Toussaint Joseph René NICKLÈS (1859-1917)

Fils de Jérôme François Joseph NICKLES et de Emma BRANDON. Marié en 1895 à Jeanne Marie Louise GUYOT. Père de Madeleine, Henri, Maurice.

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1880) : entré en cours préparatoire le 25/8/1879 classé 4 ; admis comme externe le 23/8/1880 classé 17 ; ingénieur breveté le 6/6/1883, classé 15. Ingénieur civil des mines.


Après une thèse sur la géologie du Sud-Est de l'Espagne (1891), il étudie les ammonites crétacées d'Espagne (1890-1894). Il devient professeur de géologie à la faculté des sciences de Nancy (1893) et y crée en 1908 un enseignement qui aboutit à la création de l'Ecole nationale supérieure de géologie de Nancy. Il entre en contact avec les industriels qui cherchent de la houille en Lorraine, et leur propose des sites de sondage en utilisant ses connaissances tectoniques. Il s'intéresse aussi à la recherche de sources d'eau potable pour les lorrains.


Nickles, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP


Publié dans Bulletin de l'association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, mars-avril 1918 :

Nous reproduisons le discours par lequel M. Floquet, doyen de la Faculté des Sciences de Nancy, a rendu à l'éminent et regretté professeur de géologie le juste hommage mérité par ses qualités de savant et ses vertus d'homme privé.

Voici le texte de ce discours :

Né à Nancy le 23 mai 1859, René Nicklès avait de qui tenir. Nul ira oublié que son père fut professeur de chimie à notre Faculté, dès sa fondation en 1854 et bon nombre d'entre nous conservent un souvenir tres vivant de sa personnalité : chimiste et physicien éminent, Jérôme Nicklès est décédé prématurément à l'âge de 48 ans et voilà bientôt 49 années qu'il repose dans ce tombeau. Quant à la digne mère de notre ami, ce caveau, si cruellement réouvert aujourd'hui, était à peine fermé sur son cercueil, car il n'y a pas deux ans que nous l'accompagnions à sa dernière demeure.

Après d'excellentes études secondaires au lycée de Nancy, que couronnèrent le baccalauréat ès-lettres et le baccalauréat ès-sciences, René Nicklès fut admis comme élève externe à l'Ecole des Mines à Paris. Là, il bénéficia des enseignements qu'y donnent des maîtres du plus grand renom. Pourvu à sa sortie, en 1883, du diplôme d'ingénieur civil des Mines, il se voit chargé d'importantes missions scientifiques en Espagne ; il y fait une ample moisson de résultats très intéressants pour la géologie, et après avoir été reçu licencié ès-sciences naturelles, il les met à profit pour une thèse du doctorat. Dès lors sa voie était trouvée. La valeur de ses travaux, notamment celle de sa thèse, soutenue en Sorbonne le 3 décembre 1891, le mettent on évidence et, le 1er mai 1893, à la mort de Wohlgemuin, il était chargé d'un cours complémentaire de géologie à notre Faculté. Il revenait ainsi dans sa ville natale, qu'il ne devait plus quitter, et c'est de cette date que nous avions l'honneur de le compter dans nos rangs. Le 27 juin 1899 il était nommé professeur adjoint, et le 17 juillet 1907 il se voyait titularisé comme professeur de géologie à la Faculté des sciences de l'Université de Nancy, dans une chaire qui était créée spécialement pour lui, en raison de la valeur de ses recherches.

Depuis, notre cher collègue avait été nommé directeur de l'Institut de géologie qu'il a fondé ; il avait été attaché officiellement au Service de la carte géologique de France ; il s'était vu élu membre titulaire de l'Académie de Stanislas, et plus récemment, le 22 octobre 1916, correspondant national de l'Académie d'agriculture de France.

Il avait été fait officier de l'Instruction publique à l'occasion du 14 juillet 1905 et, le 8 octobre 1909, son activité scientifique et son zèle professionnel lui méritaient la croix de chevalier de la Légion d'honneur dans la promotion Buffon-Lamarck des naturalistes.

Je viens de parler de l'activité scientifique et du zèle professoral de Nickles : tous les deux étaient en effet remarquables.

Ce n'est ni le lieu ni le moment de détailler ses travaux. Qu'il me soit pourtant permis d'en rappeler quelques-uns : ceux qui ont trait au niveau aquifère portlandien de la Meuse, aux alluvions de l'ancienne Moselle à Pagny-sur-Meuse, ses études hydrogéologiques, ses revisions de la carte géologique de France et surtout ses mémorables recherches sur la houille en Lorraine, à la suite desquelles toutes ses prévisions se trouvèrent réalisées avec une précision qui tenait du merveilleux. Savant, il le fut dans toute l'acception du mot. Il était plein de cet enthousiasme scientifique qui anime le chercheur et qui, de tout temps, fut la source première de tant de belles découvertes. Passionné pour sa science de prédilection, il communiquait sa passion de la géologie à son entourage, et son laboratoire était un véritable foyer scientifique. Non seulement on y travaillait avec ardeur, non seulement on y formait des adeptes, mais encore, de tous les points de la région, on venait y prendre l'avis du maître, on venait consulter l'aimable oracle, toujours prêt à rendre service, parfois au prix de bien des fatigues.

Quant au zèle professoral de Nicklès, un de ses effets les plus saillants a été la création de notre Institut de géologie. Il voulait développer l'enseignement de la géologie appliquée et particulièrement de la prospection minière, branche trop peu ou trop superficiellement enseignée en France. Dans son patriotisme, il souffrait de voir les compagnies financières françaises aller quérir des prospecteurs étrangers, souvent allemands, pour les gîtes miniers de France et des colonies. Et, pour lutter contre cet envahissement progressif des prospecteurs sortis de Freiberg notamment, il rêvait la création de cet enseignement de géologie appliquée, consacré par le diplôme d'ingénieur-geologue, que seule l'Université de Nancy peut délivrer jusqu'à présent. Aussi, quelle fut la joie de notre ami lorsque, le 30 mars 1908, le conseil de notre Université combla ses vœux, en décidant la création d'un Institut de géologie ; lorsqu'en 1910 les services de la géologie émigrèrent rue de Strasbourg ; lorsqu'enfin, en 1911, grâce à de nouvelles libéralités de notre généreuse alliée, la Société industrielle de l'Est, les travaux d'aménagement du musée géologique furent entrepris. Nous savons comment ces travaux furent menés à bonne fin et comment Nicklès s'est voué de toute son âme à la prospérité de son Institut. Jusqu'à son dernier souffle, il a occupé sa pensée et avant-hier encore, c'est-à-dire après son décès, je recevais une lettre, assurément bien émouvante, où il m'expliquait ses projets.

Cette année 1911, que, je viens de citer, a marqué dans la vie de notre distingué collègue. Outre qu'elle l'a fait assister à la réalisation de son rêve : l'installation d'un Institut de géologie, elle lui a apporté une promotion de classe au choix ; mais surtout elle l'a vu lauréat de deux beaux prix : le prix Gosselet et le prix Joseph Labbé.

Le prix Gosselet, décerné par la Société géologique de France, fut fondé en 1910 par le savant géologue Gosselet, pour favoriser les progrès de la science géologique. C'est avec les considérations les plus flatteuses que Nickles a été choisi, en 1911, pour la première attribution de ce prix, sur le rapport de M. Termier.

Quant au prix Joseph Labbé. l'Académie des Sciences l'a décerné à Nicklès dans sa séance du 31 juillet 1911 pour sa campagne de sondages entreprise en Meurthe-et-Moselle, en vue de la recherche du prolongement du bassin houiller de Sarrebrück, en territoire français, et les résultats auxquels elle a abouti. Nulle œuvre, en effet, ne pouvait mieux répondre aux intentions des fondateurs du prix, qui sont la Société des Aciéries de Longwy et la Société anonyme métallurgique de Gorcy, et qui ont voulu récompenser surtout les auteurs de « travaux géologiques ou de recherches ayant efficacement contribué à mettre en valeur res richesses minières de la France, de ses colonies et de ses protectorats ». Le prix est biennal et c'est la seconde fois qu'il était décerné.

Pendant cette terrible guerre, notre cher collègue a d'abord mis un dévouement sans bornes au service des ambulances. Puis, en l'absence de ses collaborateurs, qui sont ou prisonniers ou au moins mobilisés, il a assuré le fonctionnement des cours, conférences et travaux pratiques de géologie ; dans cette tâche énorme, il a trouvé une aide efficace dans le zèle intelligent de son garçon de laboratoire Bernez. Enfin, et surtout, il a rendu les plus grands services à la défense nationale. A chaque instant, et jusqu'à ces jours derniers, vendredi encore, l'autorité militaire est venue lui demander des renseignements utiles à la défense. En toutes circonstances, Nickles a apporté tout ce qu'il avait de cœur à la résolution des problèmes qui lui étaient soumis et à la documentation des officiers qui venaient le consulter. Je sais d'ailleurs combien son concours était apprécié.

Les collections du Musée de géologie sont particulièrement précieuses à cet effet. Quand un officier a vu, dans une des vitrines, le terrain de son secteur, il sait ce qu'il y a dessous : fait capital pour l'eau potable, pour la guerre souterraine et autres applications.

Des renseignements, d'une nature plus confidentielle ont du reste été demandés à notre savant collègue et fournis par lui à la défense nationale.

Telle fut, bien sommairement, la carrière de René Nicklès. Mais j'ai à cœur de dire encore ce qu'était l'homme.

D'une conscience scrupuleuse, d'une délicatesse infinie, d'une très grande modestie, il était bon, serviable, discret. En empruntant les termes d'une lettre qui m'était adressée hier, j'ajouterai que chacun appréciait son exquise urbanité, sa simplicité parfaite, sa bonne humeur souriante. Comme l'a dit un industriel de l'Argonne, dont Nicklès avait eu l'occasion d'étudier les terrains, il était un savant, mais un savant bien français.

Ce sont là les vertus qui faisaient le charme de notre ami.

Ces vertus, son talent, qui l'avait élevé aux premiers rangs parmi les géologues de notre pays, nous font ressentir bien douloureusement sa perte. Avec lui, une force a disparu de notre Faculté et dans la science.

Adieu, cher collègue et ami. En dépit des soins de tous les instants que vous prodiguait une admirable épouse, la mort, non contente de faucher tant des nôtres sur les champs de bataille, est venue vous ravir prématurément, sur cette douce terre familiale de Dommartemont, que vous aimiez tant. Du moins, votre vie est-elle d'un bel exemple, et, si vous teniez de votre père, vos chers enfants auront de qui tenir aussi. [...]


Extrait des Cahiers de François de WENDEL :

Le 30 juillet 1911, lors d'un banquet des anciens élèves de l'Ecole des mines, à Nancy, René Nicklès lui parle du musée de géologie de Nancy ; Wendel répond : je ne donnerai rien tant qu'on ne décorera pas nos ingénieurs aussi bien que ceux des mines voisines