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N° 140 - Juin 2020
La gestionnarisation des forces armées
Par Sophie LEFEEZ
Ancienne officier de l’armée française,
Chercheuse associée à l’IRIS (Institut des relations internationales et stratégiques) et au CERREV (Centre de Recherche Risques et Vulnérabilités de l’Université de Caen)
L’introduction de la rationalité managériale au sein des armées françaises date du début du XXIe siècle. Elle se caractérise par une multiplication des textes réglementaires et l’instauration d’outils de comptage et de mesure, des pratiques de flux tendu et des regroupements destinés à réduire la quantité de ressources employées. Pour garantir la performance des armées face à n’importe quel adversaire à moindre coût, les matériels comportent une architecture modulaire apte à recevoir le kit approprié à la situation, tandis que les servants sont invités à suivre le geste prescrit et se font aider d’intelligence artificielle. Dans l’idéal gestionnaire, l’interchangeabilité des hommes comme des matériels serait totale. Mais cette armée se retrouve enserrée dans un étau de normes de plus en plus souvent issues du civil. Toute déviance au mode commun étant désormais mal perçue, en proie à l’exigence biopolitique de faire vivre, les spécificités militaires sont plus difficilement reconnues et acceptées, questionnant l’opérationnalité, voire l’existence même, de l’armée.
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N° 140 - June 2020
“Managizing” the armed forces
Sophie Lefeez,
former French army officer, associate researcher at IRIS (Institut des Relations Internationales et Stratégiques) & CERREV (Centre de Recherche Risques et Vulnérabilités, Caen University).
Since the introduction at the turn of the century of a managerial rationality in the French armed forces, there has been: a multiplication of regulatory texts, the adoption of tools for counting and measuring, the implementation of just-in-time procedures and the conduct of many a reorganization in order to reduce the quantity of resources that are used. To see to the low-cost performance of the armed forces when faced with any adversary, materials have been designed for modules so that the modules can be assembled in kits to suit the situation. Meanwhile, “servants” are invited to adhere to prescribed routines and are assisted by artificial intelligence. Under this “managizing” ideal, the interchangeability of men and materials is total. However this army is locked in a straitjacket of norms and standards increasingly buckled by civilians. Any deviancy from the ordinary is now frowned upon and has fallen prey to biopolitical requirements. Meanwhile, the specific nature of the military is hardly recognized or accepted; the operational effectiveness of the armed forces is at stake, and their very existence is under question.
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