AVANT - PROPOS
Les nanotechnologies,
moteurs de la croissance,
vecteurs
d'une meilleure qualité de vie ?
par Gilles Le Marois, Docteur Ingénieur
ENSCP
chargé de mission DIGITIP
Les nanotechnologies constituent un instrument de
relance économique très prometteur, dans un contexte européen
de croissance atone. Déjà utilisées dans plusieurs
secteurs industriels - construction, électronique, transport, pharmaceutique
et cosmétique - ces technologies représenteront un marché
mondial de l'ordre de 1 000 milliards d’euros en
2010. La plupart des pays industrialisés ne s'y trompent pas en
soutenant massivement et durablement leur développement.
La possibilité d'ordonner et de structurer
la matière à l'échelle moléculaire offre en
effet des potentialités sans précédents en matière
de conception, de performances et ouvrent des voies tout à fait
nouvelles en termes d'applications et de marchés. Au-delà,
la compréhension des mécanismes d’auto-assemblage à
l’échelle moléculaire pourrait amener une véritable
révolution technologique et sociétale.
De meilleurs matériaux, de meilleurs médicaments,
des moyens de communication universels verront le jour. Des solutions aux
problèmes majeurs que présentent les ressources en énergie,
en eau potable et les défis environnementaux, sont parmi les retombées
attendues les plus prometteuses. Ces progrès contribueront à
une amélioration significative de la qualité de la vie et
de la santé.
Le développement de ces technologies repose
sur une approche radicalement différente de celle enseignée
traditionnellement. Il passe par la mise en place de compétences
pluridisciplinaires et la recherche de nouveaux débouchés
industriels, créateurs d'emploi. Notre modèle éducatif
actuel, qui se caractérise par une spécialisation progressive,
n’est pas adapté à faire face à ces défis et
devra évoluer de façon significative pour y répondre.
Une approche concertée avec nos partenaires
européens paraît également incontournable, tant le
champ d'investigations des nanotechnologies est large et le coût
de la R&D, élevé. Le développement de réseaux
européens dédiés aux nanotechnologies et la mise en
commun d’infrastructures et d’outils de recherche, doivent être encouragés.
L'Europe avec la mise en place du brevet européen est également
le bon niveau pour une protection efficace de nos inventions dans ce domaine.
Les nanotechnologies, comme toute nouvelle technologie,
suscitent aussi des interrogations fortes de la société sur
les implications environnementales, sanitaires, éthiques, sociétales
ainsi que sur les incertitudes qui peuvent naître de leur développement.
Ces attentes du grand public requièrent que soient régulièrement
évaluées toutes les conséquences que ces technologies
peuvent engendrer, en fonction de l'état de l'art connu, que les
enjeux soient explicités et donnent lieu aux précautions
appropriées.
Pour relever le défi des nanotechnologies,
la France dispose d'un vivier de brillants chercheurs compétitifs
dans ces disciplines et peut s'appuyer sur l'expérience acquise
dans le domaine de la microélectronique, notamment autour du pôle
grenoblois.
Hormis ce secteur, le soutien des pouvoirs publics
reste encore limité. Par ailleurs, l'évolution rapide des
progrès dans ce domaine nous contraint à faire preuve de
réactivité, d'audace et d'ouverture. Cela implique de décloisonner
la recherche publique et de l'ouvrir pour inciter les meilleurs experts
étrangers à s'installer en France. Dans cette optique, on
ne peut qu’encourager la création d’une fondation dédiée
aux nanotechnologies, qui disposerait d'une structure administrative légère
et permettrait de drainer des fonds privés.
Pour un impact économique significatif de
ces technologies, encore faut-il disposer d'une véritable chaîne
du savoir à l'écoute de l'entreprise, qui puisse associer
compétences théoriques, applicatives, économiques
et financières. Maillons essentiels de la diffusion de ces nouvelles
technologies vers le marché, les PME innovantes doivent être
plus fortement dynamisées. Cela nécessite la mise en œuvre
des mesures fiscales incitatives prises en 2003 dans le cadre de la politique
pour l'innovation.
L'impulsion politique, on le voit, est plus que
jamais nécessaire. Au sein de l'Union, véritable dimension
compétitive en matière de recherche et en termes de marchés
intérieur et financier, il serait souhaitable que la France s’organise
et reprenne en Europe l'initiative pour faire des nanotechnologies l'un
des outils d'une "économie des connaissances compétitive
et dynamique", selon les termes du protocole de Lisbonne. Le succès
de cette initiative passera par une vraie mobilisation des acteurs scientifiques
et économiques concernés et par la modernisation de nos structures
de recherche. Elle permettra à notre pays de nourrir une croissance
durable et d'améliorer de façon significative la qualité
de vie des Français.
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