Publié dans La Jaune et la Rouge, Janvier 1995

LE CENTENAIRE DE L'AFFAIRE DREYFUS (X 1878)
par
Hubert LÉVY-LAMBERT (53), ingénieur en chef des Mines, président du Groupe X-Israël

A cet article a collaboré Viollet (39) dont le grand-père maternel, maître Henry Mornard, avocat à la Cour de cassation fut avocat de Zola et avocat de Dreyfus pour la révision du jugement de Paris et pour la révision du procès de Rennes.

Le centenaire du début de l'affaire Dreyfus a donné lieu à plusieurs manifestations officielles en octobre 1994 et notamment l'inauguration par Jacques Chirac de la statue de Dreyfus par Tim au square Pierre Lafue (VIe), un colloque à l'auditorium du Louvre, présidé par Robert Badinter, président du Conseil constitutionnel et une exposition à la Mairie du XIe arrondissement, intitulée " Une tragédie de la Belle Époque".

Il a paru opportun à La Jaune et la Rouge de rendre compte de ces manifestations et de refaire, à cette occasion, un bref historique d'une affaire qui divisa profondément la France au tournant du siècle et qui, curieusement, en dépit de l'implication particulière dans cette affaire de l'École polytechnique, dont sortaient tant la victime que beaucoup des protagonistes, n'avait jamais fait l'objet d'un article dans cette revue.

Suivant la formule consacrée, il va de soi que les opinions exprimées dans cet article n'engagent que leur auteur.

Un brillant officier d'état-major

Alfred Dreyfus est né en 1859 à Mulhouse, d'une famille juive ayant prospéré dans l'industrie textile, installée en Alsace depuis plusieurs siècles. Après l'annexion de l'Alsace, son père opte en 1871 pour la nationalité française et Alfred est envoyé à Bâle puis à Paris, au collège Sainte-Barbe où il prépare le bac puis l'École polytechnique.

Reçu à l'X 182e sur 236 en 1878, Dreyfus en sort 128e et choisit l'artillerie. Il est alors envoyé comme sous-lieutenant à l'École d'application de Fontainebleau, d'où il sort en 1882. Il est alors lieutenant au 31e régiment d'artillerie du Mans puis aux batteries à cheval de la 1re division de cavalerie de Paris. Très bien noté, il est nommé capitaine en 1889 et affecté à l'École de pyrotechnie de Bourges.

Dreyfus prépare alors l'École de guerre, où il est reçu en 1890. Il en sort deux ans plus tard 9e sur 81 avec la mention très bien. Il est alors affecté successivement aux différents bureaux de l'état-major.

Son entrée à l'École de guerre a coïncidé avec son mariage avec Lucie Hadamard, sœur de Paul David Hadamard (76), cousine du professeur Jacques Salomon Hadamard et petite-fille de Jean Alexandre Hatzfeld (34), dont le frère Adolphe Hatzfeld, normalien, sort la même année le premier volume du Dictionnaire universel de la langue française. Il a deux enfants, nés en 1891 et en 1893. La vie lui sourit.


Alfred Dreyfus, élève de Polytechnique
On ignore qui a gribouillé et lacéré la photo avec tant de haine.
(C) Photo Collections Ecole polytechnique

Le "bordereau"

En septembre 1894, le service de renseignements français (dit "section de statistiques"), dirigé par le lieutenant-colonel Jean Robert Sandherr assisté du commandant Hubert Joseph Henry, intercepte un "bordereau" non signé, faisant état de l'envoi de documents secrets intéressant la Défense nationale à l'attaché militaire allemand Maximilien von Schwartzkoppen.

Le président de la République Jean Pierre Paul Casimir-Périer et le président du Conseil Charles Dupuy sont avisés de l'affaire. Une brève enquête menée par le commandant Armand Auguste du Paty de Clam aboutit, sur la base d'une vague ressemblance d'écritures, à l'arrestation du capitaine Alfred Dreyfus.

Après une instruction bâclée, confiée au commandant Alexandre Bexon d'Ormescheville, Dreyfus est déféré le 19 décembre 1894 au Conseil de guerre présidé par le colonel Émilien Maurel qui décide de le juger à huis clos. La seule pièce à conviction est le "bordereau". Suivant des raisonnements tortueux, Alphonse Bertillon, inventeur de l'anthropométrie, qui se pique de graphologie, y reconnaît la main de Dreyfus. L'expert Alfred Gobert, désigné par le garde des Sceaux est d'un avis contraire. Les experts désignés par le préfet de police sont d'un avis partagé.

Malgré ses dénégations, l'absence de preuves et l'absence de mobiles, Dreyfus est condamné à l'unanimité le 22 décembre 1894 à la déportation à vie dans une enceinte fortifiée. Il est dégradé le 5 janvier 1893 au cours d'une cérémonie qui se tient dans la grande cour de l'École militaire puis déporté à l'île du Diable, au large de la Guyane.

On apprendra plus tard que la conviction des juges a été obtenue notamment grâce à un dossier secret non communiqué à la Défense, produit par le général Auguste Mercier (52), ministre de la Guerre.

Le "petit bleu"

En mars 1896, le service de renseignements français intercepte un télégramme (alors appelé "petit bleu"), adressé par l'attaché militaire allemand à un officier français d'origine hongroise, le commandant Ferdinand Walsin-Esterhazy. Après une enquête approfondie, le colonel Marie Georges Picquart, successeur de Sandherr, acquiert en septembre la conviction que le bordereau qui a fait condamner Dreyfus est de la main d'Esterhazy.

Immédiatement informés, les généraux Charles Arthur Gonse, sous-chef d'état-major et Raoul François Charles Le Mouton de Boisdeffre, chef d'état-major, demandent à Picquart, pour ne pas porter atteinte au moral de l'armée, de ne pas divulguer sa découverte.

Ils le font muter dans l'Est de la France puis en Tunisie. Après s'en être ouvert au général Paul Arthur Nismes (54) qui lui conseille de "faire le mort", Picquart, dont l'honneur est attaqué et qui craint pour sa vie, se confie sous le sceau du secret en juin 1897 à un avocat de ses amis, Me Henri Louis Leblois,

J'accuse...

Vu l'importance de ces révélations, Me Leblois décide après mûre réflexion de les porter à la connaissance du vice-président du Sénat, Auguste Scheurer-Kestner. Celui-ci en parle en octobre au président de la République Félix Faure, lequel a succédé à Casimir-Périer en 1895, ainsi qu'au président du Conseil Jules Méline, au garde des Sceaux Jean-Baptiste Darlan et au ministre de la Guerre, le général Jean-Baptiste Billot. Aucun n'accepte d'intervenir.

Animé par le frère du condamné, Mathieu. le "frère admirable" et par un jeune écrivain libertaire, Bernard Lazare, le "premier qui s'est levé", un mouvement d'opinion commence toutefois à se dessiner en faveur de la révision du procès Dreyfus. A sa tête se trouvent des hommes politiques comme Léon Blum, Georges Clemenceau, rédacteur en chef de l'Aurore, Yves Guyot, directeur du Siècle, Jean Jaurès, Francis de Pressensé, le député Joseph Reinach ou le sénateur Ludovic Trarieux, ancien garde des Sceaux et surtout des "intellectuels" comme Victor Basch, Emile Duclaux, directeur de l'Institut Pasteur, Anatole France, Edouard Grimaux, professeur à l'X, Lucien Herr, bibliothécaire et " gourou " de Normale, Lucien Lévy-Bruhl, Octave Mirbeau, Gabriel Monod, le chartiste Paul Viollet, tous deux membres de l'Institut, Charles Péguy, Marcel Prévost (82) et Emile Zola.

Cela n'empêche pas Esterhazy d'être acquitté à l'unanimité le 11 janvier 1898 par un Conseil de guerre présidé par le général Henri de Luxer, après une enquête faite par le général Gabriel de Pellieux, qui concluait à un refus d'informer contre Esterhazy et à un renvoi de Picquart devant un conseil d'enquête !

Pour forcer la Justice à rouvrir le dossier, Emile Zola publie alors sur toute la première page de l'Aurore du 13 janvier une lettre ouverte au président de la République Félix Faure. Cet article, intitulé "J'accuse...!", lui vaut d'être condamné par les Assises de Paris puis, après cassation, par les Assises de Versailles, à un an de prison pour diffamation. Il s'enfuit en Angleterre pour éviter la prison. Mais le procès a un immense retentissement en France et à l'étranger.

Pour faire bonne mesure, Picquart est également condamné à la prison ferme et chassé de l'armée pour avoir divulgué des informations sur la culpabilité d'Esterhazy, considérées comme "documents secrets intéressant la Défense nationale". Parallèlement, un "petit juge", Paul Bertulus, qui avait eu l'audace de vouloir renvoyer Esterhazy aux Assises, est dessaisi.

Après le procès, viennent les vengeances. C'est ainsi qu'Edouard Grimaux, professeur de chimie à l'X, déjà cité, est mis en disponibilité pour avoir témoigné au procès Zola ou que le lieutenant William Chaplin (87) est mis en non-activité ¦ par suspension d'emploi pour avoir écrit une lettre de félicitations à Zola.

C'est dans ce contexte qu'est fondée la Ligue des droits de l'homme par Trarieux, Guyot, Reinach et Scheurer-Kestner.

Le "faux Henry"

Le 7 juillet 1898, Godefroy Cavaignac (72, ingénieur des Ponts), nouveau ministre de la Guerre, farouchement opposé à la révision, lit à la Chambre des députés le texte d'une lettre de l'attaché militaire italien Alessandro Panizzardi à son homologue allemand von Schwartzkoppen, censée établir indiscutablement la culpabilité de Dreyfus.

Malheureusement pour Cavaignac, son officier d'ordonnance, le commandant Louis Cuignet, découvre peu après que ce document, affiché dans tout le pays sur décision des députés, est un faux grossier. Le commandant Henry reconnaît en être l'auteur et se suicide le 31 août 1898, cependant que le général de Boisdeffre démissionne.

Henri Brisson, qui a succédé en juin à l'antidreyfusard Jules Méline, accepte alors de transmettre a la Cour de cassation la requête en révision du procès Dreyfus, établie par Lucie Dreyfus assistée de Me Henry Mornard. Hostile envers et contre tout à la révision, Cavaignac démissionne le 3 septembre. Il est remplacé par le général Emile Thomas Zurlinden (X 1856) qui démissionne douze jours plus tard, pour la même raison, et est remplacé par le général Jules Chanoine qui fera de même un mois plus tard, entraînant la chute du gouvernement Brisson. Charles Dupuy redevient alors président du Conseil, Charles Louis de Freycinet (X 1846, Mines) étant ministre de la Guerre.

Pendant ce temps, les antidreyfusards ne restent pas inactifs. La Ligue de la Patrie française est fondée en décembre 1898 par François Coppée, Maurice Barrès, Ferdinand Brunetière et Jules Lemaitre, pour faire pièce à la Ligue des Droits de l'homme, cependant qu'une souscription ouverte par la Libre parole en faveur de la famille de Henry, dite "monument Henry", recueille un très grand succès auprès de toutes les couches de la population.

Après Grimaux, un autre professeur de l'X, George Duruy, professeur d'histoire et littérature, prend sa plume et écrit des articles "Pour la justice et pour l'armée" dans le Figaro en avril 1899. Il est aussitôt suspendu par le général François Toulza (57), commandant l'École. Après une interpellation de Freycinet à la Chambre par le député Jules Gouzy (52), il sera réintégré par le nouveau ministre de la Guerre Camille Krantz (68).

Le procès de Rennes

Au terme de longs débats et après que la Chambre criminelle, jugée trop favorable à Dreyfus, ait été dessaisie par une loi rétroactive, le jugement de 1894 est annulé le 3 juin 1899 par la Cour de cassation, toutes chambres réunies. Dreyfus est rapatrié de l'île du Diable pour être rejugé par le Conseil de guerre de Rennes, cependant que Picquart est remis en liberté et que Zola rentre d'exil.

Contrairement à 1894, Dreyfus va être jugé par un Conseil de guerre composé uniquement de polytechniciens : présidé par le colonel Albert Jouaust (58), le Conseil comprend le lieutenant-colonel François Paul Brongniart (69), les commandants Charles de Bréon (66). Emile Merle (72) et Julien Profillet (72) et les capitaines Albert Parfait (76) et Charles Beauvais (76). Les "antidreyfusards" sont venus en force témoigner à la suite du général Mercier (52), qui venait de quitter l'armée. Celui-ci s'est installé à Rennes à demeure avec une nombreuse équipe de témoins à charge de haut rang dont le général Denis Deloye (56), directeur de l'artillerie, le général Jules de Dionne (47), directeur de l'École de guerre ou le lieutenant-colonel Charles Jeannel (68).

Du côté de la défense, assurée par Mes Edgard Demange et Fernand Labori, qui sera victime d'un attentat, se trouvent également de nombreux polytechniciens parmi lesquels Jules Andrade (76), professeur à la faculté des sciences de Montpellier; Claude Maurice Bernard (82), ingénieur au corps des Mines ; le lieutenant Charles Bernard Brunot (77), qui commence son témoignage par ces mots adressés à Moch "tu me demandes si j'aurais le courage de confirmer par écrit..." ; les chefs d'escadron Joseph Ducros (73), Alfred Galopin (71), Gaston Hartmann (72); l'ancien capitaine Gaston Moch (78), dont le fils Jules Moch (1912), ancien président du Conseil, cite quelques souvenirs dans La Jaune et la Rouge de juillet-août 1978 ; Jules Henri Poincaré (73), professeur à l'X, le général (cr) de l'artillerie de marine Hippolyte Sebert (58).

Alors qu'Esterhazy, enfui à l'étranger, a reconnu être l'auteur du " bordereau ", l'essentiel de l'accusation repose toujours sur la thèse extravagante et pseudo-scientifique de l'"expert" Bertillon. Celui-ci affirme, calcul des probabilités et "redans" à l'appui, que le bordereau est une pièce auto-forgée par Dreyfus, qui aurait contrefait sa propre écriture ! Cette thèse est réfutée notamment par Bernard (82) et Poincaré (73), qui ont travaillé indépendamment.

L'avis de Poincaré sur le travail de Bertillon, lu par Paul Painlevé, professeur de mécanique à l'X, devant le Conseil de guerre, est très clair : "... Sur treize mots redoublés, correspondant à vingt-six coïncidences possibles, l'auteur constate quatre coïncidences réalisées. Évaluant à 0,2 la probabilité d'une coïncidence isolée, il conclut que celle de la réunion de quatre est 0,0016. C'est faux : 0,0016, c'est la probabilité pour qu 'il y ait quatre coïncidences sur quatre. Celle pour qu'il y en ait quatre sur vingt-six est 0,7, soit quatre cents fois plus. Cette erreur colossale rend suspect tout le reste... "

La chute de Poincaré paraîtra à certains plus contestable : "... En résumé, les calculs de M. Bernard sont exacts ; ceux de M. Bertillon ne le sont pas. Le seraient-ils, qu'aucune conclusion ne serait pour cela légitime, parce que l'application du calcul des probabilités aux sciences morales est, comme l'a dit je ne sais plus qui, le scandale des mathématiques, parce que Laplace et Condorcet, qui calculaient bien, eux, sont arrivés à des résultats dénués de sens commun. "

Et Poincaré termine sa lettre à Painlevé : "Rien de tout cela n'a de caractère scientifique et je ne puis comprendre vos inquiétudes. Je ne sais si l'accusé sera condamné mais s'il l'est, ce sera sur d'autres preuves. Il est impossible qu'une pareille argumentation fasse quelque impression sur des hommes sans parti pris qui ont reçu une éducation scientifique solide. "

Il n'y a pas d'autres preuves et les membres du Conseil de guerre ont tous reçu une éducation scientifique solide. Dreyfus est néanmoins déclaré coupable le 9 septembre 1899, avec des circonstances atténuantes (sic) et condamné à dix ans de détention. Toutefois, deux juges sur sept ont voté pour l'innocence de Dreyfus, dont le président Jouaust (58), qui avait paru plutôt hostile pendant les débats et le commandant de Bréon (66), qui avait souscrit 5 F pour le Monument Henry. A noter que le vote s'est déroulé par ordre hiérarchique croissant, le Président votant en dernier. Le verdict aurait-il été différent si l'ordre de vote avait été l'ordre hiérarchique ?

Après le procès, encore les vengeances. Ainsi, le colonel Jouaust (58) est mis aussitôt à la retraite; Jules Andrade (76) est blâmé et suspendu pour avoir accusé le général de Boisdeffre de faux témoignage et écrit dans l'Aurore après le procès : "je plains de tout cœur le camarade Mercier... " ; etc.

Épuisé tant physiquement que moralement par quatre ans et demi de détention dans des conditions très dures, Dreyfus décide de ne pas faire appel et accepte en septembre 1899 la grâce que lui octroie, sur proposition du ministre de la Guerre Gaston de Galliffet, le président de la République Emile Loubet, lequel vient de succéder à l'anti-dreyfusard Félix Faure.

Pour tenter d'apaiser les esprits et tourner la page à l'approche de l'Exposition universelle de 1900, dont le Commissaire général est Alfred Picard (62, PC), le président du Conseil Pierre Waldeck-Rousseau, qui a succédé en juin 1899 à Charles Dupuy, met en chantier une loi d'amnistie. Cette loi, qui n'est votée qu'en décembre 1900, renvoie dos à dos faussaires et héros, en amnistiant tous les crimes et délits liés à l'affaire Dreyfus.

Les débats préliminaires au vote précisent que c'est sur la demande de Dreyfus que son propre cas est exclu de la loi d'amnistie, dans le but de laisser ouvertes les portes de la Cour de cassation pour lui permettre de poursuivre une réhabilitation judiciaire.

Vers la révision

Nommé à la Guerre en mai 1900, le général Louis Joseph André (57), républicain anticlérical, procède aussitôt à une épuration de l'armée. C'est ainsi que les généraux Alfred Delanne (62), chef d'état-major général et Edouard Jamont (50), général en chef en temps de guerre, sont relevés de leurs fonctions. André essaie à plusieurs reprises de faire réintégrer Picquart, mais les esprits sont encore trop échauffés. Il faudra l'avènement en juin 1902 du gouvernement anticlérical du "petit père Combes" pour que l'idée d'une deuxième révision soit acceptée. En 1903, après une série d'interventions de Jaurès à la Chambre, le ministre André ouvre une enquête dite préliminaire; qu'il confie au commandant Antoine Louis Targe (85). Cette enquête confirme officiellement que le dossier de Rennes comprenait notamment des "témoignages suspects" et des "pièces matériellement altérées".

Saisie par le garde des Sceaux, la Cour de cassation admet alors en mars 1904, pour faits nouveaux, la demande en révision du procès de Rennes. Il aura fallu cinq ans pour arriver à ce résultat. Son enquête durera encore deux ans et verra partisans et adversaires du capitaine s'affronter à nouveau très vivement sur la question de l'identité du scripteur du bordereau ainsi que sur ses aspects techniques.

C'est ainsi qu'un auteur anonyme, signant "un ancien élève de l'École polytechnique", édite une brochure, dite "brochure verte", confortant la thèse de Bertillon et portant en exergue un vieil adage de droit criminel : "primo de corpore delicti constare". L'auteur de cette brochure de 64 pages agrémentée de 20 planches in-quarto a payé d'avance à Charles Henri Devos, administrateur de la Libre Parole et directeur de la Librairie antisémite les frais d'impression. Il n'a jamais voulu se faire connaître, malgré les recherches entreprises par la justice pour le faire témoigner à charge. Un siècle après, le mystère reste entier.

Le commandant Charles Corps (73) n'hésite pas à signer de son nom des articles et brochures dans le même sens. Le lieutenant-colonel Emile Martin (61) signe quant à lui des articles et une brochure intitulée "Dreyfus confondu" sous le pseudonyme de "SCIO".

Paul Painlevé, professeur à l'X, Auguste Molinier, professeur à l'École des chartes et Claude Maurice Bernard (82, Mines) prennent la défense de Dreyfus en démontrant qu'il n'a pas pu écrire le bordereau. Leur thèse sera réfutée par Camille Jordan (55), professeur d'analyse à l'X.

Une commission composée de trois académiciens, Paul Appell, Jean-Gaston Darboux et Henri Poincaré (73) nommée par la Cour en avril 1905 pour départager les experts en écriture, conclut à la mise hors de cause de Dreyfus. Toute la démonstration de Bertillon est définitivement démolie. Celui-ci sera néanmoins honoré jusqu'à la fin de ses jours et même après, puisqu'une salle de la préfecture de police porte encore son nom aujourd'hui.

Une autre commission est constituée en mai 1904 par le général André à la demande de la Cour pour examiner les questions techniques du bordereau. Elle est composée de quatre généraux polytechniciens : Ulysse Casimir Balaman (58), ancien président du comité technique de l'artillerie, président, Louis François Villien (63), inspecteur des fabrications de l'artillerie, Jean Jules Brun (67), commandant l'École de guerre et Jules Georges Séard (54), ancien directeur de l'École de pyrotechnie. Cette commission conclut également à la mise hors de cause de Dreyfus.

La réhabilitation

Après de nombreux rebondissements, dont la condamnation pour divulgation de documents du capitaine Jules Fritsch (85) par un conseil d'enquête présidé par le général Joseph Joffre (69) et le procès de Grégoire Dautriche, officier d'administration au service des renseignements et de plusieurs officiers supérieurs, la Cour de cassation décide le 12 juillet 1906, toutes chambres réunies, de casser le procès de Rennes sans renvoi, considérant que " rien ne reste debout de l'accusation portée contre Dreyfus".

Dreyfus est aussitôt réintégré comme chef d'escadron dans l'armée et est décoré de la Légion d'honneur dans une cour de l'École militaire, non loin de l'endroit où il avait été dégradé onze ans auparavant.

Il prend sa retraite peu après, mais reprendra du service comme lieutenant-colonel pendant la guerre de 1914-1918. Il mourra en 1935, sans jamais s'être moralement remis d'une affaire dont il avait été le héros malgré lui et qui l'avait singulièrement dépassé.

Réhabilité en même temps que Dreyfus, Picquart est nommé général en 1906. Il sera ministre de la Guerre du cabinet Clemenceau de 1906 à 1909.

Les ministres de la Guerre

Il n'est pas inutile, pour la compréhension des événements, de faire la liste des nombreux ministres de la Guerre qui se sont succédés pendant la période étudiée.

    1888-déc. 1893:
    Charles Louis Freycinet (X1846).

    déc. 1893-Jan. 1895:
    général Auguste Mercier (X 1852).

    jan.-oct. 1895:
    général Emile Zurlinden (X 1856).

    nov. 1895-avril 1896:
    Godefroy Cavaignac (X 1872).

    avril 1896-juin 1898:
    général Jean-Baptiste Billot.

    juin-sept. 1898:
    Godefroy Cavaignac (X 1872).

    5-17 sept 1898:
    général Emile Zurlinden (X 1856).

    17 sept.-25 oct 1898:
    général Jules Chanoine.

    4 nov. 1898 - 5 mai 1899 :
    Charles Louis Freycinet (X 1846).

    7 mai - 12 juin 1899 :
    Camille Krantz (X 1868).

    23 juin 1899 - 28 mai 1900
    général Gaston de Galliffet.

    mai 1900-nov. 1904:
    général Louis André (X 1857).

    nov. 1904 -juin 1905:
    Maurice Berteaux.

    juin 1905 -oct 1906:
    Eugène Etienne.

    oct 1906 - juillet 1909 :
    général Georges Picquart


Le centenaire du début de l'affaire a été l'occasion de diverses manifestations commémoratives, dont le transfert de sa statue, un colloque et une exposition.

L'inauguration de la statue

La statue de Dreyfus par Tim - dont le style particulier peut troubler certains - était antérieurement implantée dans un endroit discret du jardin des Tuileries. Son transfert au square Pierre Lafue (métro Notre-Dame des Champs), à proximité de la rue du Cherche-Midi où il fut incarcéré, a donné lieu à une allocution de Jacques Chirac, maire de Paris, dont ci-après l'essentiel:

... Cette réunion a évidemment valeur de symbole. Il est important que soient ici rassemblés le ministre de la Culture, représentant de l'État français, les plus hautes autorités spirituelles et morales de la communauté juive, la Ville de Paris, enfin, qui vit l'injustice se perpétrer à l'intérieur de ses murs.

L'affaire Dreyfus s'est déroulée il y a un siècle. Pourtant, après tant d'années, elle parle d'une voix forte à nos coeurs et à nos consciences. Pourquoi ? Peut-être parce qu'elle constitue un triple scandale. Le scandale de l'injustice. Le scandale de l'antisémitisme et de la xénophobie. Le scandale de la division nationale. Autant de menaces qui continuent de peser sur le continent européen et même sur la France.

L'injustice

L'affaire Dreyfus, c'est bien sûr une erreur judiciaire. Mais, au-delà, c'est la plus terrible des injustices, celle qui est commise par l'État, un État qui a persévéré dans l'erreur comme en témoigne le jugement ahurissant du 7 août 1899, quand le Conseil de guerre de Rennes, examinant à nouveau le cas du capitaine Dreyfus après les aveux du commandant Henry, a confirmé sa culpabilité, réduisant à dix ans la réclusion à perpétuité prononcée cinq ans auparavant. Certes, de telles iniquités sont heureusement rares de nos jours. Mais ce qui importe, ce qui est toujours actuel, c'est le sentiment d'injustice qui peut s'emparer d'un peuple dès lors qu'il a le sentiment qu'il n'y a pas parfaite égalité de tous devant la loi et le droit. La première leçon de l'affaire Dreyfus, c'est une leçon de justice, une justice indépendante du pouvoir politique, éloignée des passions, et qui traite également chaque citoyen.

L'antisémitisme, le racisme, la xénophobie

Chacun sait le rôle que ces vieux démons, si profondément enracinés dans l'inconscient des peuples, ont joui dans l'affaire Dreyfus. Certes, il y a un siècle, l'antisémitisme s'étalait sans retenue dans certaines publications, dont Drumont. par exemple, s'était fait une spécialité. Nombreux étaient les Français, tout particulièrement dans les milieux traditionalistes et bien pensants, qui exprimaient ouvertement leurs penchants antisémites. De telles dérives sont heureusement impossibles aujourd'hui... mais comme Bernanos jadis, il est légitime de s'inquiéter : qui sait ce qui peut éclore dune mauvaise pensée ? ... Non, la bête n'est toujours pas morte. La deuxième leçon de l'affaire Dreyfus, c'est une leçon de vigilance et de transmission de la mémoire. C'est tout le sens de cette cérémonie. Rappeler ce qui s'est passé hier, parce qu'un officier de l'Armée française avait le seul tort d'être juif, afin que ce scandale ne puisse jamais se reproduire. Il y a un siècle, l'establishment voulut détruire un homme. Il y a un demi-siècle, le régime de Vichy fut objectivement complice d'un génocide. Ce n'est pas la même ampleur, mais c'est la même source de mal.

La division nationale

L'affaire Dreyfus, comme un soc de charrue, divisa la société française en deux camps inconciliables. Des mystiques s'affrontèrent, pour reprendre le mot de Charles Péguy. D'autres démons que l'antisémitisme étaient à l'œuvre. Il avaient nom nationalisme, extrémisme, intolérance. Un siècle après, ils font, chaque jour, l'actualité de l'Europe... Telle est la troisième leçon de l'affaire Dreyfus. C'est une leçon d'unité. Elle requiert une vraie volonté politique, celle de lutter sans relâche contre les ferments de division, en s'appuyant sur notre socle commun : les valeurs de la République. Liberté: Égalité. Justice. Tolérance.

Pendant des décennies, la tragédie du capitaine Dreyfus a déchiré la France. Il est temps que son souvenir, désormais, rassemble les Français. Je souhaite que cette statue, symbole du souvenir, soit en quelque sorte la sentinelle de nos valeurs, ces valeurs républicaines qui étaient profondément celles du capitaine Dreyfus. N'oublions jamais que celui qui fut réhabilité aux cris de " Vive Dreyfus" répondit d'une voix forte : "Non! Vive la France ! " Ultime leçon dont nous devons nous montrer dignes.

Le colloque

Le même jour s'est tenu à l'auditorium de l'École du Louvre un grand colloque sur l'affaire Dreyfus présidé par Robert Badinter, président du Conseil constitutionnel. Trois tables rondes traitaient successivement de "cet homme qui me ressemble comme un frère", "l'individu face au pouvoir" et "la loi de mon pays est la Loi... ". Y participaient de nombreuses personnalités dont Me Jean-Denis Bredin, de l'Académie française, Mgr Defois, archevêque de Sens, Pierre Drai, Premier président de la Cour de cassation, Jean Kahn, président du Conseil représentatif des juifs de France, François Léotard, ministre de la Défense, Jacques Toubon, ministre de la Culture et de la Francophonie...

Nous reproduisons ci-après les principaux passages de l'allocution de clôture de M. Badinter :

L'affaire Dreyfus est avant tout une série de terribles défaites.

Défaite d'abord des institutions judiciaires. Certes, dans son arrêt de 1906, la Cour de cassation établit l'inanité des charges retenues contre le capitaine. Victoire est donc allée en définitive à la justice. Victoire, oui, mais à quel prix? Faut-il rappeler que l'affaire naît d'une décision monstrueuse, acquise au mépris des règles élèmemtaires du droit puisque l'on s'est quasiment livré à une forfaiture judiciaire, en confiant aux juges en cours de délibéré, des pièces que l'accusé ne connaissait pas, pour leur arracher la condamnation. Peut-on outrager davantage la justice ? Enfin, de tous les épisodes de l'affaire, le plus révoltant n'est-il pas celui du Conseil de guerre de Rennes de 1899 où les juges alors savent tout, disposent de toutes les pièces pour acquitter Dreyfus. Ils le condamnent pourtant de nouveau " avec circonstances atténuantes " à dix ans de réclusion. C'est à cet instant-là que la conscience est le plus profondément blessée. C'est sur cette décision de ceux qui, ayant à connaître du fond de l'affaire, se sont prononcés "en leur âme et conscience " que se clôt l'œuvre de la justice.

Le reste sera l'affaire des hauts magistrats de la Cour de cassation qui, statuant en toute sérénité, hors de la présence de l'accusé, réhabiliteront Dreyfus. Mais, à Rennes, au moment du prononcé de la peine, face à un accusé aussi ostensiblement innocent, les juges le déclarent coupable. Comment ne pas s'interroger aujourd'hui sur ce qu'aurait été l'attitude d'un jury populaire ? Je ne suis pas à cet égard d'un optimisme excessif. Faut-il rappeler que la Cour d'assises condamna Zola à un an de prison ferme, soit la peine maximale, pour outrage à l'armée ? Faut-il rappeler l'acquittement de Grégori, autre épisode de l'affaire, peu connu mais tout aussi révoltant ? Lors du transfert des cendres de Zola au Panthéon, un journaliste fanatique de droite, Grégori, tira en effet plusieurs coups de revolver sur le capitaine Dreyfus qui assistait à la cérémonie, ne le blessant heureusement que légèrement. Jugé par la Cour d'assises de Paris, l'auteur des coups de feu expliqua qu'il cherchait à obtenir la révision de la révision du procès et fut acquitté, comme le demandait son avocat. Non, vraiment, l'institution judiciaire n'est pas sortie grandie de l'affaire Dreyfus. Quant à l'armée, qu'y trouve-ton ? Des services spécialisés dans l'élaboration de faux, de pièces tronquées ou truquées destinées à perdre un innocent par passion raciste, un état-major férocement antisémite, des responsables suprêmes se réfugiant jusqu'en Cour d'assises derrière la raison d'État, n'hésitant pas à invoquer une prétendue menace de guerre pour accabler un innocent, et expliquant en uniforme orné des insignes de la Légion d'honneur, que l'honneur de l'armée est en cause. Picquart rapporte dans ses Mémoires la conversation qu'il eut avec un responsable à qui il apportait toutes les preuves de l'innocence de Dreyfus : "Qu'est-ce que cela peut bien vous faire d'envoyer un juif à l'Ile du Diable, lorsqu'il s'agit de la respectabilité d'un corps ? ", s'entendit-il répondre...

... Je préfère porter maintenant le regard vers les rais de lumière qui, malgré tout, demeurent lorsque nous évoquons l'affaire Dreyfus, nous éclairent, nous font exemple et nous permettent de conserver foi dans la nature humaine, si cruellement bafouée alors.

Tout d'abord, l'admirable famille Dreyfus. Admirable femme, admirable frère, admirable famille. Admirable capitaine enfin. En effet, tout polytechnicien qui a grandi dans une famille bourgeoise juive de la fin du siècle dernier n'était pas nécessairement voué à être un accusé de génie. C'est là question de tempérament, les avocats le savent bien. L'homme fut admirable.

Et au-delà du coeur, il y a le triomphe de la raison. Condorcet relevait fort justement qu'il est deux sortes d'hommes, "ceux qui croient et ceux qui raisonnent avant de croire". Les intellectuels de l'époque, tout naturellement alors qualifiés de gauche, n'ont pas accepté de croire. Ils ne s'en sont pas laissé imposer par l'armée. Refusant de croire aveuglément les généraux galonnés se frappant la poitrine constellée de décorations pour jurer sur l'honneur que telle était la vérité, ils ont passé les faits au crible de la raison critique. Une fois convaincus de l'existence d'un faux et d'un complot, encore leur fallait-il avoir le courage de chercher la vérité plus avant et de la clamer.

Après le triomphe de la raison, il y a encore plus important, celui du courage. Et ce qui réconforte par dessus tout, dans l'affaire, c'est le courage des justes, de ceux qui ont agi bien qu'ayant beaucoup à perdre : Bernard Lazare, juste entre les justes ; Scheurer-Kestner, vice-président du Sénat, qui savait que ce qui l'attendait n'était certainement pas une ovation dans l'hémicycle; Zola, admirable, dont on sait ce que son engagement lui a valu de haine et d'attaques ignominieuses de la part d'une presse immonde • il a été celui qui, Dreyfus mis à part, a été le plus violemment pris à partie ; Picquart qui, de par ses convictions et le milieu dont il était issu, n'était pas voué à être dreyfusard mais qui, n'admettant pas l'injustice, s'est levé...

L'exposition

Intitulée "L'affaire Dreyfus, une tragédie de la Belle Époque", cette belle exposition très documentée, à laquelle les archives de l'Ecole polytechnique ont largement participé, s'est tenue du 18 octobre au 30 novembre [1994] à la mairie du XIe arrondissement.

En introduction au catalogue, le grand rabbin René-Samuel Sirat, professeur à l'INALCO, président du Comité scientifique de l'exposition, écrit :

Commémorer un événement aussi douloureux que l'affaire Dreyfus n'est pas chose aisée.

La France, il y a tout juste cent ans, s'est déchirée : les uns avec Bernard Lazare, Scheurer-Kestner, le colonel Picquart, Clemenceau et surtout le prestigieux Emile Zola ont pris la défense d'un accusé que tout • et tous • semblaient accuser; les autres, l'état-major, la Justice militaire et les pouvoirs publics s'acharnant sur un innocent dont la défense était bien maladroite et qui n'avaitpour seul argument que la pleine conscience de son innocence.

Quelle fut l'attitude des Israélites français durant cette dramatique période ? Après avoir eu foi dans l'armée et la justice de leur pays - et qui pourrait les en blâmer ? • les Israélites, après avoir célébré dans la liesse et la ferveur le centenaire de leur émancipation, ont dû douloureusement prendre conscience d'un événement incroyable : un officier français était injustement condamné et banni parce qu'il était juif...

Béatrice Philippe, professeur des universités, co-présidente du Comité scientifique de l'exposition, poursuit :

Banale erreur judiciaire envenimée du fait de la mauvaise foi de militaires aveuglés par leurs préjugés et leur vanité.... explosion d'un antisémitisme exacerbé dont la France est atteinte, après tant de pays européens, en ce XIXe siècle finissant, travail de sape perpétré par des factieux contre un régime encore contesté, combat entre deux factions qui s'entredéchirent au nom des grands Principes?

L'affaire Dreyfus qui naît sourdement par un frileux matin de l'automne 1894 est tout cela, mais elle doit de plus être transposée sur un autre plan.

Elle symbolise aussi le combat de David contre Goliath, le combat des proches de la victime, simples citoyens au départ anonymes qui, au nom de leur intime conviction, parviennent à faire reculer des forces constituées infiniment plus puissantes qu'eux.

Elle démontre, pour certains, la précarité du sort des juifs, de ces juifs français pourtant si fiers de leur statut de citoyen et soudain relégués au rang de suspects collectifs...

Mais elle est aussi l'incarnation du triomphe de la raison héritée de l'esprit des Lumières et pour Emile Zola symbolise aussi la justification de la notion même de Nation française : " Et ce sera ta gloire, France, car je suis sans crainte au fond, je sais qu'on aura beau attenter à ta raison, à ta santé, tu es quand même l'avenir, tu auras toujours des réveils triomphants de vérité et de justice".

L'armée et l'affaire Dreyfus

L'affaire Dreyfus ne survient pas par hasard. La France juive de Edouard Drumont a été un " best seller" en 1886 avec 100 000 exemplaires vendus en deux mois et de nombreuses rééditions. En 1890, La Croix, journal des Assomptionnistes, se décrit comme "le journal le plus anti-juif de France". En 1892, La Libre parole, fondée par Edouard Drumont, lance une violente campagne contre les juifs au sein de l'armée.

En août 1892, après un article particulièrement virulent, le capitaine Armand Mayer (77), inspecteur des études à l'Ecole polytechnique, provoque en duel, pour défendre l'honneur des officiers juifs, le marquis Antoine de Morès, porte-parole des antisémites, qui le tue. Devant l'émotion suscitée par cette affaire, le ministre de la Guerre Charles Louis de Freycinet (46) en appelle à la réconciliation : "... dans l'armée, nous ne connaissons ni Israélites, ni protestants, ni catholiques ; nous ne connaissons que des officiers français, sans acception d'origine... "

Drumont redouble néanmoins ses attaques. Ainsi, La Libre Parole lance un concours en octobre 1895 sur "les moyens pratiques d'arriver à l'anéantissement de la puissance juive en France", avec un jury présidé par Ernest Rouyer (79). Les premiers prix iront à l'abbé Jacquet et à Mgr Tilloy pour avoir préconisé la création, par voie législative, des sortes de ghettos modernes. On est loin de l'abbé Grégoire !

Beaucoup d'officiers juifs avaient quitté l'armée avant même le déclenchement de l'affaire Dreyfus, tel Gaston Moch (78), témoin de la défense au procès de Rennes en 1899 (cf. supra), qui avait démissionné en 1894. L'affaire Dreyfus accélère ce mouvement et conduit beaucoup de juifs à renoncer à se présenter aux concours de l'X et plus encore de Saint-Cyr.

Ainsi, le commandant Emile Mayer (71), camarade de promotion et ami du maréchal Foch, est-il mis d'office en inactivité avec retrait d'emploi en mai 1899 par Camille Krantz (68), ministre de la Guerre, sous prétexte d'avoir proposé une réforme de la justice militaire. Il sera réintégré en 1906 et nommé lieutenant-colonel par le général Picquart et sera, jusqu'à sa mort en 1938, le fidèle correspondant et mentor du général de Gaulle.

Tous ceux qui ont osé se désolidariser des faussaires sont victimes de la vindicte de leurs supérieurs, sans distinction de religion. Les plus connus sont le colonel Picquart, dont on a vu le sort, le commandant Ferdinand Forzinetti, directeur de la prison du Cherche-Midi, révoqué pour avoir témoigné de son intime conviction de l'innocence de son prisonnier, le colonel Jouaust (58), mis à la retraite après avoir osé voter pour Dreyfus à Rennes ou le général Messimy, poussé à la démission. Il y en a beaucoup d'autres. Jacques Jourde (81, PC) et le commandant Targe (85), déjà cité, proposeront, sans succès, qu'une Commission de l'armée en établisse la liste.

L'École polytechnique, dont à l'époque trois quarts des élèves sortent dans l'armée, ne pouvait pas, en tant qu'institution, avoir un comportement significativement différent de celui du reste de l'armée.

Ainsi, bien que sociétaire perpétuel, Dreyfus est exclu d'office en 1894 de la S.A.S. (Société amicale de secours, fondée en 1865 pour venir en aide aux camarades malheureux et à leurs familles, fusionnée en 1963 avec la S.A.X., fondée en 1908, pour donner naissance à l'A.X.). Son nom disparaît alors de l'annuaire des anciens élèves, pour ne réapparaître que douze ans après, en 1907.

Cet ostracisme vise également ses parents, même éloignés. Ainsi, Painlevé témoignera en février 1899 devant la Cour de cassation avoir été chargé en juin 1897, par "certaines personnes de l'École polytechnique", d'écarter la candidature éventuelle de Jacques Hadamard à une place de répétiteur à l'École, du fait qu'il était cousin par alliance de Dreyfus. À l'époque, Hadamard avait à peine 30 ans et était déjà professeur au Collège de France et maître de conférences à la Sorbonne. Comme les grands anciens le savent, il sera finalement admis et enseignera l'analyse à l'X de 1912 à 1937.

Les juifs et l'affaire Dreyfus

On notera pour terminer que la communauté juive ne s'est pas plus mobilisée que la communauté polytechnicienne pour venir en aide à Dreyfus, mais pour d'autres raisons, tenant à sa crainte d'accentuer l'antisémitisme alors qu'elle aspire de toutes ses forces à l'assimilation.

Ainsi le grand rabbin Zadoc-Kahn pouvait dire à l'occasion des cérémonies du centenaire de l'École polytechnique, le 19 mai 1894, en présence du président de la République Sadi Carnot (X 1856, ingénieur des Ponts), qui devait malheureusement être assassiné un mois plus tard par un anarchiste :

L'École polytechnique a été un des principaux instruments de notre relèvement, un des leviers puissants de notre activité affranchie.

Brûlant d'impatience de justifier la confiance de la France dans ses nouveaux enfants adoptés par cette mère généreuse avec un amour sans réserve, d'infliger un démenti sans réplique à ceux qui affectaient de taxer d'imprudence ce qui n'était après tout qu'un simple acte de justice et d'humanité, de montrer aussi promptement que possible que nous entendions prendre au sérieux nos charges civiques et l'obligation de nous consacrer à notre pays, nos familles, notre jeunesse ont considéré l'École polytechnique comme la meilleure initiation aux devoirs patriotiques et comme le moyen le plus efficace de nous élever à la hauteur de notre nouvelle situation et de mettre en œuvre nos réserves d'énergie amassées par des siècles d'inaction forcée...

Pour la petite histoire, on notera que c'est pour les mêmes raisons que les notables juifs français n'appuieront pas le projet de création d'un État juif qui leur est proposé en 1896 par Théodore Herzl. Correspondant à Paris d'un journal viennois, ce dernier avait suivi pour son journal le procès Dreyfus et en avait tiré la conclusion que les juifs devaient avoir un État à eux. Ses réflexions, publiées en 1896 sous le titre de L'État juif, sont à l'origine de la déclaration Balfour de 1917 et de la création de l'État d'Israël par les Nations Unies en 1948.

Bibliographie très sommaire

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ANONYME. Le bordereau, étude des dépositions de M. Bertillon et du capitaine Valério au Conseil de guerre de Rennes, par un ancien élève de l'École polytechnique, Paris, imp Hardy et Bernard, 1904 (brochure "verte").

- ID, La théorie de M. Bertillon, réponse à MM. Bernard, Molinier et Painlevé, par un polytechnicien, Paris. l'Action française, 1904.

- ID, Le rapport de MM. Darboux, Appell, Poincaré (réfutation), Paris, l'Action française, 1907.

BERNARD Maurice (82), Le bordereau, explications et réfutations du système de M. A. Bertillon, Paris, le Siècle, 1904.

BERTILLON Alphonse, La comparaison des écritures et l'identité graphique, Paris, la Revue scientifique, 1898.

BREDIN Jean-Denis. L'Affaire, Paris, Fayard/Julliard, 2e édition, 1993.

- ID, Bernard Lazare, de l'anarchiste au prophète, Paris, Édition de Fallois, 1992.

BURNS Michael, Une affaire de famille, éd. française, Paris, Fayard, 1994.

CORPS Charles Florent (73), Etude sur le bordereau, mémoire à la Chambre criminelle de la Cour de cassation, Versailles, Imp. Lebon, 1904.

- ID, Réponse du commandant Corps au mémoire de M. Gabriel Monod, Versailles, Imp. Lebon, 1904.

DREYFUS Alfred (78), Cinq années de ma vie, Paris, Fasquelle. 1901, nouvelle édition, Paris, La découverte, 1994.

DROUIN Michel et al. L'affaire Dreyfus de A à Z, Paris. Flammarion. 1994.

DUFRESNE Claude, Moi, capitaine DREYFUS. Paris, Challenges d'aujourd'hui. 1994.

DUTRAIT-CROZON Henri. Précis de l'affaire Dreyfus, Paris. Librairie d'Action française. 1924 ; 2e édition. Paris. Édition du Trident. 1987.

LAZARE Bernard. Une erreur judiciaire, la vérité sur l'affaire Dreyfus, Bruxelles. Imp. Veuve Monnom. 1896.

LOMBARES Michel (de) (1921). L'affaire Dreyfus, la clef du mystère, Paris. Charles Lavauzelle, 1972. 2e éd. 1985.

MIQUEL Pierre. L'affaire Dreyfus. Paris. PUF. Que sais-je ?

MORNARD Henry. La révision du procès de Rennes, mémoire à la Cour de cassation pour M. Alfred Dreyfus, Paris, Ligue des droits de l'homme. 1907.

PHILIPPE Béatrice et al. Une tragédie de la Belle Epoque, l'affaire Dreyfus, catalogue de l'exposition de la mairie du XIe, Paris, INALCO, 1994.

REINACH Joseph, Histoire de l'affaire Dreyfus, 7 vol., Paris, Fasquelle. 1901-1908, nouvelle édition, 1929.

SCIO, pseudonyme du Lt-Col Emile Marc MARTIN, (61), Dreyfus confondu. Courrier de Versailles. 1904.

SERMAN William, Les officiers français dans la Nation, Paris, Aubier, 1982,.

SOREL Georges (65), La révolution dreyfusienne, Marcel Rivière, Paris, 1911, nouvelle édition, Genève, Slatkine, 1981.

De A à Z, les X (et leurs professeurs) concernés de près ou de loin par l'affaire Dreyfus

Promo  Grade         Nom et prénoms             Année            Observations
62     Lt-Col   Altmayer François Maurice      1894    Juge suppléant au premier Conseil de guerre.
76              Andrade Jules Frédéric Charles 1898    Professeur à Rennes, suspendu pour avoir " plaint de tout cœur le camarade Mercier". 
57     Gén      André Louis Joseph Nicolas     1900    Cdt l'X (1894-1896), ministre de la Guerre (1900-1904), agit en faveur de Picquart
69     Lt-Col   Andry François Augustin        1898    Vote en faveur de Picquart.
79     Cne      Anthoine François Paul         1895    Présent à la dégradation, transmet le récit de soi-disant aveu de Dreyfus. 
58     Gén      Balaman Ulysse Casimir         1904    Pt de la commission d'étude du bordereau, Pt du Conseil de perft de l'X (1903).
69     Cdt      Bayle Jean Paul Émil           1899    Rapport de 1893 cité dans le dossier secret, minute retrouvée en 1904
76     Cne      Beauvais Charles Louis Rémi    1899    Juge au procès de Rennes.
82              Bernard Claude Maurice         1899    Ingénieur des Mines, réfute la thèse de Bertillon sur le bordereau.
88     Lt       Bernheim Fernand Lucien        1899    Témoin de la défense à Rennes.
66     Gén      Bertin Eugène                  1904    Préside le Conseil de guerre qui acquitte Dautriche.
77     Cne      Besse Pierre Joseph            1894    Témoin à charge dans la 1re instruction et au procès de Rennes.
70     Lt-Col   Boissonnet Charles Edouard Clément 1898 Témoin du cdt Henry dans un duel contre le col. Picquart
52     Gén      Bonnefond Pierre               1899    Cité à Rennes : avait donné à Dreyfus une mauvaise cote d'amour à l'École de guerre.
54     Gén      Borius Léon Charles            1898    Cdt l'X (89-92) - gouv. militaire de Paris (98) - Pt du Conseil de perft (1999-1900).
69     Lt-Col   Bouisson Alexandre             1904    Juge suppléant au procès Dautriche.
75     Cne      Boullenger Jean Marie Paul     1894    Témoin à charge dans la première instruction.
72     Lt-Col   Bourdeaux Bernard Claude Godefroy 1902 Sous-chef de cabinet du ministre André, aurait essayé d'acheter son silence
66     Cdt      Bréon Charles François (Lancrau de) 1899 Juge au procès de Rennes, vote en faveur de Dreyfus.
75     Cne      Bretaud Georges Honoré Gabriel 1894    Témoin : a adressé Dreyfus au Cne Besse pour voir liste quais militaires.
75     Cne      Brô Joseph Justin Pierre Marie 1894    Cité à propos d'un manuscrit dit "d'Eupatoria".
69     Lt-Col   Brongniart François Paul       1899    Juge au procès de Rennes.
59     Gén      Brugère Henri Joseph           1899    Gouverneur de Paris, successeur de Zurlinden, enquête contre le gén. Pellieux. 
67     Gén      Brun Jean Jules                1904    Membre de la commission Balaman. 
77     Lt       Brunot Charles Bernard         1899    Témoin de la défense au procès de Rennes.
74     Lt-Col   Burckhardt Oscar               1893    Avait eu des contacts avec un espion allemand, témoin au procès Dautriche.
57              Carnot Marie François Sadi     1894    Ingénieur PC, président de la République au début de l'affaire. 
83     Cne      Carvallo Julien                1899    Témoigne en faveur de Dreyfus au procès de Rennes.
72              Cavaignac Jacques Marie Godefroy 1898  Ingénieur PC, ministre de la Guerre en 98, très opposé à la révision.
87     Lt       Chaplin William Charles        1898    Adresse lettre de félicitations à Zola, est mis en non-activité.
65     Col      Colard Claude Marie Ludovic René 1899  Témoigne contre Dreyfus + pièce dans le dossier secret (lettre Colard).
73     Cdt      Corps Charles Florent          1899    Appuie la thèse de Bertillon sur le bordereau, polémique avec Gabriel Monod. 
69     Cdt      Couhard Albert                 1899    Juge suppléant au procès de Rennes.
64              Crétin Marie Jean Charles Louis 1903   Contrôleur général des armées, enquête avec André et Targe.
64     Gén      Dalstein Jean Baptiste Jules   1899    Remplace le gén. de Pellieux, gouverneur de Paris en 1906. Pt de la SAS (1911).
62     Gén      Delanne Alfred Louis Adrien    1900    Chef d'état-major général, relevé de ses fonctions par le gén. André. 
75     Cdt      Delmotte Nicolas Victor        1903    Membre de la commission Joffre sur le Cne Fritsch.
56     Gén      Deloye Denis François Félix    1899    Témoin a charge au procès de Rennes - Pt du Conseil de perfectionnement de l'X (1901). 
42     Col      Denfert-Rochereau Pierre       1872    Provoqué en duel par le gén. Changamier pour critique de l'obéissance dans l'armée. 
66     Lt-Col   Deport Joseph Albert           1899    Le gén. Mercier dit qu'il a adopté son canon de 75. 
47     Gén      Dionne Jules Abel (Lebelin de) 1899    Directeur de l'École de guerre, témoin à charge au procès de Rennes. 
78     Cne      Dreyfus Alfred                 1894    Stagiaire a l'état-major, accusé de haute trahison.
72     Col      Ducassé Marc Denis Henri       1897    Chef d'état-major du gén. de Pellieux, enquête sur Esterhazy. 
73     Cdt      Ducros Joseph Jules            1899    Témoin de la défense à Rennes. 
                Duruy George                   1899    Prof, d'histoire à l'X, écrit dans le Figaro "pour la Justice", son cours est suspendu.
77     Cdt      Ely Charles Edmond             1904    Témoin de la découverte de la " minute Bayle ".
55     Gén      Florentin Georges Auguste      1898    Préside le conseil d'enquête sur Esterhazy.
77              Fonds-Lamothe François Prosper (de) 1899 Ancien capitaine d'artillerie, témoin de la défense à Rennes.
74     Lt-Col   Fournier Joseph Claudius Anthelme 1904 Découvre la "minute Bayle". 
46              Freycinet Ch. Louis (Saulces de) 1898  Ingénieur des Mines, ministre de la Guerre en 1898.
85     Cne      Fritsch Jules Léon Fernand     1900    Mis en non-activité pour divulgation de documents (lettres "Tomps").
71     Cdt      Galopin Alfred                 1899    Témoigne pour Dreyfus au procès de Rennes. 
71     Lt-Col   Goetzmann Simon Louis Charles  1904    Juge au procès Dautriche. 
52              Gouzy Jules Paul               1899    Député, interpelle Freycinet sur la suspension du cours de George Duruy.
                Grimaux Louis Edouard          1898    Professeur de chimie a l'X, mis en disponibilité après avoir témoigné au procès Zola
69     Cdt      Guérin Pierre René Aurèle      1895    Présent à la dégradation, transmet le récit de soi-disant aveux de Dreyfus.
                Hadamard Jacques Salomon       1899    Cousin éloigné de Lucie Dreyfus, témoin à Rennes, professeur d'analyse à l'X (1912-1937).
76     Cne      Hadamard Paul David            1899    Frère de Lucie Dreyfus, se prépare à l'École de guerre avec Alfred.
72     Cdt      Hartmann Gaston Louis          1899    Témoigne pour Dreyfus au procès de Rennes.
34              Hatzfeld Jean Alexandre                grand-père maternel de Lucie Dreyfus
76     Cdt      Hirschauer Auguste Edouard     1899    Témoin à charge au procès de Rennes - Pt de la SAS (1927).
50     Gén      Jamont Edouard Fernand         1900    Général en chef en temps de guerre, relevé de ses fonctions en 1900 par le gén. André
68     Lt-Col   Jeannel Charles Gabriel Salvin 1899    Témoin à charge dans la 1ère instruction et au procès de Rennes.
69     Gén      Joffre Joseph Jacques Césaire  1903    Préside le conseil d'enquête sur le Cne Fritsch.
55              Jordan Marie Ennemond Camille  1894    Professeur d'analyse à l'X, réfute la thèse de Henri Poincaré sur le bordereau.
58     Col      Jouanst Albert                 1899    Président du Conseil de guerre de Rennes, vote en faveur de Dreyfus.
81              Jouide Jacques François Raoul  1906    Ingénieur PC, demande le recensement des officiers pénalisés pour avoir été dreyfusards
64     Col      Jourdy Emile                   1899    Président suppléant du Conseil de guerre de Rennes.
58     Gén      Julliard François Lucien       1899    Prend la défense du Col de Saxcé.
68              Krantz Charles Camille Julien  1899    Ministre de la guerre, réintègre George Duruy mais suspend Emile Mayer.
86     Cne      Lacombe Pierre Gaston (de)     1904    Témoin de la découverte de la "minute Bayle".
86     Cne      Lambling Frédéric Emile        1904    Témoin au procès Dautriche.
56     Gén      Langlois Hippolyte             1898    Membre du conseil d'enquête sur Esterhazy - pièce dans le dossier secret
83     Cne      Lavit François Philippe Henri (de) 1898 A recueilli le témoignage de Savignaud contre Picquart.
84     Cne      Le Rond Henri Louis Edouard    1899    Témoigne au Conseil de guerre en faveur d'Esterhazy. 
53     Gén      Leclerc Jérôme Julien          1897    Commandant les troupes d'occupation en Tunisie lors du séjour de Picquart. 
64     Col      Lefort Henri Victor Clément    1894    Participe à l'examen du bordereau. 
74     Col      Legrand Emile Edmond           1904    Juge au procès Dautriche
81     Cne      Lemonnier Victor Auguste J-Baptiste 1899 Témoin à charge au procès de Rennes. 
64     Col      Lhéritier Louis Félix          1904    Juge au procès Dautriche. 
77     Cne      Linder Henri Eugène Benjamin   1899    Témoin à charge au procès de Rennes
79              Lonquéty Maurice               1899    Témoin à charge au procès de Rennes. 
70     Lt-Col   Lucas André                    1899    Juge suppléant au procès de Rennes.
60     Col      Maistre Armand Marie René (de) 1896    Interrogé par Picquart sur Esterhazy.
65     Lt-Col   Marcy Henri Louis              1898    Membre du Conseil de guerre qui acquitte Esterhazy.
66     Col      Marmier Marie Anastase Gaston  1899    Témoigne contre le Cne Freystaetter.
61     Lt-Col   Martin Emile Marc              1904    Publie articles et brochure signés SCIO sous le titre" Dreyfus confondu". 
74     Cne      Matton Pierre Ernest           1894    Membre de la section de statistique lors de la découverte du bordereau.
71     Cdt      Mayer Emile                    1899    Mis en non-activité en 1899, réintégré en 1906, deviendra mentor du gén. de Gaulle.
77     Cne      Mayer Joseph Armand            1892    Inspecteur des études à l'X, provoque en duel le Marquis de Morès qui le tue.
52     Gén      Mercier Auguste                1894    Ministre de la guerre, remet le dossier secret au Conseil de guerre • Pt de la SAS (95).
72     Cdt      Merle Emile Maurice            1899    Juge au procès de Rennes. 
48     Gén      Miribel Marie François Joseph (de) 1891 Chef d'État-Major général, témoigne pour le Cdt Henry - Pt de la SAS (90).
78              Moch Gaston                    1899    Ancien officier, témoigne pour Dreyfus. 
73              Monteux Benjamin Emile         1896    Ancien officier, aurait essayé de faire évader Dreyfus du bagne. 
63     Gén      Naquet-Laroque Samuel Paul             Pt du Conseil de perfectionnement de l'X (1908-1910).
54     Gén      Nismes Paul Arthur             1897    Conseille a Picquart de "faire le mort" - Pt du Conseil de perfectionnement de l'X (99).
80              Ocagne Philbert Maurice (d')   1897    Ingénieur PC, professeur de mécanique à l'X, témoigne avec Painlevé.
68     Col      Oudard Francois Henri          1904    Juge au procès Dautriche.
                Painlevé Paul                  1899    Professeur de mécanique à l'X, réfute la thèse de Bertillon sur le bordereau.
61     Gén      Pamard Ernest Antoine Augustin 1904    Témoigne en faveur du Cne Mareschal, impliqué dans l'affaire Dautriche
76     Cne      Parfait Albert Henri           1899    Juge au procès de Rennes.
74     Cdt      Pauffin de St Morel Charles Norbert 1897 Officier d'ordonnance du gén. de Boisdeffre, transmet des informations à Rochefort.
59     Gén      Peigné Paul                    1894    Aurait été en relations avec Maurice Weil. 
67     Gén      Pelletier Etienne Anatole      1894    Témoigne en faveur du cne François, impliqué dans l'affaire Dautriche.
65     Gén      Percin Alexandre               1904    Chef de cabinet du gén. André, accusé d'avoir "fiché" les officiers.
82     Lt       Picard Ernest                  1899    Camarade de Dreyfus à l'École de guerre, mal noté également par le gén. Bonnefond
76     Cdt      Picard Joseph Marie Charles    1904    Témoin au procès Dautriche.
62              Picard Maurice Alfred          1896    Ingénieur PC, Pt de la SAS (1896). Commissaire de l'Exposition de 1900.
73              Poincaré Jules Henri           1899    Ingénieur des Mines, professeur à l'X, réfute la théorie de Bertillon sur le bordereau
82              Prévost Eugène Marcel          1899    Ingénieur ME, écrivain, l'un des premiers dreyfusards - Pt de la SAS (1939). 
72     Cdt      Profillet Julien Joseph        1899    Juge au procès de Rennes.
61     Gén      Rau Frédéric Paul Sydney       1893    Chef de cabinet du Gén Mercier.
78     Cne      Rémusat César Auguste Léon     1899    Lettre dans le dossier secret. 
84              Revol Jean Francis             1899    Ingénieur de la marine, cité a charge par le gén Gonse.
62     Col      Rigollet Joseph                1899    Déplacé pour avoir protesté contre les attaques adressées à l'armée.
72     Cdt      Rivals Julien Marie Adrien     1899    Directeur de l'École de pyrotechnie, juge au procès Esterhazy, témoin à charge à Rennes.
71     Cne      Rougemont Denis Louis (de)     1897    Cité par la presse suite a un article de Scheurer-Kestner.
79              Rouyer Ernest Léon             1896    Président du jury de la Libre Parole "pour l'anéantissement de la puissance juive".
71     Col      Ruffey Pierre Xavier Emmanuel  1894    Témoigne en faveur de Dreyfus au premier Conseil de guerre.
67     Col      Saxcé Joseph Femand (de)       1899    Proteste contre les attaques adressées à l'armée. 
40     Gén      Schneegans Louis Ernest        1899    Confirme l'existence d'une prétendue lettre annotée par le Kaiser citant Dreyfus.
54     Gén      Séard Jules Georges            1904    Membre de la commission Balaman.
58     Gén      Sébert Hippolyte               1899    Témoigne en faveur de Dreyfus au procès de Rennes.
60     Cdt      See Achille                    1904    Commissaire du gouvernement au procès Dautriche.
35     Gén      Séré de Rivières Raymond Adolphe 1874  Chef du Service du génie, dirige la construction du système fortifié français.
65              Sorel Georges Eugène           1898    Ingénieur PC socialiste révolutionnaire, violemment antidreyfusard.
39     Col      Stoffel Eugène Georges Henri Céleste 1903 A l'origine des bruits sur la lettre annotée par le Kaiser.   .
85     Cdt      Targe Antoine Louis            1903    Officier d'ordonnance du gén. André, fait l'enquête qui débouchera sur la 2e révision.
71     Cdt      Thévenet Claude Marie Frédéric 1896    Officier d'ordonnance du gén. Billot, transmet a Picquart une lettre d'Esterhazy.
57     Gén      Toulza François Victor Gaston  1899    Cdt l'X (1896-1900) - suspend le cours de Grimaux après ses articles du Figaro.
72     Lt-Col   Villeroche Ernest Joseph (Billette de) 1904 Interrogé sur l'ordre d'informer concernant Esterhazy.
63     Gén      Villien Louis François         1904    Membre de la commission Balaman.
26     Gén      Walsin-Esterhazy Louis Joseph Ferdin. 1870 Aide son neveu Marie Charles Ferdinand entrer dans la Légion étrangère.
71     Cdt      Walter Louis Jules             1898    Commandant le fort du Mont Valérien où Henry se suicide.
56     Gén      Zurlinden Emile Auguste François 1895  Cdt l'X (80-82) - ministre de la Guerre (95 et 98) - antidreyfusard.