cédaient sous ses pas, tant l'équilibre en était instable, et, après une journée entière d'escalade, il parvint au sommet juste comme le jour déclinait. Obligé d'effectuer sa descente au milieu d'un brouillard épais, il se trompa de chemin, faillit tomber dans un précipice, dont le bord surplombait l'abîme à plusieurs centaines de mètres au-dessus d'un glacier, et dut ramper ensuite, se meurtrissant les pieds et les mains, sur un talus d'éboulis que le poids de son corps faisait descendre à tout instant. Cette odyssée mortellement périlleuse dura vingt-trois heures, au bout desquelles, sans que son énergie ni sa confiance en la Providence l'eussent abandonné un moment, il eut enfin la joie de rejoindre ses compagnons, qui craignaient déjà de ne plus le revoir.

De pareilles péripéties, au cours d'un voyage où, sans s'écarter de l'ordinaire, il fallait déjà se résigner à bien des privations et des fatigues, auraient dû calmer sa soif d'aventures. Elles ne firent au contraire que l'enflammer. Aussi, laissant à Saint-Pétersbourg ses deux amis reprendre le chemin de la France, voulut-il traverser la Russie tout entière, pour revenir par la mer Noire et la Méditerranée. En vain, quand il fut à Moscou, chercha-t-on à lui faire entendre qu'il était dangereux de se risquer dans les steppes de la Russie méridionale. Seul et sans armes avec un conducteur, en carriole d'abord, en traîneau ensuite, souvent malade, plus d'une fois exposé à des rencontres dangereuses, où il est à croire que sa stature athlétique dissuada seule les maraudeurs armés de tenter un mauvais coup, il finit par atteindre la Crimée, d'où il se rendit à Constantinople. Puis, après une petite pointe en Asie, il s'embarqua sur la Méditerranée, mais sans oublier une visite à Athènes, où ses souvenirs classiques lui faisaient une loi de s'arrêter.

De ce voyage, où il avait touché successivement aux deux extrémités de l'Europe, passant, en quelques semaines, de la pâle lumière du cap Nord au soleil étincelant de la Grèce, Fuchs rapportait une ample moisson de souvenirs, de notes et de croquis. Il connaissait maintenant le pays d'Odin, avec ses fjords capricieusement découpés, où la mer pénètre à travers les schistes cristallins, couronnés de neiges éternelles qui s'écoulent par mille cascades. Il s'était extasié au spectacle des magnifiques aurores des régions circumpolaires, prenant plaisir à écrire, à la lueur de ces feux magiques, quelques-unes de ses impressions de touriste, de philosophe et de savant. Il avait traversé la Finlande, avec sa surface indécise, tout fraîchement abandonnée par les glaces et couverte de blocs erratiques, de provenance septentrionale. De là, il s'était promené sur les plaines russes, au milieu de terrains à stratification obstinément horizontale, à peine visibles sous les herbes et la terre noire des steppes, pour retrouver en Grèce ces formations problématiques, où plus d'une fois des roches d'âge secondaire ont revêtu, par le métamorphisme, un aspect comparable à celui des schistes cristallins.

A ces souvenirs, précieux pour un futur géologue, il joignait de nombreuses observations sur les moeurs et les traditions des peuples du Nord, dont la langue lui était devenue bien vite familière, grâce à sa parfaite connaissance de l'anglais et de l'allemand. Il n'était pas homme, d'ailleurs, à ne se servir de ses aptitudes de polyglotte que dans un but d'utilité immédiate et pratique ; mais à tout instant la tournure philosophique de son esprit lui suggérait des rapprochements intéressants et on peut affimer qu'il eût fait un philologue distingué, s'il avait voulu s'adonner à cette spécialité.

Nous nous sommes étendu avec quelque complaisance sur cette première grande tournée, où se dessine la vocation de Fuchs pour les longs et difficiles voyages. On nous le pardonnera plus volontiers encore, si nous disons que la relation originale de ce tour d'Europe, capable de remplir un gros volume, a été anéantie en 1870, lors du bombardement de Strasbourg, dans l'incendie qui détruisit la maison paternelle de notre ami.

Le 19 février 1862, Fuchs, sorti le second de l'École des mines, était nommé ingénieur de 3e classe. Juste à ce moment, le poste de Strasbourg devenait vacant. Le premier de la promotion, M. Keller, Alsacien lui aussi, s'empressa de le réclamer. Fuchs vint donc prendre, auprès du secrétaire du Conseil des mines, la place que son camarade laissait libre, et d'abord sa pensée dut se reporter plus d'une fois avec regret sur cette chère Alsace, où tant de liens l'attiraient. Mais la Providence lui réservait, à bref délai, un dédommagement qui devait décider de sa carrière, en le fixant pour toujours à Paris, dans un poste d'ordre scientifique. Au mois de juillet, en effet, un arrêté ministériel le chargeait de professer, en remplacement du regretté Bour, la géométrie descriptive et la physique aux cours préparatoires de l'Ecole des mines, et en même temps on lui confiait, à cette École, les leçons de lever des plans et de topographie souterraine.

A cette même date commencent les relations de Fuchs avec l'industrie privée, qui devait si souvent en appeler au concours de ce voyageur infatigable. C'est ainsi qu'en 1862, on le voit étudier, en Angleterre et en Suède, pour la société du Creusot, le procédé Bessemer. Puis, en avril 1863, la compagnie des Salines de l'Est le charge d'un rapport sur le gisement si curieux de Stassfurt en Anhalt. Ces missions furent bientôt suivies de plusieurs autres, dont nous parlerons à leur date et dont chacune lui donnait l'occasion de recueillir de nombreuses séries d'échantillons. D'ordinaire il déposait ces séries à l'École des mines, où elles prenaient place dans la collection des gîtes minéraux et métallifères, dont le soin lui avait été confié par M. de Chancourtois, et qui devait prendre, par suite de la construction des nouveaux bâtiments, un assez grand développement. En même temps, il amassait des matériaux pour des mémoires scientifiques, destinés à être insérés dans les Annales des Mines. Mais avant que ces mémoires vissent le jour, il allait s'accomplir dans l'existence de Fuchs un grand et décisif événement : nous voulons parler de son mariage, dont les circonstances furent trop caractéristiques pour qu'on les puisse passer sous silence.

Fuchs avait eu pour camarade, à l'Ecole polytechnique comme à l'École des mines, M. Charles Ledoux, aujourd'hui ingénieur en chef, professeur du cours d'Exploitation et conseil de la compagnie d'Anzin. L'un des frères de M. Ledoux étant tombé gravement malade à Paris, Fuchs lui prodigua les soins les plus dévoués. Au chevet du mourant, la soeur de ce dernier, Mlle Henriette Ledoux, apprit à bien connaître l'ingénieur qui s'était acquis tant de droits à la reconnaissance de la famille. Lui, de son côté, eut assez de clairvoyance pour deviner quel fonds de trésors naturels était renfermé chez cette jeune fille, et de quel épanouissement ces richesses étaient susceptibles, pour peu qu'elles fussent placées dans un cadre favorable. Quelques mois après, le 9 juillet 1863, Mlle Ledoux devenait Mme Fuchs.

Ce que fut cette union, née d'un élan naturel que favorisaient la gratitude et l'estime, et de laquelle on peut dire que tout calcul humain avait été écarté, il n'est pas un ingénieur qui l'ignore. Tous ont été témoins des joies intenses que l'époux a trouvées dans les brillantes facultés de sa compagne, facultés dont il lui était permis de penser, avec quelque fierté, que leur développement était en partie son oeuvre. Le talent musical, si unanimement apprécié, de Mme Fuchs, a, comme M. Haton de la Goupillière le disait si justement, sur la tombe de notre cher camarade, « embelli, reposé, fécondé la forte existence qui venait se retremper à ses accents ». Ajoutons , toujours avec l'éminent directeur de l'École des mines, que « le charme de l'art a été pourtant le moindre côté du bonheur profond dont une femme distinguée a entouré celui qui lui est arraché! » Nous ne voudrions pas encourir le reproche de toucher, d'une main trop peu discrète, à d'aussi intimes souvenirs. Cependant nous sommes sûr qu'on nous pardonnera de vouloir rappeler encore un trait d'une exquise délicatesse : le métal de l'anneau d'argent qui fut, entre les deux époux, le symbole de la foi jurée, provenait directement des galons qui avaient orné, durant la seconde année d'école, l'uniforme du polytechnicien; et l'ingénieur n'avait voulu laisser à personne d'autre qu'à lui-même le soin de la fonte, tant il lui importait de garantir l'authenticité du lingot, dont il garda pour sa mère la seconde partie. Ainsi, en confiant au creuset les plus brillants comme les plus décisifs emblèmes de la situation qu'il avait réussi à conquérir par son travail, Fuchs trouvait moyen d'associer intimement, dans un hommage vraiment personnel et touchant par sa modestie même, les deux plus grandes affections qu'il ait connues ici-bas.

Aussitôt après le mariage, les époux partirent pour l'Alsace, où Fuchs avait hâte de présenter sa jeune femme à sa famille. De là, par la Suisse, ils se dirigèrent vers l'Italie; mais ce n'était pas pour y faire un voyage de noces ordinaire et les exigences du travail devaient s'y mêler, pour le nouveau couple, aux satisfactions de la lune de miel. Il est des cas où le mariage apporte l'oubli justifié de toutes les préoccupations matérielles, et permet à l'homme de goûter les jouissances de son choix, sans les voir jamais traversées par le souci des nécessités du lendemain [Ici, Lapparent faisait évidemment allusion à son propre mariage]. L'union que Fuchs avait contractée ne comportait pas cette immunité , parfois dangereuse autant qu'elle est commode. Dès le premier jour s'imposait à lui le noble et austère devoir de travailler en vue du bien-être des siens. Heureux encore d'avoir trouvé, pour le début de sa nouvelle existence, une mission dans le beau pays de la Lombardie! Non que sa vaillante compagne n'eût été prête à le suivre n'importe où; mais du moins c'était plaisir de pouvoir la dédommager chaque jour de quelques heures de solitude, par le spectacle des riants paysages des abords du Val Trompia, ou par celui des environs de Traverselle, où son mari était appelé pour donner son avis sur quelques gîtes métallifères.

A la fin de 1863, ainsi qu'en 1864, Fuchs se rend, à plusieurs reprises, à Massay et à Chéry, pour y faire l'étude approfondie de quelques-uns des gisements de minerai de fer du Berri. C'est alors qu'au mois d'avril 1864, la naissance d'un fils vient lui imposer de nouveaux devoirs. Il accepte de la société Virginia, de Bergame, une mission dans la province de Brescia. Mais, l'année suivante, sans sortir de France, il trouvera à s'occuper en étudiant, pour la ville de Courbevoie, le pouvoir éclairant du gaz de boghead, au sujet duquel il fait paraître une note dans le Bulletin de la Société d'Encouragement.

C'est aussi en 1865 qu'il publie, dans les Annales des mines, son travail sur le gisement salin de Stassfurt, rédigé à la suite de la mission qu'il avait remplie, deux ans auparavant, pour la compagnie des Salines de l'Est. Dans ce mémoire, très ordonné et parfaitement écrit, il faut signaler surtout les considérations géologiques où Fuchs, après avoir exposé la théorie de Bischof sur la formation des sels déliquescents, par évaporation d'un bassin peu à peu séparé de la mer, indique les raisons pour lesquelles cette explication lui paraît insuffisante dans l'espèce. Il fait valoir ensuite la probabilité d'une origine mixte, c'est-à-dire d'une combinaison de l'évaporation avec un apport de matières salines, par des sources en relation avec des phénomènes éruptifs. Peut-être trouvera-t-on excessive la confiance qu'en cette occasion, à la suite de M. de Chancourtois, il accorde aux grands cercles de la sphère terrestre qui passent par les gisements connus d'hydrocarbures. Du moins on ne saurait méconnaître que, pour les gîtes salifères, la question d'origine demeure toujours ouverte; que l'énorme épaisseur des masses de sel gemme semble difficilement conciliable avec un simple phénomène d'évaporation; enfin que les argiles bariolées, qui presque toujours accompagnent le sel, ont une frappante ressemblance avec les argilolites qui, dans certains terrains, sont en relation évidente avec des éruptions porphyriques ou des solfatares.

A partir de 1865, l'activité industrielle de Fuchs va subir un certain ralentissement. A ce moment, en effet, Elie de Beaumont et son suppléant, M. de Chancourtois, organisaient, en vue de l'Exposition de 1867, un service provisoire pour la préparation d'un fragment étendu de la Carte géologique détaillée de la France, comprenant la partie nord-est du territoire. Il fallait, à cette occasion, rassembler toutes les cartes départementales déjà publiées, les reporter, si elles n'y étaient pas déjà, à l'échelle du quatre-vingt millième, adopter une gamme uniforme pour les divisions comme pour les couleurs, et surtout opérer, sur les limites communes des cartes, le raccordement de travaux entrepris à des époques et suivant des méthodes très différentes. Une telle tâche réclamait, non seulement un esprit de coordination systématique, que M. de Chancourtois était particulièrement propre à exciter et à maintenir, mais encore de nombreuses courses sur le terrain , exécutées par un personnel jeune, aimant le métier, et capable de s'intéresser à toutes les questions théoriques que l'accomplissement du travail ne pouvait manquer de soulever.

Fuchs était tout indiqué pour faire partie du nouveau service. C'est là surtout que nous avons appris à le connaître. S'il nous a été donné d'acquérir une juste idée de cette nature aimable et vaillante, de ce coeur généreux et incapable d'aucune petitesse, de cette intelligence largement ouverte à toutes les choses élevées, c'est à la faveur de ces excursions communes, entreprises tantôt parmi les vertes collines du bas Boulonnais, les plaines monotones du Nord ou les ondulations crayeuses de la Champagne, tantôt à travers ce beau massif des Vosges, dont il excellait à faire les honneurs ; sachant ménager à ses compagnons, après de laborieuses journées de marche, l'hospitalité de quelqu'une de ces patriarcales familles d'Alsace, où le titre d'ami de Fuchs garantissait le plus cordial accueil. Quelles bonnes causeries on échangeait, quels souvenirs on remuait, que d'idées on éveillait, quand, le soir nous ayant surpris en pleine besogne, il fallait revenir au gîte au prix d'une longue marche nocturne, où il n'y avait plus de scrupule à se faire d'oublier un instant la géologie ! Alors il arrivait souvent que la poésie et la musique reprissent leurs droits, et l'on entamait des lieder, alternant avec des réminiscences moins germaniques ; ou bien on faisait raconter à Fuchs les aventureuses péripéties de ses voyages. D'autres fois, enfin, c'était la philosophie ou l'esthétique fournissait le thème des conversations.

Ce n'est pas que cette communauté de travaux et d'aspirations générales empêchât certaines divergences de vues, même en matière scientifique. Parmi ceux que le service géologique avait ainsi groupés, quelques-uns étaient d'esprit plutôt positif et récalcitrant à certaines généralisations ; d'autres (et il est à peine besoin de dire que Fuchs était de ces derniers) montraient beaucoup plus d'indulgence, voire même de penchant, pour les idées systématiques, jusqu'à se laisser accuser parfois, sinon de prétendre reconstruire la nature à leur manière, du moins de la regarder plus subjectivement qu'objectivement, comme on disait alors de l'autre côté du Rhin ; tendance bien excusable, d'ailleurs, si l'on songe qu'elle était, avant tout, inspirée par le désir de mettre en pleine lumière l'ordre et l'harmonie de la Création. C'est ainsi que, jusqu'à la fin, Fuchs devait demeurer fidèle à la doctrine du réseau pentagonal. Nous croyons bien, du reste, que dans cet attachement inébranlable à une cause dont les partisans se faisaient chaque jour plus rares, il obéissait à un double sentiment : d'une part, un penchant personnel très sincère pour une théorie assurément ingénieuse autant qu'originale, qui avait à ses yeux le grand mérite d'introduire, dans les faits géologiques et géographiques, la géométrie, cette suprême expression de l'ordre dans la matière ; d'autre part, un souvenir reconnaissant de la bienveillance que lui avaient toujours témoignée Élie de Beaumont, le créateur de la doctrine, et M. de Chancourtois, son propagateur le plus ardent. A l'heure où, ses premiers protecteurs ayant tour à tour disparu, cette fidélité ne pouvait être à Fuchs d'aucun profit, il la gardait encore, trouvant sans doute quelque satisfaction à pouvoir se dire :

      Victrix causa Diis placuit, sed victa Catoni.

Les années 1865, 1866 et 1867 furent particulièrement laborieuses pour Fuchs. A de nombreuses occupations, nécessitées par le service de la carte, et à l'accomplissement de ses devoirs de professeur, il trouva moyen de joindre encore un voyage d'études aux mines de Pontpéant, en Bretagne, un autre dans le bassin houiller de Brassac, une tournée dans le Rouergue et le pays d'Alais, et cela dans une année où sa famille s'accroissait d'une fille. Enfin, en 1867, il procéda à l'exploration des mines de zinc de la province de Ameberg, en Suède, entreprise pour la société de la Vieille-Montagne, près de laquelle l'amitié de M. Max Braun lui ménageait un crédit durable. Entre temps, il publiait, dans les Annales des mines de 1867, une traduction, faite d'après le texte norvégien, du mémoire de MM. Kjerulf et Dahll, sur les gîtes de fer de la côte sud-ouest de la Norwège (Arendal, Naes, Krageroe).

Sur ces entrefaites, l'Exposition universelle de 1867 ouvrit ses portes. Elie de Beaumont faisait partie de la commission impériale, laquelle avait pour secrétaire M. de Chancourtois, l'ingénieur en chef et l'âme du service géologique. Ce dernier, retenu pour de longs mois au Champ de Mars, y voulut avoir auprès de lui tous ses collaborateurs habituels. Le rôle de Fuchs était tracé d'avance. Sa connaissance des langues étrangères et son expérience des choses techniques le désignaient pour le jury international des récompenses. Ingénieur de seconde classe depuis le 5 janvier, il fut nommé, par arrêté du 15 mars, secrétaire du jury du cinquième groupe, comprenant les mines et la métallurgie. Ses services furent fort appréciés et Michel Chevalier, rapporteur général du jury, lui confia la rédaction de plusieurs rapports. Le Premier traite des cartes géologiques en général et consent, à côté de quelques aperçus d'ensemble, où des vues philosophiques d'une réelle élévation sont exprimées en très heureux langage, un examen sommaire des cartes françaises, ainsi que de celles de l'Algérie, de la Suède, de la Norwège et de la Suisse. Le second rapport est relatif aux combustibles artificiels, c'est-à-dire aux agglomérés de houille. Le troisième, rédigé en collaboration avec M. Worms de Romilly, s'occupe des fontes et fers ; un intéressant résumé historique y est suivi de détails précis sur la fabrication contemporaine , aussi bien en France qu'à l'étranger. Enfin dans le quatrième, consacré au zinc, Fuchs laisse voir une compétence particulière, fruit des relations qu'il avait déjà nouées avec la société de la Vieille-Montagne, et qui ne devaient pas s'arrêter là.

Ces différents travaux furent publiés en 1868. Si l'on songe que, dans cette même année, Fuchs se décidait à donner aux Annales des mines l'étude qu'il avait rédigée dès 1864 sur les gisements de cuivre, de plomb et de fer des vallées Trompia, Sabbia et Sassina, dans la Lombardie septentrionale , étude où il fait ressortir les relations des gîtes avec les roches éruptives, porphyres et mélaphyres; que, de plus, il allait visiter, pour la Vieille-Montagne, des mines de plomb et de zinc en Belgique et en Prusse, mines où les gisements dits calaminaires mettent si bien en lumière la réaction mutuelle des roches encaissantes et des eaux minéralisées qui ont engendré les filons, on ne pourra manquer de rendre hommage à cette activité vraiment extraordinaire, qui permettait de mener de front des tâches si diverses.

Jusqu'alors le service de la carte géologique détaillée n'avait existé qu'à titre provisoire; mais l'Exposition universelle avait suffisamment démontré la nécessité, pour la France, d'organiser définitivement l'oeuvre, sous peine de demeurer en arrière des nations voisines. Elie de Beaumont obtint du ministre des travaux publics une décision dans ce sens et, le 15 octobre 1868, un arrêté ministériel confirmait dans leur situation les collaborateurs de la première heure, en leur adjoignant de nouveaux collègues. Fuchs, déchargé des leçons de physique qu'il avait jusqu'alors professées, reprit ses courses géologiques en 1869, ce qui ne l'empêcha pas, dans cette même année, d'aller étudier le bassin houiller de La Chapelle-sous-Dun, puis d'entreprendre, pour la Vieille-Montagne, l'exploration du gîte de calamine d'Iglesias, en Sardaigne, enfin d'exécuter, en mai et en octobre, deux voyages en Allemagne.

Dans l'intervalle, le 11 août, la croix de chevalier de la Légion d'honneur lui avait été accordée, sur la double proposition d'Elie de Beaumont et de Michel Chevalier, en récompense de ses nombreux et brillants services. Déjà décoré, lors de l'Exposition, de plusieurs ordres étrangers, il obtenait ainsi, à trente-deux ans, la plus enviée de toutes les distinctions.

En 1870, nous retrouvons Fuchs occupé de l'étude de la concession de Marly, qui forme le prolongement vers le sud-est du bassin houiller de Valenciennes. Puis, à peine a-t-il pu fêter la naissance d'une seconde fille, qu'il part pour le Chili, en compagnie de M. Mallard, afin de procéder à une expertise pour le compte de la société des mines d'argent de Vallenar. Au cours de cette mission, les deux ingénieurs eurent l'occasion de visiter, dans le désert d'Atacama, le gisement de charbon de la Ternera, et d'y recueillir des empreintes végétales, où MM. Zeiller et Schimper reconnurent plus tard des genres caractéristiques de l'infralias. Le fait mérite d'autant plus d'être noté que, douze ans après, les gîtes houillers du Tonkin réservaient à Fuchs la même surprise paléontologique.

Notre ami avait projeté de traverser la chaîne des Andes et de se rendre au Brésil en traversant le bassin de la Plata. Il se faisait d'avance une fête de ce grand voyage, qui devait combler l'une de ses plus vives aspirations. Hélas! de désastreuses nouvelles de France parviennent au Chili. Mallard et Fuchs se rembarquent en toute hâte, presque au moment où Mme Fuchs, seule avec trois enfants, entreprenait de traverser la France entière au milieu de mille péripéties causées par le désordre de l'invasion, pour aller, de l'une des plages normandes, où l'avait appelée la santé de sa fille ainée, à Alais, où elle trouverait l'hospitalité chez son frère, ingénieur en résidence dans cette ville. Les deux ingénieurs rédigent leur rapport sur le bateau, le signent à Bordeaux et, sans perdre une minute, Fuchs accourt à Alais. Mais la joie de se revoir après une aussi longue séparation, la première qui eût mis l'océan entre les deux époux, ne fait pas oublier au patriote alsacien les devoirs que lui impose la détresse du pays. Il ne donne aux siens que quarante-huit heures et repart aussitôt pour Tours, où un arrêté ministériel du mois de décembre l'attache au 16e corps (armée de la Loire) en qualité de commandant du génie civil, pendant que son ami, M. Mallard, recevait un poste analogue auprès du 18° corps.

Dans cette campagne, Fuchs eut pour chef direct l'amiral Jauréguiberry, caractère antique, type d'énergie indomptable et de calme vaillance, un de ceux qui ont le plus contribué à faire, de la retraite dirigée par Chanzy, un épisode glorieux en dépit de ses tristesses. Depuis la bataille du Mans, où il vit les obus éclater tout autour de lui, jusqu'à la signature de l'armistice, qu'il apprit à Laval, le chef du génie auxiliaire ne cessa de coopérer aux mouvements du corps d'armée, veillant aux retranchements, abattant des arbres, faisant sauter les ponts, encourageant par son exemple les travailleurs qui, de divers côtés, étaient accourus pour alléger la tâche si laborieuse des combattants. Qu'on juge de son désespoir, quand il sut à quelles conditions la paix était obtenue ! Sa chère Alsace, devenue terre allemande, après un bombardement qui avait mutilé sa ville natale, causant l'incendie de la maison paternelle et l'anéantissement de ses souvenirs d'enfance et de jeunesse, pendant que son digne père, alors perclus par l'âge, échappait à grand peine à la mort! Ceux-là seuls ont pu mesurer l'étendue de son chagrin qui l'avaient vu, peu d'années auparavant, si heureux au milieu de ces Vosges, dont tous les sites lui étaient familiers, dont tous les habitants étaient ses amis ou ses proches. Sans parler de la blessure que ressentait ce coeur essentiellement large et généreux, de voir s'élever désormais une infranchissable barrière, faite de haines et de rancunes, entre deux peuples qu'il eût souhaité de voir à jamais unis, parce qu'il avait tout ce qu'il fallait pour les comprendre l'un et l'autre et pour s'élever au-dessus de leurs mutuels préjugés. Aussi quand, le 27 juillet 1871, sur la proposition de l'amiral, qui avait apprécié sa vaillante conduite, il fut nommé officier de la Légion d'honneur, la satisfaction de se voir, à trente-quatre ans, en possession d'un insigne que tant d'autres n'obtiennent qu'à la fin de leur carrière, demeura mélangée pour lui d'une amertume destinée à peser sur tout le reste de son existence. Grades et honneurs, il eût volontiers tout sacrifié pour ne plus sentir, entre lui et Strasbourg, une ligne de douanes, gardée par des gendarmes au casque pointu !

Mais si cuisants que fussent ses regrets, Fuchs n'était pas homme à s'y absorber au point de perdre le goût du travail. Bien au contraire, il y eût plutôt cherché un dérivatif. Aussi, dès l'été de 1871, reprend-il ses courses géologiques, les entremêlant d'une étude industrielle sur les phosphates du Boulonnais, qui devenaient l'objet d'une active exploitation. 1872 arrive et, pendant les mois de mars, d'avril et de mai, Fuchs, dans ses moments de liberté, se fait honneur de répondre à l'appel de son éluinente coreligionnaire, la charitable Mme André Walther, en venant plusieurs fois à Versailles pour y faire, dans les prisons, des conférences aux fédérés qui attendaient leur tour de comparaître devant les conseils de guerre. Sa pitié avait été facilement émue en faveur de ces malheureux, où tant d'égarés à demi inconscients étaient mêlés à de grands coupables, et il essayait de leur faire quelque bien en dirigeant leur attention vers des choses élevées.

L'été venu, il va visiter, dans les Pyrénées-Orientales, les gites de fer du Ganigou. Puis le prince Stirbey le charge d'étudier les ressources minérales que présente, notamment au point de vue du sel et du pétrole, le district de Kampina, en Valachie. En dehors de l'objet même de sa mission, il y recueille d'intéressantes observations sur l'état présent de ce peuple, où quelques-uns des signes les plus raffinés de notre civilisation coexistent avec la barbarie la plus primitive, en même temps qu'une haine instinctive de l'étranger paralyse le développement de ressources naturelles, que les indigènes sont hors d'état de mettre en valeur à eux seuls.

Ce voyage en Orient est suivi d'une rapide tournée à travers les gîtes métallifères du centre de l'Espagne. Comme si ce n'était pas assez, voilà maintenant Fuchs dans l'Aveyron, où il étudie la concession d'Auzits, à l'extrémité méridionale du bassin d'Aubin. Il profite du voisinage pour donner un coup d'oeil, non seulement aux gîtes de plomb, de cuivre et de houille des environs de Meyrueis et de Florac, mais aussi, par occasion, à cet étonnant pays des Causses, une des merveilles de la France pittoresque. Enfin l'année ne s'achève pas sans qu'il ait passé par le bassin houiller d'Épinac, où l'attire, avec l'intérêt propre au gisement, le désir de se rendre compte de l'ingénieux système d'extraction par l'air comprimé, que vient d'imaginer M. Z. Blanchet.

Voilà certes une campagne bien employée et faite pour donner le vertige, surtout si l'on songe que Fuchs trouvait encore le temps, en 1872, de publier dans les Annales des mines une note sur la carte géologique de la Suède, et de fournir à la chambre de commerce de Dieppe une consultation relativement à la possibilité de trouver de la houille sous le pays de Bray. Eh bien! l'année 1873 ne sera pas moins fertile en lointains et intéressants vovages. C'est d'abord une visite en Corse, aux gîtes de Ponte-Leccia, que suit l'étude des exploitations d'alunite de la Toscane, trop voisines de Rome pour que l'infatigable voyageur résiste à la tentation d'aller faire connaissance avec les richesses artistiques et les souvenirs historiques de la Ville éternelle. Mais l'Espagne le réclame et le bassin houiller de Belmez, puis les phosphorites de Cacérès, dans l'Estramadure, sollicitent tour à tour son attention.

C'est à ce moment qu'une décision ministérielle le met à la disposition du gouvernement tunisien « pour reconnaître la nature et la richesse des gisements qui se trouvent dans la Régence et pour indiquer les conditions pratiques de leur exploitation. » Il faudrait pouvoir reproduire ici tout entières les pages qu'il écrivait de Tunisie à sa femme, et où il faisait une peinture si expressive du milieu nouveau dans lequel il venait d'être jeté. Nous y relèverons seulement l'expression d'un regret, où se peint bien sa loyale nature; c'est de voir que « les Orientaux sont de vrais enfants, pour qui un ingénieur est une espèce de sorcier, qui doit faire éclore le minerai sous leurs pas. Ils voient partout de l'or, de l'argent, du mercure; c'est à peine s'ils parlent du plomb, du cuivre et du fer ». Fuchs est obligé, pour remplir sa mission, de triompher de la mauvaise volonté des Arabes, qui conspirent pour cacher les gisements aux « Roumis » et cette défiance, ou pour mieux dire cette haine sourde, dont il se sent entouré, lui pèse d'un grand poids. Néanmoins, au prix de longues et fatigantes excursions, tant à cheval qu'à pied, sous un soleil torride et dans des conditions déplorables au point de vue du confort, il visite successivement des gîtes de fer, de manganèse de cuivre, de plomb, notamment ceux du Djebel-Reças; il étudie des sables aurifères, fait en plein mois de juin l'ascension du Zaghouan, se rend au cap Carthage, où il se fait scrupule, tant il est pressé, de dérober à sa besogne le temps de visiter les ruines de la cité d'Annibal et finit par arriver à Tabarka. Là, il définit le premier les puissants gisements de minerai de fer de la côte de Kroumirie, non sans avoir été plus d'une fois insulté et même gravement menacé par les indigènes, alors réfractaires à l'autorité du Bey.

Très satisfait des services de l'ingénieur français, le gouvernement tunisien lui demanda de revenir l'année suivante, et c'est ainsi qu'en 1874, après deux tournées, l'une à Chabrignac dans la Corrèze, l'autre en Italie, Fuchs se retrouvait, au mois de mai, dans cette Tunisie qu'il fut tout surpris de revoir, pour un instant, verdoyante et fleurie, après l'avoir connue en juin si brûlée. Il retourna au Zaghouan, où il lui fallait surveiller lui-même la construction d'un four à ciment. Puis, dirigeant cette fois son attention vers la Tunisie méridionale, il partit pour Sfax, d'où il eut une satisfaction de lettré à contempler au large l'île de Calypso, et se mit en route pour le massif de Bou-Hedma, où on lui avait signalé des gîtes métallifères. Mais en même temps, d'accord avec le premier ministre du Bey, le général Khéreddine, il résolut de profiter de ce voyage pour tirer au clair la question de la dépression saharienne.

Cette question venait d'être tout récemment soulevée par M. Roudaire, qui en lisant à sa manière certains textes historiques, avait cru pouvoir établir qu'autrefois le lac Triton (Palus Tritonidis des anciens) communiquait librement avec la mer. L'isthme de Ghabès n'aurait été, dans cette conception, qu'une barre d'alluvions récentes, qui aurait peu à peu obstrué la communication. En creusant à travers cette barre un canal, dont M. Roudaire évaluait la dépense à 20 millions (M. de Lesseps prétendait même la réduire à moitié), on eut ramené les eaux marines, non seulement sur le Chott-el-Djerid, c'est-à-dire au sud de la Tunisie, mais encore sur les dépressions sahariennes du Chott-Rharsa et du Chott-Melrir, qui s'étendent au sud de notre colonie algérienne.

C'est cette idée, contraire à l'opinion nettement exprimée en 1872 par M. Pomel, que Fuchs voulut soumettre à un contrôle direct. Parti de Ghabès par un soleil de juin, sans autres instruments que ses baromètres, ses boussoles et un sextant, il arriva en vue de la Sebkha-Faraoun, extrémité orientale de la Sebkha-el-Fedjed, qui elle-même termine à l'est le Chott-el-Djerid. S'il y fut témoin d'un superbe effet de mirage, qui fit revivre un moment devant ses yeux la trompeuse image d'un immense lac, cette agréable illusion ne l'empêcha pas de découvrir que le niveau de la Sebkha, au fond couvert d'efflorescences salines, était à 20 ou 25 mètres au moins au-dessus de celui de la Méditerranée ; que la pente vers l'ouest était presque insensible, de sorte qu'il faudrait aller très loin pour rencontrer la cote zéro ; enfin que le seuil de Ghabès, dont les parties les plus déprimées lui parurent dominer la mer de 50 à 55 mètres, était formé, non d'alluvions et de sables, mais de grès et de calcaires, en couches nettement inclinées. Il montra ainsi, conformément aux idées de M. Pomel, qu'il n'avait jamais existé de mer saharienne et mit en pleine lumière tout ce qu'avait de chimérique le projet d'introduire artificiellement les eaux de la Méditerranée dans la dépression située à l'ouest de la Sebkha, au prix d'une dépense qui lui semblait ne pouvoir être inférieure à 300 millions.

Revenu en France, il fit sur ce sujet, le 16 août 1874, une communication à l'Académie des sciences et, deux ans après, il avait la satisfaction de voir le nivellement même de M. Roudaire confirmer son appréciation, en l'aggravant encore par la découverte d'un autre seuil entre la dépression tunisienne et celle de l'Algérie. Dans un travail plus étendu, que publia en 1877 le Bulletin de la Société de géographie, il a développé d'excellentes considérations sur les causes qui ont amené le dessèchement des anciens chotts, dont plusieurs sont à des hauteurs très notables au-dessus de la mer. Tous ont perdu leurs eaux par suite de la diminution considérable qui est survenue, depuis les temps quaternaires, dans l'humidité du climat.

Sans cesser d'apporter dans la discussion une courtoisie parfaite, Fuchs ne manqua jamais de réagir contre l'engouement qu'inspirait l'idée de M. Roudaire, pour laquelle l'opinion publique semblait se passionner, parce que beaucoup de gens s'obstinaient à voir, dans l'adhésion du créateur du canal de Suez, une infaillible garantie de succès. On doit savoir particulièrement gré à l'explorateur de la Tunisie, de s'être ainsi loyalement mis en travers d'une entreprise, qui n'eût pas manqué d'ajouter un nouveau désastre à tous ceux que l'épargne française était destinée à subir.

Rentré chez lui juste à temps pour y saluer, en juillet, la naissance d'une troisième fille, Fuchs reprend ses tournées de service, qu'il entremêle d'un voyage en Belgique, d'un autre en Espagne, enfin d'une visite dans le département de l'Ariège. Dans l'intervalle, la mort d'Elie de Beaumont, son chef si bienveillant et si respecté, lui apporte un réel chagrin. Il est néanmoins confirmé, le 15 février 1875, dans ses fonctions de membre du personnel de la carte géologique, désormais dirigé par M. l'inspecteur général Jacquot, et son existence reprend, plus laborieuse que jamais; car on trouve, dans ses notes de 1875, la trace d'un voyage en Belgique, pour la Vieille-Montagne, d'un autre en Bohême, d'une tournée à travers les gîtes de phosphorite du Quercy, d'une exploration de divers gisements d'Autriche et de Silésie, sans parler d'une course à Auzits et d'une visite aux gisements de calcaires lithographiques de Diano-Marina, dans la Corniche. Cela ne l'empêche pas de prendre part au Congrès de géographie, qui tenait cette année ses brillantes assises au Louvre. Enfin, le 14 septembre, il reçoit sa nomination d'ingénieur de première classe.

Deux voyages en Espagne, séparés par une tournée en Toscane, marquent plus particulièrement la campagne de 1876. En 1877, vient le tour du Portugal; mais bientôt après une mission particulière appelle Fuchs dans l'Oural, où son tempérament de voyageur et d'observateur recueille de nouvelles satisfactions. La même année, il recevait un témoignage flatteur. Appelée à désigner un candidat en seconde ligne pour la chaire d'histoire naturelle des corps inorganiques, dont M. Fouqué allait hériter après la mort de Charles Sainte-Claire Deville, l'Académie des sciences portait son choix sur Fuchs.

En 1878, nous le retrouvons, au mois de mai, à Cacerès et à Belmez, où il retournera encore en septembre, après avoir touché au Simplon et rempli, à l'exposition universelle, les fonctions de membre du jury international des récompenses.

En 1879, un important changement se produit dans sa situation à l'Ecole des mines. Le 10 février, il se voit chargé, à titre provisoire, du cours d'agriculture, de drainage et d'irrigations, que Delesse avait jusqu'alors professé; quatre jours après, une nouvelle décision lui confie, à titre de conservateur-adjoint, le soin de la collection de statistique départementale. C'est alors que, pour utiliser ses connaissances spéciales, le Conseil de l'Ecole élabore une transformation du Cours, ayant pour effet d'adjoindre à l'enseignement agricole celui de toutes les applications techniques de la géologie, qui ne rentrent pas strictement dans l'exploitation des mines. L'occasion était bonne, en vérité, de faire profiter les élèves du trésor des informations que Fuchs avait recueillies sur place, dans ses voyages à travers tant de pays. Mieux qu'un autre, il était en mesure de dire comment on devait s'y prendre pour définir l'allure des gisements nouveaux, cette tâche qui s'impose si souvent aux ingénieurs appelés à l'étranger. Mieux qu'un autre aussi, grâce à la tournure systématique de son esprit, il pouvait, de ses observations multiples, tirer des vues générales et au besoin des théories, qui avaient au moins ce mérite, de guider les chercheurs en leur fournissant quelque idée directrice. Enfin ses relations avec l'industrie devaient faire de lui, pour les élèves externes, un patron aussi autorisé que dévoué. Aussi, le 9 juin, Fuchs, déchargé de ses leçons de géométrie descriptive aux cours préparatoires, prenait-il définitivement possession de la nouvelle chaire, dite d'abord d'agriculture et de géologie technique, puis exclusivement affectée à cette dernière spécialité.

Pendant dix ans il a tenu cet enseignement, amassant toujours des matériaux en vue de la publication du cours qu'il avait eu la bonne fortune de créer. Malheureusement, avec sa vie si remplie, le temps lui faisait défaut pour une mise en oeuvre définitive. Ce n'est pas qu'il répugnât le moins du monde aux exercices de rédaction; témoin sa correspondance, remplie des plus fins aperçus, délicatement exprimés, et les publications qu'il a faites, toutes d'une élégance et d'une correction irréprochables. Ce qui lui pesait, c'était le genre de sacrifice que nécessite l'exposition didactique; comprimer le développement de sa pensée lui était aussi antipathique que de vivre enfermé, sans pouvoir dilater librement ses poumons. Et puis un scrupule l'arrêtait toujours, au moment de terminer quelque chapitre. Dans une matière aussi neuve, où il n'y avait pour ainsi dire pas de modèles, il ne pouvait se résoudre à encourir le reproche d'être incomplet ou inexact. Le livre qu'il a laissé sur l'or, rédigé en collaboration avec M. Cumenge, dit assez avec quels détails il entendait que chaque partie fût traitée. Or il n'avait pas seulement à parler des métaux; il fallait encore envisager tous les gisements minéraux, depuis le diamant jusqu'aux phosphates et aux pierres les plus vulgaires. Aussi, malgré l'insistance que mettait le savant directeur de l'Ecole des mines [Daubrée] à combattre ce souci exagéré de la perfection, Fuchs n'a-t-il rédigé de son cours que des chapitres isolés. Mais nous savons que son successeur (M. de Launay), libéralement mis en possession de l'immense masse de documents, de cartes et de précieux dessins que Fuchs avait accumulée, se fera un point d'honneur d'en mener à bien la publication définitive, avec la certitude de rendre ainsi, à la mémoire de son devancier, un hommage mérité, et, à tous les ingénieurs, un service qui ne saurait manquer d'être apprécié.

Le nouveau cours dont Fuchs venait de se charger ne pouvait que le confirmer dans sa résolution de voir le plus de choses possible par ses propres yeux. Son activité de voyageur ne se ralentit donc pas. En 1879, il se rend, à deux reprises, dans le Morbihan, à La Villeder, pour y donner son avis sur les filons d'étain, dont on se proposait de reprendre l'exploitation longtemps abandonnée. Après quoi on le retrouve successivement à Cacérès, en Algérie, en Sardaigne, enfin en Autriche. C'est encore La Villeder et l'Espagne qui l'occupent en 1880, concurremment avec une étude, suivie de rapport, sur le projet de canal des Deux-Mers. Pendant ce temps, son service géologique le réclame de temps à autre dans le Soissonnais et le Tardenois. C'est là qu'un jour, après une laborieuse journée de marche, l'état défectueux de son accoutrement lui attire, de la part de la gendarmerie, une amusante mésaventure, dont il a légué le récit à ses enfants dans une pièce de vers remplie de la plus spirituelle bonhomie.

Fuchs retourne en Espagne en 1881, voyant croître, avec son expérience, sa situation officielle ; car un décret du 11 juillet lui apporte sa nomination d'ingénieur en chef. Trois mois après, le 18 octobre, M. Le Myre de Vilers, gouverneur de la Cochinchine, ayant demandé au gouvernement d'organiser une exploration minière de la colonie, ainsi que du Cambodge et du Tonkin, Fuchs est officiellement désigné pour cette mission, qui va enfin lui procurer l'occasion longtemps souhaitée d'aborder les pays de l'Extrême-Orient. Le 29 octobre, emmenant comme secrétaire un ancien élève de l'École polytechnique et de l'Ecole des mines, M. Saladin. il s'embarque sur le paquebot l'Amazone. Là, il trompera les longues heures de la traversée par une correspondance active, où il aime à faire partager aux siens toutes ses impressions nouvelles, complétant ses descriptions par des dessins où se révèle un crayon alerte et spirituel. D'autres fois, les circonstances qu'il rencontre ou les sites devant lesquels il passe lui inspireront des poésies pleines de charme et de sentiment. Ce côté particulier de ses heureuses facultés mérite d'être mis en lumière et il est vraiment à souhaiter que, quelque jour, une publication spéciale fasse connaître à d'autres qu'aux intimes les gracieux épanchements où se complaisait sa riche imagination.

Nombreuses furent les péripéties de ce voyage, pendant dant lequel Fuchs fut, tour à tour, reçu avec des honneurs presque princiers, ou bien, comme aux environs d'Hanoï, accueilli par la fusillade des pirates chinois.

Apres avoir touché à Saigon, on s'embarqua sur l'Antilope , navire de l'État, mis spécialement à la disposition des explorateurs, qui étudièrent d'abord la côte annamite. A Hué, ils furent présentés au premier ministre de l'invisible empereur Tu-Duc, dans une audience émouvante où le consul français, qui accompagnait Fuchs, donna solennellement lecture des instructions de son gouvernement, les premières où l'intention d'assurer désormais la sécurité sur le Fleuve-Rouge ait été nettement proclamée; prélude d'une politique active qui devait entraîner de si graves conséquences.

Ensuite il fallut franchir, non sans difficultés ni même sans dangers, la barre du fleuve, pour pénétrer, à l'époque de Noël, dans le delta du Tonkin. Le principal résultat du voyage fut la reconnaissance précise des gisements houillers de la côte, dont la description, oeuvre commune de Fuchs et de M. Saladin, a été publiée en 1882 dans les Annales des mines. A ce mémoire fut jointe une étude paléontologique de M. Zeiller, montrant, d'après les empreintes végétales recueillies, que les gîtes appartenaient à l'infralias. Pourtant la nature des schistes encaissants, ainsi que l'aspect des grès rouges subordonnés , avaient produit sur des observateurs européens exactement la même impression que nos gisements français du carbonifère supérieur et du permien.

Le mois de janvier 1882 fut consacré à l'exploration du Tonkin proprement dit, où Fuchs ne vit guère, en fait de métaux, que des traces d'or dans les ravins. Cette portion du voyage fut particulièrement pénible. Trop lourd et de trop forte corpulence pour s'accommoder du régime des sampangs, ces petits bateaux étroits et voûtés, où les indigènes se blottissent sans peine , Fuchs dut marcher dans l'eau malsaine des rizières, où sa jambe écorchée contracta bientôt une grave irritation. Quand il revint à Saigon, les instances du gouverneur ne purent le détourner d'achever sa mission par l'exploration des gites de fer du Cambodge. S'il eut la satisfaction d'être reçu par le roi Norodom et d'assister aux danses sacrées dont la fête du souverain était l'occasion (ces danses firent de sa part, en 1886, l'objet d'une communication à la Société philotechnique. Il avait été si frappé de cette solennité, reproduisant, en plein dix-neuvième siècle, dans leur pureté primitive, les rites de la race Kmer, qu'il voulut initier ses compatriotes à la jouissance que lui avait fait éprouver cette évocation d'un passé quinze fois séculaire. Il ne s'est pas contenté d'ailleurs de traduire ses impressions en prose et une pièce de vers sur le Râmâyana termine cette communication), en revanche, son mal ne fit que s'aggraver. Cependant, au lieu de goûter, à son retour chez le gouverneur de la Cochinchine, un repos bien nécessaire, il reprit en avril le chemin de la France, résolu à recommencer son cours à l'Ecole des mines juste à la date où il s'était engagé à le faire. Il y réussit en effet, mais au prix de grandes souffrances qui le mirent longtemps dans l'impossibilité de marcher; car il ne fallut pas moins de trois mois de soins assidus pour cicatriser les trous de sa jambe.

Malgré ce douloureux épisode, qui infligeait à une santé autrefois si robuste une atteinte dont elle ne devait pas se relever, Fuchs demeura toujours très attaché à cette colonie de l'Indochine, dont il avait apprécié les ressources. Plus d'une fois il souhaita d'y pouvoir retourner. Du moins on le choisit, le 6 septembre 1884, pour faire partie d'une commission chargée de définir le régime qu'il conviendrait d'appliquer aux exploitations minières de l'Annam et du Tonkin. Puis le gouvernement ayant fondé à Paris une école coloniale, où plusieurs jeunes gens de l'Indochine, notamment du Cambodge, venaient s'initier à la civilisation européenne, Fuchs fut nommé membre du comité des études, et chaque mois il y allait faire passer des examens. Plus tard il eut à présider la commission technique instituée pour élaborer le plan du réseau des voies ferrées tonkinoises. Enfin , comme consécration de la part qu'il avait prise au développement de l'influence française en Tunisie et dans l'Indochine, il reçut le titre et exerça jusqu'à sa mort les fonctions d'ingénieur-conseil des pays de protectorat.

La fin de l'année 1882 le retrouve déployant une activité qu'il eût été assurément plus sage de laisser sommeiller encore. C'est ainsi qu'on le vit se joindre à une visite d'ingénieurs aux travaux préparatoires du tunnel sous-marin entre la France et l'Angleterre, puis prendre part au Congrès de l'association française à La Rochelle, où il exposa d'intéressantes observations, tant sur le régime du Mékong que sur la station préhistorique de Soin-Ron-Sen au Cambodge.

Les mêmes imprudences (qu'on nous pardonne de les appeler ainsi!) se renouvelèrent de plus belle en 1883. Après une tournée en Corse et une autre en Toscane, aux mines célèbres de Monte Catini, Fuchs retourna en Espagne, puis revint en Bretagne pour donner un coup d'oeil aux travaux de La Villeder, se rendit à l'Exposition d'Amsterdam, enfin prit le chemin de la Roumanie, afin d'y étudier des gîtes de pétrole appartenant au prince Stirbey. Cette relation lui valut, de la part de la Cour royale, un accueil particulièrement flatteur. On aime à lire, dans sa correspondance, le récit de ce gracieux épisode, où la reine, que sa conversation avait intéressée, lui fait don de la série de ses oeuvres, qui ne comprenait pas moins de quinze volumes. La vue de ce cadeau royal, porté derrière Fuchs par un domestique galonné, produit aussitôt sur les Roumains un effet d'ébahissement qui vaut au donataire, avec les témoignages du plus profond respect, la qualification plusieurs fois répétée d'Excellence.

En 1884, le travail ordinaire de Fuchs trouve à se concilier avec un voyage en Italie et en Croatie. Mais c'est surtout en 1885 que reprennent ses grandes pérégrinations. L'année débute pour lui par un voyage en Californie , où, pour la première fois, il aborde cette Amérique du Nord, que ses rêves avaient dû bien souvent entrevoir. Après New-York, il touche successivement à Chicago, à Omaha et à Ogden City, où l'exploration des environs du Lac Salé l'amène à constater l'identité du granite des Monts Wahsatch avec celui de Cherbourg. Puis il va visiter les districts aurifères de Nevada et de Plaur, notamment les graviers d'alluvions de Dutch Flat, de Polar Star et de Golden River, dont il donnera plus tard un intéressant aperçu dans le Bulletin de la Société géologique de France. Enfin, après avoir consacré quelques moments aux gîtes de mercure de New-Almaden, aux mines d'argent du désert de Gilah, dans l'Arizona, et aux célèbres mines de cuivre de Copper Queen, Fuchs arrive à Guaymas, traverse le golfe de Californie, et étudie en grand détail le gisement cuivreux si curieux du Boleo, qu'il décrira également devant la Société géologique. Au retour, il s'arrête à Denver (Colorado) pour y voir des gites de plomb argentifère et d'or, ainsi qu'à Pittsburg et à Oil City, où il ne manque pas de donner un coup d'oeil aux puits à pétrole.

Après cette mission qui comblait, pour ainsi dire, les dernières lacunes de sa carrière d'explorateur, Fuchs, revenu en France, est désigné, par arrêté du 30 mai 1885, pour faire partie du jury français à l'Exposition internationale d'Anvers, avec charge d'y représenter surtout l'exposition coloniale de la République. A cette occasion, il est admis devant la famille royale de Belgique. Mais voilà que le Congrès des prisons s'ouvre à Rome et Fuchs s'y rend, comme délégué de la France, en compagnie de M. Cheysson. Il prend une part active aux discussions, pleines d'intérêt pour un esprit aussi porté que le sien à souhaiter l'amélioration morale des condamnés, et aussi bien préparé à y travailler efficacement; car, depuis longtemps, il faisait partie du conseil de la société de patronage des libérés protestants. Le sentiment qui le faisait agir ne saurait être mieux exprimé que par la devise qu'il avait choisie, pour se conformer au règlement, dès son arrivée au Congrès : « Il faut que la justice soit complétée par la charité pour ne pas ressembler à la vengeance. »

En quittant Rome, le moraliste, redevenu ingénieur, part pour la Hongrie, passe par Pesth, où se tient alors une exposition internationale, et va visiter en Transylvanie les gisements aurifères de Zalathna, où les singuliers effets du mélange de quatre peuples, Slovènes, Valaques, Hongrois et Allemands , ne l'intéresseront pas moins que les particularités des filons. Il y retournera l'année suivante pour étudier les gîtes de Vulkoj et de Vöröspatak, ainsi que les mines de Rota, dans le district de Schemnitz ; et il saura combiner cette expédition avec une tournée en Illyrie, sans préjudice de sa visite habituelle à Cacérès. Enfin on le trouvera, au mois d'août 1886, à Nancy, exposant devant l'Association française, dans un travail remarquable de concision et de netteté, les caractères des divers gisements connus de phosphate de chaux.

A la rentrée, une nouvelle mission l'attend. Pénétré de l'importance que présentent, pour les géographes, les considérations géologiques, le général Perrier demande à Fuchs de faire sur ce sujet quelques leçons aux officiers du Service géographique de l'armée. Une première série de sept conférences eut lieu en novembre et décembre 1886 et fut suivie, en 1887, d'une seconde série de huit. La première partie de ce cours, comprenant l'étude systématique du relief terrestre, avait été entièrement rédigée par l'auteur avec le concours de M. Rey et la publication devait avoir lieu en 1889.

A la fin de 1886, la mort, en enlevant M. de Chancourtois, frappa un nouveau coup dans le cercle des meilleures affections de Fuchs. Aussi, l'année suivante ne voulut-t-il pas laisser à d'autres le soin de retracer dans les Annales des Mines, la carrière de celui qui avait été son maître, son chef et son ami. Il s'en acquitta avec une parfaite délicatesse d'expression, sans omettre aucun des détails de l'activité scientifique et technique de M. de Chancourtois, signalant avec une sympathie visible, mais à coup sûr désintéressée, les idées souvent originales de cet esprit ingénieux et distingué, avec lequel il se sentait plus d'une affinité. Dans cette même année 1887, Fuchs fut appelé à donner, sur place, son avis au sujet du percement de l'isthme de Corinthe, dont il décrivit ensuite, devant l'Association française réunie à Toulouse, les curieuses particularités géologiques.

L'année 1888 est marquée par la publication de la première partie de la monographie de l'or, que Fuchs et son ami M. Cumenge avaient entreprise pour l'Encyclopédie chimique de M. Fremy. Cette première partie, intitulée : l'Or dans le laboratoire, est consacrée à l'étude de toutes les réactions chimiques auxquelles se prêtent le précieux métal et ses composés ; elle devait être suivie d'une deuxième section, traitant du gisement de l'or dans la nature, et qui aurait emprunté une autorité particulière au fait que les deux explorateurs avaient visité presque tous les gîtes aurifères du globe. Enfin, une troisième section devait être affectée à l'exploitation et au traitement des minerais d'or. MM. Robellaz, Ch. Laforge et Ed. Saladin apportaient à MM. Fuchs et Cumenge leur concours pour la rédaction de cette oeuvre considérable. Si la seconde partie a dû rester à l'état de projet, du moins la troisième, qui forme un volume de deux cents pages avec un grand nombre de dessins et de photographies, a paru dans les dernières semaines de 1889. Elle ne peut que faire regretter davantage le coup si funeste qui en tranchant prématurément la carrière de l'un des auteurs, a interrompu le cours d'une publication si instructive et si remplie de faits nouveaux.

C'est en 1888 que Fuchs a été appelé au Mexique. L'objet de son voyage était l'étude des mines d'or du district d'Oaxaca. Après avoir accompli cette première partie de sa mission, rendue très pénible par une succession ininterrompue d'épouvantables orages, il remonta vers Mexico, s'arrêtant à Morelos pour voir les célèbres mines d'argent de Sultepec, puis les gisements analogues de San-Francisco et de Santa-Ana. Du moins la magnificence du paysage apporta-t-elle par moments quelques compensations aux grandes fatigues de cette tournée. A son retour dans la capitale, Fuchs se vit harcelé par tous les grands propriétaires de mines du pays, chacun le pressant d'aller visiter ses exploitations. Malgré son état d'épuisement, causé par les déplorables conditions matérielles dans lesquelles s'accomplissent les voyages au Mexique, il consentit à se rendre dans la Sonora. Pendant trois semaines, il lui fallut mener une véritable vie de sauvage, couchant sur la dure, voyant, après mille accidents, sa voiture se briser définitivement et ses provisions s'épuiser; jusqu'à ce que, après avoir touché à Hermosillo et à Ures-Arispe, il lui fût donné d'atteindre Denver, où il reprit le chemin de fer pour New-York. Certes il avait vu et appris bien des choses dans ce voyage et peut-être, dans son âme d'artiste et de poète, ne trouvait-il pas encore qu'il eût payé trop cher le plaisir de contempler la cime du Popocatepetl, se dressant au milieu du ciel pur des hauts plateaux mexicains. Mais tant de fatigues, alors que le repos lui eût été si salutaire, devaient amener à brève échéance un fatal dénouement!

L'Exposition universelle de 1889 ne pouvait manquer, comme ses devancières, de faire appel à la bonne volonté ainsi qu'à la compétence de Fuchs. Un arrêté du 11 mars 1887 l'avait nommé membre du comité d'admission de la classe 41 (mines et métallurgie). Il en fut le vice-président et le rapporteur. De même, en décembre 1888, il avait été désigné pour faire partie de la commission d'organisation du congrès international des mines et de la métallurgie. Ce congrès devait se tenir au mois de septembre 1889 et, pour y pouvoir prendre part en toute liberté d'esprit et de corps, Fuchs, qui suivait depuis quelque temps un traitement spécial, pour combattre l'inflammation du sang contractée dans les rizières du Tonkin, résolut d'en confirmer les bons effets par une cure à Saint-Gervais. Quand il se crut en bonne voie de guérison, laissant tous les siens installés dans le voisinage, pour y jouir, comme tous les ans, du bon air et de la vue des montagnes, il vint à Paris pour l'ouverture du congrès. Un simple rhume, dont il avait apporté le germe de Savoie, dégénéra si rapidement que, sans avoir été alité plus d'un jour, sans même que la gravité de son état ait pu lui apparaître un instant, il était enlevé par une congestion pulmonaire dans la nuit du 7 septembre 1889. Il n'avait auprès de lui, et encore presque par hasard, que sa dernière soeur qui, malade depuis de longues années, s'est dévouée a l'éducation des neveux de Fuchs, auxquels leur père, frère cadet de notre ami, filateur en Alsace et gendre d'un ancien député des Vosges, M. Steinheil, a tenu à garder la qualité de Français. Combien de fois cette soeur fidèle, devant ce lit de mort qui anéantissait tant d'espérances, n'a-t-elle pas répété ce cri de son coeur : Pourquoi n'est-ce pas moi ?

Cette catastrophe soudaine, si elle enlevait à la femme et aux enfants de notre ami la consolation de dire un dernier adieu à celui qui les avait tant aimés, épargna du moins au père de famille les angoisses et les amertumes d'une séparation que son coeur, tout vaillant qu'il était, n'eût pas envisagée sans un profond déchirement. D'ailleurs, il n'était pas de ceux que les approches de la mort décident seules à interroger leur conscience et la vie qu'il avait menée le préparait à paraître, sans trop de crainte, devant le juge en la miséricorde duquel il s'était toujours confié.

Ses funérailles survenant en pleine période de vacances, bon nombre de ses amis, prévenus trop tard, furent dans l'impossibilité de faire cortège à sa dépouille. Néanmoins les hommages légitimes ne lui manquèrent pas, dans la triste cérémonie qui s'accomplit le lundi 9 septembre à l'église de Pentemont. Le directeur de l'Ecole des mines, M. Haton de la Goupillière, lui adressa des adieux où ses mérites de tout genre étaient appréciés avec autant de coeur que de délicatesse. Tous les journaux lui consacrèrent une notice. Son ancien compagnon de voyage du Chili, M. Mallard, s'empressa de rédiger, pour la Revue scientifique, un article nécrologique où éclataient l'estime et l'affection les plus profondes pour l'ami qui venait de disparaître. Le Conservatoire des arts et métiers, auquel Fuchs appartenait comme membre du conseil de perfectionnement des études, ne l'oublia pas non plus et, à la rentrée, le directeur, M. Laussedat, consacrait à son souvenir quelques paroles émues.

C'était bien le moins qu'on pût faire pour cet ingénieur éminent, qui a tant travaillé en ce monde , et de qui les relations avec ses semblables ont toujours été marquées au coin de la plus absolue bienveillance. Bon par nature, presque jusqu'à l'excès, répugnant à croire le mal, pratiquant envers les pauvres la charité la plus active et la plus dévouée, il eût été, d'ailleurs, capable d'acquérir tous ces mérites, même s'il avait eu à combattre une disposition contraire, rien que par la vertu de ses fortes convictions religieuses, qui s'alliaient chez lui à la plus parfaite tolérance. Mais tous ceux qui l'ont connu savent que, pour être bon, il n'eut pas à faire le moindre effort. Bien loin qu'il lui en ait jamais coûté de s'abstenir de tout acte malveillant, il éprouvait, à faire valoir les autres, la plus visible comme la plus généreuse satisfaction. C'était, dans toute l'acception des termes, un bon camarade et un bon ami. Ne se peint-il pas tout entier, d'ailleurs, dans le nom de cette société musicale, la Concordia, dont il fut le fondateur et le président, comme sa femme en était l'âme vibrante? Ah! qu'il eût aimé à la voir régner partout, cette concorde, pour savourer amplement, à la faveur d'une paix fondée sur une mutuelle indulgence, les plus hautes jouissances de l'esprit et du coeur!

S'il ne pouvait lui être donné de trouver, sur cette terre, la complète réalisation d'un aussi beau rêve, du moins a-t-il cherché à en approcher du plus près qu'il a pu. En quittant ce monde, il laisse aux siens, avec tout le cortège des sympathies qu'il avait su conquérir, d'inappréciables souvenirs en même temps qu'un bel exemple : celui d'une vie dominée par le culte du vrai, du beau et du bien, que les épreuves ont traversée plus d'une fois sans y jamais laisser d'amertume, et où rien n'a pu tarir un moment cette puissante et sympathique vitalité, qui a peut-être encouru parfois le reproche de se dépenser trop libéralement, mais à laquelle chacun rendra cette justice, que le mal n'en a pas absorbé la plus petite part.


Nous rappellerons qu'outre la croix d'Officier de la Légion d'honneur et celle d'Officier de l'Instruction publique, Fuchs était décoré de nombreux ordres étrangers. Il était Grand-Officier de l'ordre royal du Cambodge et de l'ordre du Nicham-Iftikar, Commandeur de l'ordre des Saints Maurice et Lazare, de l'ordre d'Isabelle-la-catholique, de l'ordre du Christ de Portugal, de l'ordre de la Couronne de Roumanie, de l'ordre du Dragon d'Annam, Chevalier de l'ordre de Wasa, de celui de l'Aigle de Prusse, etc.

Couverture du fascicule sur Fuchs avec annotation manuscrite de Mme Henriette FUCHS


Biographies de Fuchs