PREFACE

Madame Nicole Fontaine
Ministre déléguée à l’Industrie


Les Annales des Mines et leur série Réalités industrielles ont choisi d’évoquer le thème des mutations industrielles et leur accompagnement, à travers des regards d’experts. C’est une nouvelle illustration de la prise de conscience d’un phénomène d’ampleur, dont la conclusion est trop souvent aux yeux de l’opinion la désindustrialisation de notre pays.
Le constat est plus nuancé. La France reste et entend rester un grand pays industriel. Il est vrai qu’entre 1990 et 2002, elle a perdu près de 600 000 emplois industriels, principalement dans des secteurs manufacturiers, comme le textile, l’habillement, le cuir, ou encore l’équipement du foyer. Ces secteurs ont ainsi payé un lourd tribut à la mondialisation. Pourtant, notre pays a moins souffert que d’autres grandes nations industrielles et cette baisse de l’emploi productif a été compensée par plus de 1 200 000 créations d’emplois dans les services à l’industrie.
Mais il n’en reste pas moins que lorsqu’il y a mutation industrielle brutale, c’est le destin de bassins entiers, souvent fragilisés par une culture de mono-industrie, et surtout des hommes et des femmes qui y vivent et y travaillent, qui est profondément remis en question.
Cette double dimension, économique et sociale, retient heureusement l’attention de tous les acteurs et imprègne toute notre démarche. Il ne peut y avoir ni résignation à un quelconque déclin de l’industrie française, ni acceptation d’une spécialisation de tout le territoire dans des technologies de pointe. La France peut et doit demeurer une grande puissance industrielle, j’en suis convaincue.
C’est pourquoi, depuis mon arrivée, j’ai effectué un tour de France des grands bassins industriels touchés par la désindustrialisation et j’ai rencontré systématiquement les acteurs économiques et sociaux concernés, comme les responsables publics sur le terrain.
Toujours en concertation avec les industriels, j’ai cherché à initier une dynamique, axée sur l’accompagnement des mutations mais aussi leur anticipation, ainsi que sur le renouvellement de l’offre industrielle. C’est en effet l’innovation, la création de nouvelles activités, le développement d’avantages comparatifs, le desserrement des contraintes fiscales et administratives, qui permettront à notre industrie d’affronter efficacement la concurrence mondiale, et donc de préserver, voire de développer les emplois.
Tout d’abord, ma priorité va à l’action de terrain, pragmatique. Partout, la spécificité de chaque cas rencontré m’a convaincue de la nécessité d’agir en fonction des particularités locales. Et il est primordial, à chaque fois, d’accompagner les reconversions et de revitaliser les bassins fragilisés. Il nous faut rassembler l’ensemble des acteurs - industriels, syndicats, élus, administrations - pour élaborer, ensemble, les réponses les plus appropriées aux forces et aux faiblesses de chaque bassin.
Mon action vise également, comme je l’ai souligné, à anticiper les mutations et à définir des politiques sectorielles. J’ai ainsi lancé en 2003 plusieurs groupes de réflexion stratégique et prospective réunissant industriels et partenaires sociaux, afin de dégager les orientations d’avenir pour chaque grand secteur de l’industrie.
Les résultats des premiers groupes sont attendus très prochainement et permettront de formuler des propositions au niveau européen. Car cette bataille de la compétitivité ne se gagne plus seulement au niveau national, elle doit se porter à l’échelon communautaire afin d’être plus forts, ensemble.
Quant au renouvellement de l’offre industrielle, il est à mes yeux indispensable. Nous devons ainsi diffuser l’innovation dans toute l’économie. Le plan innovation I est opérationnel depuis le 1er janvier 2004 : statut de la jeune entreprise innovante, encouragement des investisseurs providentiels, élargissement du crédit-impôt-recherche sont autant de vecteurs de croissance pour nos entreprises. Nous engageons désormais les travaux sur un plan innovation II, selon deux axes : la mise en place d’un droit de préférence en faveur des PME innovantes pour les contrats publics de R&D et l’adaptation du cadre juridique communautaire des aides d’Etat pour l’innovation.
Sans délaisser nos industries traditionnelles, il nous faut aussi identifier les technologies du futur, et soutenir leur développement. La France doit accorder une attention particulière à ces technologies qui porteront le développement industriel et le bien-être social de demain, celles de l’information et de la communication mais aussi de la gestion du vivant et de l’environnement.
Nous devons enfin attirer les investissements, français et étrangers en améliorant l’attractivité du site France. Pour cela, nous avons entrepris de développer des pôles d’excellence à visibilité mondiale, en rassemblant des centres de R&D publics et privés, des entreprises technologiques leaders, un tissu de PME réactives et des centres de formation.
Cette volonté politique doit être portée au niveau européen et international. L’important est que se dégage en Europe la volonté d’une politique industrielle européenne. J’ai travaillé ces deux dernières années pour faire avancer cette idée dans les institutions européennes, et auprès de nos partenaires.
Ce que nous devons développer, c’est un Conseil Compétitivité fort, qui permette que désormais plus aucune politique communautaire ne soit décidée sans que l’on ait examiné ses conséquences économiques. Et il me paraît indispensable que la Commission ait une approche sectorielle, dans les réglementations communautaires.
Notre politique de la concurrence doit être parallèlement menée de manière pragmatique et avisée. Nous devons faire de la concurrence de l’Europe avec le reste du monde la priorité de l’action de l’Union. L’Europe peut-elle rester focalisée sur la concurrence intra-européenne, alors que la compétition se déroule entre elle et le reste du monde ?
Je suis heureuse de constater que nous sommes en train d’assister à une véritable révolution avec, sans aucun doute, une réelle prise de conscience au niveau européen.
C’est en prolongeant cet effort que nous redonnerons à la France, qui n’en a jamais perdu l’ambition, les moyens de renouer avec son destin industriel et d’inventer l’avenir. C’est ainsi que nous dessinerons une industrie d’avance.
 
 
 
 
Retour sommaire