Né le 17/10/1849 à Vaugirard.
Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1870). Ingénieur civil des mines. Il fut admis aux cours préparatoires le 6/9/1869 (classé 20) puis à l'Ecole d'ingénieurs le 18/7/1870 (classé 13). Il redouble sa 1ere année mais est admis à sauter la 2ème année et obtient le diplôme le 10/6/1873 (classé 8).
Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, Juillet-août-septembre 1921 :
Comme beaucoup des camarades de notre génération, Henri Stévenin fut appelé, au début et à la fin de sa carrière, à servir la patrie attaquée et envahie ; il le fit avec une énergie et un patriotisme qui ont été l'une des caractéristiques de sa vie.
En 1870 il était à l'Ecole des Mines quand éclata la guerre. Il n'avait guère plus de vingt ans. Il n'hésita pas, s'engagea au 18e bataillon des Mobiles de la Seine et fit courageusement son devoir au siège de Paris.
En 1914, sous-directeur des Chemins de fer du Nord de l'Espagne, il vit partir aux armées ses deux fils et son gendre. L'aîné, notre camarade André Stévenin, suivant l'exemple de son père, s'engagea, fut promu officier d'artillerie et mérita sa croix de guerre à Verdun.
Henri Stévenin, lui, dut se résigner à rester hors de France pour servir sa patrie loin des siens, dans un pays dont il avait la douleur de voir la population acclamer bruyamment ceux dont elle saluait les succès comme des victoires définitives.
Il demeura à son poste pour y défendre les intérêts français dont il avait la garde, alors que l'influence allemande s'insinuait toujours plus arrogante dans toutes les parties de l'Espagne. Il souffrit profondément de cet exil dans ce pays inconscient de ses véritables intérêts, et dont seul le Roi comprenait ce que serait pour son pays la victoire de l'Allemagne.
Quand, le 1er janvier 1919, profondément atteint dans sa santé, Stévenin se décida à prendre sa retraite, il put du moins se retirer la tête haute, avec le sentiment qu'il avait fait son devoir jusqu'à l'extrême limite de ses forces.
Alors qu'il était encore à l'Ecole, Henri STÉVENIN eut la douleur de perdre son père et fut appelé inopinément à devenir le soutien de sa mère et d'un frère plus jeune que lui.
Les ressources de la famille étaient modestes. Aussi, sans perdre un jour, dès la fin des examens, chercha-t-il, à la Compagnie de l'Est, un modeste poste de début qui lui permit, en restant à proximité de Paris, de ne point s'éloigner des siens, dont il était le soutien et le conseiller.
Une des nombreuses petites Compagnies de chemins de fer que créaient à cette époque des groupes financiers, souvent plus hardis que prudents, lui donna, en 1877, l'occasion de sortir du rang et d'améliorer quelque peu sa situation. La Compagnie d'Orléans a Châlons le chargea d'étudier le tracé d'une partie de son réseau et le nomma ingénieur chef du service du matériel et de la traction.
La multiplicité des questions de tracé, de construction, comme aussi d'administration et de finances, qui se présentaient dans ces petits réseaux, dont l'avenir était en butte à bien des difficultés, fut pour Stévenin une rude mais salutaire école.
L'instabilité de l'avenir de cette petite Compagnie le décida à répondre (janvier 1881) à un appel qui lui fut adressé par la Compagnie des Hauts Fourneaux, Forges et Fonderies de Stenay dans les Ardennes.
Dans cette voie toute nouvelle, où il pouvait appliquer beaucoup des connaissances qu'il avait acquises sur les bancs et dans les laboratoires de notre Ecole, il rencontra des difficultés nombreuses.
Après quelques années d'un développement intense, la métallurgie traversa une crise profonde. Les vastes plans Freycinet subirent des réductions, dont les effets furent désastreux pour beaucoup d'usines métallurgiques. Celle que dirigeait Stévenin fut atteinte, elle aussi.
Une fois de plus il dut regarder courageusement autour de lui. Les aptitudes qu'il avait montrées à la Compagnie des Chemins de fer d'Orléans à Châlons le désignèrent pour occuper le poste de chef d'exploitation de la Compagnie des Chemins de fer de Salamanque à la frontière du Portugal et de Salamanque a Médina. Il eut à organiser l'exploitation de ces chemins de fer.
Trois ans après il était chargé de la direction des Chemins de fer de l'Est de l'Espagne, avec résidence à Valence, et quand, en 1893, cette Compagnie fut rachetée par la Compagnie du Nord de l'Espagne, Stévenin fut appelé par cette Compagnie au poste important d'adjoint à la direction.
Pendant ces longues années passées en Espagne, Stévenin s'efforça de contribuer au développement des œuvres françaises, écoles, sociétés de bienfaisance, chambre de commerce de Valence, dont il fut le président pendant plusieurs années. Il attira à ce titre l'attention du ministre du commerce qui, à maintes reprises, recourut à ses lumières au moment du remanieinent des traités de commerce.
Alors qu'il se considérait comme fixé pour longtemps en Espagne, où il avait su se faire estimer et aimer de tous, et particulièrement de ses ouvriers, dont il prévenait les mouvements et apaisait les réclamations, tout en maintenant intacts les principes d'autorité, déjà si ébranlés, Stévenin fut sollicité d'aller en Russie, à Tver, sur le Haut-Volga, prendre la direction d'un grand atelier de construction de matériel de chemin de fer à peine achevé et dont la mise en marche n'était pas sans présenter de sérieuses difficultés.
La situation critique au milieu de laquelle se débattaient à ce moment les Chemins de fer Espagnols arrêtait tous les travaux et faisait ajourner les améliorations les plus indispensables. Ne sachant ce que réservait l'avenir, Stévenin consentit avec beaucoup de regrets à quitter l'Espagne qu'il aimait et en l'avenir de laquelle il avait confiance. Il se décida à répondre à l'appel qui lui venait de Russie. Il réussit à triompher de beaucoup de difficultés du début, mais il regrettait toujours cette Espagne où il avait passé les plus belles années de sa vie, et quand la situation de l'Espagne parut devenir meilleure, il ne put résister à l'offre qui lui fut faite d'un poste d'ingénieur-conseil aux Andalous. Il donna sa démission de la direction du Haut-Volga (1905) ; mais, entre temps, les vues du Conseil s'étaient portées d'un autre côté. D'autres situations lui furent offertes en Russie, mais il préféra retourner dans la Péninsule, où trois compagnies lui offrirent en même temps des postes d'avenir.
Il prit la direction de la Beira Alta.
Deux années ne s'étaient pas écoulées que la Compagnie du Nord de l'Espagne lui offrait le poste important de sous-directeur. Il accepta (1907) et consacra les douze dernières années de sa carrière industrielle aux améliorations que réclamait cet important réseau de près de 4.000 kilomètres.
Il réalisa pendant cette période une œuvre considérable, introduisant les puissantes locomotives de 120 tonnes, les grands wagons de 40 tonnes, les voitures à intercirculation et à boggies, qui permirent de réaliser des vitesses jusqu'alors inconnues en Espagne.
Sur son initiative furent installés les appareils de sécurité et furent améliorées les principales gares du réseau.
Les nécessités du service ne l'absorbaient pas entièrement et il trouvait encore du temps à consacrer, comme jadis à Salamanque et à Valence, aux œuvres françaises à Madrid. Il fut nommé vice-président de la Société Française de Madrid.
Aimant le pays où il résidait, il s'efforçait sans cesse de mieux faire connaître et aimer son pays d'origine. Il s'était et il trouvait encore du temps à consacrer à Madrid, comme jadis à Salamanque et à Valence, aux œuvres françaises. Il crée autour de lui des relations d'amitié qui lui étaient précieuses. Aussi fut-il profondément affligé de voir, dès la guerre déclarée, la brusque et brutale évolution progermanique de toute la société ; pendant quatre longues années, son âme de patriote lutta et chercha à réagir. Mais, tant de souffrances usèrent prématurément une santé qu'il n'avait jamais su ménager.
Quelques mois après l'armistice, le 1er janvier 1919, il résiliait ses fonctions et rentrait en France.
Il n'y jouit que peu du repos qu'il avait bien mérité et il succombait le 11 novembre 1920.
Le gouvernement espagnol avait reconnu l'importance des services rendus à ce pays, en le nommant successivement, commandeur d'Isabelle la Catholique (1887), commandeur de Charles III (1908), grand-croix de l'ordre du Mérite Militaire (1911). Le gouvernement français l'avait nommé chevalier de la Légion d'honneur.
Ces récompenses avaient été pour lui de précieux encouragements à continuer son active carrière. Mais ce qui lui causait une satisfaction bien plus réelle, à tous les moments de sa carrière, ce fut de sentir l'affection et la reconnaissance de ceux dont il avait guidé les débuts, encouragé les efforts et récompensé les succès.
Henri Stévenin a été un les bons artisans de l'influence française à l'étranger. Son souvenir y survit, entouré de respect.