La série Responsabilité & Environnement publie trimestriellement des dossiers thématiques sur des sujets concernant les risques, le développement durable ainsi que l’énergie et les matières premières. Piloté par un spécialiste du secteur sous l’égide du Comité de rédaction de la série, chaque dossier présente une large gamme de points de vue complémentaires, en faisant appel à des auteurs issus à la fois de l’enseignement et de la recherche, de l’entreprise, de l’administration ainsi que du monde politique et associatif. Voir la gouvernance de la série
Jacques VERNIER Président du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT)
Des progrès considérables contre la pollution industrielle ont été faits au cours de ces six dernières décennies, il faut bien le reconnaître. En ce qui concerne la pollution atmosphérique, par exemple, les poussières blanches autour des cimenteries, les rejets de fluor des usines d’aluminium de la Maurienne, les rejets de métaux des usines de plomb-zinc du Nord-Pas-de-Calais, les poussières brunâtres de la sidérurgie, les odeurs dégagées par les usines de pâte à papier, les raffineries de pétrole, voire les usines agroalimentaires ne sont plus qu’un mauvais souvenir. Certaines des usines très polluantes du siècle dernier ont certes disparu, mais avant même leur disparition, des progrès avaient été spectaculaires : notons par exemple la performance des cimenteries qui, de 1960 à 1990 avaient diminué leur rejet de poussières de 99 % ou celle des usines d’aluminium qui avaient diminué leur rejet de fluor de 98 %. L’article de la présente revue consacrée à l’évolution des principaux polluants atmosphériques pendant la période suivante, de 1990 à 2022, montre que les progrès se sont poursuivis et que les rejets de certains polluants clés, comme l’oxyde de soufre, se sont effondrés.
Par Philippe MERLE Ingénieur général des Mines, membre permanent du Conseil général de l’Économie
Qu’est-ce qu’une industrie propre ? La question qui fournit le titre à ce numéro n’a à l’évidence pas de réponse absolue. Tout au plus peut-on tenter de répondre aux questions « qu’est-ce qu’une industrie suffisamment propre » ou « qu’est-ce qu’une industrie comparativement propre ». En France, le sujet de la pollution industrielle relève depuis plus d’un siècle du régime des installations classées, primitivement « établissements dangereux, incommodes et insalubres ». C’est dans ce corpus réglementaire que la France a transposé, quand l’Europe s’est intéressée au sujet, les directives d’abord sectorielles, puis unifiées à partir de 2010, traitant de cette importante question.
Joel BARRE Délégué Interministériel au Nouveau Nucléaire, en charge de la supervision des programmes industriels de nouveau nucléaire en France
La France entretient avec l’énergie nucléaire un rapport sans équivalent parmi les autres pays du monde. Depuis l’impulsion donnée par le Général de Gaulle aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, avec l’ordonnance du 18 octobre 1945 créant le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA), en passant par le plan Messmer lancé en 1974, jusqu’à l’annonce d’un programme de construction de réacteurs nucléaires faite par le président de la République à l’occasion de son discours du 10 février 2022 à Belfort, le nucléaire occupe une place de premier plan dans la politique énergétique française.
Certes, les trois dernières décennies ont été moins porteuses pour l’atome en France et ont pu faire croire que le sort du nucléaire était en sursis. Dans un contexte de relative abondance énergétique et de moindre préoccupation quant à la souveraineté énergétique, les accidents de Tchernobyl (1986) et Fukushima (2011) ont conduit une part croissante de l’opinion publique, en France et dans le monde, à s’opposer au nucléaire comme source d’énergie. Le changement de cap s’est opéré en plusieurs étapes au cours des dernières années : d’abord le discours du président de la République au Creusot en décembre 2020 indiquant que l’avenir énergétique de la France passait par le nucléaire et lançant le projet de nouveau porte-avions à propulsion nucléaire, puis la remise par EDF à l’État d’une proposition concernant la construction de 6 réacteurs de technologie EPR2 à l’été 2021, confortée par l’étude technico-économique « Futurs énergétiques 2050 » publiée par RTE à l’automne 2021, et enfin le discours de Belfort en février 2022 traçant la perspective d’un programme de construction de 6 réacteurs de type EPR2, porté par EDF, et la mise à l’étude de la construction de 8 réacteurs additionnels.
Par Vincent LE BIEZ Adjoint au Délégué interministériel au nouveau nucléaire
Et Paul de LAPEYRIÈRE Chargé de mission à la Délégation interministérielle au nouveau nucléaire
Après un hiver pour l’industrie nucléaire, long de presque trois décennies dans les pays occidentaux, l’heure serait-elle venue du « nouveau nucléaire » ? Ce terme recouvre en pratique plusieurs réalités : de nouveaux réacteurs, dits de troisième génération, dont la technologie est déjà maîtrisée et qui répondent à de fortes exigences de sûreté, des réacteurs de technologies nouvelles, dites de quatrième génération visant à utiliser plus efficacement les ressources en matières fissiles et à générer moins de déchets nucléaires, ou encore des réacteurs de petite taille (SMR) dont le modèle économique est basé sur la production de série plutôt que sur l’effet de taille qui avait prévalu jusqu’alors.
Le nouveau nucléaire se distingue du nucléaire existant, c’est-à-dire la base installée (principalement au cours des décennies 1970 à 1990) qui est la deuxième source mondiale d’électricité décarbonée derrière l’hydroélectricité (mais la première en Europe, aux États-Unis ou au Japon) et dont la prolongation de la durée de vie en toute sûreté représente un défi industriel et énergétique majeur. C’est ce qu’on appelle le Grand Carénage pour le parc nucléaire français d’EDF, avec l’ambition d’amener les réacteurs actuels à 60 ans et au-delà. S’il n’en sera pas question dans le présent numéro des Annales des Mines, il est important de préciser que les enjeux et la dynamique nouvelle en faveur du nucléaire ne se réduisent pas au nouveau nucléaire