Georges BRUN (1899-1968)

Son nom complet est : Georges Gustave Jean Jules Joseph Pierre Brun. Né le 17 septembre 1899 à Bernay (Eure). Fils de Pierre BRUN et de Jeanne Marie FONTAU. Décrit dans le registre matricule de Polytechnique comme : "Cheveux châtains - Front haut - Nez ordinaire - Yeux marrons - Visage ovale - Taille 169".

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1917 ; entré classé 5 et sorti classé 2 en 1920), et de l'Ecole des mines de Paris (sorti classé 12ème sur 19 corpsards). Il participe à la campagne militaire contre l'Allemagne du 1er août 1917 au 24 octobre 1919. Voir le bulletin de notes de Georges Brun à l'Ecole des mines.


Publié dans Annales des Mines, février 1969. Biographie par Raymond Fischesser.

Le même article a été publié à nouveau, avec quelques phrases en moins, dans la Jaune et la Rouge, no 239, juillet 1969.

Le décès de l'ingénieur général Georges BRUN, survenu le 7 octobre 1968, après une courte maladie, a douloureusement surpris tous ses amis.

Sa vie, très simple et toute consacrée à sa famille et à ses travaux, ne fut troublée que par les malheurs du pays. Né le 17 septembre 1899 à Bernay (Eure) où son père était sous-préfet, Georges Brun fit ses études à Paris au lycée Louis-le-Grand. Reçu en 1917 à l'Ecole Polytechnique, il s'engage aussitôt et combat héroïquement (2 blessures, 3 citations, Croix de Guerre) - jusqu'à la fin de la guerre. Il reprend alors ses études à Polytechnique et à la sortie choisit le Corps des Mines. Il débute à Nancy et participe à la Mission interalliée de Contrôle dans la Ruhr (M.I.C.U.M.). Il se marie en 1924, s'installe à Saint-Etienne où commence sa carrière de professeur à l'Ecole des Mines : pendant les années suivantes qui voient la naissance de ses sept enfants, il entreprend ses premières recherches. En 1938, il est ingénieur en chef. A la guerre, bien que dégagé d'obligations militaires, il reprend son service comme capitaine d'artillerie, et est fait prisonnier en 1940. Lorsqu'il est libéré (1941), il devient professeur à l'Ecole des Mines de Paris et y travaille jusqu'à sa mort. Il était ingénieur général depuis 1953, chevalier de la Légion d'honneur depuis 1927, officier depuis 1954.

Professeur, Georges Brun l'était véritablement. Il ne se contentait pas de faire un cours, mais lui-même contrôlait de près le travail de ses élèves, interrogeait chacun plusieurs fois et corrigeait les exercices écrits. Aussi les rédactions de ses cours évoluaient d'année en année, non seulement pour suivre le progrès des recherches, mais surtout pour mieux les adapter aux besoins pédagogiques des étudiants. Bien qu'il considérât son cours comme une initiation aux techniques, il s'attachait à poser des problèmes de caractère industriel et donnait une grande importance à la pratique des calculs. Ce même souci du concret l'avait conduit à organiser des travaux pratiques dans les laboratoires qu'il avait établis d'abord à Saint-Etienne, puis à Paris. En outre, il avait fait transformer l'enseignement du dessin en étude constructive de machines, et il avait créé une initiation aux travaux d'atelier. En bref, il aurait voulu que les ingénieurs reçoivent les mêmes connaissances de base que le personnel qu'ils dirigeraient. Dans cette perspective, il jugeait mauvais le système des grands concours, surtout parce que la sélection se fait une fois pour toutes à l'entrée à l'Ecole et presque uniquement d'après les aptitudes mathématiques des candidats. Aussi souhaitait-il une réforme profonde de l'enseignement pour mieux l'adapter aux besoins de la société industrielle. Quelques idées maîtresses guidaient Georges Brun : aucune spécialisation avant le baccalauréat (qui serait maintenu, mais très modifié en son esprit), juste après cet examen, libre accès à des unités d'enseignement spécialisé groupant par exemple à l'entrée un millier d'élèves, sélection progressive au cours des études sur les résultats obtenus, enfin et surtout des programmes organisés de façon que les étudiants éliminés soient utilisables tout de suite, c'est-à-dire des études menant peu à peu des matières pratiques aux sciences théoriques, des notions communes de base aux connaissances plus spécialisées (ainsi, en technique, les étudiants rejetés en fin de seconde année pourraient devenir de bons dessinateurs d'étude, ceux éliminés en fin de quatrième année des sous-ingénieurs et en fin de sixième année sortiraient des ingénieurs. Une élite pourrait commencer ensuite une thèse).

Georges Brun estimait que l'enseignement supérieur est inséparable de la recherche et au cours de sa carrière, il se consacre inlassablement à de très nombreux travaux personnels. Ses premières recherches portent sur des machines à pistons libres et d'abord sur des outils de frappe pneumatiques, à grande puissance, dont le dernier modèle sera construit et essayé seulement pendant la guerre. A côté de multiplicateurs hydrauliques de pression, ce sont surtout des générateurs Diesel avec transmission pneumatique qui retiennent longuement son attention. Pour ces machines il conçoit et met au point nombre d'innovations qui serviront dans des projets ultérieurs : par exemple la commande hydraulique de pompes d'injection, ressort liquide, utilisation des effets d'inertie. Cependant au cours des expériences, la transmission pneumatique se révèle d'une infériorité sans remède, ce qui condamne ces machines à des emplois secondaires : générateurs de gaz chauds (analogues au générateur Pescara), générateurs de bioxyde d'azote (1940), banc d'essais thermodynamiques sur des mélanges gazeux (1946).

La captivité n'interrompt pas l'activité créatrice de Georges Brun et au contraire, c'est pour lui, malgré les difficultés, une période féconde de réflexion. Il rédige à ce moment une note importante sur la propulsion par tuyère (stato-réacteur) qui sera complétée et publiée en 1947. La Libération venue, il entreprend de réaliser bien des idées mûries pendant la guerre. Il présente un premier projet pour une usine marémotrice. Pour la Commission d'Organisation de la Sidérurgie, il étudie en 1946-1947 la production économique d'oxygène et d'air suroxygéné et il propose des essais sur l'emploi de ces gaz en métallurgie (en particulier par le soufflage des convertisseurs). Membre de la Commission de Thermodynamique des Moteurs au C.N.R.S., Georges Brun étudie en détail différents types de moteurs Diesel poussés (1947-1949) et effectue quelques essais sur des dispositions particulières. Au cours de ce travail, il publie un mémoire sur le générateur à injection totale qui lui vaut le prix Merville de la Société des Ingénieurs civils en 1949, et surtout il a alors l'idée d'une forme nouvelle de paliers (palier hydrostatique qui rendra possible bien des projets ultérieurs).

En 1949, il commence l'étude quasi exhaustive des machines à engrenages à deux dents. Il applique d'abord cette disposition à un moteur à air dont la détente étagée s'accompagne d'une injection d'huile : la machine construite avec l'aide des Charbonnages (en 1951, essais en 1952-1953) donne satisfaction, mais arrive au moment où l'électrification triomphe dans les mines. Sur le même principe, les machines hydrauliques sont susceptibles d'application plus variées. Georges Brun prépare un projet d'usine marémotrice, cette fois avec groupes multiples de puissance modérée (deux turbines coaxiales pouvant fonctionner en pompes) et transmission hydraulique : avec l'aide de l'E.D.F. et de Neyrpic, il fait réaliser un modèle de cette transmission et l'essaie dans son laboratoire (1952-1953). Mais c'est en définitive les groupes-bulbes qui sont retenus pour équiper le barrage de la Rance. Avec la Société Fives-Lille, il construit une transmission expérimentale beaucoup plus puissante comportant des machines multicellulaires (1954-1955) dont les essais systématiques durent jusqu'au début de 1957. En même temps il élabore différents projets qui appliquent cette transmission en particulier aux laminoirs réversibles, aux locomotives et autorails Diesel et à l'automobile. Une réorganisation de l'entreprise arrête cette collaboration (1958).

En 1957, Georges Brun étudie une motopompe Diesel qui complète la transmission pour locomotive. Pour vérifier le bon fonctionnement de la partie hydraulique de la machine, il construit et expérimente une pompe à pistons dont le débit est réglable. Ce qui l'amène à un nouveau type de transmission hydraulique qui utilise des machines à pistons en étoile : il essaie une première version d'un moteur de ce type, puis établit les plans de machines convenant à diverses applications des laminoirs à l'automobile (1958-1959). Ensuite il reprend un ancien projet fait à Saint-Etienne d'une dynamo homopolaire et prépare les plans d'une machine d'essai. Il exécute aussi de nouvelles versions de Diesels monocylindriques à pistons opposés (avec embiellage) (1959-1960) : pour ces machines il fait essayer au laboratoire un système de commande hydraulique pour les clapets de balayage et un turbocompresseur à diffuseur tournant qui doit servir à la suralimentation.

A ce moment le professeur Veron crée au sein de la Société française des Thermiciens une Commission pour l'amélioration des cycles vapeur dans les centrales, Commission dont Georges Brun va désormais animer les travaux (1961-1964). Il propose un cycle à haut rendement (près de 60 %) qui comporte des surchauffes multiples et un réchauffage progressif de l'eau. Ces innovations entraînent des changements radicaux dans la chaufferie dont il faut vérifier le bon fonctionnement : la D.G.R.S.T. ne retient pas ces projets d'essais, très onéreux. Georges Brun, toujours guidé par le souci de mieux utiliser les combustibles, imagine alors de conjuguer à l'échelle nationale les productions d'électricité et de chaleur : dans un important mémoire (non publié) il envisage une distribution nationale d'eau chaude, mais il ne se dissimule pas que la rentabilité d'un tel plan est conditionnée par une réalisation complète, ce qui en rejette l'exécution à un avenir indéterminé. Au cours de cette étude, le déficit relatif en énergie thermique l'amène à s'intéresser à des sources complémentaires et en particulier à l'énergie solaire. Toutefois soucieux de réalisation, il établit l'avant-projet d'une centrale solaire ne produisant que de l'électricité et il montre que l'énergie solaire ne devient rentable que sous deux conditions : un prix de revient suffisamment bas des miroirs de captation pour lesquels il détermine dans ce cas les meilleures formes ensuite la possibilité d'un stockage économique de l'énergie pour lequel il propose un stockage thermique dans le sol.

En 1966, il entreprend de refondre de nombreux projets antérieurs pour établir une version définitive d'un moteur Diesel (monocylindrique et à pistons opposés) de très grande puissance. Ce moteur, destiné à la production d'énergie électrique est conjugué avec des turbines et échangeurs de récupération, il donnerait au total une utilisation exceptionnelle de l'énergie du combustible (de l'ordre de 75 %) et permettrait sans doute d'abaisser notablement le prix du kilowattheure produit. Là encore l'importance des frais à engager pour des essais rend douteuse une réalisation rapide. Aussi après l'étude d'une variante comme générateur de bioxyde d'azote, Georges Brun commence les plans d'une version très réduite de ce moteur Diesel qui en reprend les innovations essentielles pour les adapter à un moteur d'automobile. Malheureusement la maladie qui devait l'emporter le frappe soudain avant qu'il ait pu achever ce dernier projet.


Georges Brun fait un cours à l'Ecole des mines
Photographie par Jean-Louis Montagut, élève de la promotion 1967



Brun caricaturé par un élève des Mines de Paris
(Petite Revue des élèves)
(C) Photo collections ENSMP



Caricature par Jean-Louis Montagut, élève de la promotion 1967

Brun, dans des attitudes typiques lorsqu'il faisait des cours à la promotion 1957 des Mines


Georges Brun en juin 1966