Nous ne ferons aucun commentaire sur la position du Conseil de l'Ecole des mines de Paris en 1931 concernant l'admission des femmes à l'Ecole.


CONSEIL DE L'ECOLE NATIONALE SUPERIEURE DES MINES

PROCES-VERBAL de la 32ème SEANCE. LUNDI 9 MARS 1931.

La séance est ouverte à 14 heures 45 sous la présidence de M. LIENARD, Directeur de l'Ecole.

Sont présents: MM. LANTENOIS, de BERC, ETIENNE, GALLIOT, GRANDJEAN, GROSSELIN, JOLIBOIS, Paul LEVY, MAISON, de PONTEVES, VIGNAL, le SUEUR et CHIPART.

Excusés: MM. BACLE, CUVELETTE, DELONCLE, JUNG, LAMBERT-RIBOT, Théodore LAURENT, LEBRUN, LOUCHEUR, PAINVIN, PRALON, REBEILLARD.

Le procès-verbal de la séance du 24 Janvier 1931 est adopté sans observation.

Le Directeur désigne le Sous-Directeur comme secrétaire de la séance.

DEMANDE d'une CANDIDATE à être autorisée à subir les EPREUVES du CONCOURS d'ENTREE à l'ECOLE des MINES.

Le Directeur donne lecture d'une lettre adressée par le père d'une élève du cours de mathématiques spéciales, demandant s'il existe dans les règlements de l'Ecole une clause qui interdise l'entrée des jeunes filles à l'Ecole des Mines.

Cette demande a été examinée par le Comité d'Enseignement dans sa séance du 11 Février 1931. Se référant aux précédents de l'Ecole Normale Supérieure, de l'Ecole des Ponts et Chaussées, de l'Ecole des Mines de St Etienne et de l'Ecole de l'Aéronautique, le Comité avait émis l'avis :

"Que rien dans les textes réglementaires ne s'oppose à l'admission de jeunes filles à l'Ecole et que dans ces conditions et étant donnés les précédente d'autres Ecoles similaires, il y a lieu d'admettre les jeunes filles à se présenter au concours d'admission ;

"qu'il serait bon toutefois d'attirer l'attention des candidates sur ce qu'elles seront obligées comme tous les autres élèves de suivre le cours d'Exploitation des Mines et d'effectuer les visites de mines réglumentaires mais que, d'autre part, au point de vue de leur carrière, l'article 55 du Code du Travail paraît s'opposer à ce que des femmes remplissent les fonctions d'ingénieur dans les travaux souterrains de mines, minières et carrières. "

La discussion étant ouverte, M.de BERC émet un avis défavorable à l'admission des jeunes filles à l'Ecole. Il fait observer qu'en principe les femmes ont tort de s'orienter vers iee carrières où elles seront appelées à commander des ouvriers. D'autre part le décret organique de l'Ecole des Mines de Paris stipule que l'Ecole a pour but de former des ingénieurs aptes à diriger des exploitations de mines et d'usines métallurgiques . Or, l'article 55 du Code du Travail s'opose à ce que les femmes soient employées aux travaux souterrains.

M.ETIENNE, tout en étant d'accord sur l'inopportunité d'admettre les jeunes filles à l'Ecole, estime qu'il conviendrait de connaître les carrières suivies par les jeunes filles admises à différentes écoles, (Ecole des Mines de St Etienne, Ecole Centrale, Ecole de l'Aéronautique, etc...)

En ce qui concerne l'Ecole des Mines de St Etienne, M. le Président rappelle qu'il n'existe qu'un seul précédent, celui d'une jeune fille admise au concours de 1917, laquelle, à sa sortie de l'Ecole, a fait un stage dans un laboratoire de la Sorbonne ; elle a, depuis longtemps, renoncé à poursuivre une carrière d'ingénieur. D'autre part, M. GROSSELIN signale qu'aucune des jeunes filles admises depuis une dizaine d'années à l'Ecole Supérieure d'Electricité, à raison de deux ou trois par année, n'exerce le métier d'ingénieur.

M. MAISON est d'avis que l'interdiction tirée de l'article 55 du Code du Travail ne s'applique qu'aux ouvrières; et ne concerne nullement les femmes qui seraient appelées à remplir les fonctions d'ingénieur. Actuellement les jeunes fillec sont admises dans la plupart des grandes Ecoles; rien ne lui paraît s'opposer à ce qu'elles soient également admises à l'Ecole des Mines de Paris qui fournit d'ailleurs des ingénieurs dans diverses branches d'industries autres que les Mines et la Métallurgie.

M. LANTENOIS estime au contraire que l'interdiction édictée par l'article 55 est formelle: aucune femme ne doit être employée dans les travaux souterrains, aussi bien comme ouvrière que comme ingénieur.

La discussion étant close, le Président met aux voix l'avis suivant, proposé par MM. LANTENOIS et de BERC:

Le Conseil, appelé à examiner s'il existe dans les règlements de l'Ecole une clause qui interdise l'entrée des jeunes filles à l'Ecole des Mines, est d'avis :

Que si le texte, réglementant l'organisation de l'Ecole des Mines ne contient aucune disposition explicite permettant ou interdisant l'admission de jeunes filles à l'Ecole, l' esprit de ce règlement est contraire à cette admission ;

qu'en effet l'article 1er du décret organique du 19 septembre 1919 dispose que l'Ecole a pour but de former d'une part des Ingénieurs du Corps National des Mines, d'autre part des Ingénieurs civils, aptes à diriger des exploitations de mines et d'usines métallurgiques ;

qu'une interprétation dans le même sens semble pouvoir être tirée du Code du Travail dont l'article 55 interdit aux filles et aux femmes d'être employées aux travaux souterrains des mines, minières et carrières ;

qu'il serait inopportun d'introduire dans les textes organiquues de l'Ecole des Mines une disposition autorisant l'admission des jeunes filles comme élèves titulaires ;

qu'au surplus, aux termes du règlement actuel elles peuvent être admises à suivre des cours comme auditrices libres et qu'il y a lieu de s'en tenir a cette faculté.

Cet avis est adopté à la majorité des voix (9 pour, 2 contre).