Publié dans Annales des Mines, juillet 1958 :
M Jean RATY, Président de la Chambre Syndicale de la Sidérurgie Française, est mort le 20 juin 1958, d'une maladie qui l'avait terrassé en pleine activité, deux ans et deux mois après la disparition, en pleine action aussi, de Pierre RICARD, auquel il avait succédé à cette Présidence, après lui avoir, avant la guerre, ouvert les portes de l' Industrie.
Avec lui disparaît l'une des personnalités dominantes de l'Industrie française dans laquelle sont action s'était d'année en année étendue; mais quelle qu'en fussent devenues l'étendue et la variété, Jean RATY restait avant tout Maître de Forges et Lorrain.
Lorrain, il était de ces hommes de la frontière dont le sens national imprègne toutes les fibres. Au surplus, né à Saulnes le 1er juillet 1894, il entra dans sa vie d'homme par la porte des combats. Il venait d'achever ses mathématiques spéciales au Lycée Saint-Louis, quand éclata la guerre de 1914. Parti fantassin, il demanda à passer dans l'aviation. Pilote de chasse, trois fois cité, abattu blessé derrière les lignes allemandes, chevalier de la Légion d'Honneur à titre militaire, il resta jusqu'à la fin aviateur dans l'âme, pilotant lui-même, encourageant par des prix qu'il créa, et dont l'un porte son nom, les jeunes pilotes, donnant à l'Aéro-Club dont, à sa mort, il était Vice-Président, l'appui le plus sûr et le plus constant.
Maître de Forges il le fut très jeune à la Société des Hauts Fourneaux de Saulnes, fondée par son grand-père et où il débuta au sortir de la guerre et dont il devint bientôt le Directeur-Gérant.
Producteur de fonte, il put suivre, dans la période de reconstruction, puis d'expansion qui succéda aux hostilités, le développement des besoins qui se manifestaient en matière de fonte pour bâtiments. Il créa, en 1929, la Société Générale de Fonderie, qui devint le centre d'un vaste regroupement d'entreprises - manifestant déjà le sens que son fondateur eut, très tôt, de la nécessité de grands ensembles industriels en un temps où le progrès technique multiplie ses exigences comme ses dons, et où l'élargissement des marchés ne fait qu'intensifier la concurrence.
Il devint en 1931 Administrateur de la Société des Aciéries de Longwy; il en devint Président en 1940, et lorsqu'en 1953, la Société des Aciéries de Longwy, avec Senelle-Maubeuge et Escaut-et-Meuse, donna naissance à Lorraine-Escaut, M. Jean RATY fut appelé à la Présidence de la nouvelle Société.
De cette entreprise dont la production d'acier atteignait, en 1957, 1.700.000 tonnes, il s'appliqua, en particulier, à développer la position dans la fabrication des tubes, au moment où, précisément, la possibilité de faire face à tous les projets de construction de pipe-lines allait apparaître non seulement comme la condition de la meilleure circulation des hydrocarbures liquides en France, mais comme celle de la mise en valeur des gisements découverts dans le Sahara.
Il était naturel qu'il fût appelé à des responsabilités débordant le cadre de ses entreprises propres, si étendues fussent-elles. Et ce qui doit être particulièrement mentionné dans les Annales des Mines, c'est qu'avant d'être appelé à la tête de la Chambre Syndicale de la Sidérurgie Française, il avait été de 1941 à 1949, Président de la Chambre Syndicale des Mines de Fer de France. Comme tel, après la tragique période de l'occupation où il joua, dans la défense du patrimoine national, un rôle qui n'est pas près d'être oublié, il eut à affronter les problèmes de la reconstitution industrielle du bassin lorrain. Ce fut sous sa présidence que fut mis au point et réalisé par l'effort combiné des Sociétés exploitantes, le programme triennal 1945-1948 et que s'engagea le programme 1949-1952, qui, selon les termes mêmes du rapport de la Chambre Syndicale des Mines de Fer de France, « devait appliquer aux mines la révolution technique résultant de la mécanisation généralisée du travail de fond ». Ainsi M. Jean RATY s'est-il trouvé à l'origine de cet effort qui place le bassin lorrain « au niveau des exploitations américaines quant à la mécanisation du chargement, à la production fond et jour par ouvrier et aussi quant à la productivité globale ».
La Chambre Syndicale des Mines de Fer de France l'avait d'ailleurs appelé à sa Présidence d'Honneur lorsqu'en 1949, il en résigna la Présidence effective.
M. Jean RATY était Commandeur de la Légion d Honneur, Officier de l'Ordre de Léopold et titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.